Le
libéralisme est-il une valeur de gauche,
ou de droite, ou d’ailleurs ?
Par Christian
FREMAUX avocat et élu local.
Notre microcosme
politique et les milieux germano –pratins ( les habitants du quartier de
Saint-germain-des prés, détail fondamental pour ceux qui ignoreraient cette
localisation siège de la bien pensance ), s’agitent fréquemment sur divers
sujets dont l’importance pratique échappe à l’entendement commun, et qui
disparaissent aussitôt nés ; mais on palabre, on s’injurie, on
s’affronte heureusement verbalement
pendant ce laps de temps, alors qu’il y a de vrais problèmes à résoudre , sans
idéologie de préférence .C’est RABELAIS avec GARGANTUA qui avait décrit les
guerres pichrocolines, qui sont des péripéties souvent burlesques ou
dérisoires, et dont le motif apparaît obscur ou insignifiant. Loin de moi de
sous-estimer le combat d’idées bien au contraire, et les discussions macro-économiques
qui font le délice des étudiants de Sciences po., ou les débats sur les
meilleures politiques pour faire revenir la croissance et donc la prospérité
qui seule permet la redistribution (car il faut d’abord produire des richesses
pour retrouver de l’emploi).Elles sont essentielles sauf pour le quidam qui n’y
comprend goutte et qui se contente de réclamer-pour le moins- des résultats, en
préférant les actes à la parole. Mais abordons aussi les sujets de réflexion
car le gouvernement quelqu’il soit doit avoir une doctrine pragmatique et non
figée sur des dogmes dépassés, des objectifs
à atteindre, et des moyens à choisir.
C’est une
nouvelle fois M.MACRON (que je félicite même si je ne soutiens pas M.HOLLANDE)
ministre de l’économie, qui a mis de nouveau le feu aux poudres en affirmant
que « le libéralisme » était une valeur de gauche .Encore faut il
savoir ce qu’un énarque, ancien banquier ,entend par valeur et libéralisme et
dans quels domaines autre que l’économie dont il est chargé cela s’applique ?
Bien sûr et immédiatement certains responsables de droite se sont gaussés de
M.MACRON et ont revendiqué l’usage du
libéralisme : mais sont ils audibles les héritiers du gaullisme et donc de
l’intervention de l’Etat, et le libéralisme est-il exclusivement une valeur de
droite ? Comment peut-on être libéral quand on est comme M.MACRON dans un gouvernement qui
maintient les 35 heures dans l’entreprise ,qui continue à empiler les normes,
les lois, les réglementations diverses ; qui considère comme droit acquis
le statut de la fonction publique avec l’emploi à vie ; qui encadre le
logement, impose à des communes de construire un pourcentage d’habitations
sociales sous peine de poursuites ; qui ne revisite pas le code du
travail..N’en jetons plus la cour est pleine .Mais qui, dans d’autres domaines
touchant à l’individu et aux mœurs, légifère
pour donner des droits nouveaux, malgré l’hostilité d’une partie de la
population, qui prolonge l’esprit libertaire de MAI 68 ; qui a fait voter
la contrainte pénale qui remplace la prison dans certaines conditions ;qui
voudrait bien supprimer les notes à l’école car il ne faut traumatiser personne,
et qui a une approche de l’autorité et
de l’ordre public très protectrice des libertés individuelles, ce qui ne peut lui être reproché par ailleurs.
Le
libéralisme de gauche n’est donc pas univoque et pour tout ; il fait le
grand écart permanent entre l’économie qu’il veut libérer tout en utilisant
l’ETAT pour intervenir là où il estime que l’individu ou l’entreprise n’en font pas assez ou que l’intérêt général a besoin
d’aide : il est ainsi plutôt dirigiste. Alors qu’il laisse les problèmes
de société à l’appréciation de l’individu pour lui permettre de s’épanouir, égoïstement,
en miroir aux nécessités de la vie en société qui impose de l’autorité, de la
discipline voire un peu d’abandon de nos
libertés dans l’intérêt général ,sous le contrôle vigilant des juges car
la raison d’Etat ne peut tout justifier .La gauche ne veut désespérer ni
BILLANCOURT, ni BOULOGNE pour reprendre la formule réductrice et dépassée de
JEAN-PAUL SARTRE, car la France a besoin d’union qui fait la force et pas de
clivage permanent.
