Justice
politique
Par Christian Fremaux avocat honoraire et élu local.
Le lider maximo
français tendance bolivarienne M.Jean-luc Mélenchon revient d’une tournée en
Amérique du sud et centrale comme une star du show business. Il faut
reconnaitre l’exploit : il a réussi à rencontrer des personnalités de
premier plan dont le nouveau chef d’Etat du Mexique, et il a terminé en rendant
visite dans sa prison, ce qui n’est pas donné à tout le monde, à l’ancien
président du Brésil que l’on appelle simplement Lula qui est détenu pour
quelques années, qu’il considère comme innocent et donc un prisonnier
politique ! Les tribunaux brésiliens auraient donc jugé volontairement de
façon partiale et éliminé arbitrairement un candidat à une élection politique.
C’est la thèse de M. Mélenchon que je ne partage pas car on ne connait pas les
faits réels ni le dossier judiciaire de M. Lula et on ne peut critiquer la
justice brésilienne en lui faisant un procès d’intention.
Les
relations entre M. Macron et le président actuel du Brésil ne sont pas au beau
fixe, mais M. Mélenchon a eu l’élégance de dénoncer les insultes à l’encontre
de Brigitte Macron. Je le félicite mais ce n’est pas ce que j’ai retenu des
déclarations à l’emporte pièce de notre insoumis. Ce sont ses remarques sur la
justice et le parallèle qu’il a fait avec M. Lula qui m’ont chagriné. M. Mélenchon
n’est pas un ancien président de la république comme Lula et son égo judiciaire
devrait redescendre de plusieurs crans car n’est pas non plus le capitaine
Dreyfus qui veut.
J’avais déjà écrit sur mon blog le 23 mars
2019 un article sur les liens entre la justice et l’exécutif ou les politiques,
son indépendance fragile et toujours suspecte à propos de l’affaire Benalla /
Crase et de trois hauts fonctionnaires de l’Elysée quand le sénat après avoir
enquêté avait transmis le dossier au procureur de la république. J’avais
rappelé la présomption d’innocence notamment et que le parlement était dans son
rôle de contrôle. En effet on avait crié à l’immixtion de la haute chambre dans
le fonctionnement de la présidence de la république et M. Ferrand (qui doit lui-
même répondre à des juges pour une affaire personnelle) président de
l’assemblée nationale avait déclaré que saisir la justice était « un coup
politique ». Le temps a passé, des poursuites se sont arrêtées pour les
hauts fonctionnaires et les juges d’instruction font leur travail. Avant de
crier au scandale ne pourrait- on pas attendre que la justice se
prononce ? En réalité on veut une justice indépendante-celle qui comprend
et exonère- pour soi et ses amis, mais pas pour ses adversaires. M. Mélenchon a réouvert une fois de plus le
débat.
M. Mélenchon
est prévenu de divers délits et va comparaitre prochainement devant le tribunal
correctionnel de Bobigny à la suite de la perquisition qui a eu lieu dans ses
locaux et qui ont été filmés en direct par lui notamment. On peut dire qu’il a
perdu ses nerfs selon les images qu’on a vu en boucle mais c’est humain et seul
un tribunal peut dire en droit s’il a commis des infractions ou non. Une
tentative de même nature a échoué chez Médiapart qui a pu s’y opposer. La
police n’a pas insisté et ce média a assigné l’Etat en faute par la suite. Une perquisition est un acte judiciaire
juridiquement très encadré, et il y en a de nombreuses chaque année qui
concernent toutes sortes d’individus et de dossiers plus ou moins importants. C’est
une décision d’un juge d’instruction et elle est prévue à l’article 56 et
suivants du code de procédure pénale. Il faut donc qu’il y ait d’abord des
faits qui sont reprochés à celui qui va subir une perquisition sur lesquels un
juge indépendant puisqu’il s’agit d’un juge d’instruction et non un membre du
parquet, enquête. Pour M. Mélenchon et son parti, la France insoumise il s’agit
de savoir si des fonds publics ont été détournés ou pas. Attendons la fin de
l’enquête et revenons au scandale dénoncé par celui qui hurlait qu’il était -à
lui seul- la république.
