mardi 15 septembre 2020

ne cédons pas à la facilité


Ne cédons pas à la facilité.
               Par Christian Fremaux avocat honoraire.
Il fallait s’y attendre. Après la polémique sur les termes ensauvagement et celui de sentiment d’insécurité les français qui craignent d’être des victimes réelles ou potentielles pour des faits malfaisants de toute nature ont répondu à un sondage qu’ils étaient pour le rétablissement de la peine de mort. Docteur Guillotin au secours on confond 2020 et 1789. Ce n’est pas la bonne période pour les avocats pénalistes devenus ministres. Me Badinter doit être dans tous ses états, et Me Dupont-Moretti doit penser que défendre un individu aux assises est plus facile que défendre le peuple français face aux agresseurs.
Le manichéisme en matière de justice pénale n’est pas acceptable car si la répression à outrance avait stoppé les violences, les meurtres, les assassinats, et les attentats on le saurait. De même si la prévention avait porté tous ses fruits, on vivrait heureux sans récidive dans une société parfaite. Mais si tel n’est pas le cas et que l’on constate que le mal existe, que le bon sauvage de J.J. Rousseau est devenu dans la vie des gens un dangereux délinquant, ou un citoyen qui ne respecte aucune règle et qui pourrit le quotidien, il faut en tirer les conséquences. Faire l’autruche n’est pas une politique, dénier la réalité non plus, vouloir respecter à la lettre les droits de l’homme que les délinquants ignorent eux, donner des chances successives à ceux qui s’en moquent, accepter toutes les différences qui sapent les fondements de la république et qui fissurent la nation, et renoncer devant un climat délétère où chacun estime n’avoir que des droits sans devoirs, c’est s’exposer à une escalade qui ne peut rien produire de positif. Notre démocratie représentative est fragile et on sent bien qu’elle peut basculer dans le pire. Nous devons faire un effort collectif pour retrouver ce qui fait sens, nos valeurs traditionnelles, y intégrer des notions nouvelles et faire en sorte que tout le monde ait sa place, à la condition que les candidats ou ceux nés sur notre sol jouent le jeu et ne dénigrent pas ce qui existe en parlant systématiquement de racisme, de discriminations structurelles et d’inégalités voulues, exigent d’obtenir pardon pour  ce qui a été ou est à l’étranger, veulent des excuses pour ce que nos très anciens aînés ont cru devoir bien faire. On ne bâtit pas l’avenir en démolissant le passé.
Le citoyen sait qu’il n’y a pas de solutions miracles en matière d’insécurité, et que c’est l’affaire de la société en général de mettre en œuvre les moyens qui s’adaptent aux nouveaux comportements. Oui je n’hésite pas à l’écrire : c’est à la société d’adapter les outils juridiques et autres supports techniques pour faire face aux nouvelles menaces, car si l’on attend que le délinquant potentiel attiré par les profits faciles, ou en proie à ses pulsions morbides qu’aucun spécialiste médical ne décèle, décide de bon gré de rentrer dans le rang pour travailler et participer à l’effort comme tout un chacun ou devenir un homme-femme lambda, on s’égare. Il ne faut pas préparer la dernière guerre. Il faut prévoir, anticiper et avoir les réponses à ce qui peut arriver de pire ou de destructeur du lien social.  Car au- delà de l’économique et du social, les problèmes de sécurité et de justice sont des éléments du climat difficile actuel, de la défiance envers les institutions, du manque d’autorité et du fait que le citoyen réclame des actes et moins de paroles.
La peine de mort tient la corde dans les sondages. Qui s’en étonnerait tant la solution est facile. Mais pour qui et pour quoi ? Quel ministre monterait à la tribune de l’assemblée nationale pour plaider son retour ? Même pas un ancien avocat commis d’office ! Mais on comprend les motivations qui conduisent à cette réponse. Je pense aux crimes de sang qui indignent ; les violences volontaires aussi chez les jeunes sans vraies raisons et très brutales ; les attentats qui frappent à l’aveugle mais qui sont signés pour nous déstabiliser et faire tomber notre civilisation… On est là en légitime défense et la société a le droit de se défendre et de punir très sévèrement.  Ces cas très très graves sont quand même peu fréquents heureusement même s’il y en a de trop. L’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales rattaché à l’Inhesj (et début 2021 à  I’Ihemi ?) les décrit et donne des explications.  Après un procès qui doit intervenir le plus rapidement possible et non des années plus tard, la sanction doit être de la prison ferme, et il faut réfléchir pour savoir si on maintient les dispositions actuelles d’exécution de la peine puis de la libération, ou non. Il ne faut jamais priver un coupable d’espoir, mais on peut en durcir les conditions ?  La société ne doit pas appliquer les méthodes des criminels. Elle ne peut donner la mort : elle doit préserver la vie.
La peine de mort ne répond pas non plus à ce qui exaspère ou qui cause des dommages de moindre importance, même si la victime veut avoir sinon vengeance au moins réparation et que le responsable soit sanctionné.  Ainsi le squatteur qui « vole » une propriété, ce qui révulse tous les propriétaires qui se sont sacrifiés pour acheter leur bien. Ne faudrait-il pas une loi plus efficace ?  Ou celui qui fait des rodéos motorisés dans les rues : qu’il soit condamné à les nettoyer ! Pour la plupart des infractions importantes je ne crois pas que les juges soient laxistes. Ils appliquent la loi que nos parlementaires votent : ceux-ci ont décidé qu’à moins d’1 an de prison prononcée il fallait trouver une alternative à l’enfermement. Si les citoyens ne sont plus d’accord, qu’ils fassent changer la loi et /ou ne votent pas pour des candidats qui ont d’autres raisonnements que les leurs.  Le responsable n’est pas toujours l’autre. Le citoyen-électeur doit user de ses armes. Ne cédons ni à la fatalité ni à la facilité.
Il ne peut y avoir des boucs émissaires. La France a un passé, une histoire qui se construit tous les jours et des élus verts ont le droit de ne pas aimer le tour de France cycliste ou l’arbre de nöel. Mais on a aussi le droit d’être en désaccord avec eux, de ne pas voir le mal partout , de ne pas vouloir de la société qu’ils prônent , d’être conservateur et libéral puisque l’Etat ne peut pas tout, ce qui ne veut pas dire ringard, et de penser que la France vient de loin , que la république qui a fêté l’anniversaire des 150 ans de la 3ème a des valeurs solides toujours modernes  qu’il faut conforter, et que le consensus est préférable  dans la vie quotidienne à de prétendus progrès qui sont dans la tête de certains exaltés.  
La démocratie participative que beaucoup réclament s’en portera mieux. Les effets d’annonces ne concernent que ceux qui y croient. En matière de justice soyons fermes en donnant à nos magistrats les textes et solutions pratiques dont ils ont besoin. Sans pour autant réchauffer un débat qui n’a pas de sens, sachant que l’on ne prend pas un marteau pour écraser un virus serait- il le covid-19.
Et rappelons-nous la formule de John Kennedy : « ne te demande pas ce que ton pays peut pour toi. Demande- toi ce que tu peux faire pour ton pays ».    

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