jeudi 15 octobre 2020

avocats et magistrats même combat?

 

                Avocats et magistrats même combat ?

                    Par Christian Fremaux  avocat honoraire.

La justice a toujours été au centre des débats et il semble qu’il y ait des malentendus persistants entre avocats et magistrats. Dans un état de droit comme en France l’Etat pour lui-même n’a pas de droits spécifiques sauf en matière de protections de toute nature en cas de menaces très graves sur la collectivité et la nation et de situations d’urgence, mais il doit mettre en œuvre des mesures - validées par le parlement - pour garantir que chacun dans sa vie quotidienne puisse exercer ses libertés.  La justice doit tenir une place essentielle pour réguler et trancher les conflits, punir ceux qui méritent de l’être, et conforter nos institutions qui font fonctionner nos services publics dans le respect de la Constitution.  Car il faut bien qu’un système non partisan respectant les grands principes et évidemment la volonté du peuple à travers les parlementaires élus qui fabriquent les lois, tranche les difficultés personnelles et collectives et quand il n’y a pas de réponses certaines ou précises venant d’un texte ou de décisions précédentes, innove dans tel ou tel sens pour tenir compte de l’évolution de la société et parfois  pour répondre à des demandes inédites ou clivantes de minorités qui estiment que c’est le progrès. Chacun a d’ailleurs son idée sur le terme progrès, qui n’est pas forcément de dire oui à tout et tous, et n’est pas la panacée pour résoudre tous les problèmes et réconcilier les uns avec les autres.

 On ne peut imaginer un pays sans justice ou sans ordre public, sinon ce serait la loi du plus fort et l’anéantissement de la démocratie réelle qui déjà est contestée pour de multiples (bonnes ou mauvaises) raisons. On la critique mais on ne dit pas par quoi la remplacer ! On voit aussi ce qu’il en est dans beaucoup de pays où la justice est soit aux ordres d’un clan soit inexistante, et où les conflits se règlent les armes à la main. On constate aussi que dans de grandes démocraties la bataille pour des juges ou la justice est forte : par exemple on assiste en ce moment aux USA à un débat viril et intense entre les démocrates et les républicains pour la nomination d’un(e) juge qui siègera à vie à la cour suprême ! M.Trump a désigné sa candidate, et le sénat doit approuver son nom. Joe Biden proteste mais le président actuel est dans son droit : rien n’interdit constitutionnellement aux USA de nommer un juge alors qu’il y a campagne électorale et que M.Trump ne sera peut- être plus président après le 3 novembre.  La justice est donc souvent au centre de la politique ce dont il faut se réjouir car c’est le signe que nous sommes dans un régime de libertés, de poids et de contre -poids, de pouvoirs et de contre-pouvoirs.

La France n’est pas épargnée par ce débat récurrent. Certains pensent qu’un petit nombre de juges sont plus militants que neutres. D’autres affirment que le parquet (les procureurs) sont parfois sensibles au pouvoir politique dont ils dépendent à travers le garde des sceaux ministre de la justice.  Il faut se rappeler que dans notre pays la constitution de 1958 parle de l’autorité judiciaire – et non du pouvoir comme pour le gouvernement l’exécutif ou le parlement le législatif-. C’est le signe de vouloir cantonner les juges dans leur domaine de compétences pour qu’ils ne s’immiscent pas au-delà et qu’on n’aboutisse pas au « gouvernement » des juges, avec l’aide de la déclaration des droits de l’homme et de la cour européenne qui se trouve à Strasbourg, ce que des soupçonneux pensent déjà. 

La nomination de Me Dupond-Moretti avocat comme ministre de la justice a cristallisé de vieilles rancœurs. Le ministre fort de son expérience pénale qui l’a conduit à plaider surtout devant les cours d’assises  de France et de Navarre et qui  a beaucoup fréquenté les magistrats, a des idées précises notamment sur la séparation du parquet – la magistrature debout- et du siège- la magistrature assise- ; sur le secret professionnel et la vie privée ; sur une justice de proximité qui doit avoir des réponses rapides ce que veut le justiciable ; et sur la formation des magistrats pour essayer de les sortir de leur « tour d’ivoire ». Les magistrats n’ont évidemment pas le sentiment d’être entre soi, considèrent qu’ils participent à la vie sociale et qu’ils connaissent les problèmes des citoyens dont ils ne sont pas déconnectés. Le débat est aussi de savoir qui défend l’intérêt général : les magistrats en ont-ils le monopole ou par exemple les avocats qui sont des auxiliaires de justice participent-ils à leur manière à cette exigence nationale ?  Personnellement comme avocat honoraire ma réponse est oui. Je n’ai jamais eu l’impression de trahir la société en défendant un individu même s’il me payait.   Il n’y a pas une vérité. L’avocat défend avant tout son client comme vient de le rappeler l’illustre avocat pénaliste Me Hervé Temime dans son dernier livre « secret défense ». Mais il contribue aussi à trouver une vérité qui peut être relative car c’est celle de celui qu’il assiste. Les juges en prononçant leurs jugements et arrêts fixent la vérité judiciaire (qui est souvent un compromis entre des thèses contradictoires) à un moment mais elle n’est pas définitive et gravée dans le marbre. On voit qu’avec les progrès de la science certains condamnés sont innocentés ensuite, et que des décisions rendues dans d’autres sujets sont remises en cause.

Le ministre de la justice a mis le feu aux poudres en permettant, même si ce n’est pas lui qui a signé, des poursuites contre trois magistrats du parquet national financier, ce parquet qui a fait mettre en examen M.Fillon pendant la campagne présidentielle de 2017. Il n’était pas interdit de prendre une telle décision, mais était-elle opportune ? : chacun a jugé à l’époque.  La vie apporte parfois des retours de bâton inattendus. Personne y compris des membres du parquet n’est à l’abri d’être à son tour poursuivi et de devoir répondre de possibles fautes professionnelles ou déontologiques. L’avocat connait cela de près et la présomption d’innocence existe. Mais des magistrats furieux et quelque peu corporatistes viennent de déposer plainte contre M.Dupond-Moretti devant la cour de justice de la république qui juge les ministres (cour que M.Macron a voulu supprimer dès son arrivée mais il n’a pas trouvé une majorité au congrès pour ce faire),pour conflits d’intérêt ( alors que le ministre a été victime de l’étude discrétionnaire et secrète de ses fadettes quand il était avocat), et pour dénigrement des magistrats. Des syndicats de magistrats ne veulent pas le rencontrer ne serait- ce que pour parler des dossiers urgents qui intéressent les justiciables : cela me choque ! Comment convaincre un petit jeune ensuite d’être tolérant et civilisé ? L’exemple doit venir d’en haut.

Ce que les magistrats ne semblent pas pardonner au ministre c’est d’avoir nommé une avocate- ancienne vice-bâtonnière du barreau de paris- à la tête de l’école de la magistrature qui n’est pourtant pas une « chasse » réservée aux magistrats puisque la justice n’appartient à personne : ni aux magistrats ni aux avocats. Elle est rendue au nom du peuple français dans sa diversité. Le garde des sceaux pense qu’une formation commune avocats -magistrats serait une bonne chose. Il est en effet toujours préférable de connaitre l’autre pour éviter les clichés, les malentendus et peut-être parfois des reproches délétères. Chacun aura ensuite son rôle à jouer et se drapera dans son indépendance farouche, ses règles supérieures, sa conscience, le droit au secret pour les avocats qui titille fortement des magistrats qui sont pour la transparence … chez les autres. 
En matière de justice avocats et magistrats mènent en réalité tous le même combat : faire que les droits individuels s’exercent en même temps que les devoirs collectifs soient préservés. Une nation ne vit pas que de l’individualisme de ses membres. La solidarité s’impose par le respect de la loi même si elle ne nous plait pas ou des recommandations publiques qui sont prises dans notre intérêt quoiqu’on en pense malgré des restrictions à nos libertés ce que je regrette comme tout le monde. La crise contre l’autorité en général n’arrange rien : qu’en serait-il en cas de laisser faire - laisser aller. Les libertés sans frein ont -elles jamais arrêté une pandémie ou des terroristes ?  Il faut aussi conforter et faire vivre les valeurs républicaines qui fondent la possibilité de vivre ensemble et la certitude d’appartenir à une union de destins qui dépasse nos intérêts matériels ou philosophiques voire religieux.

La justice ne distingue pas et ne fait pas de particularismes. Elle n’est pas un tribunal médiatique. La justice n’est considérée que si elle est sereine, objective, ce qui n’empêche pas les affrontements sur les idées du bien et du mal, de la nécessité, de la sévérité ou de la compréhension, de l’opportunité ou non. Elle applique la loi qui est générale et impersonnelle après avoir entendu les avocats et leurs interprétations des faits et des textes qui reflètent l’avis de leurs clients dans leurs approches de ce qui est leurs vérités tant en matière pénale que surtout civile qui concerne la majorité des procès. Avocats et magistrats qui se doivent une confiance réciproque sont tel Janus les deux faces du même homme. Ils sont complémentaires et poursuivent le même objectif : celui de la vérité de l’homme par définition imparfait qui comme l’horizon recule au fur et à mesure que l’on avance.   

mercredi 30 septembre 2020

Ordre illégal et désobéissance civile à l’aune de l’ennemi invisible.

 

      Ordre illégal et désobéissance civile à l’aune de

                 l’ennemi invisible.

                 Par Christian Fremaux avocat honoraire.

