jeudi 25 octobre 2018

A propos de laïcité : la paille et la poutre


              A propos de laïcité : la paille et la poutre.
          Par Christian FREMAUX avocat honoraire et élu local .
Le comité  des droits de l’homme de L’Onu vient d’ émettre pour la deuxième fois en quelques mois, un avis qui critique des décisions de justice de notre cour de cassation sur le port du voile dans l’entreprise ou  le niqab dans la rue,  en demandant à ce que les plaignantes soient indemnisées dans les 180 jours,  et que … l’on révise la loi. Certes cet avis n’a aucune obligation juridique mais il procède de l’intervention d’un comité «  Théodule » -avec tout le respect que l’on doit  à  l’Onu dont le rôle dans les relations internationales et le maintien de la paix  est fondamental- mais qui est  aussi   ce « machin » aurait dit le général de Gaulle. C’est une atteinte à notre souveraineté juridique et judiciaire,  à notre principe constitutionnel  de laïcité qui n’est manifestement pas compris par tout le monde, et à la nécessité de légiférer en France pour tenter de régler des problèmes pratiques, dans les écoles, à la cantine, à la piscine,  dans les entreprises, et dans l’espace public, pour éviter que cela ne dégénère. En France on ne commente pas -sauf les professeurs de droit- une décision de justice. Le comité des experts de l’Onu l’a fait. Examinons  les faits et le droit et rappelons d’abord  le contexte.
La laïcité et le respect des valeurs  de la  république sont un combat  permanent. Tout le monde n’habite pas dans des quartiers où rien de grave sur le plan des libertés ou délictuel ou criminel  ne se passe, où le vivre ensemble est un plaisir et le dialogue avec l’autre un enrichissement. L’actualité nous montre qu’il y a des quartiers perdus dans notre république que d’ailleurs le gouvernement actuel veut reconquérir, enfin. Pourvu que les déclarations d’intention se transforment en acte. M. Georges Bensoussan qui a écrit avec des professeurs un livre sur ce sujet dès 2002 a connu quelques déboires judiciaires pour l’avoir exposé publiquement, et un livre d’investigation  qui  vient d’être publié  d’élèves journalistes sous l’impulsion de  deux journalistes réputés MM.Davet et Lhomme prouve qu’il y a une islamisation galopante et inquiétante ne serait- ce qu’en Seine- saint Denis. La laïcité est donc en danger.   Certains s’offusqueront de cette affirmation comme si constater  ce qui ne va pas y compris en matière religieuse était un péché et que je sois un apostat.  Mon propos n’est pas de dénoncer quoique ce soit, ou d’essayer de comprendre pourquoi on en arrive à cette situation,  des spécialistes le font très bien, mais de prendre acte que l’islam sous des formes radicales et revendicatives pose problème même si nous vivons dans le cadre de la liberté religieuse, de l’interdiction de toute discrimination, et des droits particuliers de chacun  avec la liberté de conscience, de croire ou non , de vivre sa foi.  Pour les devoirs collectifs dans le cadre d’une nation c’est un autre combat que nous devons obligatoirement aussi mener et vite d’ailleurs,  car le communautarisme quel qu ‘il  soit  ou la tyrannie des minorités  le tout  au nom des droits de l’homme, ne doivent  pas triompher, sinon c’est la cohésion sociale, notre identité et notre  destin qui sont  remis en cause .La démocratie peut mourir d’être fracturée en faisant droit à toute demande.  C’est mon avis et je le partage car il n’engage que moi puisque je n’ai aucune responsabilité ou légitimité pour donner des leçons ou faire la morale et je revendique la liberté d’expression celle qui n’est pas réservée aux autres et qui se partage dans un dialogue républicain .
