samedi 7 septembre 2019

justice politique


Justice politique
      Par Christian Fremaux avocat honoraire et élu local.

Le lider maximo français tendance bolivarienne M.Jean-luc Mélenchon revient d’une tournée en Amérique du sud et centrale comme une star du show business. Il faut reconnaitre l’exploit : il a réussi à rencontrer des personnalités de premier plan dont le nouveau chef d’Etat du Mexique, et il a terminé en rendant visite dans sa prison, ce qui n’est pas donné à tout le monde, à l’ancien président du Brésil que l’on appelle simplement Lula qui est détenu pour quelques années, qu’il considère comme innocent et donc un prisonnier politique ! Les tribunaux brésiliens auraient donc jugé volontairement de façon partiale et éliminé arbitrairement un candidat à une élection politique. C’est la thèse de M. Mélenchon que je ne partage pas car on ne connait pas les faits réels ni le dossier judiciaire de M. Lula et on ne peut critiquer la justice brésilienne en lui faisant un procès d’intention.
Les relations entre M. Macron et le président actuel du Brésil ne sont pas au beau fixe, mais M. Mélenchon a eu l’élégance de dénoncer les insultes à l’encontre de Brigitte Macron. Je le félicite mais ce n’est pas ce que j’ai retenu des déclarations à l’emporte pièce de notre insoumis. Ce sont ses remarques sur la justice et le parallèle qu’il a fait avec M. Lula qui m’ont chagriné. M. Mélenchon n’est pas un ancien président de la république comme Lula et son égo judiciaire devrait redescendre de plusieurs crans car n’est pas non plus le capitaine Dreyfus qui veut.
 J’avais déjà écrit sur mon blog le 23 mars 2019 un article sur les liens entre la justice et l’exécutif ou les politiques, son indépendance fragile et toujours suspecte à propos de l’affaire Benalla / Crase et de trois hauts fonctionnaires de l’Elysée quand le sénat après avoir enquêté avait transmis le dossier au procureur de la république. J’avais rappelé la présomption d’innocence notamment et que le parlement était dans son rôle de contrôle. En effet on avait crié à l’immixtion de la haute chambre dans le fonctionnement de la présidence de la république et M. Ferrand (qui doit lui- même répondre à des juges pour une affaire personnelle) président de l’assemblée nationale avait déclaré que saisir la justice était « un coup politique ». Le temps a passé, des poursuites se sont arrêtées pour les hauts fonctionnaires et les juges d’instruction font leur travail. Avant de crier au scandale ne pourrait- on pas attendre que la justice se prononce ? En réalité on veut une justice indépendante-celle qui comprend et exonère- pour soi et ses amis, mais pas pour ses adversaires.  M. Mélenchon a réouvert une fois de plus le débat.
M. Mélenchon est prévenu de divers délits et va comparaitre prochainement devant le tribunal correctionnel de Bobigny à la suite de la perquisition qui a eu lieu dans ses locaux et qui ont été filmés en direct par lui notamment. On peut dire qu’il a perdu ses nerfs selon les images qu’on a vu en boucle mais c’est humain et seul un tribunal peut dire en droit s’il a commis des infractions ou non. Une tentative de même nature a échoué chez Médiapart qui a pu s’y opposer. La police n’a pas insisté et ce média a assigné l’Etat en faute par la suite.   Une perquisition est un acte judiciaire juridiquement très encadré, et il y en a de nombreuses chaque année qui concernent toutes sortes d’individus et de dossiers plus ou moins importants. C’est une décision d’un juge d’instruction et elle est prévue à l’article 56 et suivants du code de procédure pénale. Il faut donc qu’il y ait d’abord des faits qui sont reprochés à celui qui va subir une perquisition sur lesquels un juge indépendant puisqu’il s’agit d’un juge d’instruction et non un membre du parquet, enquête. Pour M. Mélenchon et son parti, la France insoumise il s’agit de savoir si des fonds publics ont été détournés ou pas. Attendons la fin de l’enquête et revenons au scandale dénoncé par celui qui hurlait qu’il était -à lui seul- la république. 