 

On assiste depuis quelques jours à une fronde de certains élus de tous bords (à Marseille notamment), de professionnels qui souffrent comme les propriétaires de bars et restaurants, et de particuliers contre les mesures de précaution prises par le gouvernement pour lutter contre l’extension du covid-19 et pour éviter un reconfinement généralisé. Qui peut être contre ?  L’autorité-ou ce qu’il en reste- est mise en cause, ce qui est peu nouveau, et on ne veut pas respecter la loi ou les contraintes générales. Cela pose le principe du rapport à la loi. L’individu pour des raisons propres ou des intérêts personnels peut-il s’exonérer en toute bonne foi de ce qui soude le collectif mais qui ne lui plait pas à lui personnellement ?  L’Etat est-il devenu un adversaire ? Seuls les droits individuels comptent- ils ?  Je crains que les lignes qui suivent sur les théories ou les doctrines de la désobéissance en général -invoquée pour justifier les refus de se soumettre- soient d’actualité. Ce qui met en danger le pacte républicain déjà menacé dans sa cohésion. Surtout si des intellectuels ou des responsables politiques appellent à ne pas faire ce qui est demandé d’autant plus il faut l’avouer que parfois on ne voit aucune cohérence dans les décisions de l’Etat voire des contradictions internes, et surtout malheureusement avec peu de succès.

 

Dans cette période de pandémie beaucoup plus confuse que par le passé où ne planaient pas de risques pour la santé mais des menaces identifiées, s’y sont ajoutées l’anxiété et la peur car il y a des inconnues de toutes natures importantes à court et moyen terme. Même si les réactions ou revendications parfois brutales de diverses catégories sociales comme celles des individus durent depuis très longtemps on l’a vécu ces derniers mois, on a pris la mauvaise habitude par manque de courage pour ne pas faire de vagues donc à tort, de constater que certains ne respectent rien dans le courant ordinaire de la vie. Ce n’est donc pas faire un procès d’intention à quiconque de déplorer que pour toute décision publique il y a un refus de l’autorité, une répugnance à appliquer la loi, à considérer que toute disposition impérative voire toute simple recommandation, toute instruction générale sont inacceptables et abusives, à ne tolérer aucune contrainte quelconque et à croire qu’en désobéissant on est dans le camp du bien.  

Cette rébellion ou pour ne pas exagérer cette propension à discuter, protester, pinailler, douter, dire tout et son contraire, se retrouvent dans tous les domaines et chacun d’entre nous doit l’affronter : par exemple  dans la famille avec les enfants ; à l’école où les parents viennent agresser les enseignants ;  dans l’entreprise où la moindre remarque est considérée comme du harcèlement moral et de la discrimination ; en justice où les jugements rendus font polémiques ; et bien sûr dans la sphère publique quand les politiques votent des lois à la suite d’un processus démocratique. A peine élu, le responsable n’est plus légitime et il est soupçonné de prendre des mesures dangereuses voire régressives pour les droits acquis, de limiter les libertés individuelles et publiques au nom d’un objectif non avoué, et de prendre des décisions que l’on ne peut accepter.  Car seule l’opinion publique a raison, c’est -à- dire une infime partie de la minorité qui prétend savoir de source sûre et avec certitudes pour tout, ce qu’il faut faire.  Avec la crise sanitaire des sommets sont atteints avec les prétendus experts et les spécialistes du bavardage qui conduit au néant, qui réinventent le passé et avaient tout prévu.

Je ne sais pas si le « nouveau monde » voulu au moment de l’élection présidentielle mais désormais différent que l’on nous promet pour après la crise changera cet état d’esprit ou si les habitudes de l’ancien monde ressusciteront. J’espère que les vieux démons ne resurgiront pas.  Notre monde actuel est devenu un mode d’empêcher de gouverner en rond, sans avoir la moindre responsabilité et je pense à des médias en particulier, sans répondre de ses actes si on se trompe, au prétexte que la démocratie est une vérification permanente par le peuple ou ceux qui prétendent l’incarner, et qu’il est normal de s’opposer ou de dire non y compris par la violence. C’est de la vigilance active voire activiste dans le cadre d’un régime représentatif. Ce n’est pas ma conception de la gouvernance qui doit être évidemment contrôlée par les instances institutionnelles et l’application de la constitution, au nom du peuple qui n’appartient à personne même pas aux beaux esprits se disant plus éclairés que d’autres, mais comme je suis un senior qui a failli être confiné à vie, je dois être un has been. Je l’assume.

 

On a bien vu cette tendance avec les violations des mesures concernant le confinement, les millions de contrôles, les centaines de milliers d’infractions, les PV dressés et les renvois devant les tribunaux. Avec le déconfinement on constate encore plus de protestations et d’indignations sur les mesures du plan global de redressement comme on dit au tribunal de commerce pour faire repartir les activités et donc la croissance, pour déterminer qui fera les efforts, qui paiera la note finale, malgré l’explosion de la dette publique qu’il faudra un jour rembourser nous ou les générations futures que l’on veut préserver ? Chacun aura sa bonne idée. Celle qui vise surtout les autres. 

 Malgré les milliards du plan de relance venu de l’union européenne et un pognon de dingue qui est injecté, va-t-on aller sournoisement vers la solution facile de l’ancien monde d’un impôt dit du coronavirus, plutôt que d’innover et d’imaginer d’autres solutions qui toutes, soyons réalistes, demanderont des efforts.  Surtout que le processus innovant lié au déconfinement - reconfinement ciblé sera progressif et que des commerces risquent de souffrir plus tard que d’autres ce que je déplore pour les entreprises les plus fragiles mais bonnes pour le moral comme les bistrots restaurants et hôtels, marchés et spectacles. Le rétropédalage est aussi un moyen d’avancer si je peux dire, et de n’être pas contre -productif. Revenons à mon approche un brin partiale je l’avoue sur l’autorité mot qui fait geindre, et son non- respect. 

 Je voudrai me tromper et croire qu’il va y avoir un consensus, un défi commun, et un enthousiasme à tous relever les manches. Mais on assite à une vague de refus plus ou moins motivés, plus ou moins dans l’intérêt général, qui va renforcer l’esprit de désobéissance qui nous anime. Et la détestation de recevoir des ordres même élaborés démocratiquement. Guignol rosse le gendarme sous les applaudissements.  C’est le sujet de ces lignes. 

 

N’en faire que selon ses désirs est devenu un sport national, une manière de vivre et d’être, de se croire rebelles -sans risques d’ailleurs- de s’en prendre aux pouvoirs publics tout en profitant des avantages et en négligeant que l’Etat ce n’est pas moi comme le disait Louis XIV mais nous, tous les citoyens. Refuser d’obéir, de se soumettre à la loi, c’est considérer que la liberté individuelle est un principe supérieur à toute autre considération, en particulier si elle nous concerne. L’intérêt général devient secondaire.

On doit se rappeler ce que prêchait le père Henri Lacordaire (1802-1861), membre de l’Académie française et homme politique : « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». Examinons cependant deux concepts : l’ordre illégal et la désobéissance civile.

La 1ère catégorie de désobéissance consiste pour un militaire surtout (un fonctionnaire aussi) à ne pas exécuter un ordre qui lui parait illégal. C’est la théorie des « baïonnettes intelligentes ». L’article 122-4 du code pénal précise que « n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime sauf si cet acte est manifestement illégal ». La difficulté en justice est de savoir comment on interprète le « manifestement illégal » : un ordre exagéré, mal conçu, ambigu, mal formulé… ne correspondent pas forcément à la définition, ni celui qui est contraire à sa conscience. J’ai plaidé jadis quelques dossiers de ce genre quand le tribunal aux forces armées existait encore. Ce fut toujours difficile en faits, en sémantique, en morale, donc en droit. Je donne l’exemple atypique et ancien des gendarmes qui sur ordre du préfet ont mis le feu à des paillottes sur une plage corse. Ils ont été condamnés. Mais cette théorie veut dire aussi que désobéir à l’autorité est admis par la loi dans des conditions très strictes cela va de soi.

Dans le cadre de la crise du coronavirus, des mesures qui restreignent les libertés individuelles pour un temps déterminé avaient été votées dans le cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire, et le confinement a été ordonné. On a déconfiné mais on peut retourner à cet état ancien selon les endroits. La menace plane, la peur rôde.  L’ordre public est légal. Les pseudos résistants à son application qui inventent des prétextes aussi farfelus que dérisoires pour circuler librement, se réunir entre copains ou famille, continuer à vivre insouciants sont dangereux pour eux -mêmes, leurs proches, et tous ceux qu’ils croisent. Cela me permet d’aborder un autre aspect de la désobéissance.

 

La 2ème catégorie de désobéissance concerne ceux qui sont persuadés de détenir la vérité, par exemple sur le réchauffement climatique ou l’environnement en général, avec la décroissance nécessaire, et qui dénoncent la main nocive de l’homme partout notamment avec les méfaits de la finance. Ils occupent des terres, ils se battent pour que tel projet soit abandonné. Ils savent tout en matière de virus et ne croient pas les spécialistes …Ils n’ont pas tout faux, mais ils n’apportent aucune vraie solution. Avoir des intuitions ou des certitudes non vérifiées et validées (voir la polémique actuelle sur les médicaments ou le vaccin) ne garantissent pas des résultats heureux. Et le pouvoir ne peut prévoir des politiques publiques sur des hypothèses. Tout chef d’entreprise le sait. On ne joue pas à la roulette russe avec la santé, ou l’économie. Comme on a les modèles et les penseurs que l’on mérite, je cite mon maître du bon sens Coluche qui définissait le capitalisme « comme l’exploitation de l’homme par l’homme, et le syndicalisme par le contraire ».

Les militants qui désobéissent en se disant pacifiques mais en n’hésitant pas à faire le coup de poing avec les forces de l’ordre, utilisent le concept de désobéissance civile pour se justifier. Elle a été décrite en 1849 par le philosophe, naturaliste et poète né en 1817 à Concord (usa) Henry David Thoreau.  En juillet 1846 il avait refusé de payer un impôt à l’Etat américain pour protester contre l’esclavage dans le sud du pays et la guerre au Mexique. Il ne va passer qu’une nuit en prison car sa tante va payer sa caution. Furieux il décide de théoriser son action sans oublier « le discours de la servitude volontaire ou le contr’un » d’Estienne de la Boétie (1530-1563) qui est une remise en cause de la légitimité des gouvernants à propos d’une révolte antifiscale - déjà - en Guyenne en 1548. Ce texte de La Boétie traduit le désarroi d’une partie de la population souvent cultivée devant la réalité de l’absolutisme. La question est : « pourquoi obéit-on ? ».

