Une
justice révolutionnaire ?
Par christian fremaux avocat honoraire et
élu local.
L’actualité
enchante le justiciable que je suis et invite à réfléchir sur la justice. La
mise en scène de la comparution les 19 et 20 septembre de M.Mélenchon et ses
amis députés ou militants devant le
tribunal correctionnel de Bobigny pour les faits que tout le monde a vu à la
télévision lors de la perquisition des locaux de la France insoumise, est digne
de Feydeau car les portes claquent et les répliques font rire. M.Mélenchon affirme avec gravité que la justice est politique et qu’il y a un complot contre lui,
comme il y en a eu un pour Lula l’ex président de la république brésilienne qui
lui dort en prison et qu’on veut l’écarter de la vie publique. Il a accusé Mme
Belloubet garde des sceaux d’avoir déclenché la perquisition et de guider les
juges. C’est grave docteur.
M. Mélenchon
porte l’écharpe tricolore de député et continue à dire qu’il est à lui tout
seul la république, qu’il en est le bruit et la fureur. Pauvre république si
elle est ainsi incarnée. Mais surtout M.Mélenchon conteste la régularité
des procédures qui l’ont conduit devant un tribunal et c’est son droit d’y
croire ,on verra ce que les juges décident, et profère diverses affirmations
qui montrent quelle genre de justice il voudrait lui que se dit innocent et au
pire d’avoir répondu à l’agression de l’Etat représenté par les policiers et
les procureurs : il était en
légitime défense. Il voudrait une justice du peuple dont ses représentants élus
seraient exonérés qui renverse les grands principes mais uniquement en faveur
de ceux qui croient à la révolution car ils ont raison en tout et qui ne
prendraient pas de gant pour les adversaires forcément réactionnaires,
corrompus et coupables.
Et si
M.Mélenchon avait raison ?. Et s’il fallait tout changer en matière de justice
pour faire plaisir au peuple ou croire que c’est ce qu’il veut et qui au nom de
l’égalité et de ce qui est juste aime bien que les puissants paient leurs
turpitudes. Et si nous devions reconstruire une justice révolutionnaire avec
des principes innovants ? C’est dans cet état d’esprit que je me suis
couché et que j’ai rêvé. Pardonnez mon humour noir et peut être déplacé mais à
notre époque tout se dit ce qui est d’ailleurs le problème puisque tout se
vaudrait et les réseaux sociaux ne sont pas les derniers à délirer alors que
souvent la réalité dépasse la fiction.
On le vit en
direct avec l’insoumis en chef qui a déclaré tout de go au président du
tribunal : « accuser un insoumis de délit de rébellion c’est un pléonasme » bon mot qui a dû entrainer des rires dans la salle,
mais qui révèle le fond de la croyance de l’illustre prévenu : tout lui
est permis, il n’est pas obligé de respecter la loi ou quiconque qui est
l’autorité ; son comportement de
citoyen qui devrait être exemplaire comme député n’appartient qu’à lui, il est
son propre juge puisque il bénéficie de l’onction du suffrage universel. Dans mon
sommeil j’ai imaginé ce que peut être M.Mélenchon souhaiterait.
Puisque la
justice s’intéresse aux hommes et aux femmes politiques, sauf pour les purs et
durs comme M.Mélenchon qui détient la vérité mettons les tous en prison qu’ils soient coupables
avérés ou non pour quelques jours seulement, à titre de travaux pratiques comme
s’ils faisaient un stage en entreprise. S’ils sont ensuite déclarés innocents,
ils auront acquis de l’expérience de terrain ce qui en politique est toujours
utile. M.Mélenchon serait le camarade de
cellule de M.Balkany ; M.Fillon parlerait avec son vieil ami
M.Sarkozy ; M.De Rugy (bien que non poursuivi pour ses homards)
partagerait la cantine avec M.Ferrand qui lui a succédé comme président de
l’assemblée nationale ; M.Bayrou pourrait contrôler la propreté des
établissements avant de redevenir garde des sceaux comme il le souhaite, et je
laisse à chacun désigner tel coupable putatif idéal, de l’ancien monde comme du
nouveau. Être détenu incite à l’aveu on le sait et on aurait peut-être des révélations
croustillantes que l’on n’avait pas imaginées.
