jeudi 8 octobre 2015

Luxembourg contre France : un à zéro.

Luxembourg contre France : un à zéro.

Par Christian FREMAUX, avocat et élu local.

Au moment où l’on commence à débattre dans les cris et l’indignation,  et non avec la raison et une vision pragmatique de la réalité, de la nécessité vitale pour la croissance et dans l’intérêt général  de ceux qui n’ont pas d’emploi, de réformer notre code du travail de près de 10 000 articles sur plus de 3800 pages, la Cour de justice de l’Union Européenne, une des institutions qui siège à Luxembourg vient de rendre un arrêt sur le paiement du temps de travail des travailleurs itinérants ce qui va faire du bruit dans le LANDERNEAU. En effet le droit européen s’impose au droit français et il appartient à chaque Etat membre d’adapter sa législation aux directives et à la jurisprudence européenne  , les règlements  s’appliquant d’office .Déjà ce que l’on appelle vulgairement la « loi » européenne , terme prévu par le traité de LISBONNE  entré en vigueur le 1er décembre 2009 après une ratification par le parlement français- pour éviter que comme en 2005 les français rejettent le traité de ROME par référendum !-c’est-à-dire le corpus de textes émanant des institutions,  régit notre quotidien .Il est de bon ton de dénoncer – surtout pendant les campagnes électorales , et en France il y en a pratiquement chaque année, le mois de décembre prochain concernant les régionales revisitées dans leur configuration-,les oukases des technocrates de BRUXELLES alors même que la France compte parmi les membres de la commission , un commissaire Français, M.MOSCOVICI, ou les décisions votées par le parlement européen qui partage son temps entre BRUXELLES et STRASBOURG, où nous avons 72 députés plus deux  depuis 2014 sur un total de 751 membres, se répartissant dans divers groupes toutes nationalités confondues .Le droit européen est donc aussi une construction française .Je rappelle pour information qu’existe aussi à STRASBOURG une juridiction européenne émanant du CONSEIL de L’EUROPE qui développe une jurisprudence spécifique qui s’impose à nos juridictions.
La Cour de Justice de l’Union Européenne  de Luxembourg veille à ce que la législation de l’Union soit interprétée et appliquée de la même manière par tous les Etats membres, Chaque Etat désigne un juge, et il y a 9 avocats généraux chargés de dire le droit et rappeler la jurisprudence de façon objective .La cour peut, sous certaines conditions  être saisie par des particuliers, des entreprises, diverses entités , et par la voie du recours préjudiciel par une juridiction française qui l’interroge sur un point de droit. Dans l’espèce qui suit c’est une juridiction espagnole qui vient de mettre le feu aux poudres en matière de droit du travail.
La cour de LUXEMBOURG avait été saisie au cours d’un procès devant la cour d’audience nationale de MADRID ,par des entreprises espagnoles : la question posée était de savoir si les déplacements que des travailleurs SANS lieu de travail FIXE ou HABITUEL (et qualifiés de travailleurs itinérants)  effectuent entre leur domicile et le premier ou le dernier client de la journée, constituaient ou non du temps de travail qui doit être rémunéré , au sens de la directive 2003 /88 C .E .du parlement européen et du conseil du 4 novembre 2003 (J.O. L.299 p.9) ?.La cour a répondu OUI. Elle a considéré que ces travailleurs sont à la disposition de leur employeur pendant ce temps de déplacement et qu’ils sont donc au travail.(arrêt C-266/14 Federacion de servicios privados del sindicato comisions obreras c/TYCO integrated security, fire and security corporation servicios SA :communiqué de presse n°99/15 du 10 septembre 2015).
En droit français la conséquence devrait être la suivante : pour les travailleurs itinérants (dont il n’y a pas actuellement pas de définition) , les commerciaux par exemple ? ., le  trajet domicile-lieu de travail n’est pas considéré comme du travail effectif, et n’est pas payé. S’il faut désormais le considérer comme du travail   effectif et le rémunérer, tout en observant la loi sur l’amplitude de la journée (11h) et les fameuses 35 heures que tout travailleur n’accomplit d’ailleurs pas (voir le rapport de la cour des comptes sur certains fonctionnaires), les patrons  vont avoir du soucis car ils vont devoir passer à une caisse supplémentaire, tandis que les travailleurs concernés vont bénir  l’Europe   ..   Vaste débat en perspective dans le contexte actuel sur la réforme du code du travail. Il va donc falloir que le patronat et les syndicats ouvriers se concertent à ce sujet, ou que le gouvernement légifère, à moins que les tribunaux créent une jurisprudence nouvelle en prenant tout le monde de vitesse et en respectant la jurisprudence européenne   , ce qui parait aller de soi. Mais en France on sait botter en touche s’il l faut éviter les « vagues »  ou faire taire des polémiques. La Cour de Luxembourg a un but d’avance. Il appartient à la France d’égaliser, puis  d’innover et  de mettre un deuxième but avec une législation particulière pour les travailleurs itinérants, après avoir défini qui est quoi .Ou..ne  rien faire.


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