Si le
libéralisme qui a réussi a été incarné par M.REAGAN aux USA et Mme THATCHER en
Grande Bretagne, et a laissé surtout à l’intelligentsia française de mauvais
souvenirs, il n’est pas question de
l’appliquer comme nos amis anglo-saxons car nous avons nos habitudes, nos
citadelles, notre culture, notre façon de vivre ensemble et nos principes
républicains fondés sur la solidarité, la fraternité, l’aide à ceux qui en ont
besoin, les règles sociales venant de la résistance et des lois des années 1944-45
qui sont en acier trempé et constituent le socle de notre société, même s’il y
a la mondialisation qui comme le nuage de TCHERNOBYL devrait nous épargner
selon certains qui veulent se replier sur nos acquis sociaux et nos frontières.
Autrement dit nous voulons un libéralisme
AD HOC qui libère et protège à la fois ; qui peut favoriser
l’emploi et bénéficier aux entreprises ; qui nous permet de combattre tous
les dangers et menaces comme le terrorisme ; qui conforte la laicité en
permettant toutes les spiritualités ; en un mot qui nous permet de vivre et de réussir tous.
M.MACRON qui se dit homme de gauche, et on le croit , est un adepte du
progrès, mais sans le définir car chacun l’imagine selon ses souhaits.
L’histoire peut rapprocher tous les partisans du libéralisme.
Le
libéralisme est en effet une création
française des 18 ème et 19 ème siècle avec Benjamin CONSTANT , TOCQUEVILLE et Frédéric BASTIAT (lire sous la direction d’ALAIN
MADELIN : « aux sources du modèle libéral
français »Editions PERRIN 1997).Adam SMITH n’ apas tout découvert .Il
s’est inspiré de TURGOT et sa réflexion
fondamentale sur la pensée économique
libérale moderne. Selon le flamboyant et
très compétent député et ministre que fut ALAIN MADELIN il y a un libéralisme
philosophique et politique avec l’idée que l’homme est libre, y compris de
faire le bien comme le mal. S’y ajoute le libéralisme juridique avec la liberté
contractuelle et le rôle central du juge. Dans une démocratie le pouvoir législatif comme le pouvoir exécutif
ne peuvent être tout puissant : c’est la séparation stricte des pouvoirs
de MONTESQUIEU qui doit dominer. Le droit s’impose comme régulateur car l’Etat
ne peut s’emparer de tout et être
omnipotent.(lire Guy SORMAN : « l’Etat minimum » éditions ALBIN
MICHEL 1985). Dans le FIGARO du 30/9/ 2015le philosophe François BELLAMY
indique que « la liberté se nourrit d’un héritage, d’une langue , d’une
éthique ». Au plan économique il s’agit de lutter contre les rentes, ou
les privilèges écrit M Robin RIVATON membre du conseil scientifique de
FONDAPOL, avec l’égalité des chances et la valorisation de la réussite .M. Guillaume
PERRAULT rappelle que le libéralisme
sert à affranchir l’homme de toutes les
contraintes héritées de la tradition et de l’ordre social. Est-ce le cas à AIR
France où l’ETAT est actionnaire à 17% et n’a pas su mettre en place le
dialogue social . Les graves incidents
qui ont eu lieu lors de la réunion d’un C.C.E. ne peuvent rester impunis .Il
est préférable d’avoir un Etat garant à la place d’un Etat gérant.
Le
libéralisme est donc sinon une valeur, du moins un système de moyens que gauche
comme droite ont en commun. Qu’ils le mettent en action et on peut espérer que la situation de la
France, s’améliorera.
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