 

Avec la désobéissance civile on refuse de se soumettre à une loi ou une mesure qui nous paraissent injustes. On s’interroge : « le légal est-il juste ? » alors que l’on est en république et que l’absolutisme n’existe plus et sauf à penser que l’Etat est totalitaire.  On en appelle à la conscience personnelle, aux valeurs qui nous motivent, à la définition du bien et du mal, à l’intérêt collectif outre à l’impuissance des Etats face à des firmes mondialisées.

On connait les désobéisseurs collectifs (les anti-zadistes) qui défendent une cause et les quasi- professionnels proches des mouvements anarchistes, nihilistes ou anticapitalistes. On a pu vérifier que la violence était un moyen d’action fréquent. Dans une démocratie c’est intolérable.

 Il y a aussi des désobéisseurs individuels qui font passer l’humain avant tout comme récemment M. Cédric Herroux agriculteur installé près de la frontière franco-italienne qui aidait les migrants illégaux.  Son cas a fait progresser le droit. La cour de cassation par le biais d’une QPC a interrogé le conseil constitutionnel qui a jugé que le principe de la fraternité à but humanitaire bien sûr, faisait désormais partie de notre bloc constitutionnel comme la liberté et l’égalité de notre devise [décision du 6 juillet 2018].

Une société moderne complexe par définition qui ne sait pas répondre immédiatement à ce qui n’est jamais arrivé et est imprévisible, ou qui envisage les meilleures décisions pour l’avenir par des réformes, ne peut bien fonctionner qu’avec l’acceptation par le plus grand nombre des lois et règles votées démocratiquement. C’est de la responsabilité de chacun. Certes il n’est pas interdit d’avoir une confiance raisonnée envers nos décideurs et de conserver l’esprit critique, car nul n’est parfait et on peut se tromper. Mais la désobéissance pour avoir raison ou par principe ne peut mener qu’au désordre civique, à l’incapacité d’agir, à la chienlit aurait dit le général de gaulle. La vérité est protéiforme et seule la légitimité démocratique par l’élection permet de progresser. La désobéissance conduit à l’impasse exceptés quelques exemples historiques. 

 

lundi 21 septembre 2020

L’Etat et/ou la justice sont- ils les serviteurs des particuliers ?

 

L’Etat et/ou la justice sont- ils les serviteurs des particuliers ?

Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Les années passent et se ressemblent. Désormais le pire succède au pire mais il faut agir, l’Etat est attendu.  Par moment on s’interroge et on se demande où est l’intérêt général, qui le défend, et on voudrait savoir si l’Etat est au service des particuliers/citoyens et électeurs ou s’il a une mission plus globale ?  On se rappelle l’apostrophe énervée d’un gilet jaune à M. Macron venu discuter : « vous êtes mon serviteur ! » ce qui résume l’état d’esprit ambiant et le peu de considération que l’on a envers les autorités publiques, même si on peut comprendre le désarroi de certains et leur précarité. Il en est de même en matière de justice : celle-ci doit-elle avoir pour mission principale de préserver les intérêts supérieurs de la nation, conforter les valeurs républicaines et traditionnelles du droit positif ou doit- elle faire droit uniquement à des demandes particulières puisqu’elle doit répondre aux questions qui lui sont posées quitte à remettre en cause la cohésion morale ou de conscience en créant la polémique ? En un mot à quoi sert l’Etat sous toutes ses formes : pour qui gouverne-t-il ?

 M. Jospin premier ministre avait dit que l’Etat ne peut pas tout. Il a trainé cette vérité comme un boulet car on lui a reproché de ne vouloir rien faire. Il y a quelques années assez récentes on disait que l’Etat devait être minimum, qu’il fallait revoir son périmètre pour le réduire aux fonctions régaliennes et ainsi diminuer drastiquement les dépenses publiques. Il y avait plus ou moins consensus sur cette nécessité. Mais la crise de 2008 puis celle du covid-19 notamment couplée à la crise de la sécurité (ou de l’insécurité selon les sensibilités), à l’économie qui rame, à l’anxiété qui fait douter et la demande des citoyens ont tout remis en cause.

Le même reproche d’impuissance de l’Etat à trouver des solutions concrètes et rapides revient avec les dépôts de bilan liés (ou non) à la crise sanitaire. Comment va-t-il les empêcher ? M. Tapie ministre voulait une loi qui interdise les licenciements : est-ce envisageable ?  L’Etat conseillé par des éminents et très nombreux experts épidémiologistes n’arrive pas à faire disparaitre le virus - à l’impossible invisible nul n’est tenu - ou à trouver des bonnes mesures sans confinement généralisé. On le critique sévèrement et on engage des poursuites pénales contre les ministres. On a déjà saisi les juridictions pour dénoncer les insuffisances du gouvernement en matière de lutte contre le réchauffement climatique. 

Quand la société Bridgestone annonce qu’elle fermera en 2021 son usine de Béthune qui est la moins rentable du groupe selon la direction, on se tourne illico vers l’Etat. L’émotion est à son comble ce qui est légitime pour les salariés qui perdent leur travail, et les politiques emploient les qualificatifs les plus durs voire les insultes pour dénoncer des dirigeants de l’usine sans cœur et profiteurs d’argent public sans contrepartie avérée.  Le gouvernement s’écrie qu’il « fera tout » pour sauver les emplois, sans dire quoi, comment, selon quel coût et quand. On le sait bien : en matière industrielle privée l’Etat ne peut que gesticuler et aider : il ne dirige et ne décide pas, et quand il est actionnaire d’une entreprise il n’est pas compétent pour gérer.  Les travailleurs et leurs syndicats ne l’ignorent malheureusement pas : faute d’une perspective industrielle ou d’une reconversion réelle en concertation avec ceux qui font tourner la boutique le site risque de disparaitre. L’indignation médiatique a payé provisoirement : les ministres concernés sont allés sur place et un accord de méthode permettra pendant 5 mois de négocier. Mais la direction de Bridgestone n’a pas renoncé. Les pouvoirs publics n’ont pas gagné.

 L’Etat n’est ni magicien ni doté de pouvoirs de coercition contre des dirigeants d’entreprise. On se rappelle un candidat devenu président de la république perché sur le toit d’une camionnette qui avait dit qu’avec lui élu, le site ne fermerait pas. C’était ArcelorMittal à Florange en 2012. On avait promis une loi. Les promesses n’engagent que ceux qui y croient disait Raymond Barre. On peut citer d’autres exemples, mais je ne veux pas faire perdre le moral à quiconque car il faut être volontariste.  La conclusion navrante est que toujours en 2020 l’Etat ne peut sauver tous les emplois et donc les particuliers et je le regrette profondément. Il doit travailler en amont et en permanence en ayant des politiques plus préventives. On ne fera croire à personne que la situation de Bridgestone n’était pas connue : je crois qu’un accord de compétitivité a été proposé aux syndicats début 2020 qui a été refusé certainement pour des bonnes raisons. C’était à ce moment qu’il fallait agir. Et il semble évident qu’il faut donner aux autorités décentralisées régions comme départements, plus de moyens en matière économique voire sociale, pour trouver des solutions locales. L’Etat a la charge de l’intérêt général mais il n’est pas interdit qu’il en confie aussi la responsabilité aux élus de terrain avec l’aide des services déconcentrés que le préfet dirige.  L’intérêt général se nourrit de la cohésion sociale, des intérêts des particuliers, et de l’humain avant peut être de la finance et l’équilibre d’une société à vocation mondiale. Une nation doit avoir un Etat fort et respecté : mais il doit faire la preuve de son efficacité au profit de tous les citoyens.  

En matière de justice le débat est récurrent sur le « pouvoir » des juges (notamment en matière pénale mais ce n’est qu’une petite partie des contentieux) et pour savoir si une décision ne fait pas droit à un particulier s’il s’agit ou non d’une décision liberticide ? Les juges ont- ils une obligation de résultats ou ont- ils - ce que j’espère et crois - une libre appréciation même si elle n’est pas favorable ? Peut- on faire de la peine à un justiciable qui mène un combat que l’Etat n’a pas abordé ?  Cela éviterait de revenir à l’éternel débat sur l’indépendance des juges ! Je cite un cas d’espèce tiré de l’actualité qui m’a ouvert des abîmes de réflexion, mais je ne suis qu’un vieux conservateur.  Je résume au mieux les faits et je m’excuse de mes raccourcis.

Un monsieur a eu deux enfants avec sa femme. Puis étant transgenre il est devenu lui-même femme ce qui a été transcrit à l’état civil conformément à une loi de 2016. Toujours marié il avait eu avec sa femme un troisième enfant en 2014 car il n’avait rien perdu de ses attributs virils. Il a voulu aller encore plus loin et que pour l’état civil de son dernier enfant l’administration l’inscrive comme mère. Il y a eu conflit d’où la saisine des juridictions.   La cour d’appel de Montpellier a quasi fait droit à sa demande en lui conférant un statut inédit : celui de « parent biologique ». La cour de cassation a été saisie et par arrêt du 16 septembre 2020 elle a cassé l’arrêt de Montpellier en renvoyant le dossier devant une autre cour d’appel, en considérant que la filiation pouvait être reconnue par la voie de l’adoption, et que dans l’intérêt supérieur de l’enfant on ne pouvait accéder à la demande. Elle a donc refusé le statut de mère à un homme devenu femme.

L’avocat du monsieur/dame et l’association qui soutenait son combat ont crié à une « violation des droits et libertés essentiels » et que la cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg serait saisie au plus vite. Je ne me prononce pas sur le fond humain de ce dossier et je respecte les motivations profondes du demandeur mais je m’interroge sur l’aspect égalité humaine du jeune enfant surtout pour son avenir et ce qu’il pensera quand il sera adulte :  l’enfant n’a -t -il pas droit à avoir un père et une mère comme ses ainés, et non pas deux mères , sujet vaste par ailleurs avec des projets législatifs en cours sauf erreur ?  Plus sérieusement juridiquement ce procès pose la question des droits de la société puisque on peut tenter de remettre en cause les fondements en droit de la filiation et de l’état civil. Les droits individuels ont -ils vocation à être illimités seraient -ils en contradiction avec les tendances lourdes de la société et de la majorité silencieuse.  La cour de cassation semble avoir voulu dire que la vie privée ne peut pas prendre le dessus sur le droit existant qui concerne tout le monde.   

