La désobéissance
individuelle ou collective mâtinée de violences est un danger mortel.
Par
Christian Fremaux avocat honoraire et élu local.
La violence prétendument
justifiée par des motifs objectifs et recevables (ou non) s’est imposée comme
une caractéristique de notre vie en société. On ne discute plus on cogne ;
on ne négocie plus on détruit ; on ne respecte plus l’individu on le
frappe ; tout ce qui représente l’autorité n’est plus un adversaire mais
un ennemi à éliminer ou à corriger. En général ce n’est pas efficace car aucun
gouvernement ne peut céder à la force dans une démocratie où il y a des
instances de dialogue, des corps intermédiaires et représentatifs, dans un état
de droit. Mais parfois cela paie partiellement car on a peur du peuple, des passer
pour des antidémocrates qui méprisent l’expression populaire ou qui refusent la
justice sociale.
C’est ainsi que l’on a désormais les samedis
des manifestations dont les slogans sont aussi contradictoires que farfelus
pour certains, qu’on n’en voit pas la fin puisque le président de la république
sauf surprise que je ne peux imaginer, ne va pas démissionner ; que des
grèves et blocages divers vont s’y ajouter, et que la cohorte des mécontents de
toute nature va former un bloc -on espère pas un black-bloc - pour s’opposer à
tout ce qui les dérange personnellement et menace leurs privilèges et confort,
puisqu’ ils détiennent eux seuls la vérité et les solutions pour réformer le
pays sans que personne ne soit perdant,
et à moindre coût dans le cadre de la transition écologique et de la société
numérique et transhumaine. On marche à l’émotion,
à la satisfaction des désirs individuels, à la tyrannie des minorités et de
l’audimat, à l’urgence et à l’absence de règles puisque toute interdiction est
une provocation personnelle.
Je doute qu’une société qui doit vivre de compromis,
d’équilibre entre les contradictions, et qui doit défendre l’intérêt général, puisse
progresser dans ces conditions où les droits effacent les devoirs, ou toute
décision publique est immédiatement contestée, où une minorité agissante ou un groupuscule
défendant le bien défini par lui-même exige sa réalisation, ou la transparence
anéantit jusque la vie privée, et où la morale remplace la loi ou les principes
intangibles. Tout se vaut, et tout peut être remis en cause à partir de raisons
personnelles.
Une démocratie est pourtant fragile, un grain
de sable peut la bloquer et la transformer en anarchie - le général de Gaulle
parlait de chienlit - et aboutir à ce que l’on ne veut pas : un régime
populiste, de type autoritaire. A force de tirer sur la corde elle casse, et
parfois l’histoire repasse les plats. Il ne faut pas avoir la mémoire courte. L’homme est ce qu’il est avec son côté sombre
et il ne faut pas croire que le pire ne peut pas arriver.
Il faut donc
réfléchir et privilégier la raison sans abandonner son intérêt personnel et la
défense de ses droits dans le cadre d’une justice sociale et d’une nation
solidaire. Ne jamais être satisfait et demander l’impossible n’est pas être réaliste.
C’est mettre de l’huile sur le feu, créer de faux espoirs et donc décevoir.
C’est négatif et dangereux.
On a ressorti un vieux concept qui est devenu
une arme de revendication et de chantage massif : la désobéissance. On l’a entendu et vu sur un pont à Paris où
des citoyens s’étaient couchés et attachés pour défendre la planète, sans
déclaration préalable ni autorisation naturellement car pourquoi suivre la
loi ? et ont refusé de se disperser ce qui a entrainé l’intervention que
l’on a dit musclée de la police qui a utilisé du gaz pulvérisé au visage, au
grand scandale des gentils écologistes et des médias pour quelques heures
indignés.
La désobéissance
civile combat l’autorité de la délibération publique. Cette forme de résistance
passive -que finance un milliardaire américain aux USA - consiste à refuser d’obéir
aux lois délibérées et votées démocratiquement et à écarter les jugements
d’ordre civil. Des citoyens mus par des motivations éthiques ou prétendues
telles (que la majorité n’approuve pas de son côté ou ne connait pas)
transgressent délibérément de manière publique, pacifique dans l’intention –
qui se caractérise par de la violence en fin de compte - une loi en vigueur [lire
John Rawls 1971 théorie de la justice]. On se rappelle les campagnes de désobéissance
civile en Afrique du sud de 1949 à 1952, et de l’action aux USA de Martin
Luther King (1929-1968). La situation est- elle aussi critique en France en
2019 même si le réchauffement climatique mérite qu’on agisse ? On ajoute
dans cette pratique au civisme la notion de « civilité » entendue
comme du savoir-vivre (ensemble).
La désobéissance
civique qui est une notion quasi similaire se distingue cependant de la civile
car elle se heurte à la démocratie classique représentative qui incarne la
majorité du peuple. Des minorités agissantes veulent avoir raison et
déstabilisent les institutions. C’est le refus de vote, le rejet de toutes
directives publiques, de la loi… Sans avoir la moindre légitimité, on fait
passer son avis avant celui des autres et son intérêt personnel avant l’intérêt
général. On veut être aussi vigie auto-proclamée, lanceur d’alerte que
d’ailleurs désormais la loi protège. Le cadre légal est abandonné.
Ce genre de désobéissance
menace le système institutionnel et la confiance envers ceux qui ont été élus
pour gouverner. On revient à la loi du plus fort, le faible n’est plus rien, l’élu
est suspect, alors qu’il va de soi que tout abus doit être puni et que le soupçon
permanent ne fait pas avancer les choses. On ne peut se contenter d’être
contre. Il faut faire des propositions concrètes seule solution pour qu’il y
ait du progrès et moins d’injustice ou d’anomalies. L’individu n’est pas roi et le peuple qui a
coupé la tête à Louis XVI est le souverain dans sa majorité. Personne n’a le monopole du peuple, ou de la
vérité ou du bien. On participe tous. On ne peut avoir raison sur tout et tout
le temps. Pour les enfants désobéir est un vilain défaut, un manque d’éducation.
Pour les adultes individuellement ou en petit nombre collectivement désobéir
est mettre en danger la cohésion nationale et la nation, et est péril mortel
pour la démocratie. Quant à la violence elle est inacceptable sous toutes ses
formes et quel qu’en soit le motif. La fraternité, la tolérance, et le débat démocratique
même incisif doivent s’imposer.
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