Atmosphère
! Atmosphère ! est ce que j’ai une gueule d’atmosphère ?
Par
Christian Fremaux avocat honoraire et élu local.
L’atmosphère est chargée d’électricité. Dans son voyage entre
les tombes le président n’a pas entendu que le silence assourdissant des morts
au champ d’honneur. La polémique née de l’affirmation du président Macron parfaitement exacte sur le
fond et non provocatrice car l’histoire ne se divise pas, m’a paru inopportune
car elle concerne un débat sans conclusion sur la double personnalité du
maréchal Pétain soldat héros des poilus
en 1917, puis plus de 20 ans plus tard politique honni et d’ailleurs condamné
pour sa politique collaborationniste et antisémite , parole qui a
été peut être maladroite dans sa formulation pour ceux qui cherchent à tout prix à en
découdre sur tout sujet surtout s’il est sensible .Nous sommes dans le
recueillement et la glorification de
ceux qui se sont sacrifiés en 14-18 pour que nous puissions dans la paix vivre libres et capables d’exprimer toute
opinion y compris des avis divergents sur les hommes et les évènements
passés et je m’étonne que l’on ne puisse
le faire objectivement sans être taxés de je ne sais quoi mais forcément négatif ou de défendre
l’indéfendable. Tout le monde n’a pas
la vérité révélée et le dogme qui satisfait à l’unanimité! Il est permis de
douter, pas de tout bien sûr et surtout
pas de ce qui avéré comme tragique, et
de nuancer tout en
respectant ceux qui ont été
victimes ou qui sont des héritiers de victimes, d’avoir des propos ou des pensées qui ne sont pas ceux de la bien pensance
ou issus de la langue de bois. Soyons
adultes surtout face aux plus jeunes qui connaissent le terrorisme mais qui n’ont connu aucune guerre , même dans leur
famille, qui se demandent -sauf les élites étudiantes ou qui ont des parents qui
témoignent et éduquent quelques soient leurs origines et confessions soit dit en
passant car il s’agit du roman national qui doit toucher tous ceux qui vivent en France
- qui a été Pétain 1 et Pétain 2 ,
presque qui a été De Gaulle le héros de la résistance en 1945, celui bousculé de la décolonisation, et le chef de L’État qui a renoncé au pouvoir
en 1969 après avoir perdu un référendum.
Soyons modestes et ne mettons pas de l’huile sur le feu qui couve toujours :
discutons des faits et des hommes de
l’histoire que l’on ne peut supprimer comme les communistes jadis effaçaient des photographies officielles les dirigeants qui ne convenaient plus à
l’air du temps et qui avaient en réalité été des bourreaux. Envisageons un avenir plus apaisé pour les générations dites « bof »
ou « j’ai le droit » qui sont là et vont prendre les commandes dans la future
Europe. Souvenons nous que les hommes et
les femmes et les jeunes d’y il y a cent
ans ont souffert et le mot est faible, et tirons en les enseignements. L’itinérance mémorielle du président doit être approuvée et il ne faut pas se
tromper d’objectifs. Certes la hausse du carburant tombe mal et l’on ne peut y
souscrire même si on souhaite la transition énergétique. Si le président payait de sa poche le diesel
utilisé par la flotte de véhicules qui le suit, il serait certainement plus
conscient que le train de vie des retraités qui l’interpellent et des autres
français actifs baisse, et qu’un ( trop )plein… de taxes ne permet plus d’aller
très loin ! Rien ne vaut le terrain et
le dialogue parfois abrupt avec les gens pour mieux appréhender ce qui les préoccupe
et actuellement ce sont les revenus et
les charges, le chômage et les fermetures d’usine voire l’insécurité et les
migrations qui l’emportent sur la mémoire.L'itinérance était faite pour parler surtout des hommes, et
des femmes d'hier des gueules cassées, des foyers détruits, des séquelles psychologiques innommables en
un mot de la boucherie de 14-18 sans accabler personne et sans désigner encore
des coupables ,mais sans rien oublier pour que cela n’arrive plus . Donc pour évoquer la guerre et la paix ,les relations internationales, les motifs sérieux ou non qui déclenchent les conflits et leurs conséquences, le coté obscur de l'homme, le mal qu'il sert , pour
qu’on en soit conscient en 2018, qu'on dissèque la force qui tue et toute idéologie qui arme, de la
nécessaire coopération des démocraties... L’ordinaire des problèmes à résoudre en urgence va reprendre ses droits rapidement et les querelles
classiques vont resurgir dès la fin des cérémonies du 11
novembre ce qui est normal car on attend
des résultats et le passé doit céder sa place au présent. . .