  La question est :  l’Etat à travers sa justice rendue au nom du peuple français peut- il faire droit à toutes les demandes quand la loi est muette, avec des requêtes infiniment rares comme spécifiques pour satisfaire l’envie irrépressible et de bonne foi d’un individu ? On sait que des militants plaident pour la disparition des termes père et mère ; veulent dégenrer les cours d’école, imposer l’écriture inclusive et se réservent d’autres nouveautés qu’ils estiment progressistes.

 L’Etat pouvoir exécutif par ses décisions propres ou à travers la justice – « simple » autorité judiciaire- doit- il être un distributeur automatique de droits nouveaux ou un justicier (masqué évidemment) si la morale ne coïncide pas avec le droit ou des besoins pragmatiques comme le maintien de l’emploi ? Doit-il confier le soin aux juges dans leur indépendance de créer des règles en évitant ainsi des débats publics dans des domaines délicats qui engagent l’avenir comme par exemple la bioéthique qui touche à la morale personnelle, à la conscience de chacun, et qui peut bouleverser notre société ? « Il ne faut toucher aux lois que d’une main tremblante » a écrit Montesquieu. La justice n’est pas un laboratoire d’idées ou un substitut au peuple qui ne s’est pas exprimé sur un sujet donné.

Et l’Etat peut de moins en moins d’où l’urgence de le réformer en profondeur, de ne lui confier que ce qui est vital, qu’il garantisse l’état de droit et le fonctionnement des institutions, et assure la redistribution pour ne pas oublier les plus faibles. On doit pouvoir avoir confiance et faire participer la société civile à l’intérêt général qui n’est pas le monopole exclusif de l’Etat.  Celui-ci a le devoir de garder les intérêts collectifs supérieurs de la nation et de ne pas s’aventurer sur des chemins sinueux qui conduisent à l’inconnu. Il n’est le serviteur de personne, il doit rester le maître même si certain(e)s trouvent cette appellation connotée y compris… pour les avocats ! On progresse !

Cessons de demander tout à l’Etat ou à la justice qui d’ailleurs « rend des arrêts et non des services » comme le déclarait jadis le 1er président de la cour d’appel de paris et pair de France Antoine-jean Séguier.  

mardi 15 septembre 2020

ne cédons pas à la facilité


Ne cédons pas à la facilité.
               Par Christian Fremaux avocat honoraire.
Il fallait s’y attendre. Après la polémique sur les termes ensauvagement et celui de sentiment d’insécurité les français qui craignent d’être des victimes réelles ou potentielles pour des faits malfaisants de toute nature ont répondu à un sondage qu’ils étaient pour le rétablissement de la peine de mort. Docteur Guillotin au secours on confond 2020 et 1789. Ce n’est pas la bonne période pour les avocats pénalistes devenus ministres. Me Badinter doit être dans tous ses états, et Me Dupont-Moretti doit penser que défendre un individu aux assises est plus facile que défendre le peuple français face aux agresseurs.
Le manichéisme en matière de justice pénale n’est pas acceptable car si la répression à outrance avait stoppé les violences, les meurtres, les assassinats, et les attentats on le saurait. De même si la prévention avait porté tous ses fruits, on vivrait heureux sans récidive dans une société parfaite. Mais si tel n’est pas le cas et que l’on constate que le mal existe, que le bon sauvage de J.J. Rousseau est devenu dans la vie des gens un dangereux délinquant, ou un citoyen qui ne respecte aucune règle et qui pourrit le quotidien, il faut en tirer les conséquences. Faire l’autruche n’est pas une politique, dénier la réalité non plus, vouloir respecter à la lettre les droits de l’homme que les délinquants ignorent eux, donner des chances successives à ceux qui s’en moquent, accepter toutes les différences qui sapent les fondements de la république et qui fissurent la nation, et renoncer devant un climat délétère où chacun estime n’avoir que des droits sans devoirs, c’est s’exposer à une escalade qui ne peut rien produire de positif. Notre démocratie représentative est fragile et on sent bien qu’elle peut basculer dans le pire. Nous devons faire un effort collectif pour retrouver ce qui fait sens, nos valeurs traditionnelles, y intégrer des notions nouvelles et faire en sorte que tout le monde ait sa place, à la condition que les candidats ou ceux nés sur notre sol jouent le jeu et ne dénigrent pas ce qui existe en parlant systématiquement de racisme, de discriminations structurelles et d’inégalités voulues, exigent d’obtenir pardon pour  ce qui a été ou est à l’étranger, veulent des excuses pour ce que nos très anciens aînés ont cru devoir bien faire. On ne bâtit pas l’avenir en démolissant le passé.
Le citoyen sait qu’il n’y a pas de solutions miracles en matière d’insécurité, et que c’est l’affaire de la société en général de mettre en œuvre les moyens qui s’adaptent aux nouveaux comportements. Oui je n’hésite pas à l’écrire : c’est à la société d’adapter les outils juridiques et autres supports techniques pour faire face aux nouvelles menaces, car si l’on attend que le délinquant potentiel attiré par les profits faciles, ou en proie à ses pulsions morbides qu’aucun spécialiste médical ne décèle, décide de bon gré de rentrer dans le rang pour travailler et participer à l’effort comme tout un chacun ou devenir un homme-femme lambda, on s’égare. Il ne faut pas préparer la dernière guerre. Il faut prévoir, anticiper et avoir les réponses à ce qui peut arriver de pire ou de destructeur du lien social.  Car au- delà de l’économique et du social, les problèmes de sécurité et de justice sont des éléments du climat difficile actuel, de la défiance envers les institutions, du manque d’autorité et du fait que le citoyen réclame des actes et moins de paroles.
La peine de mort tient la corde dans les sondages. Qui s’en étonnerait tant la solution est facile. Mais pour qui et pour quoi ? Quel ministre monterait à la tribune de l’assemblée nationale pour plaider son retour ? Même pas un ancien avocat commis d’office ! Mais on comprend les motivations qui conduisent à cette réponse. Je pense aux crimes de sang qui indignent ; les violences volontaires aussi chez les jeunes sans vraies raisons et très brutales ; les attentats qui frappent à l’aveugle mais qui sont signés pour nous déstabiliser et faire tomber notre civilisation… On est là en légitime défense et la société a le droit de se défendre et de punir très sévèrement.  Ces cas très très graves sont quand même peu fréquents heureusement même s’il y en a de trop. L’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales rattaché à l’Inhesj (et début 2021 à  I’Ihemi ?) les décrit et donne des explications.  Après un procès qui doit intervenir le plus rapidement possible et non des années plus tard, la sanction doit être de la prison ferme, et il faut réfléchir pour savoir si on maintient les dispositions actuelles d’exécution de la peine puis de la libération, ou non. Il ne faut jamais priver un coupable d’espoir, mais on peut en durcir les conditions ?  La société ne doit pas appliquer les méthodes des criminels. Elle ne peut donner la mort : elle doit préserver la vie.
La peine de mort ne répond pas non plus à ce qui exaspère ou qui cause des dommages de moindre importance, même si la victime veut avoir sinon vengeance au moins réparation et que le responsable soit sanctionné.  Ainsi le squatteur qui « vole » une propriété, ce qui révulse tous les propriétaires qui se sont sacrifiés pour acheter leur bien. Ne faudrait-il pas une loi plus efficace ?  Ou celui qui fait des rodéos motorisés dans les rues : qu’il soit condamné à les nettoyer ! Pour la plupart des infractions importantes je ne crois pas que les juges soient laxistes. Ils appliquent la loi que nos parlementaires votent : ceux-ci ont décidé qu’à moins d’1 an de prison prononcée il fallait trouver une alternative à l’enfermement. Si les citoyens ne sont plus d’accord, qu’ils fassent changer la loi et /ou ne votent pas pour des candidats qui ont d’autres raisonnements que les leurs.  Le responsable n’est pas toujours l’autre. Le citoyen-électeur doit user de ses armes. Ne cédons ni à la fatalité ni à la facilité.
Il ne peut y avoir des boucs émissaires. La France a un passé, une histoire qui se construit tous les jours et des élus verts ont le droit de ne pas aimer le tour de France cycliste ou l’arbre de nöel. Mais on a aussi le droit d’être en désaccord avec eux, de ne pas voir le mal partout , de ne pas vouloir de la société qu’ils prônent , d’être conservateur et libéral puisque l’Etat ne peut pas tout, ce qui ne veut pas dire ringard, et de penser que la France vient de loin , que la république qui a fêté l’anniversaire des 150 ans de la 3ème a des valeurs solides toujours modernes  qu’il faut conforter, et que le consensus est préférable  dans la vie quotidienne à de prétendus progrès qui sont dans la tête de certains exaltés.  
La démocratie participative que beaucoup réclament s’en portera mieux. Les effets d’annonces ne concernent que ceux qui y croient. En matière de justice soyons fermes en donnant à nos magistrats les textes et solutions pratiques dont ils ont besoin. Sans pour autant réchauffer un débat qui n’a pas de sens, sachant que l’on ne prend pas un marteau pour écraser un virus serait- il le covid-19.
Et rappelons-nous la formule de John Kennedy : « ne te demande pas ce que ton pays peut pour toi. Demande- toi ce que tu peux faire pour ton pays ».    

vendredi 4 septembre 2020

le sentiment d'insécurité:bis repetita.


Le sentiment d’insécurité : bis repetita.
par christian fremaux avocat honoraire.