Dans notre république nous avons un pouvoir législatif , les députés et sénateurs qui votent la loi  représentent l’intérêt général,  la loi qui est motivée et a fait l’objet d’un débat public. Nos lois tiennent compte de certaines particularités, de notre histoire et  de nos traditions, de notre mode de vie,  du destin que nous avons choisi  ,et  ne rétrécissent jamais -sauf  par exception quand nous sommes menacés en matière de sécurité publique  et autre domaines vitaux – les libertés en général. Les tribunaux de l’ordre judiciaire protègent les libertés individuelles,  et ceux de l’ordre administratif renforcent les libertés publiques. Dans le domaine de la liberté religieuse c’est la loi de 1905  qui a consacré la séparation des églises (le des est important) et de l’Etat-donc du pouvoir politique- et a fondé la laïcité à la française. La république est neutre et garantit la liberté de rendre hommage à dieu comme on l’entend (dans le respect de l’ordre public)  ,proclame la liberté de conscience et consacre l’égalité : « la république ne reconnait , ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». La loi  s’est adaptée à l’évolution des mœurs, et à des revendications de plus en plus fortes de nos compatriotes musulmans pour pratiquer leur religion.  C’est leur droit, et ce n’est pas parce que l’on ne croit pas ou que l’on pratique une autre religion que l’on va leur dénier une liberté fondamentale. Mais on est passé progressivement à des exigences qui se discutent dans beaucoup de domaines et qui remettent en cause nos principes, ceux qui ont permis de bâtir une république soudée, unanime et déterminée à avoir des objectifs communs. Le débat s’est durci entre ceux qui veulent  toujours plus sans contrôle, sans critique possible  et même en leur donnant les moyens,  et ceux qui estiment qu’il ne faut pas aller trop loin qu’il y a des limites à ne pas franchir, que la société doit maitriser l’exercice de cette liberté pour qu’elle ne dérape pas ou se transforme en abus,   que le droit  de croire et d’exercer une telle  liberté doit être compatible avec des règles neutres destinées à combattre  tout différend  potentiel qui porte en germe de la violence ou la remise en cause de principes et qui peut conduire à des affrontements.   
C’est ce que l’on appelle la laïcité à la française qui caractérise notre personnalité  nationale à l’extérieur, s’appuie sur des valeurs universelles, est copiée plus ou moins bien par beaucoup de démocraties et qui fait notre grandeur.
Il y a eu deux procès en France sur la base de ces principes.  D’abord l’affaire de la crèche privée dite baby loup qui avait licenciée une de ses salariées qui souhaitait porter le voile à l’intérieur de l’établissement. Mme Afif la salariée concernée était soutenue  dans sa cause et la polémique fit rage sur fond de laïcité. Finalement la cour de cassation en assemblée plénière -ce qui démontre que la procédure ne fut pas un long fleuve tranquille- en 2014 a confirmé le licenciement pour faute grave , la salariée ayant refusé d’enlever son voile. Cet arrêt a mis en lumière le principe de laïcité dans des entreprises privées .Ce ne fut pas  à l’époque du goût de tout le monde en France, inutile de le préciser ou de donner des noms. La cour de cassation en entendit des vertes et des pas mûres.
La salariée Madame Fatima Afif  saisit ensuite  le comité  des droits de l’homme de l’ONU. Il ne faut  pas confondre ce comité  composé de 18 juristes indépendants  qui est chargé de suivre l’application du pacte international relatif aux droits civils et politiques de l’Onu  signé en 1966, avec le conseil des droits de l’homme  composé des représentants de 47 Etats où l’on trouve  notamment l’Afghanistan,  le Mexique, la république du Congo,  le Venézuela,  l’Albanie… qui ne sont pas des paragons de vertu et des modèles en matière d’application des droits de l’homme !
Nous parlons donc de ce comité de juristes qui le 10 août 2018 avait considéré que notre cour de cassation  dans l’affaire Baby loup s’était fourvoyée, que l’obligation imposée à Mme Afif de retirer son foulard à son travail  dans la crèche constituait « une restriction portant atteinte à la liberté de religion  et avait considéré que le licenciement «  ne reposait pas sur un critère raisonnable ».Le comité  a considéré que la France  « n’a pas apporté de justification suffisante qui permette de conclure que le port d’un foulard par une éducatrice de la crèche  porte atteinte aux libertés et droits fondamentaux des enfants et des parents la fréquentant ».C’est une appréciation  qui ne correspond pas à notre culture et en plus à notre droit.
Alors que nous sommes champion du monde de football, c‘était un but à zéro pour l’ONU ou son comité de juristes  contre la France qui n’a rien changé,  pour l’instant à ma connaissance car il n’y avait pas d’arbitre dans le match qui n’était qu’amical et pas officiel en droit, sans sanction . Ce qui me réjouis car les faubourgs de  New -York sont loin même si le droit international signé par les Etats  a vocation à s’appliquer partout y compris dans les pays dont sont issus les éminents juristes. Que la France ne prend pas de réglementation à la légère surtout en matière de libertés. Et qu’enfin nos juridictions ne font pas de politique, ne suivent pas l’opinion publique  et respectent les lois y compris internationales  et  interprètent les textes s’il y a un vide juridique.  Il n’appartient qu’au législateur de modifier la loi s’il y a lieu. Je ne doute pas que les illustres juristes de New-York connaissent Montesquieu et la séparation des pouvoirs ce qui est un principe que nos donneurs de leçons de droit et d’éthique doivent exiger partout.