Depuis plusieurs décennies désormais les politiques ont des ennuis judiciaires et les médias s’en délectent, ce qui renforce la méfiance entre le peuple et ceux qu’on appelle souvent abusivement des élites. On ne supporte plus les trains de vie somptuaires payés par le contribuable, les petits arrangements entre amis et leurs familles ; l’impunité qui semble régner et on veut l’application stricte du principe d’égalité bon pour les puissants aussi. Si la justice doit passer elle doit être impartiale pour tous : il n’y a pas de plus égaux que d’autres et la démocratie a besoin que ses serviteurs soient irréprochables. Mais on a la république que l’on mérite et il appartient au citoyen de savoir choisir et de ne pas en rajouter dans les divisions et les polémiques partisanes. On a besoin d’union.
Pourquoi un homme ou une femme politique (car certaines sont aussi poursuivies) auraient-ils un privilège celui de ne pas pouvoir être suspectés dans leurs activités quand elles ne se confondent pas avec l’exercice de leurs fonctions publiques, ou que dans le cadre de celles-ci si des infractions semblent exister ? On a souvent entendu que la légitimité des politiques venait de l’élection par le peuple, qui  était le vrai juge et que la justice n’avait pas à s’immiscer entre eux et les électeurs.  Avec toutes les affaires qui éclatent régulièrement cet argument est moins vivace mais il est avancé sous une autre forme. On soutient que le pouvoir se sert de la justice pour empêcher un politique d’agir ou d’être élu. M. Fillon, qui va comparaitre devant un tribunal correctionnel dans les mois qui viennent avait commencé à soutenir cette argumentation pendant la campagne présidentielle de 2017, où il a dû renoncer en raison de l’action du parquet national financier. J’admets que les magistrats ont fait fort et qu’ils auraient pu bien avant poursuivre ou attendre pour des faits très anciens qui étaient selon certains a priori un « usage familial » au parlement. La justice dira si l’usage devenu immoral est illégal, mais c’est un autre sujet. 
L’immunité parlementaire est une disposition du statut des parlementaires qui a pour objet de les protéger dans le cadre de leurs fonctions d’une mesure d’intimidation quelconque ou d’empêchement. Elle est prévue à l’article 26 alinéas 2,3,4 de la Constitution. Elle n’est pas absolue. Un parlementaire peut être poursuivi pour des activités extra -parlementaires détachables de ses fonctions. Mais une mesure « coercitive » (privation de liberté, arrestation) nécessite la mainlevée de son immunité par ses pairs. Cette protection est personnelle liée à sa seule personne et ne s’applique ni à sa famille, ni à des tiers fussent-ils complices de surcroit.  Elle ne s’étend ni à son domicile ni à son lieu de travail et une perquisition est donc légale. Un parlementaire peut aussi être entendu comme témoin ou être mis en examen par un juge d’instruction.
M. Mélenchon exagère (mais c’est consubstantiel à son tempérament) en parlant de justice politique dont le terme est l’apanage des régimes dictatoriaux.  Il n’y a en France ni police politique (comme dans certains des pays que M. Mélenchon soutient) ni justice politique, c’est à dire des juges nommés et inféodés au pouvoir en place qui ont pour unique mission systémique de condamner les opposants. Certes chez nous des juges qui sont des hommes et des femmes avec leurs défauts et leurs qualités ont des opinions partisanes mais leur seul devoir est d’appliquer le droit dans l’intérêt et au nom du peuple français. Ne pas croire en la justice, c’est menacer les institutions et affaiblir la démocratie qui ne vit bien que dans la sérénité et l’égalité et le respect des lois sans oublier la fraternité principe que le conseil constitutionnel a érigé dernièrement en valeur supérieure.
M. Mélenchon ne craint ni la prison ferme ni une peine de prison avec sursis très sévère assortie d’une inéligibilité, ramenons les faits à leur petite importance. D’ailleurs peut être sera -il   relaxé et il pourra dire que la justice est indépendante, ou sera-t-il condamné pour le principe à une peine d’amende je pense symbolique ou un petit sursis pour l’exemple. Rien ne l’empêchera de continuer à battre l’estrade.  Il verra alors ce que cela fait d’être puni comme un justiciable ordinaire et il ne manquera pas comme parlementaire de voter une réforme de la justice pour que celle ci- soit forte, dotée de vrais moyens de telle sorte que le quidam obtienne vite une décision. Une « justice politique » Mélenchoniste non, mais oui pour la justice tout court en se rappelant que la politique c’est participer à un gouvernement du peuple pour le peuple. 

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