jeudi 12 octobre 2023

Guerre et paix à quitte ou double

 

                               Guerre et paix à quitte ou double

                    Par Christian Fremaux avocat honoraire

On commençait à s’habituer aux récriminations et exigences du président Ukrainien face à l’agression de la Russie, le conflit s’éternisant hélas. Les réfugiés se sont mêlés aux migrants d’autres continents venus avec des motifs différents, ce qui complique les solutions et entraine des discussions sans fin dans les pays dits d’accueil qui veulent conserver leur identité et leur niveau de vie. C’est humain car l’empathie sans limite ne fait pas une politique publique et on est débordé par les masses. On a le droit de se protéger. Les donneurs de leçons simplistes n’ont pas la science infuse. L’humanisme est un combat partagé, les principes universels étant devenus fluctuants. Chacun choisit sa victime et n’accepte pas les autres voire refuse tout le monde. C’est un débat de civilisation. 

S’y sont ajoutées les batailles vitales dans le haut- Karabakh et la menace directe sur l’existence de l’Arménie. On en parle peu car cet Etat a perdu la protection de la Russie qui a d’autres priorités, lutte pour sa survie depuis 1915 et il ne doit pas correspondre aux codes religieux et à la gouvernance que souhaiteraient ses voisins plutôt prompts à l’avaler. Ou irriter des puissances qui n’ont pas d’état d’âmes mais des intérêts et veulent s’imposer en rebattant les cartes distribuées il y a des dizaines d’années par les occidentaux. Dis- moi qui tu es, si tu es prêt à courber l’échine, si tu as des matières premières, si tu nous soutiens et dans quel domaine et je te dirai si tu mérites d’être aidé sinon de vivre.  La « realpolitik » est à géométrie variable. Les cris d’effroi sont parfois discrets. L’homme, la femme et l’enfant semblent être des valeurs relatives et inégales. Il ne faut pas vivre à un mauvais endroit à un mauvais moment. La paix ou la guerre sont un jeu de hasard.

L’attaque du Hamas sur Israël et son cortège de barbaries a sidéré le monde. Je ne suis pas assez savant et partial pour me prononcer sur le fond historique de la dispute mortelle et je ne le veux pas. Simplement je soutiens qu’un peuple a le droit minimum d’exister. Je ne méprise aucun raisonnement tenu par des hommes s’ils sont de bonne foi, avancent des arguments contradictoires et respectent leurs adversaires. Mais rien ne justifie la violence et la haine. L’histoire nous a enseigné ce qu’il en était d’admettre tout et n’importe quoi pour ne pas faire de vagues, pour provoquer malgré soi, ou pour être à l’abri de ceux qui n’ont aucun remords ou regrets et prônent la mort de l’autre selon leur vérité. Le mal existe.

 Je ne mets pas sur un même plan un Etat démocratique qui est né de la volonté de la communauté internationale et reconnu par elle, qui est entouré d’ennemis qui veulent sa disparition, qui se bat pour survivre, et une organisation terroriste masquée qui n’est pas le bras vengeur d’un proto -Etat ou la branche armée d’une nation qui discute politiquement selon les canons de la diplomatie. Tout ne se vaut pas. Les erreurs éventuelles d’Israël ne justifient pas du voisin une défense - attaque qui n’est pas légitime ni en droit ni en fait encore moins morale, une agression ne l’étant jamais.   

On vient de faire un grand bond en arrière et malgré tout ce qui s’est passé et arrive encore l’Homme ne progresse pas. La force reste son arme favorite : il faut contraindre l’autre, lui imposer sa vision de la vie, le déloger de son territoire ou faire en sorte qu’il ne se sente plus chez lui. Pour l’obliger à accepter ce dont il ne veut pas. Le dialogue même tendu n’est plus tenté. C’est tout ou rien, c’est-à- dire le conflit brutal. Il n’y a ni tolérance, ni compréhension, ni compromis possibles. On cogne pour toute justification. C’est bestial et inhumain.

J’ai naturellement l’humilité de constater que c’est facile à dire car je n’ai aucune responsabilité ni répercussion personnelle. Je subis les évènements comme tout spectateur- citoyen. J’ai un peu peur ici. Je souhaite ardemment que nos dirigeants prennent des mesures efficaces protectrices et régaliennes sans vouloir faire plaisir à tout le monde, on n’est plus dans l’électoralisme. Car le grand écart - comme pour la délinquance et les trafics ou l’accueil tous azimuts - fait mal aux jambes et on ne peut tenir longtemps. Il ne faut pas que les règlements de comptes se déroulent aussi dans notre société républicaine et ouverte sinon fraternelle.

On a compris que les accords d’Oslo et d’Abraham ainsi que le rapprochement d’Israël avec des pays arabes avaient du plomb dans l’aile. Et si notre modèle démocratique pour des minorités était obsolète et si notre conception des droits de l’homme était dépassée outre la laïcité qui irrite des communautés ? Jean Bodin qui prétendait que la seule querelle qui vaille est celle de l’homme n’a -t -il rien anticipé ? Alain Bauer a écrit : « ...de fait l’humanité semble condamnée à vivre perpétuellement entre conflits et intermèdes pacifiques … » [Au commencement était la guerre. Fayard .2023]. S’il avait raison ?

 Et que devient la justice dans ce capharnaüm et ce cataclysme sanglant pour les innocents civils par temps de guerre ? Le droit international humanitaire des conventions de Genève a des approches byzantines entre crimes de guerre et ceux contre l’humanité. Il n’y a pas une définition unanime du terrorisme. La justice française est compétente pour ses ressortissants. L’Onu se bloque elle -même avec le veto des membres du conseil de sécurité qui détiennent la bombe nucléaire. La cour de justice internationale basée à La Haye qui dépend des nations unies s’occupe surtout de frontières ou autres différends entre Etats. Mais pas des guerres. La cour pénale internationale [CPI] qui existe depuis 1998 et siège aussi à la Haye a pour compétences de juger les crimes d’agression et de guerre, les génocides, les crimes contre l’humanité. On y est oui, mais non car les pouvoirs de la cour sont limités et chaque Etat a dû ratifier la compétence de la juridiction pour en être justiciable. Ce qui n’est pas le cas des 193 Etats de l’Onu.

 Le procès comme pour les nazis à Nuremberg n’est pas pour demain car il faut d’abord que la guerre cesse. La Russie s’est retirée de la CPI en 2016. M. Poutine a cependant été mis en demeure de cesser son invasion de l’Ukraine. Que pensez- vous qu’il a répondu à la CPI : niet, rien ou par le mépris ? Par ailleurs on ne négocie pas avec des terroristes.

La justice internationale n’a pas de troupes et les juges ne peuvent faire comparaitre d’autorité un dirigeant d’un Etat quelconque pour le mettre en garde à vue voire l’emprisonner. Surtout un tueur. La guerre ou la paix se joue à la roulette russe parfois mais est toujours aléatoire. L’être humain souffre. On n’a pas réussi à bâtir une humanité faite d’empathie et le vivre ensemble est un faux semblant qui mène à des désastres. « Le vent se lève il faut tenter de vivre » a écrit Paul Valery dans le cimetière marin. Que sur terre il soit entendu.     

1 commentaire:

  1. Tout est dit avec mesure sans excès conscient de réalités qui n'ont jamais été aussi inquiétantes

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