jeudi 8 octobre 2015

La réforme avortée du conseil de prud’homme

La réforme avortée du conseil de prud’homme

Par Christian FREMAUX, avocat, élu local et conseiller  prud’homme.

Le ministre vient d’échouer dans sa tentative  de réformer le conseil de prud’homme du moins dans certaines dispositions de la loi non validées par le conseil constitutionnel, mais il va récidiver car le ministre est certes jeune, mais surtout au fait du monde des affaires   et pas idéologue avec le regard perdu vers les droits acquis et le maintien à toutes forces des avantages intouchables de ceux qui bénéficient d’un contrat de travail : ceux qui veulent entrer sur le marché du travail , les jeunes en particulier voudraient bien que l’on libère ledit marché de certaines pesanteurs. La loi de M.MACRON sur l’activité et la croissance a été débattue pendant des mois, combattue par les frondeurs et approuvée par des parlementaires de tous les bords, même s’ils ne l’ont pas votée ! : ce fut une confusion politique totale, mais c’est cela la démocratie, l’essentiel étant d’être efficace .A bout de patience et de nerfs le Premier Ministre a utilisé l’article 49-3 de la constitution qui permet de faire voter une loi d’un bloc, en engageant la responsabilité du gouvernement. Parmi les mesures dont on a le plus parlé  il y a le travail du dimanche ; la réforme de professions réglementées ( huissiers et notaires) ; le transport par car… et j’en passe. Et il y avait la réforme de la procédure devant le conseil de prud’homme. Pourquoi s’attaquer à ce bastion des luttes ouvrières, et pourquoi c’est le Ministre de l’économie et non le Ministre de la justice(Mme TAUBIRA) qui a lancé et soutenu cette loi ? La réponse est simple : parce que l’on veut aussi réformer le droit du travail-sanctuarisé par les syndicats ouvriers – qui est considéré par le patronat  comme un frein à l’embauche. On a même pu lire la proposition de M.BADINTER avocat illustre et professeur de droit, et de M.LYON-CAEN éminent spécialiste du droit social qui ont publié un code du travail en quelques articles et quelques pages .Ce fut un tollé bien sûr. Pour le gouvernement la croissance est à chercher, avec les dents partout : le conseil de prud’homme s’y prête. Notons cependant que le ministre de travail   , M.REBSAMEN ouvert et pragmatique a préféré démissionner du gouvernement pour retrouver sa bonne ville de DIJON, et qu’il a fallu du temps pour lui trouver une remplaçante. .Certes il ne faut pas confondre vitesse et précipitation pendant l’été, mais les chômeurs n’apprécient  pas : le ministère du travail , ou du chômage ,serait il devenu inutile ? Examinons ce que voulait faire le ministre à savoir résoudre la quadrature de cercle :il souhaitait raccourcir les délais de jugement (actuellement de plusieurs mois voire années par exemple à NANTERRE), ce qui réjouissait les salariés ; et il avait la volonté de limiter les éventuelles condamnations à des dommages intérêts que doivent payer les patrons, si le licenciement n’est pas fondé, pour une erreur de forme ou un motif quelque peu léger voire fantaisiste. .Les employeurs applaudissaient .M.MACRON a déçu les uns et les autres puisque pour des motifs de droit, tenant à la taille de l’entreprise(plus ou moins 11 salariés) et l’ancienneté du salarié( plus ou moins de 2 ans) il y avait rupture de l’égalité des chances et non réparation de la totalité des préjudices. Le ministre reviendra avec un projet de loi plus conforme aux grands principes du droit et de l’équité.
Il y avait déjà en application la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 qui résultait de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 et qui avait prévu  , pendant la phase de conciliation, un barème, une forfaitisation  de l’indemnisation du salarié, ce qui aurait permis à l’employeur de provisionner son risque financier maximal.     Un décret est paru en ce sens  au JO du 7 août 2013. Mais en pratique ce barème n’était pas appliqué et devant le bureau de jugement qui tranche au fond, les conseillers prud’homme conservaient leur pouvoir d’appréciation. M.MACRON a voulu que la loi oblige les juges, et ce n’est pas passé .Attendons du nouveau. En attendant  la cour de cassation a précisé sa jurisprudence : « en l’absence de conciliation, le juge doit JUSTIFIER des indemnités qu’il octroie en application de son pouvoir souverain d’appréciation, en appréciant INDIVIDUELLEMENT le préjudice  subi par le salarié ».[Cour de Cassation 9 juillet 2015, n° de pourvoi 14-14654]. Précisons que les salariés veulent être indemnisés de tous leurs préjudices( chômage ; points de retraite ; moral ; vexatoire). Et rappelons que les employeurs n’ont pas toujours tort : si leur licenciement respecte les règles légales et que leur motifs sont réels et sérieux , ils gagneront, tout en ayant quand même à payer ..leur avocat .La vie est un combat. La Justice aussi, et le droit du travail un domaine où l’on peut y perdre son latin.






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