Depuis
plusieurs décennies désormais les politiques ont des ennuis judiciaires et les
médias s’en délectent, ce qui renforce la méfiance entre le peuple et ceux
qu’on appelle souvent abusivement des élites. On ne supporte plus les trains de
vie somptuaires payés par le contribuable, les petits arrangements entre amis
et leurs familles ; l’impunité qui semble régner et on veut l’application
stricte du principe d’égalité bon pour les puissants aussi. Si la justice doit
passer elle doit être impartiale pour tous : il n’y a pas de plus égaux
que d’autres et la démocratie a besoin que ses serviteurs soient irréprochables.
Mais on a la république que l’on mérite et il appartient au citoyen de savoir
choisir et de ne pas en rajouter dans les divisions et les polémiques
partisanes. On a besoin d’union.
Pourquoi un
homme ou une femme politique (car certaines sont aussi poursuivies) auraient-ils
un privilège celui de ne pas pouvoir être suspectés dans leurs activités quand elles
ne se confondent pas avec l’exercice de leurs fonctions publiques, ou que dans
le cadre de celles-ci si des infractions semblent exister ? On a souvent
entendu que la légitimité des politiques venait de l’élection par le peuple,
qui était le vrai juge et que la justice n’avait pas à s’immiscer
entre eux et les électeurs. Avec toutes
les affaires qui éclatent régulièrement cet argument est moins vivace mais il
est avancé sous une autre forme. On soutient que le pouvoir se sert de la
justice pour empêcher un politique d’agir ou d’être élu. M. Fillon, qui va
comparaitre devant un tribunal correctionnel dans les mois qui viennent avait
commencé à soutenir cette argumentation pendant la campagne présidentielle de 2017,
où il a dû renoncer en raison de l’action du parquet national financier. J’admets
que les magistrats ont fait fort et qu’ils auraient pu bien avant poursuivre ou
attendre pour des faits très anciens qui étaient selon certains a priori un « usage
familial » au parlement. La justice dira si l’usage devenu immoral est
illégal, mais c’est un autre sujet.
L’immunité
parlementaire est une disposition du statut des parlementaires qui a pour objet
de les protéger dans le cadre de leurs fonctions d’une mesure d’intimidation
quelconque ou d’empêchement. Elle est prévue à l’article 26 alinéas 2,3,4 de la
Constitution. Elle n’est pas absolue. Un parlementaire peut être poursuivi pour
des activités extra -parlementaires détachables de ses fonctions. Mais une
mesure « coercitive » (privation de liberté, arrestation) nécessite
la mainlevée de son immunité par ses pairs. Cette protection est personnelle
liée à sa seule personne et ne s’applique ni à sa famille, ni à des tiers
fussent-ils complices de surcroit. Elle
ne s’étend ni à son domicile ni à son lieu de travail et une perquisition est
donc légale. Un parlementaire peut aussi être entendu comme témoin ou être mis
en examen par un juge d’instruction.
M. Mélenchon
exagère (mais c’est consubstantiel à son tempérament) en parlant de justice
politique dont le terme est l’apanage des régimes dictatoriaux. Il n’y a en France ni police politique (comme
dans certains des pays que M. Mélenchon soutient) ni justice politique, c’est à
dire des juges nommés et inféodés au pouvoir en place qui ont pour unique
mission systémique de condamner les opposants. Certes chez nous des juges qui
sont des hommes et des femmes avec leurs défauts et leurs qualités ont des
opinions partisanes mais leur seul devoir est d’appliquer le droit dans l’intérêt
et au nom du peuple français. Ne pas croire en la justice, c’est menacer les
institutions et affaiblir la démocratie qui ne vit bien que dans la sérénité et
l’égalité et le respect des lois sans oublier la fraternité principe que le
conseil constitutionnel a érigé dernièrement en valeur supérieure.
M. Mélenchon
ne craint ni la prison ferme ni une peine de prison avec sursis très sévère
assortie d’une inéligibilité, ramenons les faits à leur petite importance.
D’ailleurs peut être sera -il relaxé et
il pourra dire que la justice est indépendante, ou sera-t-il condamné pour le
principe à une peine d’amende je pense symbolique ou un petit sursis pour l’exemple.
Rien ne l’empêchera de continuer à battre l’estrade. Il verra alors ce que cela fait d’être puni comme
un justiciable ordinaire et il ne manquera pas comme parlementaire de voter une
réforme de la justice pour que celle ci- soit forte, dotée de vrais moyens de
telle sorte que le quidam obtienne vite une décision. Une « justice
politique » Mélenchoniste non, mais oui pour la justice tout court en se
rappelant que la politique c’est participer à un gouvernement du peuple pour le
peuple.
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