Des gilets
jaunes ont demandé que les ministres et parlementaires soient payés au smic
pour qu’ils comprennent que les fins de mois se terminent parfois juste après
les 15 premiers jours et qu’ainsi ils prennent la mesure de la vie
réelle. Je ne crois pas que la démagogie
et l’envie paient mais pourquoi pas dans le désordre actuel. J’ai donc rêvé que
pour M.Mélenchon il devrait en être de même pour ses adversaires et que
l’enfermement était un bon moyen de faire réfléchir nos élites, pour qu’ensuite
ils réforment concrètement la justice
dans l’intérêt aussi des misérables .Et j’ai continué dans ma fièvre en pensant
au bout de la logique. Je suais, je me tournais dans mon lit et j’avais peur.
Pourquoi garder la présomption d’innocence qui
ne sert qu’à perdre du temps et en fait gagner à ceux qui méritent l’opprobre
publique ? Quand le tribunal médiatique a fait comparaitre ses
victimes sans les entendre, n’a pas vérifié les faits mais que des
auto-proclamés experts sans connaitre le dossier ont prononcé un verdict de
culpabilité pourquoi attendre que la vraie justice se prononce des mois ou des
années après ? Le peuple est pressé et à besoin de responsables en réalité
de boucs émissaires et la révolution fait naitre des martyrs. Etablissons la
présomption de culpabilité puisqu’un vrai innocent arrive facilement à
démontrer qu’il n’est pas coupable. Le doute ne doit pas lui profiter puisque la
société a forcément raison et les destins individuels doivent céder devant
l’intérêt général du peuple et sa satisfaction morale. Dans mon rêve je voyais
M.Mélenchon faire son auto-critique ce qui est normal pour un trotskiste mais
s’indigner que des juges bourgeois et aux ordres ne le croient pas sur parole.
On devrait aussi pouvoir enregistrer à son insu n’importe qui qualifié de traître
ou renégat, et faire de la caméra cachée la base des procédures. Cela éviterait
de discuter sur des preuves recevables ou non. Certes M.Mélenchon conteste les images
diffusées en direct et le film de sa
perquisition car les médias
peuvent réaliser des montages et tout trafiquer . Les images
« mentent » a-t-il dit. Les policiers ne l’ont pas salué
réglementairement, ô horreur … Je rêvais que big brother était au pouvoir et je
ne voulais plus me lever. On n’aurait plus besoin de juges qui disent le droit.
La rumeur, la bonne foi de témoins ou non, ou d’accusateurs insoumis
n’appartenant pas aux élites suffiraient et permettraient d’établir l’acte
d’accusation. Les avocats seraient interdits et là je me suis réveillé. Une
justice révolutionnaire à la Mélenchon c’est à voir mais supprimer le pain des
avocats c’est inadmissible !
J’ai alors
écouté la radio et j’ai entendu M.Mélenchon devant la presse plaider pour lui-même.
Il est innocent il faut le croire car on veut l’éliminer de la politique.
On a voulu confisquer le fichier du parti qu’il entendait protéger : c’est
une bonne action qui légitime tout. Il faut que la justice le reconnaisse et le
relaxe.
La procureure
a ramené dans ses réquisitions les faits misérables à leurs justes proportions
en réclamant trois mois avec sursis contre le rebelle et des amendes pour les
autres prévenus. C’est presque par cette
modestie une insulte à la grandeur de l’immense personnalité poursuivie.
M.Mélenchon soulagé d’être toujours éligible- aucune peine d’inéligibilité
n’ayant d’ailleurs jamais été envisagée ! - a immédiatement crié victoire
et a considéré que la modération du parquet prouvait qu’il avait raison. Il est
vraiment « indécrottable ». On constate que la justice ne veut
pas faire un exemple du député et qu’elle est indépendante et humaine.
On verra ce que les juges du siège décideront.
En attendant j’ai passé une mauvaise nuit peuplée de cauchemars.