vendredi 22 juin 2018

N’est pas Beaumarchais l’insolent qui veut : ou le président doit il en droit ou en fait encaisser n’importe quelle remarque ou interpellation désobligeantes ?



Par Christian FREMAUX avocat honoraire et élu local.
L’actualité nous réserve parfois de bonnes surprises à l’occasion de ce qui n’était pas prévu.
Ce fut le cas  lundi 18 juin date historique pour ceux qui ont de la mémoire et de la reconnaissance dans ce  prétendu nouveau monde qui va vite, qui réconcilie d’un seul coup le coréen Kim et l’américain Donald, qui crée la polémique sur l’Aquarius bateau d’une ONG  qui estime détenir la vérité sur ce qu’il faut faire avec les migrants, et j’en passe.  Mais il ne faut pas donner plus d’importance que cela n’en vaut à des faits divers quotidiens qui sur le moment irritent, mais ne changent pas la face du monde  ni le nez de Beppe Grillo et de ses alliés, ou autre dirigeant atypique  dans le monde ou chez nous, et il y a le choix . Ces épiphénomènes  témoignent cependant d’un état d’esprit  qui dérive et qui pourrait devenir inquiétant, où tout se vaut, où le respect est rangé au magasin des périmés ou des hors service,  et où les rapports humains n’ont plus de sens . Pierre Desproges disait que l’on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui. Notre Président de la République peut- il être un homme comme un autre ? Ce n’est pas une question du bac. Mais une interrogation qui répond  à la péripétie du jour.  Qui a pris une tournure juridique voire judiciaire, on n’est plus à une incohérence potentielle.
Nous étions donc lundi 18 juin 2018 au mont Valérien haut lieu de la résistance. Le Président Macron venait de rendre hommage à ceux qui se sont sacrifiés et ont souffert dans leur chair pour que nous puissions vivre libres, tout contester en faisant la grève même quand la loi est votée, vouloir rejouer mai-68 mais exiger  en même temps de  pouvoir passer les épreuves du bac , car il ne faut pas insulter l’avenir, et le président venait de promouvoir grand-croix de la légion d’honneur M.Daniel Cordier -97 ans-alias Caracalla dans la résistance, secrétaire du Préfet jean Moulin dit Max  chargé d’unifier les réseaux français pendant la guerre à la demande du général de Gaulle (aurait il supporté que l’on l’apostrophe par un « salut charlot comment vas-tu » ? alors qu’à son époque existait le délit d’offense au chef de l’Etat), Jean moulin   héros et symbole du résistant aux nazis, à la barbarie, au racisme, qui fut trahi à Caluire, torturé par la gestapo et qui est mort  pour la France. Je n’y insiste pas, avec les camps de concentration, et la barbarie qui  continue à exister actuellement dans certaines parties du monde. Je me souviens c’est tout.  Avec la Marseillaise et le chant des partisans qui ont retenti c’est dire que le moment était au recueillement et au sérieux, et qu’il ne s’agissait pas de se moquer ou d’ironiser ou de vouloir faire le malin.  Beaucoup de jeunes de 15-20 ans environ  assistaient à la cérémonie et l’un d’entre eux, bon chic bon genre  élève de 3ème  je crois, s’est distingué en saluant le président d’un désinvolte « ça va manu ? ». L’insolent a été surpris car le chef de l’Etat a répondu sèchement et l’interpellateur qui devait être fier de son « courage » ne devait pas s’attendre à une reprise de volée (nous sommes après Roland-Garros et pendant le mondial de foot qui intéresse les jeunes comme les ainés) , et il a pris une tôle (ce qui vaut mieux que d’aller en taule). Aux yeux de ses amis il est devenu un bouffon et il parait qu’il le vit mal : mais  il doit aujourd’hui réfléchir à son audace ce qui pourra lui servir s’il obtient le brevet avec mention comme lui a conseillé le président, et si plus tard il est  un de nos brillants étudiants qui choisissent le service public et celui de l’Etat. S’il devient haut fonctionnaire il pourra être quasi insolent  avec impunité, passer du public au privé et inversement, être mauvais  ce qui se voit, voire prêcher sans risque la révolution ; c’est ce que je pense bien sûr , et peut être aussi  M.Macron qui s’y connait en la matière ? Mais ne soyons pas provocateur.  Même si ce n’est pas le cas la leçon  sera utile.  Sur le moment j’ai été énervé et scandalisé par la quasi « insulte »    et je me suis dit que le respect dont se gargarisent des jeunes qui l’exigent des autres, tout en étant prêt à se battre pour un regard dit de travers, avait disparu comme la tolérance, le sens commun, l’intérêt général et autres valeurs. Est-ce le cas et qui est responsable ? Ou ne suis-je qu’un vieux ringard dépassé par l’air du temps  ce qui est acquis pour d’aucuns? Le président de la République est- il un citoyen comme un autre ?  un copain que l’on peut tutoyer, ou le considérer comme un égal ? Le président devait- il être sévère ou faire semblant de n’avoir pas entendu  et rire de la proximité revendiquée?