Je me souviens. En 1989 M.Pierre Joxe était ministre de l’intérieur et les problèmes d’insécurité avaient explosé. On discutait déjà du sexe des anges ce qui a perdu Byzance, pour savoir si ce qu’on appelait les faits divers à l’époque étaient surestimés, si c’était une réalité ou un simple sentiment c’est-à-dire une appréciation subjective souvent exagérée et ne reposant sur aucune certitude. A l’image de l’Ihedn (institut national des hautes études de défense nationale) qui existait depuis des années et qui permettait à des experts militaires comme civils de la défense nationale de réfléchir sur les menaces, d’analyser avec tous les moyens de l’Etat, de proposer des solutions aux pouvoirs publics, et de pouvoir réagir vite s’il le fallait, M.Joxe créa l’Ihesi institut  des hautes études de la sécurité intérieure ( à vocation nationale) et il y ajouta l’observatoire national  de la délinquance et des réponses pénales (ondrp) comme outil statistique, que M.Alain Bauer pilota avec maestria. Connaissant le mot de Churchill : « je ne crois pas aux statistiques sauf celles que j’ai moi -même falsifiées ».
La première promotion eut lieu en 1990 : après sélection nationale sur dossier puis entretien individuel elle regroupait une centaine d’auditeurs admis parmi la haute fonction publique, les hauts gradés de la gendarmerie et de la police nationale, le corps préfectoral… enfin tous ceux qui concouraient à la sécurité publique, avec des magistrats, quelques parlementaires et des membres de la société civile. C’est le ministre de l’intérieur qui validait les candidats choisis par arrêté publié au journal officiel.  Comme avocat je fus retenu dans la 2ème promotion de 1991. Un des intérêts majeurs de cet institut est qu’il mettait en contact des responsables publics comme privés qui auparavant ne se parlaient pas, ignoraient l’état d’esprit et les contraintes des autres, leurs fonctionnements, et permettait ainsi de nouer un dialogue positif permettant d’agir concrètement avec plus d’efficacité.
 Tout en continuant à exercer leurs activités professionnelles, les auditeurs recevaient une formation pluridisciplinaire au plus haut niveau, participaient à des groupes de travail et rendaient des rapports circonstanciés et documentés, faisaient des visites sur site ( je me rappelle avoir passé quelques jours dans la vallée de la Sambre, avec toutes ses friches industrielles ,le chômage, la délinquance…) et se déplaçaient à l’étranger pour comparer. L’institut avait de nombreux chercheurs de toutes disciplines, s’intéressaient aux matières liées à la délinquance, au terrorisme, aux menaces nouvelles qui émergeaient, organisait des colloques aux thèmes pointus, faisait venir les responsables en fonction de la sécurité et de la magistrature pour qu’ils parlent de leurs expériences de terrain, et alimentait les pouvoirs publics de ses conclusions.
 Le sentiment d’insécurité fut disséqué, vérifié, étudié scientifiquement. Je peux citer entre autres multiples études, le travail de M. Sébastien Roché qui continue à faire autorité.
L’Ondrp outre ses analyses des infractions en général catégories par catégories, avait commencé à faire aussi des enquêtes de victimation qui consistent à demander aux victimes quelles infractions elles ont subi, dans quelles circonstances, avec quels impacts matériels ou psychologiques et un rapport volumineux était rendu au ministre solennellement chaque année.  Alain Bauer est devenu professeur de criminologie et est un expert mondialement connu, invité dans les médias et ayant l’oreille de nos gouvernants.
L’Ihesi prit une dimension considérable au fil des années, se transforma en Inhes (institut national des hautes études de sécurité) puis ajouta le J pour justice car on avait pris conscience que sécurité et justice étaient liées. L’institut devenu établissement public administratif fut placé sous l’égide du 1 er ministre pour en faire un outil transversal interministériel. IL est encore l’Inhesj institut national des hautes études de sécurité et justice. J’écris encore car M.Edouard Philippe premier ministre a décidé fin 2019 de le supprimer  comme d’autres organismes publics ayant moins de cent personnes , pour de bonnes raisons  selon lui  mais je pense essentiellement budgétaires car la sécurité et la justice restent en pointe de l’actualité. Il serait désastreux de se priver d’un tel outil de gestion des crises, du management de la sécurité, de l’étude de la violence et de la délinquance, des menaces terroristes et sanitaires, de la cybercriminalité, de la protection des entreprises et des données personnelles, de l’immixtion des réseaux sociaux … Bref on a besoin d’un tel institut.
J’ai fait ce rappel historique pour montrer qu’on dispose déjà de nombreux rapports, que l’on a circonscrit les problèmes, et que désormais on sait que l’on ne pourra jamais empêcher un crime et que l’homme commette le mal, ni des violences y compris dans la famille ce qui est désolant puisque on croit y découvrir l’amour et la bienveillance. Et si on déplore la délinquance, les incivilités, le manque absolu de respect et de civisme, l’émergence de difficultés qui ressurgissent avec des idéologies ou des religions radicales, on a des solutions à condition qu’il y ait une volonté politique qui s’appuie sur un consensus citoyen et sur les valeurs de la république. C’est bien de s’indigner ; c’est bon de ne vouloir stigmatiser personne. Je suis pour l’humanisme mais à la condition que les coupables y mettent du leur, que la société se ressaisisse, que les citoyens qui dérapent tentent de « s’empêcher » comme le disait le père d’Albert Camus, que le civisme refleurisse, et que l’on soit tous d’accord pour faire gagner tout le monde dans la société apaisée et réunie sans séparatisme et sans vouloir imposer des règles ou des coutumes qui ne correspondent ni à notre identité ni à notre corpus de droit ou de valeurs universelles.  Ce qui n’enlève rien aux débats publics, aux contestations, aux réclamations pour plus de partage ou de redistribution. Mais la sécurité et la justice ne doivent pas permettre des polémiques et l’accusation de laxisme ou au contraire de tout répressif donc de mesures liberticides, n’a pas lieu d’être. Il faut trouver le bon équilibre, celui qui protège, celui qui rassure.    
L’ Ihedn  a sauvé son existence tout en devant se restructurer : je m’en réjouis comme ancien auditeur. L’Inhesj est repris à partir de janvier 2021 par le ministère de l’intérieur, sans qu’on n’en connaisse encore exactement les modalités pratiques en détail et les compétences en matière de formation que conserve le ministère de la justice. Mais la sécurité ou l’insécurité comme on veut font de nouveau parler d’elles avec vigueur.  C’est un retour vers le futur.  