Le rappel de Pétain m’a remis en mémoire un mot de la
célèbre actrice Arletty - d’où le titre
de cet article - qui disait que son coté
face où battait son cœur était français, mais que son coté pile en bas du dos
était international : elle avait été poursuivie à la libération pour avoir
fréquenté un ou des allemands. C’est
l’anecdote pour détendre l’atmosphère car je vais encore la plomber en parlant
de populisme, ou de « lèpre » nationaliste selon une
autre sortie du président Macron adepte des formules chocs.
Le terme populiste qui devient un vilain défaut ne veut pas
dire grand chose sauf pour dénigrer les dirigeants polonais , hongrois ou autres
dont le nombre augmente ce qui est un message , ceux qui ne veulent pas
respecter ce qu’ils considèrent comme des diktats de l’union européenne. Ils estiment avoir été élus régulièrement dans des démocraties , exprimer l’avis de
leurs concitoyens et avoir le droit de
contrôler plus ou moins les médias ce qui serait compatible avec la liberté
d’expression , de se méfier des juges qu’ils veulent nommer selon leur bon
vouloir pour éviter un gouvernement desdits juges, de refuser les migrants sauf ceux qu’ils veulent choisir dans le respect de leurs frontières
et ne pas partager la pensée mondialiste qui prône l’ouverture en général
et le multilatéralisme et qui ne
correspondrait pas à leurs coutumes et usages outre leur manière de vivre. L’Europe
n’est donc pas leur tasse de thé, comme les anglais qui ont choisi le brexit. Mais
les pays populistes veulent rester au
sein de l’Europe car ils aiment les
aides européennes.
Le populisme serait
donc le mal pour ceux qui se définissent comme progressistes ce qui n’est pas plus précis que populistes
car le progrès pour l’un ne l’est pas pour l’autre, c’est-à-dire ceux qui sont partisans de plus d’Europe sans aller
vers un vrai fédéralisme ; qui croient en la réalité de la mondialisation et de la nécessité de faire face ; qui voient
l’obligation pour les européens de faire masse et bloc face aux hégémonies de la Chine, des
USA, voire de la Russie et de l’Inde ; qui pensent que les menaces de toutes
natures qu’elles soient terroristes, économiques, migratoires,
environnementales obligent à se protéger mutuellement et avoir des
politiques communes et concertées
aussi en matière de sécurité et défense,
propriétés intellectuelles, services,
droit social pour tous les
travailleurs y compris détachés, fiscalité, justice… Contrairement aux populistes les
progressistes sont convaincus que le
repli sur soi est néfaste, ne peut conduire à des progrès matériels et humanistes pour tous dans la
spécificité de chacun, et qu’il faut plus d’Europe même s’ils sont lucides que celle-ci doit se réformer, que la technostructure à Bruxelles doit être reprise en main, qu’il appartient
aux dirigeants élus de faire entendre la voix et les désirs de leurs peuples,
et que la politique doit commander, sans se laisser imposer des décisions
futiles qui indisposent la grande majorité des citoyens européens. Les
progressistes pensent que toute innovation est un bien , et que toute demande
de droits supplémentaires pour une minorité est positive. Cela se discute car à
force de créer des droits individuels on peut fracturer l’ensemble qui se
contente de devoirs. Les conservateurs sont plus circonspects : ils préfèrent
un progressisme à petit pas, qui ne pose pas des questions métaphysiques et qui
est compréhensible puisqu’il s’appuie
sur ce qui a été, vérifié, expérimenté. Ils
aiment aussi le respect des devoirs collectifs, la nation , la patrie et ce qui
a fait la grandeur de la France. Ils ne trient pas les héros à l’aune des temps
modernes.
