Les
citoyens doivent aussi changer d’état d’esprit.
Par
Christian Fremaux avocat honoraire et élu local.
Quand on
suit l’actualité de notre beau et vieux pays comme le dénommait le général de
Gaulle on est sidéré par tant de polémiques vaines ; de discussions
inutiles dont la conclusion change au
fil de la journée ou du lendemain ; de revirements spectaculaires (M.Cohn-Bendit
se revendique désormais gaulliste !) ou de trahisons justifiées par des
motifs aussi farfelus qu’intéressés (certains maires prennent des étiquettes nouvelles ,celles
présumées les plus porteuses pour gagner les futures municipales, bonjour les
convictions) ; et de pertes de temps à essayer de convaincre ceux qui
refusent de l’être et se méfient de tout sauf de leurs propres
certitudes ; enfin de la propension à exiger par des manifestations
souvent violentes des réformes nécessaires et argumentées par de multiples
expertises et par la situation financière du pays, à condition qu’elles ne les concernent pas
personnellement mais qu’elles impactent les autres qui n’ont qu’à payer ou subir.
Que sont devenues les notions de retenue et
patience, de solidarité, de partage, de tolérance, d’objectivité et d’intérêt
général ? On a parfois des surprises, des changements comme M.Macron qui a
choisi une autre solution pour la réforme des retraites que celle négociée
depuis des mois par M.Delevoye : mais attendons le projet définitif. Cela peut rappeler et
conduire à Waterloo : la garde meurt mais ne se rend pas, et Napoléon
attendait Grouchy or ce fut Blücher. Certes c’est parfois pire ailleurs. Mais
notre société va mal psychologiquement : on est passé du burn- out à des
crises d’épilepsie. Le citoyen se roule par terre s’il n’obtient pas tout, tout
de suite. On n’attend plus la réponse à
la question qui est une injonction. On proteste par avance, on crie à
l’inégalité et à l’oppression, on accuse l’autre surtout les dirigeants de
vouloir tout casser pour fournir des bénéfices aux plus riches.
On est quasiment revenu à la lutte des
classes, aux intérêts des corporations ou des communautés. Il n’y a plus de ciment
qui conforte, de sentiment d’appartenance à une entité soudée dans une cohésion
sociale. L’émotion l’emporte sur la raison – comme pour le problème des
migrants et l’islam en France qui devrait s’intégrer dans le cadre de la
laïcité comme la religion catholique et les autres cultes, ce qui apaiserait
déjà les esprits - et l’empathie sert de politique. On dénonce, on invective,
et on cloue au pilori médiatique. Si on se trompe on ne s’excuse pas, on passe
à autre chose en laissant la victime se débrouiller car il n’y a jamais de
fumée sans feu.
L’historien américain Francis Fukuyama après
la chute du mur de Berlin avait prédit la fin de l’histoire et l’instauration
du modèle occidental de démocratie libérale. Il s’est trompé. Les populismes
règnent. Certains en France veulent une démocratie directe participative où le
peuple par nature pur et compétent gouvernerait, sans se souvenir des régimes
soviétiques, maoïstes ou chinois et sans compter les dictatures et les
théocraties où la parole de dieu remplace la loi. On rejette tout régime représentatif,
avec des élections libres au cri du tous pourris ou simplement profiteurs. Mais on ne dit pas précisément par quoi et
comment remplacer la démocratie représentative, et quelle voie économique peut
produire les richesses qu’il faut redistribuer. Les économistes y compris les
prix Nobel que l’on voit s’exprimer un peu partout sont perdus entre l’offre et
la demande, Milton Friedmann et John keynes
(lire Alain Minc) et n’ont plus de modèle pertinent.
Marx et le collectivisme sont morts et
enterrés, et le libéralisme /capitalisme en manque de globules a besoin de
vitamines et d’un profond lifting. Il faut inventer du nouveau et créer une
start-up de l’économie moderne. Peut- être que Tocqueville avait des idées et à
défaut au secours trouvons le bon expert avec des
idées applicables celles qui permettent de trouver l’équilibre entre les
volontés contradictoires des citoyens, entre l’Etat qui garantit et favorise
les initiatives et celui qui protège et dirige tout, en n’ayant pas le seul
intérêt matériel comme horizon. Comment
exercer le pouvoir et avec quelles boussoles ? C’est grave docteur que nos
dirigeants ne sachent plus où donner de la tête, creusent des trous comme le
sapeur Camember pour combler des vides, et ne répondent qu’à l’urgence.
