Par Christian FREMAUX avocat
honoraire et élu local.
L’actualité nous réserve parfois de bonnes
surprises à l’occasion de ce qui n’était pas prévu.
Ce fut le cas lundi 18 juin date historique pour ceux qui
ont de la mémoire et de la reconnaissance dans ce prétendu nouveau monde qui va vite, qui
réconcilie d’un seul coup le coréen Kim et l’américain Donald, qui crée la polémique sur l’Aquarius bateau d’une ONG
qui estime détenir la vérité sur ce
qu’il faut faire avec les migrants, et j’en passe. Mais il ne faut pas donner plus d’importance
que cela n’en vaut à des faits divers quotidiens qui sur le moment irritent,
mais ne changent pas la face du monde ni
le nez de Beppe Grillo et de ses alliés, ou autre dirigeant atypique dans le monde ou chez nous, et il y a le choix
. Ces épiphénomènes témoignent cependant
d’un état d’esprit qui dérive et qui
pourrait devenir inquiétant, où tout se vaut, où le respect est rangé au
magasin des périmés ou des hors service,
et où les rapports humains n’ont plus de sens . Pierre Desproges
disait que l’on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui. Notre Président
de la République peut- il être un homme comme un autre ? Ce n’est pas une
question du bac. Mais une interrogation qui répond à la péripétie du jour. Qui a pris une tournure juridique voire
judiciaire, on n’est plus à une incohérence potentielle.
Nous étions donc lundi 18 juin 2018
au mont Valérien haut lieu de la résistance. Le Président Macron venait de
rendre hommage à ceux qui se sont sacrifiés et ont souffert dans leur chair
pour que nous puissions vivre libres, tout contester en faisant la grève même
quand la loi est votée, vouloir rejouer mai-68 mais exiger en même temps de pouvoir passer les épreuves du bac , car il
ne faut pas insulter l’avenir, et le président venait de promouvoir grand-croix
de la légion d’honneur M.Daniel Cordier -97 ans-alias Caracalla dans la
résistance, secrétaire du Préfet jean Moulin dit Max chargé d’unifier les réseaux français pendant
la guerre à la demande du général de Gaulle (aurait il supporté que l’on l’apostrophe
par un « salut charlot comment vas-tu » ? alors qu’à son époque
existait le délit d’offense au chef de l’Etat), Jean moulin héros
et symbole du résistant aux nazis, à la barbarie, au racisme, qui fut trahi à
Caluire, torturé par la gestapo et qui est mort
pour la France. Je n’y insiste pas, avec les camps de concentration, et
la barbarie qui continue à exister actuellement
dans certaines parties du monde. Je me souviens c’est tout. Avec la Marseillaise et le chant des
partisans qui ont retenti c’est dire que le moment était au recueillement et au
sérieux, et qu’il ne s’agissait pas de se moquer ou d’ironiser ou de vouloir
faire le malin. Beaucoup de jeunes de
15-20 ans environ assistaient à la
cérémonie et l’un d’entre eux, bon chic bon genre élève de 3ème
je crois, s’est distingué en saluant le président d’un désinvolte
« ça va manu ? ». L’insolent a été surpris car le chef de l’Etat
a répondu sèchement et l’interpellateur qui devait être fier de son
« courage » ne devait pas s’attendre à une reprise de volée (nous
sommes après Roland-Garros et pendant le mondial de foot qui intéresse les
jeunes comme les ainés) , et il a pris une tôle (ce qui vaut mieux que d’aller
en taule). Aux yeux de ses amis il est devenu un bouffon et il parait qu’il le
vit mal : mais il doit aujourd’hui
réfléchir à son audace ce qui pourra lui servir s’il obtient le brevet avec
mention comme lui a conseillé le président, et si plus tard il est un de nos brillants étudiants qui choisissent
le service public et celui de l’Etat. S’il devient haut fonctionnaire il pourra
être quasi insolent avec impunité, passer
du public au privé et inversement, être mauvais
ce qui se voit, voire prêcher sans risque la révolution ; c’est ce
que je pense bien sûr , et peut être aussi M.Macron qui s’y connait en la matière ? Mais
ne soyons pas provocateur. Même si ce
n’est pas le cas la leçon sera
utile. Sur le moment j’ai été énervé et
scandalisé par la quasi « insulte » et je me suis dit que le respect dont se
gargarisent des jeunes qui l’exigent des autres, tout en étant prêt à se battre
pour un regard dit de travers, avait disparu comme la tolérance, le sens
commun, l’intérêt général et autres valeurs. Est-ce le cas et qui est
responsable ? Ou ne suis-je qu’un vieux ringard dépassé par l’air du
temps ce qui est acquis pour d’aucuns? Le président de la République est-
il un citoyen comme un
autre ? un copain que l’on peut tutoyer, ou le
considérer comme un égal ? Le président devait- il être sévère ou faire semblant de n’avoir pas entendu et rire de la proximité
revendiquée?