Comme le chantait Jean Ferrat « c’est un joli nom camarade…» avant qu’il ne se rende compte de la réalité du régime soviétique, ou cubain
, ou chinois, et s’il était vivant vénézuelien
ou des dictatures diverses dont celles qui sont religieuses ,qui se
disent représenter le peuple et vouloir son bonheur en le décrétant . Attention
danger. La liste de ce qu’il faut ne pas faire n’est pas exhaustive... Le mot populiste devrait être positif
puisqu’il veut dire ce qui vient du peuple. Sauf à être un grand naïf et
oublier les leçons de l’histoire ,et sauf exception d’un dirigeant atypique on
ne connait pas un peuple même celui de
l’extravagant dirigeant de la Corée du nord ! qui voudrait officiellement du mal à son voisin, et qui n’approuve pas tout ce
qui lui est bénéfique. Les droits de l’homme sont revendiqués par tous bien que
non appliqués la plupart du temps. C’est donc en théorie un joli nom
populiste sauf qu’il est assimilé à
l’ennemi des libertés publiques, au rejet de l’étranger, et à un formidable
égoïsme adepte des solutions apparemment faciles, de la répression s’il la faut et de l’ordre , de la fermeture d’esprit, et refusant presque toutes les avancées de l’humanisme en général
pour l’homme et la femme, et les minorités quel-qu’elles soient. Comme
on dit dans les cérémonies militaires ce qui est d’actualité, fermez le ban.
Chacun d’entre nous connait pourtant un populiste déclaré ou qui s’ignore et
qui est un bon citoyen payant ses impôts et taxes en maudissant le gouvernement,
n’ayant pas de procès car il respecte la loi, votant régulièrement , ne
détestant personne sauf celui qui lui pique sa place ou qui a des
privilèges, qui est soucieux des
libertés y compris de celles qui ne lui conviennent pas, et qui fait son
devoir en toutes circonstances. Il n’aime pas vraiment l’Europe telle qu’elle est car elle ne lui
apporte rien , ne le protège pas et est lointaine. C’est cependant un citoyen
qui se respecte et il en faudra qui ira voter lors des élections européennes de
2019. Il nous faudra des populistes pour garder les pieds sur terre et en même
temps des progressistes qui feront
avancer l’harmonisation et qui remettront de l’ordre en proposant des solutions
concrètes et proches du peuple.
Qu’est ce qu’elle a
ma gueule de populiste, regarde la tienne espèce de conservateur ou de progressiste utopique.
En réalité le débat aura lieu entre les nationalistes que l’on
dit belliqueux et d’extrême droite ce qui rappelle de mauvais souvenirs et qui sont des populistes « aggravés »
ou "dévoyés"et supposés dangereux qui haïssent l’Europe,
et les progressistes alliés aux
conservateurs ouverts . Depuis Renan on sait ce qu’est la nation : c’est une
âme, un principe spirituel avec la possession en commun d’un riche legs de
souvenirs, le désir de vivre ensemble et la volonté de continuer à faire valoir
l’héritage qu’on a reçu indivis . On a le droit et le devoir d’aimer la nation.