Quelles
options choisir puisque gouverner c’est prévoir. On veut une société plus
ouverte, fondée sur les technologies et le plaisir de l’individu qui comme un
enfant doit obtenir ce qu’il veut, même si la majorité est réticente ou
n’accepte pas. Tant pis pour ceux qui ne vivent pas en ville, roulent au diesel
par nécessité, reçoivent internet par intermittence et n’ont pas de travail
dans l’économie mondiale, et on exige la satisfaction de revendications
humaines spécifiques dans le domaine biologique ou autre, naturellement
remboursées par la sécurité sociale. On fait assumer son désir par la collectivité.
Le voisin devient suspect s’il ne
partage pas les mêmes valeurs et la violence est un simple moyen de faire céder
qui résiste.
Bien sûr on
dénonce les violences policières, puisque celles des manifestants ou des
protestataires de tout poil sont forcément justes et nécessaires. Les maires
sont bons à jeter car ils empêchent de faire ce que l’on veut et ils ont le
culot de vouloir faire respecter la loi et les décisions du conseil municipal.
On s’étonne ensuite que les vocations pour les futures municipales soient en diminution,
sauf pour les partisans politiques et ceux qui savent tout ou veulent imposer
leurs principes de vie. On va dans le
mur en klaxonnant. Une fois qu’on a dit cela que faire ?
Il va bien
falloir que l’on retrouve du bon sens, de l’autorité qui n’est pas de
l’autoritarisme, des valeurs qui sont communes, et des règles de droit
impératives. C’est comme si dans un match de foot il n’y avait pas d’arbitre ni
de règlement, qu’on ne savait pas s’il y a hors-jeu, pénalty ou non, que
certains joueurs s’arrêtaient pendant le match pour leurs croyances
personnelles pendant un moment, qu’hommes et femmes étaient séparés dans les
tribunes, et que le score était voté par référendum en direct. Il doit y avoir
respect de la loi, qu’on l’approuve ou non, puisqu’elle est démocratiquement
élaborée et promulguée, sous réserve de l’appréciation ferme de la justice.
Nous sommes tous plus ou moins coupables et
nous devons nous y mettre aussi à abandonner un peu de nos droits et exigences
au profit des devoirs dont on ne parle jamais, de l’intérêt général et de la
sécurité globale. Les menaces graves sont partout et un drame peut arriver à
tout moment, par un individu, un groupe ou la nature. Nous devons faire preuve de beaucoup plus de
civisme. « Notre maison brûle » avait dit le président Chirac en
parlant du climat. Le président Macron a repris la formule mais il faut
l’étendre à tout ce qui ne va pas dans la société. Les pompiers qui sont scandaleusement
régulièrement agressés comme les médecins et les policiers, ne peuvent être
partout dans tous les secteurs de la vie. Nous devons prendre nos
responsabilités car nous avons notre destin
en main et nous participerons chacun à l’échec ou à la réussite qui ne peuvent
qu’être collectifs. Soyons adultes ce qui n’empêche pas de défendre ses propres
intérêts et agissons. Il ne me plait pas de me faire tancer par une fillette de
16 ans la petite Greta, gamine sans savoirs ni légitimité, manipulée, et vêtue
d’un manteau vert de martyr de la planète trop grand pour elle. Va-t-on pousser le ridicule à lui donner un
prix par avance puisque c’est la rentrée scolaire, comme on avait attribué le
prix Nobel de la paix au président Obama deux jours après qu’il ait pris le
pouvoir pour la première fois. On a vu la suite.
Nous devons donc collectivement changer d’état
d’esprit. Certes la classe politique qui se succède depuis des années, quelle
que soit la politique choisie, n’a pas réussi à régler les problèmes
économiques et sociaux, auxquels s’y sont ajoutés la querelle sur le climat,
l’immigration sauvage et des problèmes sociétaux. D’où la vague de dégagisme,
les électeurs croyant qu’en changeant les têtes tout s’améliorerait. Mais on a
les dirigeants que l’on mérite et que l’on a choisi librement et si le vote des
législatives de 2017 a donné quatre grandes tendances dont deux extrêmes,
comment faire la synthèse ? Les citoyens ont donc une part de
responsabilité dans la situation actuelle, outre leurs exigences particulières,
et il faut que globalement nous nous ressaisissions. Les élus qui essaient de
faire plaisir à un maximum de gens ne sont pas coupables de tout, les torts sont
partagés. Il faut le reconnaitre et pour chacun d’entre nous revenir à plus de
modération sachant que l’Etat n’est pas magicien ou sur- puissant et qu’il faut
bien prendre l’argent chez certains si l’on veut faire des réformes efficaces
puisque on ne veut pas toucher aux dépenses publiques pour ne peiner
personne !
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