Puis une polémique a immédiatement
démarré en droit sur la liberté d’expression et
le rapport de force entre le jeune et le président . Les
intellectuels ont voulu se distinguer. Etait-ce bien utile ?
Venons aux faits : au jeune
impertinent qui se croyait son pote le président Macron a répondu en se figeant
et apparemment en colère : « non ,tu m’appelles monsieur ou
monsieur le président de la République…tu es là dans une cérémonie officielle…
quand tu auras ton diplôme et te nourriras par toi même tu pourras donner des
leçons… ». Puis il lui a donné d’une voix radoucie quelques conseils pour
son avenir. Fermez le ban et circulez il n’y a plus rien à voir. J’ai applaudi.
Le jeune fut « scotché » et d’ailleurs s’excusa ce qui prouve qu’il
avait de la réflexion et qu’il avait été insolent de son plein gré mais à son
insu en mélangeant les valeurs et les fonctions. Il est sur le chemin de
l’apprentissage de la vie. Ne l’accablons pas car la faute est vénielle et tout
le monde a commis des erreurs de jeunesse, ou adulte s’est laissé aller à un
faux pas. Mais cet incident qui n’est pas le premier de la part du
président a une signification et a déclenché
une querelle de juristes.
Le président Macron est un coutumier
du fait semble -t -il sans que l’on sache si c’est spontané ou si c’est une
stratégie l’occasion faisant le larron ? . Il va au contact, a du courage
car d’autres serraient les mains … de loin ,et ne se laisse pas faire, ce que
j’approuve à titre personnel. Prenons
quelques exemples non exhaustifs car je ne suis qu’un simple individu et je ne
suis pas dans le secret des dieux malheureusement : à propos de la loi El khomri il avait dit à
un jeune manifestant : « vous n’allez pas me faire peur avec
votre tee- shirt. La meilleure façon de se payer un costard c’est de
travailler ». Lorsqu’il a visité l’Algérie un jeune de 25 ans lui avait
reproché le passé colonial de la France. Il répondit : «mais vous
n’avez jamais connu la colonisation ! Qu’est- ce que vous venez
m’embrouiller avec ça ? ».
Les enseignants notamment, qui vivent des heures
difficiles avec leurs élèves ont du se
réjouir que le président recadre un jeune de la génération « j’ai le
droit »[auteur Mme Barbara Lefebvre. Albin Michel 2018], et la plupart des
parents, en tous les cas ceux qui ne sont pas des nostalgiques de Mai-68 ont probablement
apprécié. Notre société conteste toute hiérarchie ou autorité, même si
elles sont dans l’intérêt général ; chacun vaut l’autre sans
distinction de qualité et de
mérite ; les minorités surtout se font plus entendre que la majorité
(silencieuse) ; les valeurs républicaines
sont contestées dans leur contenu et portée ; il ne faut toucher à aucun pote surtout s’il
a commis une faute voire une infraction sous peine d’être traité de raciste,
ou fasciste (par ceux qui ne l’ont pas connu et qui se
l’imaginent) ; et au nom de l’égalitarisme
tout se vaut dans la confusion
intellectuelle et donc dans l’échec. Ce
sont les prétendus bons sentiments qui doivent prévaloir au lieu de la raison
humaniste, on victimise tout et on culpabilise ceux qui ne veulent pas partager
cette analyse auto proclamée par les bien- pensants. Le président de la
République aurait pu passer, faire semblant de n’avoir rien entendu, et on
aurait glorifié le jeune insolent. Il a au contraire réagi, fait passer un
message, rassuré ceux qui pensent comme lui, et prouvé que le président de la
République mérite respect et considération, même si on n’a pas voté pour lui et
que l’on conteste sa politique. C’est la démocratie.