Cet été 2020 fut terrible en matière de délits et crimes, sans compter les incivilités, le non- port du masque et les attaques très graves contre les représentants de la puissance publique devenus des cibles qu’ils soient maires, policiers et gendarmes, pompiers, médecins en y ajoutant conducteurs de bus … Je ne peux tout décrire M. l’ancien avocat général Philippe Bilger ayant rappelé avec talent et modération sur son blog en disant qui faisait quoi où et quand. On a donc les informations. La crise de l’autorité a pris une ampleur inégalée. Des jeunes -ou des moins jeunes-que l’on ne définit pas mais que l’on reconnaitra se sont distingués en matière de violence extrême et de provocation ou de batailles rangées avec armes de guerre sur fond de trafics naturellement et pas pour réclamer du travail ; des récidivistes ont agi, dont un odieusement sur une jeune fille qu’il a violée et tuée. Le procès de l' attentat contre Charlie hebdo  s’est ouvert avec la souffrance enfouie des victimes, ce qui a mis l’accent sur les dangers réels et potentiels et révélé que la menace terroriste était toujours présente. Par ailleurs on sait que des territoires sont en danger, perdus pour l’état de droit comme l’a signalé M.Benssousan en 2002 et  ce que M.Ch.Guilluy a confirmé. L’universitaire Gilles Kepel a dit pourquoi.  Donc l’habitant lambda qui y habite s’inquiète car il vit les désordres. Ce n’est pas un simple sentiment.
 M.Darmanin ministre de l’intérieur incarne le glaive de l’Etat et les devoirs collectifs. Il est dans le réel quotidien. Il  a parlé d’ensauvagement de la société ce qui est un cran bien au- dessus des sauvageons de M.Chevènement et peut égaler les racailles de M.Sarkozy. Le ministre de la justice Me Dupond-Moretti ténor du barreau soucieux des droits individuels et conscient à juste titre que la société n’a pas besoin d’être encore plus électrisée a contesté cette appréciation en disant que l’insécurité était plutôt de l’ordre du fantasme, que la France n’était pas à feu et à sang (il a raison sur ce plan heureusement) et que tout fait criminel, délictueux ou autre serait puni au plus vite. On s’en réjouit si on donne aux magistrats les moyens de se prononcer peu après les faits prouvés par les forces de l’ordre. Plus il y a de greffiers et de juges mieux c’est : on a la justice que l’on se paie. Elle participe à effacer au moins le sentiment d’impunité.
 Mais un fantasme qui s’appuie sur des faits avérés est- ce encore un fantasme qui relève de l’imaginaire et de l’inconscient ? Et serait-ce le cas on doit combattre aussi ledit fantasme qui crée des polémiques et de l’incertitude voire de la peur irraisonnée. C’est un devoir du gouvernement tout entier, et aussi des citoyens puisque la sécurité est l’affaire de tous, avec désormais l’appui de la sécurité privée et des polices municipales, voire l’intelligence artificielle en matière de technologie. On ne rêve plus d’une société parfaite : on doit agir.   
Il ne faut pas avoir peur des mots.  Peu importe celui qui les emploie, leur origine n’est pas en cause. Ne pas nommer précisément c’est se condamner aux malentendus et à l’erreur. Jean-jacques Rousseau voulait écarter les faits qui ne correspondaient pas à sa pensée philosophique et contrariaient son argumentation pure ! L’individu de base, père de famille qui travaille, paie impôts et taxes, élève ses enfants selon ses valeurs familiales, use parfois de mots durs un brin excessifs. Il n’habite pas Saint -germain-des prés et n’a pas lu Michel Foucault. Il ne disserte pas sur la prison et la nécessaire punition. Il n’a pas l’impression qu’il encourage le désordre ou la chienlit ou la casse ou qu’il développe l’instinct de rébellion ou de désobéissance. Il a plutôt le sentiment qu’il sécurise ceux qu’il aime. 
 On a donc entendu revenir le vieux débat qui date de 1989 et qui paraissait être clos sur le sentiment d’insécurité. C’est désormais la notion de sécurité globale qui s’est imposée avec des causes protéiformes. Le sentiment d’insécurité est une vieille lune.  Naturellement ce n’est pas la sémantique qui compte, mais les actes pris par les pouvoirs publics pour ralentir ou plutôt stopper la montée de la violence et les infractions qui sont commises à toute occasion y compris pour de prétendus bons motifs ou surtout de moins bons voire de prétextes fumeux il faut l’admettre : ainsi quand le PSG perd on casse les champs Elysées. S’il gagne aussi car on est content ou pas assez quoiqu’il arrive et il faut se défouler après le confinement.
 Il faut cesser aussi de faire passer l’émotion avant toute raison et vérification contradictoire des faits. Le sentiment de faiblesse résulte de ce qu’on inflige un rappel à la loi pour l’agression d’un élu par exemple. Le sentiment d’insécurité vient du fait que ceux qui n’ont été victimes de rien (ou pas encore pour les plus pessimistes) voient ce qu’il est arrivé aux victimes réelles et en sont solidaires. On a la justice que l’on se choisit. Il appartient à nos parlementaires de voter des lois et des punitions à la hauteur de l’ambiance et des risques de 2020 et du comportement de certains dont des mineurs qui ne veulent pas se plier à la règle commune avec l’influence ce qui se passe à l’extérieur sur des théâtres de guerre ou de division raciale.  Il n’y a pas de présomption ou de sentiment de culpabilité en matière d’insécurité. Il y a des coupables avérés ou non. On a le droit d’être sentimental ou empathique qui est de la grandeur de l’humain, et de croire que le responsable c’est toujours l’autre. Mais on a le devoir d’être réaliste. Dura lex sed lex, sinon il faut changer la loi.
 Aux politiques de choisir et de prendre leurs responsabilités. Le citoyen ne veut pas arbitrer entre le laxisme et le tout répressif avec la tolérance zéro comme à New-York. Il veut simplement des résultats, que les ministres s’accordent. La sécurité exige des certitudes et pas des discussions sans fin. Que nos deux excellents ministres se parlent et trouvent des solutions qui satisfassent le citoyen, puisqu’après tout les politiques sont nommés pour servir le peuple et pas leur égo. 
C’est difficile d’être citoyen cela s’apprend, de ne pas jalouser celui qui a réussi, et c’est facile de rejeter l’autre qui serait la source de son échec.  On souhaite n’obéir qu’à son instinct et son plaisir, d’être en marge tout en se réclamant de ce qui l’arrange. Chacun a son échelle de ce qui est grave ou non, de celui qui doit faire l’objet d’une sanction ou non.  Le sentiment d’insécurité n’existe pas pour une victime. Alors cessons de discuter pour rien, de perdre son temps. Les ministres de l’intérieur et de la justice sont dans leurs rôles avec leurs tempéraments personnels. Ce qui compte pour les administrés c’est que la sécurité réelle, potentielle ou virtuelle existe en pratique ; que la violence soit éradiquée autant qu’il soit possible ; que les coupables reconnus subissent une peine qu’ils vont exécuter, pour préparer leur réinsertion bien sûr ; et que la république protège tous les citoyens.
Pour trancher cette querelle de vocabulaire qui cache une approche différenciée de fond et des problématiques, des décisions jusqu’à l’enfermement pour les cas les plus graves, et des mesures pour les autres, on ne va pas créer une commission bidule ou un institut : il existe déjà ! Il est à l’école militaire à paris. Les deux ministres bras -dessus bras -dessous n’ont plus qu’à l’interroger, car il n’est pas utile de réinventer l’eau tiède. C’est mon sentiment que je partage.