Mais elle n’est pas faite pour s’en servir comme repoussoir et donc la diviser
ou l’opposer à ce qui n’est pas comme nous. La
commémoration de 14-18 a montré que nos soldats s’étaient battus comme des lions, qu’ils soient venus de nos
campagnes et villes métropolitaines, ou de l’extérieur comme les tirailleurs
sénégalais composés en pratique de combattants de multiples origines. Il se sont sacrifiés pour
le drapeau français et ses valeurs, et
sont enterrés ou ont disparu à des milliers de kilomètres de leurs villages, de
leurs lieux de naissance. La nation doit
intégrer avec des conditions s’il le faut et ne pas rejeter par principe. Il est prouvé que l’on peut actuellement
avoir un destin commun tout en gardant ses qualités originelles. Mais ceux que
l’on qualifie péjorativement de nationalistes veulent rester entre eux,
éliminer ce qu’ils ne tolèrent pas, se barricader derrière des murs ou des barbelés, ne vouloir rien partager même
pas les miettes. Ils s’opposent à l’Europe tout en demandant à ce qu’ils aient
des députés européens car la "soupe" est
bonne , et veulent saboter de l’intérieur ce qu’il leur parait néfaste
pour la France. Ils émettent parfois des idées justes mais leurs solutions sont
soient irréalistes soit contraires aux
valeurs que la France soutient dans sa vocation universelle et sa volonté de
rassembler. Car le danger est de faire se confronter les communautés alors que
le but est pour chacun de s’efforcer de
renforcer la cohésion nationale dans le cadre de la laïcité ,concept et
pratique mal connus et mal ressentis par ignorance et malentendus d’ailleurs chez
nous, et encore plus dans les autres
pays de l’Europe .
Dans cette atmosphère il va falloir convaincre ceux qui votent pour les
nationalistes que leur politique est une impasse, et encourager les électeurs par des arguments solides, innovants,
sonnants et trébuchants si l’on peut dire, à ne pas leur donner leurs votes. Je
ne sais pas si le nationalisme tel que M.Macron le pense est une lèpre. Mais on
a déjà donné et on connait les ravages du mépris des autres, de la volonté de revanche
ou de puissance avec la certitude qu’une minorité a raison. L’histoire doit nous
éviter de renouveler les erreurs du passé. On a raté la paix en 1919 et il a
fallu attendre la fin de la deuxième guerre mondiale pour se décider à
construire la paix. En Europe c’est le traité de Rome de 1957 qui a posé les
bases de la réconciliation franco-allemande, et qui a permis une coopération réelle
entre les nations. Le nationalisme ne soude pas. Il faut s’en rappeler
pour préserver un espace de paix et de
libertés au profit de centaines de millions de citoyens, même si tout n’est pas
parfait on le sait.
Il n’y a pas un ancien monde qui a échoué et qui est à jeter avec l’eau du bain,
et un nouveau monde avec un président jeune et magicien devant lequel on
devrait être béat d’admiration en attendant que le succès arrive… ou non !
Un président qui vient d’apparaitre de
nulle part, entouré de quadragénaires qui ont des connaissances livresques mais
peu d’expérience de terrain. Le jeunisme n’est pas une politique en soi. On en
a vu d’autres et les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Personne
ne détient la vérité, et il
arrive comme on l’a vu avec l’affaire Benalla
protégé du prince, que parfois on
commet des erreurs de bonne foi, à l’insu de son plein gré. Il y a
le monde dans lequel on vit , avant de se projeter dans les années
lumière qu’il convient naturellement de préparer. Cela ne sert à rien de mourir
guéri. Un progressiste n’est pas le
contraire d’un conservateur qui aime ce qui a fait ses preuves, qui peut
vérifier ce qu’on lui propose et ce qui
correspond à sa philosophie et à ce qu’il
souhaite. On aura besoin et des progressistes et des conservateurs voire des populistes éclairés pour que l’
Europe trouve un équilibre efficace et ne
soit plus un bateau à la dérive ,qu’elle retrouve ses fondamentaux quitte à
avoir un premier cercle de pays de même niveau et qui partage les mêmes
valeurs, dans un cadre démocratique certain. L’Europe qui a une compétence
subsidiaire doit s’incliner devant la volonté des États qui n’ont de compte à
rendre qu’à leurs peuples.
Ainsi aurons -nous
une gueule d’européen convaincu et l’atmosphère sera-t-elle meilleure.