Il faut dire que l’on revient de loin
et que tout dépend de qui est le président , sa personnalité, son caractère, de
quel camp politique il vient et quelle politique il porte. L’approbation ou non
est à géométrie variable. Rappelons- nous le « casse- toi pauvre
con » de N .Sarkozy et sa volonté de débarrasser au karcher la dalle
d’Argenteuil de ses voyous . Il a trainé ces expressions comme un boulet.
Pourtant avait-il vraiment tort ?
Le Président Hollande affublé du
surnom de flamby par ses proches amis, avait fait le buzz dans le dialogue
surréaliste avec Léonarda qui lui donnait des conseils et des leçons de
gouvernance et de morale. Il fut transparent et l’autorité de l’Etat et de son chef fut
abimée.
Le président Macron excelle dans les
dialogues en direct fussent -ils tendus, et pour affirmer la préséance du président
de la République sur toute autre considération, comme de ne pas répondre quand
il est en visite à l’étranger sur des thèmes qui concernent le débat interne.
Et de remettre aussi à leur place les médias qui se croient tout permis comme
MM.Plenel et Bourdin dernièrement qui l’appelaient effrontément quasiment
Emmanuel ou monsieur Macron alors qu’ils
interrogeaient le président. Ce qui démontre qu’il n’y a pas que les jeunes qui
ne se « sentent » plus, qui ont la grosse tête et qui confondent ce qu’ils sont avec celui
qui a été élu par le suffrage universel. Chacun doit retrouver son rang réel,
en toute humilité.
Le président de la République pour faire
moderne, modeste et branché n’a pas à se laisser entrainer sur
le terrain de la familiarité, qui ne donne pas plus de valeur à ses réponses et
explications, et se mettre au niveau de ceux qui l’interpellent, même des
journalistes ce qui ne grandit pas la
fonction. Le vocabulaire jupitérien me parait préférable car au moins il émane
de celui qui a la responsabilité suprême. Tout le reste n’est qu’égo
insupportable. Les réparties du président me plaisent car elles renvoient au
fond du court ou dans ses buts celui ou celle qui a cru marquer un point
imparable, un ace ou un coup franc direct. Et elles assurent la prééminence du
président qui n’est pas un citoyen comme un autre qui est sommé de rendre des comptes à n’importe qui fût- il
un professionnel de l’information ,
souvent partial car partisan. Merci donc à ce jeune élève qui a demandé à « Manu
»comment il allait ? ce qui a permis de mettre les points sur les i.
Et ne
donnons pas plus de relief à cet incident que le président a décidé de diffuser
en vidéo. Ce n’est pas discutable il en
a le droit puisqu’il s’agit d’un évènement public. Un avocat pénaliste réputé
et spécialiste de cyber -harcèlement a considéré dans le journal 20 minutes que le jeune pourrait éventuellement se plaindre pénalement (à mon avis
juridiquement non ) par la diffusion
mondiale de l’image et du dialogue
émanant de l’Elysée, même si sur le plan civil il n’y a rien à dire, ce qui est
exact. Imagine- t -on le jeune en question déposer plainte pénale pour harcèlement contre le président de la
République (qui bénéficie de l’immunité pénale liée à son mandat d’ailleurs) pour lui
avoir causé préjudice en le « taxant » aux yeux du monde entier, et
parce que le débat n’est pas égal entre un quidam et le président de la
République qui ne combattent pas à armes
égales , et dont la proportion de la défense
à l’attaque (ça va manu) est déséquilibrée
(non , tu m’appelles monsieur le président… ).On n’est pas dans un cas
de légitime défense soyons sérieux.
Le ridicule
heureusement ne tue pas ni en droit ni en fait. Que le jeune vive sa vie et
médite sur ce qu’il lui est arrivé. S’il y a une prochaine fois, ou avec
d’autres responsables qu’il rencontrera,il mesurera ses paroles, et il peut
dire : merci Manu, mais dans son for intérieur.
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