mercredi 8 janvier 2025

On continue comme avant

 

                                      On continue comme avant

                Par Christian Fremaux avocat honoraire

Ce qui est curieux c’est que l’on ne tire jamais de leçons de ce qui s’est passé. On ne change pas une équipe qui perd ou a été désavouée. On emploie toujours les mêmes slogans ou ficelles. On reste figé sur ses positions et certitudes. L’immobilisme a de l’avenir.

L’année 2025 promet d’être de toute beauté dans tous les domaines où rien ne fonctionne on le sait et on le dénonce. Sans changer de ligne. On coule mais fièrement.  En matière de Justice on persiste. C’est un monument en péril unanimement considéré comme tel tant dans les moyens matériels qu’humains et je ne parle pas de son éventuelle dépendance au pouvoir exécutif. Sinon idéologique.  Mais on s’acharne à la saisir et à lui demander de régler tous les conflits, de faire de la morale en décidant du bien et du mal, et de jouer à monsieur-ou madame je fais attention à la parité- propre. Les vieilles affaires qui viennent à l’audience pénale permettent de relancer la machine à buzz et détourner le regard des citoyens de la triste réalité politique. On les invite au spectacle.

La société veut du sang notamment pour toutes celles et ceux qui sont des personnalités de la vie publique en général. Au nom de l’égalité et de ce qui est juste. Il n’y a pas de plus égaux que d’autres quelles que soient les illustres fonctions qu’ils ont occupées. On ne supporte plus les comportements du passé, ce qui est normal. La société est devenue intolérante sinon puritaine ou sectaire dans le domaine privé et par assimilation à l’expression d’opinions divergentes. On ne rit plus de tout. Il ne fait pas bon de n’être pas d’accord avec une minorité agissante dite progressiste. Comme si un camp avait le monopole du progrès qui ne peut intervenir que si on est en paix avec le passé dont on a compris les succès comme les échecs. Le récalcitrant devient alors forcément d’extrême droite -notion fourre -tout non définie mais menaçante par principe-ce qui permet d’évacuer le fond du débat et d’exclure des millions de citoyens qui ont mal voté et devraient être rééduqués.

 On veut désormais quasiment interdire, déconstruire, invisibiliser ce qui ne va pas dans le bon sens. Mais on ne sait pas qui est légitime pour choisir le bon sens. Je ne connais modestement pour ma part que les débats publics qui offrent des solutions puis des choix validés par le suffrage des électeurs.  Et qui ne doivent pas être remis en cause dès le lendemain par ceux qui ont été battus. La stabilité est nécessaire. Cela fait partie de la sécurité personnelle et d’apaisement pour les années à suivre. On ne peut constamment changer de chemin ou revenir à d’autres méthodes. C’est anxiogène. 

La rentrée 2025 s’annonce alléchante. Je ne parle pas des jeux du cirque qui ont lieu à l’Assemblée nationale. Tel parti avec des alliés improbables baisse le pouce et le César premier ministre pour un instant part en exil. Comme le chantait Jacques Brel : « au suivant ». Je n ’évoque pas non plus M. Sarkozy qui avec son bracelet électronique-mais lui échappe à toute OQTF-va devoir s’expliquer sur de prétendues turpitudes Libyennes avec ses amis anciens ministres. Que de beau monde au tribunal d’infâmie !  Comme si le dictateur Kadhafi décédé et ses complices en fuite devaient être crus sur paroles !  Des journalistes qui n’ont jamais lu le dossier ont déjà conclu que M. Sarkozy ne pouvait qu’être coupable ! Mais les procureurs qui soutiennent l’accusation devront d’abord faire la preuve des infractions et personne ne connait les moyens de droit et de fait de la défense. Rappelons qu’il ne s’agit pas de condamner ou de relaxer un individu pour ce qu’il représente et parce qu’on le déteste ou qu’on l’admire. Mais de décider sur éléments matériels et intentionnels s’il est coupable ou innocent. La justice ne fait pas la morale, ne délimite pas le bien et le mal et ne choisit pas un comportement idéal selon des critères qui lui appartiendraient. Elle applique la loi existante. Le feuilleton judiciaire de M. Sarkozy se prolonge. A guichets fermés. Contre son gré. 

L’ancien ministre de la Justice M. Dupond-Moretti a choisi volontairement de refaire du théâtre. C’est honnête et franc, certains considérant que l’avocat brillant a été un Garde des Sceaux controversé ne faisant pas l’unanimité. Mais qui peut se vanter de la faire dans la conjoncture ?  L’acteur va expliquer sa vérité et pourquoi « j’ai dit oui » à M.  Macron. On est impatient de savoir ce qui est confidentiel voire secret et ce qui pousse une personnalité reconnue et talentueuse à sortir de sa zone de confort pour affronter un milieu qui n’est pas le sien. Et répondre aux critiques de l’opinion publique qui, on le sait, ne doit jamais pénétrer dans un prétoire. Mais dans la politique, oui ! Les planches vont brûler. La médiatisation aussi.  

Ce n’est pas aux médias de décider qui est exemplaire et victime en construisant des symboles ou des icônes planétaires.  Notamment quand il s’agit de faits avérés, douloureux, scandaleux mais qui ne concernent pas toute une population masculine. On ne généralise pas le mal. Par ailleurs en minimisant d’autres faits tout aussi dramatiques et exceptionnels, en trouvant des excuses culturelles, sociales ou autres pour ne pas faire d’amalgames.  Un crime reste un crime avec des victimes à vie. Certaines le font savoir à la terre entière, d’autres subissent leurs douleurs dans le silence et la discrétion. Tous sont dignes d’éloges et de compassion. Aucune souffrance est plus remarquable qu’une autre. Quelle que soit la cause juste qui la motive. 

La Justice ne doit pas être instrumentalisée. Il y a un déficit de confiance avec les juges soit qu’on les trouve laxistes avec les voyous mineurs ou adultes ou au contraire excessifs avec certains qui ont commis une fois une erreur.  Soit parce qu’on doute de leurs indépendances notamment pour les juges syndiqués et parce que les délais de jugement sont trop longs et que les magistrats n’ont pas les moyens d’absorber les contentieux de masse ou les litiges personnels ce qui exaspère le citoyen. Mais on a le résultat de son vote.  Les juges se débrouillent avec les armes légales que les parlementaires votent et avec les moyens que leur budget leur permet.

Dans un état de droit les juges sont fondamentaux. Qu’on les laisse libres de trancher les litiges y compris pour les politiques qui auront ensuite à se confronter au verdict de leurs électeurs. Continuons donc le combat pour le droit et l’équité dans les rapports humains et faisons mentir La Fontaine qui affirmait que « selon que vous serez puissant ou misérable les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ».        

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