Ensuite on s'attaqua à l'espace public et bis repetita. Ledit comité des juristes de l’ONU  , le comité des droits de l’homme  présidé par un israélien vient de récidiver mardi 23 octobre 2018. Saisi par deux musulmanes qui portaient dans la rue à Nantes  le voile intégral, le niqab, et qui avaient été verbalisées,  il a condamné la France  en estimant que « l’interdiction du niqab viole la liberté de religion  et les droits humains », pas moins  !Remarquons la détermination des plaignantes passées du tribunal de police en France et d’une condamnation à une simple amende, à New-York et à un avis international. Chacun méditera sur cette volonté de vouloir établir une jurisprudence. Le droit n’est pas toujours neutre et peut servir à mener un combat.   
La loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010 interdit la dissimulation du visage dans l’espace public (rues, commerces, transports, mairies...) .On ne peut porter une tenue destinée à dissimuler le visage  sous peine d’une amende pouvant aller jusqu’à 150 euros. Cette loi a été validée en 2014 par la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg. Elle complète la loi de 2004 sur le port de signes ou de tenues dans les collèges et lycées, par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse, ce qui est interdit.
Il faut donc croire que la  connaissance et l’interprétation  des droits de l’homme ne sont plus universalistes et  qu’elles fluctuent selon la latitude ou la longitude et celui qui doit l’apprécier à  l’aune de des propres croyances religieuses ou non,   et de ses pratiques philosophiques, juridiques et  démocratiques. Ce n’est pas un progrès  de ne pas avoir des interprétations homogènes, de devoir confronter des jurisprudences contraires,  et cela peut conduire à des difficultés sérieuses. Puisque le comité des droits de l’homme a vocation à ne  donner que des avis sur des interprétations de textes, qu’il s’en tienne là. Qu’il n’émette pas des injonctions de faire, des quasi menaces qui de toutes façons seront sans effet contraignant, par exemple  de devoir indemniser de prétendues victimes qui ne font preuve d’aucun préjudice ( c’est la jurisprudence en droit social en France) ou qui soutiennent gratuitement qu’elles ne peuvent exercer des libertés fondamentales ce qui serait une faute lourde de l’Etat et justifierait des dommages-intérêts. On est dans l’absurde et un excès de prétendu pouvoir par ces « juges autoproclamés »
Cela n’empêche pas de discuter du fond par exemple des droits du salarié dans l’entreprise privée. La loi n°2016-1088 de Mme El Khomry dite loi travail   a introduit le principe de neutralité au sein du règlement intérieur de chaque entreprise. La loi stipule : « le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions  des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres  libertés ou droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise si elles sont proportionnées au but recherché ».C’est clair c’est notre droit et je ne pense pas que le comité des juristes de l’ONU trouvera une critique à formuler  sauf à s’immiscer dans notre démocratie ? .Il faut aussi tenir compte  de ceux qui dirigent l’entreprise et la fréquentent. C’est pareil  dans l’entreprise publique qui n’appartient à personne mais qui est la propriété de tous et qui doit rester neutre .
Cette législation globale  résulte  du droit de la société de prendre des précautions et de savoir toujours à qui on a affaire, ses droits et devoirs surtout dans le contexte d’insécurité,  de menaces diverses, d’attentats et de délinquance. Elle est faite aussi pour que chacun ne soit pas choqué par le comportement de l’autre. En conséquence   il peut y avoir un conflit de droits, ou un affrontement entre les libertés individuelles et le devoir de protection générale. Les droits de l’homme ne doivent pas être instrumentalisés. Il faut déjà les appliquer dans un consensus difficile à obtenir, les faire comprendre pour les conforter pour qu’ils redeviennent conquérants et exemplaires. Et l'Onu n'a pas la même interprétation que la Cour européenne des droits de l'homme: qui a raison?
Avant de voir la paille de la laïcité qui indispose chez l’autre il faut balayer devant sa porte. Cela évite de prendre des poutres de l’intolérance qui  favorise l’individu exclusivement sans tenir compte de ceux avec qui on vit, en pleine figure.  

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