Puis une polémique a immédiatement démarré en droit sur la liberté d’expression et  le rapport de force entre le jeune et le président . Les intellectuels ont voulu se distinguer. Etait-ce bien utile ?
Venons aux faits : au jeune impertinent qui se croyait son pote le président Macron a répondu en se figeant et apparemment en colère : « non ,tu m’appelles monsieur ou monsieur le président de la République…tu es là dans une cérémonie officielle… quand tu auras ton diplôme et te nourriras par toi même tu pourras donner des leçons… ». Puis il lui a donné d’une voix radoucie quelques conseils pour son avenir. Fermez le ban et circulez il n’y a plus rien à voir. J’ai applaudi. Le jeune fut « scotché » et d’ailleurs s’excusa ce qui prouve qu’il avait de la réflexion et qu’il avait été insolent de son plein gré mais à son insu en mélangeant les valeurs et les fonctions. Il est sur le chemin de l’apprentissage de la vie. Ne l’accablons pas car la faute est vénielle et tout le monde a commis des erreurs de jeunesse, ou adulte s’est laissé aller à un faux pas. Mais cet incident qui n’est pas le premier de la part du président  a une signification et a déclenché une querelle de juristes.
Le président Macron est un coutumier du fait semble -t -il sans que l’on sache si c’est spontané ou si c’est une stratégie l’occasion faisant le larron ? . Il va au contact, a du courage car d’autres serraient les mains … de loin ,et ne se laisse pas faire, ce que j’approuve à titre personnel.  Prenons quelques exemples non exhaustifs car je ne suis qu’un simple individu et je ne suis pas dans le secret des dieux malheureusement :  à propos de la loi El khomri il avait dit à un jeune manifestant : « vous n’allez pas me faire peur avec votre tee- shirt. La meilleure façon de se payer un costard c’est de travailler ». Lorsqu’il a visité l’Algérie un jeune de 25 ans lui avait reproché le passé colonial de la France. Il répondit : «mais vous n’avez jamais connu la colonisation ! Qu’est- ce que vous venez m’embrouiller avec ça ? ».
Les enseignants   notamment, qui vivent des heures difficiles  avec leurs élèves ont du se réjouir que le président recadre un jeune de la génération « j’ai le droit »[auteur Mme Barbara Lefebvre. Albin Michel 2018], et la plupart des parents, en tous les cas ceux qui ne sont pas des nostalgiques de Mai-68 ont  probablement  apprécié. Notre société conteste toute hiérarchie ou autorité, même si elles sont dans l’intérêt général ; chacun vaut l’autre sans distinction  de qualité et de mérite ; les minorités surtout se font plus entendre que la majorité (silencieuse) ; les valeurs républicaines  sont contestées dans leur contenu et portée ;  il ne faut toucher à aucun pote surtout s’il a commis une faute voire une infraction sous peine d’être traité de raciste, ou  fasciste  (par ceux qui ne l’ont pas connu et qui se l’imaginent) ;  et au nom de l’égalitarisme tout se vaut  dans la confusion intellectuelle  et donc dans l’échec. Ce sont les prétendus bons sentiments qui doivent prévaloir au lieu de la raison humaniste, on victimise tout et on culpabilise ceux qui ne veulent pas partager cette analyse auto proclamée par les bien- pensants. Le président de la République aurait pu passer, faire semblant de n’avoir rien entendu, et on aurait glorifié le jeune insolent. Il a au contraire réagi, fait passer un message, rassuré ceux qui pensent comme lui, et prouvé que le président de la République mérite respect et considération, même si on n’a pas voté pour lui et que l’on conteste sa politique. C’est la démocratie.
