Luxembourg
contre France : un à zéro.
Par Christian FREMAUX, avocat et élu local.
Au
moment où l’on commence à débattre dans les cris et l’indignation, et non avec la raison et une vision
pragmatique de la réalité, de la nécessité vitale pour la croissance et
dans l’intérêt général de ceux qui n’ont
pas d’emploi, de réformer notre code du travail de près de 10 000 articles
sur plus de 3800 pages, la Cour de justice de l’Union Européenne, une des
institutions qui siège à Luxembourg vient de rendre un arrêt sur le paiement du
temps de travail des travailleurs itinérants ce qui va faire du bruit dans le
LANDERNEAU. En effet le droit européen s’impose au droit français et il
appartient à chaque Etat membre d’adapter sa législation aux directives et à la
jurisprudence européenne , les
règlements s’appliquant d’office .Déjà
ce que l’on appelle vulgairement la « loi » européenne , terme prévu
par le traité de LISBONNE entré en
vigueur le 1er décembre 2009 après une ratification par le parlement
français- pour éviter que comme en 2005 les français rejettent le traité de
ROME par référendum !-c’est-à-dire le corpus de textes émanant des
institutions, régit notre quotidien .Il
est de bon ton de dénoncer – surtout pendant les campagnes électorales , et en
France il y en a pratiquement chaque année, le mois de décembre prochain
concernant les régionales revisitées dans leur configuration-,les oukases des
technocrates de BRUXELLES alors même que la France compte parmi les membres de
la commission , un commissaire Français, M.MOSCOVICI, ou les décisions votées
par le parlement européen qui partage son temps entre BRUXELLES et STRASBOURG,
où nous avons 72 députés plus deux
depuis 2014 sur un total de 751 membres, se répartissant dans divers
groupes toutes nationalités confondues .Le droit européen est donc aussi une
construction française .Je rappelle pour information qu’existe aussi à
STRASBOURG une juridiction européenne émanant du CONSEIL de L’EUROPE qui développe
une jurisprudence spécifique qui s’impose à nos juridictions.
La
Cour de Justice de l’Union Européenne de
Luxembourg veille à ce que la législation de l’Union soit interprétée et
appliquée de la même manière par tous les Etats membres, Chaque Etat désigne un
juge, et il y a 9 avocats généraux chargés de dire le droit et rappeler la
jurisprudence de façon objective .La cour peut, sous certaines conditions être saisie par des particuliers, des
entreprises, diverses entités , et par la voie du recours préjudiciel par une
juridiction française qui l’interroge sur un point de droit. Dans l’espèce qui
suit c’est une juridiction espagnole qui vient de mettre le feu aux poudres en
matière de droit du travail.
La
cour de LUXEMBOURG avait été saisie au cours d’un procès devant la cour
d’audience nationale de MADRID ,par des entreprises espagnoles : la
question posée était de savoir si les déplacements que des travailleurs SANS
lieu de travail FIXE ou HABITUEL (et qualifiés de travailleurs itinérants) effectuent entre leur domicile et le premier
ou le dernier client de la journée, constituaient ou non du temps de travail
qui doit être rémunéré , au sens de la directive 2003 /88 C .E .du
parlement européen et du conseil du 4 novembre 2003 (J.O. L.299 p.9) ?.La
cour a répondu OUI. Elle a considéré que ces travailleurs sont à la disposition
de leur employeur pendant ce temps de déplacement et qu’ils sont donc au
travail.(arrêt C-266/14 Federacion de servicios privados del sindicato
comisions obreras c/TYCO integrated security, fire and security corporation
servicios SA :communiqué de presse n°99/15 du 10 septembre 2015).
En
droit français la conséquence devrait être la suivante : pour les
travailleurs itinérants (dont il n’y a pas actuellement pas de définition) , les
commerciaux par exemple ? ., le trajet domicile-lieu de travail n’est pas
considéré comme du travail effectif, et n’est pas payé. S’il faut désormais le
considérer comme du travail effectif et
le rémunérer, tout en observant la loi sur l’amplitude de la journée (11h) et
les fameuses 35 heures que tout travailleur n’accomplit d’ailleurs pas (voir le
rapport de la cour des comptes sur certains fonctionnaires), les patrons vont avoir du soucis car ils vont devoir
passer à une caisse supplémentaire, tandis que les travailleurs concernés vont
bénir l’Europe .. Vaste
débat en perspective dans le contexte actuel sur la réforme du code du travail.
Il va donc falloir que le patronat et les syndicats ouvriers se concertent à ce
sujet, ou que le gouvernement légifère, à moins que les tribunaux créent une
jurisprudence nouvelle en prenant tout le monde de vitesse et en respectant la
jurisprudence européenne , ce qui parait aller de soi. Mais en France
on sait botter en touche s’il l faut éviter les « vagues » ou faire taire des polémiques. La Cour de
Luxembourg a un but d’avance. Il appartient à la France d’égaliser, puis d’innover et
de mettre un deuxième but avec une législation particulière pour les
travailleurs itinérants, après avoir défini qui est quoi .Ou..ne rien faire.
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