vendredi 21 août 2020

liberté et loi


                                     Liberté et loi.
        Billet d’humeur par Christian Fremaux avocat honoraire.
Je rentre de vacances en France l’esprit ramolli (comme d’habitude diront ceux qui ne m’aiment pas) par la canicule mais ayant subi les « nouvelles » chaque jour qui me font craindre le pire pour la rentrée. Je n’en peux plus d’entendre parler du covid, et de supporter la cacophonie des médecins non crédibles puisqu’il y a autant d’opinions que de spécialistes. Quand on ne sait rien de certain et vérifiable on se tait et on prône des précautions c’est tout et c’est simple. On a compris qu’il allait falloir vivre avec le virus : il faut s’organiser en conséquence. On ne va pas recommencer à se calfeutrer et mourir d’inanition économique. Il faut faire confiance aux français qui sont responsables et imaginatifs puisque l’on sait que l’Etat providence ne peut pas tout. L’Etat est fait pour prévoir les catastrophes et remédier du mieux possible, coordonner et fournir les moyens et le moral. Ce n’est pas en condamnant pénalement des personnalités que le virus va disparaitre .Et la recréation d’un haut -commissariat au plan qui rappelle des années disparues et un raisonnement étatique quelque peu daté, ne contribuera pas  à court ou moyen terme  à éradiquer le mal : pourvu que l’excellent M.Bayrou pressenti pour le diriger (bien qu’il ait dû démissionner du ministère de la justice pour des faits liés au financement de son parti politique toujours à l’instruction  ,comprenne qui pourra) soit assez perspicace pour trouver des solutions efficaces qui réconcilient les français. Par ailleurs toujours audacieux avec un sens pratique, les enseignants ont voulu reporter la rentrée, jusqu’à la saint- glinglin ou l’arrivée d’un hypothétique vaccin ? Ce fut non.  Le chômage est annoncé devoir être terrible : chacun s’y prépare sans savoir quoi exactement. Des prétendus responsables rêvent à la convergence des luttes et des dates de grèves ou de défilés -forcément par de bons enfants pacifiques dont on connait les tristes pratiques-sont déjà fixées puisque le président a annoncé de l’argent coûte que coûte : l’Europe paiera , les pays du nord radins aussi, bravo.  Les exigences de toutes natures vont aider alors que l’on a besoin d’union, de consensus et d’efforts en commun !
Au secours maman, j’ai peur. Et les interpellations et exclamations continuent, il n’y a pas de crise à ce sujet.  Abordons d’autres thèmes où on se cache derrière la liberté. 
Nous sommes dans une époque où chacun est prompt à vouloir saisir la justice pour tous motifs qu’ils soient de diffamation ou injure, d’atteinte à son égo souvent, où pour dénoncer des faits souvent très anciens voire prescrits mais qui indignent dans la tendance actuelle, qui touchent à la morale, et qui ne sont plus admis dans l’indignation générale pour tous sujets. Car tout est devenu grave y compris le secondaire. On ne relativise plus : on affirme et on cloue aux poteaux des condamnés.  J’ai relevé pendant les mois d’été quelques nouveautés qui ne font pas l’unanimité et sapent ce qui faisait notre joie ou notre sérénité.
Le cas des animaux maltraités en fait partie à juste titre, mais je préfèrerai que l’on s’occupe des humains qui souffrent  et qui sont pauvres ou ignorés par la société,  ou  celui de la nature outragée aussi souvent par les citoyens qui ont un comportement personnel inadmissible– avant de vouloir sauver la planète- Il n’y a jamais  aucun débat contradictoire  pour apporter des preuves et la présomption d’innocence se transforme en un soupçon généralisé où il faut croire sur parole le ou la plaignante , et ceux qui font passer l’émotion d’abord comme des porteurs de vérité. Les ayatollahs de la pensée sont légion surtout dans l’anonymat des réseaux sociaux et circulent plus de fake- news que de réalités vérifiées. L’essentiel est dans le buzz et la caricature et cela commence à fatiguer.
Chacun peut être concerné ce qui ne rassure pas et personnellement je passe mon temps à revoir ce que j’ai fait depuis la maternelle, car il est possible que j’aie fauté sans même m’en rendre compte. Je suis né blanc en outre, du genre masculin même si le genre ne veut plus rien dire selon les élites éclairées, sans religion affirmée ce qui est suspect aux yeux des croyants. Je paie depuis des dizaines d’années taxes et impôts, et vit du fruit de mon travail ce qui est un privilège inouï je l’avoue en baissant la tête ; et sans demander aides ou subventions sociales ce qui est louche. On me répondra que je suis certainement « riche » par rapport à ceux qui n’ont rien et je ne le nie pas sauf pour modérer cette affirmation, mais sans m’excuser puisque je n’ai pas spéculé : j’ai accompli ma tâche.  Je suis auxiliaire de justice ce qui me rend partisan puisque la justice n’est pas indépendante, surtout pour les autres on le sait : on aime la justice qui protège le faible entendu comme le délinquant qui a des excuses sociales, sociologiques ou familiales ( il  n’a pas eu son goûter car ses parents ne parlent pas français ou ne connaissent pas leurs droits)  mais surtout qui condamne les puissants , ce qui est une sorte de revanche.  
L’extrême violence quotidienne pour des motifs futiles m’inquiète, plus aucune autorité n’étant supportée. L’intérêt général est une vieille lune et les devoirs collectifs sont devenus ringards. On a vu que pour fêter leur joie après la victoire d’un club de football sur les Champs- Elysées il y a eu de la casse et l’attaque d’un car de police. Le bonheur veut donc dire violence. La frustration aussi, et les manifestations encore plus.  Les jeunes, euphémisme qui évite de stigmatiser parait-il, ne supportent pas de porter un masque ou de se confiner un minimum pour protéger les autres. On agresse pour se défouler y compris une infirmière ou un conducteur de bus : l’un d’entre eux en légitime défense a passé à juste titre une bonne correction à celui qui le frappait. On n’est pas obligé de tendre l’autre joue ou de se mettre à genoux : la séquence a été vite supprimée des réseaux sociaux par les modérateurs officiels. Je n’adhère pas automatiquement au progressisme échevelé ou aux oukases de la bien- pensance. Il me semble qu’on n’a pas l’interdiction- mais cela peut changer avec les minuscules groupes de pression- de ne pas aimer tel ou tel, ou de ne pas être d’accord avec ceux qui professent des  imbécillités, ne connaissent pas l’histoire en particulier coloniale avec le contexte de l’époque et les acquis  par le sang de 1789 et n’ont pas compris que la France avait des principes universels et humanistes  qui s’opposent aux communautés, à la discrimination positive , ou à des cultures qui sont le contraire de celles des siècles précédents et qui ont fait notre renommée et notre art de vivre ouvert aux autres s’ils respectent nos lois et coutumes.   Je mérite donc au moins un procès pour m’apprendre à vivre et à accepter n’importe quoi comme si une nation se réduisait à offrir toujours plus de droits sans contrepartie, à encourager ce qui la désagrège, à lui faire perdre son identité, et à ne pas supporter que tous les individus fassent ce qui leur plait, y compris par la violence pour s’imposer à la majorité silencieuse.
On aura beau déboulonner toutes les statues qui rendent hommage à des gloires passées – pour y substituer qui ?- on n’arrivera pas à changer l’essentiel : le droit de vivre en tranquillité, sans scandales permanents, sans violences même pour des motifs dits justifiés ce qui se discute, sans remettre en cause toute légitimité y compris élective, en étant fier d’appartenir à un pays en paix, redistributif, accueillant…  Malgré les réformes à faire pour réduire ou supprimer les inégalités et permettre à tous de vivre dans la dignité.  Mais qui peut prétendre construire un monde parfait s’il existe ?. Les oppositions ont parfois raison dans leurs critiques mais que feraient-elles au pouvoir. Mieux ? On n’est pas certain, ce qui n’empêche pas de proposer. Quand on compare avec la majorité des autres pays dans le monde à feu et à sang quand il y a un vrai Etat qui gouverne, on devrait être modeste dans ses revendications, et plus modéré. 
On vit une époque formidable puisqu’au nom de la liberté on interdit celles des autres et on donne mauvaise conscience à tous. Citons quelques exemples non exhaustifs :   on doit manger bio et on peut attaquer physiquement les agriculteurs qui gèrent leurs champs selon leurs compétences et produits adaptés. Mme Pompili ministre a avalé son chapeau en rétablissant courageusement un traitement pour les betteraves, qu’elle avait elle -même interdit ! Il ne faut pas prendre sa voiture diesel ou l’avion mais il est de principe écologique d’ empêcher le tour de France cycliste (qui a réduit ses emplois 2020 de 5000 à 3000 personnes merci pour les chômeurs) qui pollue et oblige des hôtesses à embrasser le vainqueur d’étape : c’est odieux et indigne de la femme ! Il faut supprimer le nucléaire et les emplois qui vont avec au profit des éoliennes en priant pour qu’il y ait du vent. On peut faire ce que l’on veut du corps. Les féministes ont raison par principe pour tout et la moindre de leurs accusations ou demandes est sacrée. Les chasseurs à courre- ou traditionnels dont je suis - sont dans le collimateur comme des bourreaux, y compris ceux qui ne sont pas végans .Il est quasi obligatoire d’utiliser l’écriture inclusive . Les terroristes sont des délinquants comme les autres et il n’est pas question de les surveiller après leur sortie de prison et de leur imposer des peines complémentaires (décision d’été du conseil constitutionnel). Les jeunes ont le droit de se défouler en conduisant avec du H. que l’on veut légaliser dans des rodéos motorisés et la loi qui veut les punir est inapplicable… J’en passe et des plus sévères. La liberté permet tout et interdit tout le reste.
On n’entend quasiment jamais des décisions positives, des solutions pour sortir de la crise, comment éviter la violence, pourquoi protéger le pays de tous ceux qui l’agressent de l’intérieur ou de l’extérieur ; du rôle de nos militaires au sahel qui se battent pour nos libertés ; du sacrifice des pompiers, de la sécurité civile et des soignants (sauf péril avéré), des forces de l’ordre sauf pour des bavures prétendues.  Et d’un espoir sur le plan économique et social c’est le silence radio.  Manifestement le fléau de la balance est bloqué.
C’est pourquoi j’évoque la liberté et la loi. 
J’ai lu pendant mes vacances le livre de Pascal Mbongo chez Balland « écrivains à la barre ». Au 19ème siècle les écrivains comparaissaient devant la cour d’assises (Zola) ou le tribunal correctionnel (Baudelaire, Flaubert, Proudhon, Victor Hugo.. ) souvent pour outrage à la morale religieuse ou à la morale publique, outrage aux bonnes mœurs… et risquaient outre des amendes, de la prison ferme. Les plus illustres avocats prononçaient des plaidoiries très longues souvent déjà écrites pétries de culture grecque ou de citations latines (la loi Toubon exigeant le français n’existait pas !) pour défendre leurs célèbres clients. Ceux- ci avaient le droit de plaider pour eux -mêmes et de justifier leurs oeuvres . On pinaillait sur un mot, sur une expression ou une description, sur une métaphore, on comparait, on raillait, on ergotait, on planait dans les hauteurs, on élevait les débats. Le public applaudissait ou sifflait. Parmi les magistrats du parquet M. l’avocat général Pierre Ernest Pinard (1822-1909) portait l’accusation avec éloquence. Il a requis par exemple contre Flaubert pour Mme Bovary. Victor Hugo avait intenté un procès qui a eu lieu le 19 décembre 1832 à propos de sa pièce « le roi s’amuse » dont les représentations avaient été interdites. Il criait à la censure. Après la plaidoirie magnifique de son avocat Me Odilon Barrot il prit la parole pour affirmer que l’écrivain avait toutes les libertés contre l’arbitraire des appréciations du gouvernement. Il fut débouté.
 Je retiens de lui quelques phrases : d’abord :« sur ce tribunal vous représentez une idée auguste et moi à cette barre j’en représente une autre. Sur votre siège il y a la justice, sur le mien il y a la liberté». Puis : « la justice et la liberté sont faites pour s’entendre. La liberté est juste et la justice est libre ». Enfin : « qui a le droit a la force et qui a la force dédaigne la violence ! il n’y a pas de droit au-dessus du droit » …
N’est pas Me Hugo avocat d’un jour qui veut.  De nos jours les plaidoiries sont moins flamboyantes sauf exceptions par un ténor du barreau et … plus courtes. Mais les paroles de l’écrivain sont d’actualité.
On peut tout dire et être ferme sans menacer ou invectiver, ou être discourtois ou violent. La vie en société surtout quand elle est en crise de nerfs impose de la distinction et de la retenue. Dans une démocratie le dialogue seul est fécond. On ne peut progresser collectivement qu’en respectant la liberté des autres, celle de la majorité silencieuse. Et la loi même si elle ne nous parait pas excellente car on peut toujours l’améliorer.  Les plus excités n’ont pas forcément raison et en réclamant la justice pour une cause, celle-ci n’est pas forcément juste. Attaquons la rentrée qui va être difficile en prenant de bonnes résolutions surtout celle de se calmer et de coopérer dans l’intérêt de tous. 