Il faut dire que l’on revient de loin et que tout dépend de qui est le président , sa personnalité, son caractère, de quel camp politique il vient et quelle politique il porte. L’approbation ou non est à géométrie variable. Rappelons- nous le « casse- toi pauvre con » de N .Sarkozy et sa volonté de débarrasser au karcher la dalle d’Argenteuil de ses voyous . Il a trainé ces expressions comme un boulet. Pourtant avait-il  vraiment tort ?
Le Président Hollande affublé du surnom de flamby par ses proches amis, avait fait le buzz dans le dialogue surréaliste avec Léonarda qui lui donnait des conseils et des leçons de gouvernance et de morale. Il fut transparent  et l’autorité de l’Etat et de son chef fut abimée.
Le président Macron excelle dans les dialogues en direct fussent -ils tendus, et pour affirmer la préséance du président de la République sur toute autre considération, comme de ne pas répondre quand il est en visite à l’étranger sur des thèmes qui concernent le débat interne. Et de remettre aussi à leur place les médias qui se croient tout permis comme MM.Plenel et Bourdin dernièrement qui l’appelaient effrontément quasiment Emmanuel  ou monsieur Macron alors qu’ils interrogeaient le président. Ce qui démontre qu’il n’y a pas que les jeunes qui ne se « sentent » plus, qui ont la grosse tête  et qui confondent ce qu’ils sont avec celui qui a été élu par le suffrage universel. Chacun doit retrouver son rang réel, en toute humilité.
 Le président de la République pour faire moderne, modeste  et branché n’a pas à se laisser entrainer sur le terrain de la familiarité, qui ne donne pas plus de valeur à ses réponses et explications, et se mettre au niveau de ceux qui l’interpellent, même des journalistes  ce qui ne grandit pas la fonction. Le vocabulaire jupitérien me parait préférable car au moins il émane de celui qui a la responsabilité suprême. Tout le reste n’est qu’égo insupportable. Les réparties du président me plaisent car elles renvoient au fond du court ou dans ses buts celui ou celle qui a cru marquer un point imparable, un ace ou un coup franc direct. Et elles assurent la prééminence du président qui n’est pas un citoyen comme un autre qui est sommé de  rendre des comptes à n’importe qui fût- il un  professionnel de l’information , souvent partial car partisan. Merci donc à ce jeune élève qui a demandé à « Manu  »comment il allait ? ce qui a permis de mettre les points sur les i.
Et ne donnons pas plus de relief à cet incident que le président a décidé de diffuser en vidéo.  Ce n’est pas discutable il en a le droit puisqu’il s’agit d’un évènement public. Un avocat pénaliste réputé et spécialiste de cyber -harcèlement a considéré dans le journal 20 minutes  que le jeune pourrait éventuellement  se plaindre pénalement (à mon avis juridiquement non )  par la diffusion mondiale  de l’image et du dialogue émanant de l’Elysée, même si sur le plan civil il n’y a rien à dire, ce qui est exact. Imagine- t -on le jeune en question déposer plainte pénale  pour harcèlement contre le président de la République (qui bénéficie de l’immunité  pénale liée à son mandat d’ailleurs) pour lui avoir causé préjudice en le « taxant » aux yeux du monde entier, et parce que le débat n’est pas égal entre un quidam et le président de la République qui ne combattent pas  à armes égales , et dont la proportion de la défense  à l’attaque (ça va manu)  est  déséquilibrée  (non , tu m’appelles monsieur le président… ).On n’est pas dans un cas de légitime défense soyons sérieux.  
Le ridicule heureusement ne tue pas ni en droit ni en fait. Que le jeune vive sa vie et médite sur ce qu’il lui est arrivé. S’il y a une prochaine fois, ou avec d’autres responsables qu’il rencontrera,il mesurera ses paroles, et il peut dire : merci Manu, mais dans son for intérieur.



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