La
réforme avortée du conseil de prud’homme
Par Christian FREMAUX, avocat, élu local et
conseiller prud’homme.
Le ministre vient d’échouer dans sa tentative de réformer le conseil de prud’homme du moins
dans certaines dispositions de la loi non validées par le conseil constitutionnel,
mais il va récidiver car le ministre est certes jeune, mais surtout au fait du
monde des affaires et pas idéologue
avec le regard perdu vers les droits acquis et le maintien à toutes forces des
avantages intouchables de ceux qui bénéficient d’un contrat de travail :
ceux qui veulent entrer sur le marché du travail , les jeunes en particulier
voudraient bien que l’on libère ledit marché de certaines pesanteurs. La loi de
M.MACRON sur l’activité et la croissance a été débattue pendant des mois,
combattue par les frondeurs et approuvée par des parlementaires de tous les
bords, même s’ils ne l’ont pas votée ! : ce fut une confusion
politique totale, mais c’est cela la démocratie, l’essentiel étant d’être
efficace .A bout de patience et de nerfs le Premier Ministre a utilisé
l’article 49-3 de la constitution qui permet de faire voter une loi d’un bloc,
en engageant la responsabilité du gouvernement. Parmi les mesures dont on a le
plus parlé il y a le travail du
dimanche ; la réforme de professions réglementées ( huissiers et
notaires) ; le transport par car… et j’en passe. Et il y avait la réforme
de la procédure devant le conseil de prud’homme. Pourquoi s’attaquer à ce
bastion des luttes ouvrières, et pourquoi c’est le Ministre de l’économie et
non le Ministre de la justice(Mme TAUBIRA) qui a lancé et soutenu cette
loi ? La réponse est simple : parce que l’on veut aussi réformer le
droit du travail-sanctuarisé par les syndicats ouvriers – qui est considéré par
le patronat comme un frein à l’embauche.
On a même pu lire la proposition de M.BADINTER avocat illustre et professeur de
droit, et de M.LYON-CAEN éminent spécialiste du droit social qui ont publié un
code du travail en quelques articles et quelques pages .Ce fut un tollé
bien sûr. Pour le gouvernement la croissance est à chercher, avec les dents
partout : le conseil de prud’homme s’y prête. Notons cependant que le
ministre de travail , M.REBSAMEN ouvert et pragmatique a préféré
démissionner du gouvernement pour retrouver sa bonne ville de DIJON, et qu’il a
fallu du temps pour lui trouver une remplaçante. .Certes il ne faut pas
confondre vitesse et précipitation pendant l’été, mais les chômeurs
n’apprécient pas : le ministère du
travail , ou du chômage ,serait il devenu inutile ? Examinons ce que
voulait faire le ministre à savoir résoudre la quadrature de cercle :il
souhaitait raccourcir les délais de jugement (actuellement de plusieurs mois
voire années par exemple à NANTERRE), ce qui réjouissait les salariés ; et
il avait la volonté de limiter les éventuelles condamnations à des dommages
intérêts que doivent payer les patrons, si le licenciement n’est pas fondé,
pour une erreur de forme ou un motif quelque peu léger voire fantaisiste. .Les
employeurs applaudissaient .M.MACRON a déçu les uns et les autres puisque pour
des motifs de droit, tenant à la taille de l’entreprise(plus ou moins 11
salariés) et l’ancienneté du salarié( plus ou moins de 2 ans) il y avait
rupture de l’égalité des chances et non réparation de la totalité des
préjudices. Le ministre reviendra avec un projet de loi plus conforme aux
grands principes du droit et de l’équité.
Il y avait déjà en application la loi de sécurisation de
l’emploi du 14 juin 2013 qui résultait de l’accord national interprofessionnel
du 11 janvier 2013 et qui avait prévu ,
pendant la phase de conciliation, un barème, une forfaitisation de l’indemnisation du salarié, ce qui aurait
permis à l’employeur de provisionner son risque financier maximal. Un décret est paru en ce sens au JO du 7 août 2013. Mais en pratique ce barème
n’était pas appliqué et devant le bureau de jugement qui tranche au fond, les
conseillers prud’homme conservaient leur pouvoir d’appréciation. M.MACRON a
voulu que la loi oblige les juges, et ce n’est pas passé .Attendons du nouveau.
En attendant la cour de cassation a
précisé sa jurisprudence : « en l’absence de conciliation, le
juge doit JUSTIFIER des indemnités qu’il octroie en application de son pouvoir
souverain d’appréciation, en appréciant INDIVIDUELLEMENT le préjudice subi par le salarié ».[Cour de Cassation
9 juillet 2015, n° de pourvoi 14-14654]. Précisons que les salariés veulent
être indemnisés de tous leurs préjudices( chômage ; points de
retraite ; moral ; vexatoire). Et rappelons que les employeurs n’ont
pas toujours tort : si leur licenciement respecte les règles légales et
que leur motifs sont réels et sérieux , ils gagneront, tout en ayant quand même
à payer ..leur avocat .La vie est un combat. La Justice aussi, et le droit du
travail un domaine où l’on peut y perdre son latin.
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