mercredi 15 juillet 2020

les postures et la démocratie


                             Les postures et la démocratie.
Billet d’humeur par Christian Fremaux avocat honoraire et ancien élu local.
 Comme Stéphane Hessel j’ai envie de m’indigner, c’est l’été et je déconfine : on a les références modestes ou non que l’on mérite ou que l’on s’attribue. Etant de mauvaise humeur comme tout le monde pour des motifs aussi obscurs que subjectifs liés à l’air du temps, je vais être un peu ? de mauvaise foi ce qui réussit souvent à certain(e)s qui veulent nous faire prendre des vessies pour des lanternes ; ou se croient victimes putatives des autres ; mais surtout donnent des leçons de vertu, de morale, de comment vivre. Je n’aime pas que l’on me dicte mes comportements et ce que je dois penser.  Surtout par des minorités de toutes couleurs pour qui on doit faire acte de repentance pour tout sujet, et soutenir leur action qui serait par définition juste. Sachant que ceux qui revendiquent n’ont en général aucune responsabilité de droit ou représentative qu’ils/elles se sont auto- proclamé(e)s champion(ne)s d’une cause en croyant détenir la vérité, et se sont mué(e)s en professeurs du verbe en écartant le principe de réalité. Ce sont des citoyen(ne)s comme les autres et on n’est pas obligés de croire en ce qu’ils disent ni partager leurs méthodes d’action même si leur combat est utile. Mais de là à dénier a priori un gouvernement à peine nommé et s’attaquer en particulier à deux ministres qui n’ont pas encore commencé à travailler, non et j’ajoute non.
J’ai avalé ma blédine de travers quand j’ai entendu les magistrats et les féministes (drôle d’attelage) protester de conserve contre la nomination du nouveau Garde des sceaux, et les féministes seules récidiver contre le nouveau ministre de l’intérieur, ministres venant de la société civile et élective ce qui nous change des hauts fonctionnaires passés du public au public en ayant la sécurité de l’emploi quoiqu’il arrive. Cela m’a rappelé la déclaration baroque de M.Castaner quand il a dit que l’émotion mettait de côté toutes les règles de droit [sic]. Chacun est donc à la merci de son voisin qui ne l’apprécie pas ; de tel ou telle qui a déposé plainte pour n’importe quel motif ; de celui ou celle qui considère que l’on est un privilégié et aussi riche ce qui est une double peine, et que l’on doit donc payer…  les exemples n’ont pas de fin. Et si on n’est pas maximaliste dans le soutien, on est moins que rien donc un adversaire à combattre. Voilà de l’ouverture d’esprit !
La question est : le gouvernement qui par la volonté du président de la république élu au suffrage universel est issu de l’ensemble des français doit- il être soumis à l’avis préalable des corporations, des groupes de pression qui hurlent, et au rejet de tous ceux qui s’estiment brimés ou pas écoutés pour de multiples raisons bonnes ou non, objectives ou orientées ? Y a- t- il au nom de la liberté d’expression et de la défense de causes légitimes ou de pétitions de principe, une censure de fait alimentée par de très petites minorités qui prétendent détenir la vérité, qui préjugent des comportements à venir à l’aune d’une exégèse du passé et qui exigent qu’on leur donne d’office satisfaction y compris en justice ?  La composition du pouvoir exécutif peut -il dépendre de la conjoncture qui fluctue, du sentiment personnel de quelques- uns, ou de la détestation d’autres ?  On a naturellement le droit de ne pas aimer quelqu’un. Mais le pouvoir de nuisance n’a-t-il pas des limites ?  La démocratie qui a besoin de gens compétents et dynamiques peut -elle être l’otage de ceux qui dénigrent ? Cela rappellerait les heures terribles de la 3 ème et 4 ème république où les gouvernements valsaient régulièrement pour des polémiques diverses, au fil des scandales.
On a connu aussi et encore comment se passe l’action des gouvernements de couleur homogène voire incolore, avec des membres alignés comme des petits pois pour reprendre une formule qui n’a pas plu en France. Mais on n’est pas en Chine ou en Corée du nord, où dans un pays totalitaire bafouant les libertés, où les valeurs sont décrétées, où les citoyens ont un devoir celui de suivre la ligne du parti et où ils doivent d’abord obéir avant de formuler une minuscule observation. J’évoque en rappel les pays théocratiques où la loi est celle de la religion, où les juges ont un rôle modeste et où la place de la femme n’existe pas et le féminisme encore moins.  Il est facile et je m’en réjouis de critiquer et d’accuser publiquement en France, il y a peu de risque. L’état de droit est protégé par nos magistrats, et la parité fait que les femmes peuvent se faire entendre et faire reconnaitre leurs droits, par les mêmes magistrats.  
L’article 8 de notre constitution est clair :  le président de la république nomme le 1er ministre…puis sur proposition de celui-ci il nomme les ministres. C’est au président de prendre ses responsabilités et de désigner qui lui parait faire l’affaire, si je puis utiliser une expression triviale à l’égard d’excellences qui nous gouvernent.  Mais si le président se trompe il va subir. Si des « désignés » commettent des erreurs, n’ont pas tout dit de leur situation patrimoniale ou fiscale, ou persistent et signent dans des opinions provocantes et conflictuelles en créant des tensions, ou ont des avis qui clivent trop, ils peuvent être débarqués et révoqués ad nutum comme dans les sociétés commerciales, surtout s’ils sont poursuivis pénalement voire condamnés.  On l’a vu. On se rappelle des mensonges les yeux dans les yeux au parlement et des oublis de déclarations voire des propos maladroits car nul n’est parfait. On sait que les juges rattrapent des personnalités même si elles sont puissantes et courent vite en ayant des relations.
Le peuple français qui est adulte et ne se laisse pas embarquer dans le n’importe quoi politique a compris dans cette société  du spectacle et des postures  qu’un gouvernement doit comporter un peu de tout y compris dans l’intitulé des ministères ( on a connu jadis le ministère du temps libre ! qui n’était pas le ministère du chômage) , avoir un équilibre politique, territorial, paritaire, et on sait que la communication guide  nos pas, qu’il faut des vedettes de la société civile, qu’elles soient du barreau ou  du show-business ; ainsi que des symboles et des messages. On préfèrerait surtout de l’efficacité qui n’est pas incompatible avec ce qui précède mais n’est pas président de la république qui veut pour récuser untel ou critiquer par avance un autre.
On ne peut pas plaire à tout le monde et dans le passé tel ou telle ministre ne m’a pas enthousiasmé en raison de son passé et de ses prises de position. Par exemple la conception de la Justice selon Mme Taubira. Mais je ne me suis pas roulé par terre et répandu avec mes amis qui pensaient comme moi dans les médias.  Je n’ai pas estimé qu’elle devait partir car je n’ai pas la science infuse et le ministre de bonne foi ne peut avoir tort sur tout. J’ai attendu ses actes pour juger car si on ne change pas -comme le chantait Julio Iglesias- on peut réviser ses dogmes par la grâce des obligations ministérielles, et celle de l’intérêt général et de la réalité des faits.  En démocratie prendre une posture c’est gratifiant pour soi, mais cela n’apporte rien aux autres, sauf à créer le trouble et nuire à la cause que l’on défend.
Des magistrats- pas tous-ont estimé que nommer Me Dupond-Moretti comme Garde des Sceaux était une déclaration de guerre. Ils n’ont pas fait dans la modération eux qui ont un devoir de réserve et qui ont acclamé d’autres Gardes des Sceaux dans le passé. Et pour qu’il y ait guerre il faut deux ennemis ? Ils ont confondu l’avocat à la parole libre qui défendait ses dossiers et ses clients sans partager et approuver leurs actes et croyances, avec l’homme politique qu’il est devenu à son insu de son plein gré, responsable de ce qu’il va dire et faire.
 Ces magistrats auraient dû se souvenir du mur des cons bâti en empilant les codes et la bonne conscience que des novateurs politisés parmi eux avaient construit : le mur est démoli, mais il doit exister encore dans certains esprits. Ils prônent qu’il faut donner au moins une 2ème chance à toute personne qui a fauté. Ce que d’ailleurs le justiciable de base et les victimes n’apprécient pas. Me Dupond -Moretti qui n’a pas fauté n’a- t-il pas droit à une période d’essai en confiance ? Et s’il arrivait à réformer la maison qui prend l’eau, faire travailler à l’aune des technologies et des besoins nouveaux tout le monde, séparer le parquet du politique, donc conforter l’indépendance des juges et leur redonner du lustre et de la puissance indispensables dans un état de droit, entre autres mesures dont la gestion humaine des détenus et la prise en compte des victimes, ne serions-nous pas contents ?
D’autant plus que la justice n’appartient ni aux magistrats, ni aux auxiliaires de justice que sont les avocats, puisqu’elle est rendue au nom du peuple français qui est souvent loin des thèses à la mode excessives et dites progressistes. On le voit avec les juridictions formées de citoyens comme le conseil de prud’homme ou la cour d’assises. 
Ceux qui ont chahuté selon la tradition à géométrie variable le ministre à l’assemblée ont du souci à se faire. Quand Me Dupond-Moretti aura pris ses marques sur le banc des ministres comme dans les prétoires, il saura répartir avec tranchant et avec courtoisie comme il sied à un ministre. On ne réveille pas impunément un avocat pénaliste devenu ministre et qui ne dort pas ! (Selon le titre adapté d’un livre du grand juge d’instruction Gilbert Thiel).
Les féministes n’ont pas apprécié ses formules parfois à l’emporte-pièce sur des mouvements qui ne font pas la part belle aux hommes : cela fait partie du débat d’idées et ne signifie pas que l’on approuve des actes odieux et qu’on ne veut pas de poursuites pénales pour des faits prouvés. Déposer plainte n’a jamais voulu dire que l’on avait raison, et l’affirmation qu’il n’y a pas de fumée sans feu ne concerne pas la justice.  Toutes ces considérations ne justifient pas que l’on punisse par avance l’homme politique et qu’on lui refuse d’entrer ou rester au gouvernement. La démocratie n’est pas l’interdiction préventive.
Concernant les critiques contre le ministre de l’intérieur M.Darmanin toujours par les féministes décidément en verve, rappelons qu’il y a dans les principes intangibles du droit la présomption d’innocence, que la période des suspects  remonte à 1789 et qu’un juge d’instruction est chargé du dossier. La démocratie d’opinion impatiente et sûre d’elle -même qui ne doute jamais en voyant « des protections de coupables » partout, ne peut passer. Et je rassure ceux/celles qui s’inquiètent. Je ne doute pas que les juges renverront M.Darmanin devant le tribunal correctionnel ou la cour d’ assises s’il y a des éléments à charge et que le président de la république en tirera immédiatement les conséquences.  Ce serait faire injure aux magistrats de penser le contraire, eux qui ont été prompts début 2017 pour modifier de fait le cours de la campagne présidentielle, et qui prononcent des jugements exemplaires contre les puissants, à juste titre cela va de soi.
En outre nous avons besoin d’un ministre de l’intérieur de combat qui réussisse à réconcilier ceux qui font un métier très difficile et la population qui veut avoir confiance dans les forces de l’ordre ; à remettre de l’ordre public, à incarner l’autorité de l’Etat et jugule les séparatismes et les violences endémiques de toutes natures. Il ne se passe pas un jour sans que nous apprenions des faits qui indignent l’honnête homme/femme.  Il aura Mme Schiappa qui représente avec ardeur et conviction les droits des femmes à ses côtés pour veiller sur lui avec le titre de ministre de la citoyenneté. Je me réjouis que l’on parle de civisme et de valeurs républicaines après le taux d’abstention record des municipales dont le covid -19 n’est pas le seul responsable, mais aussi avec les notions de devoirs pour le bien commun qui accompagnent les droits individuels sans oublier la laïcité qu’il faut expliquer pour qu’elle soit comprise donc acceptée.  Le ministre de l’intérieur a une garde du corps : c’est tendance.   
Pour nommer les ministres, s’il faut obtenir un feu vert préalable des corporations, ou des mouvements tels que les féministes, les anti -racistes, les anti -fascistes, les verts, les bleus, les rouges sans oublier les noirs et les blancs, les révolutionnaires, ceux qui ne partagent pas la conception laïque de la république ou ceux qui ont une appréhension quelconque et j’en oublie, je crains que personne ne soit nommé. Les braillards de tout horizon ne peuvent avoir la peau d’un ministre et le dernier mot. La rue ne gouverne pas.
La démocratie n’a pas besoin de postures. Les responsabilités et les succès suffisent.
Je termine par un peu de poésie dans ce monde de brutes (hommes comme femmes).
« Comme je descendais des fleuves impassibles je ne me sentais plus guidé par les haleurs.
Des peaux rouges criards les avaient pris pour cibles les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs ».
J’invite ceux que j’ai critiqués ou qui se reconnaitront à monter dans le bateau ivre d’Arthur Rimbaud.