Des mots pour le dire
Par Christian
FREMAUX avocat et élu local.
Mme VALLAUD -BELKACEM ministre de l’éducation nationale vient d’annoncer une réforme
de l’orthographe qui dormait dans les cartons depuis des années et qui va
concerner environ 2400 mots.
Pourquoi sortir de la naphtaline (ou
naftaline ?) cette réforme en pleine discussion sur la déchéance de
nationalité concernant les terroristes, c’est un mystère ou une diversion, même
si la ministre parle de l’intérêt des enfants .La polémique a aussitôt éclaté
entre les partisans de ceux qui sont les
tenants de l’orthographe classique, et du français tel qu’il résulte de
l’ordonnance de 1539 de VILLERS-COTTERETS du bon roi François 1e
r(qui n’est pas le chef de l’Etat actuel) et ceux qui font le constat que malgré 80% de
bacheliers dans une classe d’âge les fautes sont encore très nombreuses et
qu’il convient donc d’abaisser le niveau général pour se mettre à la portée de
tous et notamment de ceux qui n’ont pas à la maison les moyens culturels leur
permettant de progresser, ce qui leur
permettra d’avoir des diplômes et donc de trouver du travail. Ce raisonnement
est un leurre car chacun sait que la sélection arrive un jour ou l’autre et
qu’un employeur veut compter sur des
compétences et connaissances réelles, et non par sur un parchemin qui les
présume. C’est Bertold BRECHT en critiquant le régime politique de la R.D.A qui a écrit que lorsque le peuple n’est pas
d’accord avec le gouvernement, c’est le peuple que l’on devrait dissoudre ! Puisque l’orthographe
pénalise il faudrait donc permettre à l’élève de ne pas en tenir compte voire
supprimer les notes et l’évaluation, c’est plus simple. Je laisse les
académiciens français et tous ceux qui aiment les belles lettres se prononcer
sur ce débat entre les anciens et les modernes, car je n’ai aucune légitimité
en la matière, sauf pour affirmer qu’à force
de traquer l’élitisme ou simplement la connaissance, on tire tout le
monde vers le bas.
Cette
annonce de simplification de l’orthographe coïncide avec l’emploi d’un mot ou
d’une formule que depuis des semaines on dissèque, analyse, décortique pour
leur faire dire ce que l’on souhaite : celui de déchéance complété par de
nationalité pour les français dit de
souche (ALAIN MINC parle de souche avec un S)
ou binationaux qui sont si j’ai bien retenu le nombre, plusieurs
millions. Il va de soi que globalement ils ne sont pas visés, qu’ils sont
français-un point c’est tout- et que personne n’a l’intention de les
discriminer. Cela va mieux en l’affirmant.
Nous sommes
dans le cadre exclusif de la lutte contre le terrorisme -et ceux qui craignent
l’extension à d’autres cas prennent, selon moi ,leurs peurs pour une réalité
qui ne peut survenir quelque soit le pouvoir en place, y compris celui que
certains craignent car notre république est fondée sur un état de droit, des
juges, et des parlementaires qui s’opposeraient à toute déviation -et on parle
d’une sanction et sur l’opportunité de
la graver dans la marbre de notre Constitution de 1958.Sur ce sujet je suis réservé car une loi peut faire l’affaire
et notre texte suprême ne doit pas être modifié ou complété à chaque événement grave. Si les parlementaires acceptent
cette modification ils devront le faire en âme et conscience, sans se
soumettre à un vote partisan ou pour faire plaisir à tel leader politique qui
peut avoir, imaginons le, des arrière-pensées plus subalternes.
Il va de soi
que tout le monde est d’accord sur un point :la déchéance de nationalité
promise à un terroriste qui va se faire exploser après avoir commis son
forfait, n’a aucune efficacité préventive et ne l’arrêtera pas dans son élan
maléfique . S’il est pris vivant, ce sera une peine infamante qui s’ajoute à la
prison à perpétuité pour celui qui, après procès selon nos règles immuables
avec droit à un avocat, a tué volontairement
dans le cadre d’une action revendiquée comme terroriste.
On
parle de symbole ce qui est un mot très
fort. Est-ce le cas ? Le symbole est la représentation d’une chose, d’une
idée, d’une figure, par un caractère imagé. Par exemple la colombe symbolise la
paix. La nationalité est plus qu’un symbole. Elle exprime une identité et les
valeurs qui vont avec, comme le respect de l’autre et de la vie, la tolérance,
la nation et la république et ses principes, un mode de vie, la démocratie qui
permet de faire connaitre ses choix, et les libertés publiques comme
individuelles. Perdre sa nationalité , ce qui est déjà prévu dans le code civil
aux articles 23-7 et 25 ,c’est donc être privé d’un honneur et de droits, ainsi
que de pouvoir vivre parmi nos semblables, nos égaux .Les terroristes nient ces
valeurs, et les priver de nationalité n’a ni importance ni sens pour eux puisqu’ils
ont choisi de s’identifier à un pouvoir théocratique, nihiliste, mais surtout
totalitaire qui rejette l’homme en tant que tel , en ce qu’il est et
représente, en sa dignité et existence
terrestre. Celui qui tue, qui efface l’identité de sa victime, ne peut avoir le
droit de conserver la sienne qui est un privilège .La déchéance de nationalité
n’est pas un symbole : c’est une simple mesure de justice. Aussi discuter
sans fin , en coupant les cheveux en quatre voire en seize, avoir des scrupules
qui nous honorent -tout en imaginant que les affidés de DAECH, d’AL QAIDA, ou
autre groupuscule terroriste, sans compter les candidats individuels au djihad
qui viennent de nos beaux territoires et qui ont été élevés au lait des droits
de l’homme, ricanent -me parait un peu extravagant et une perte de temps, alors
que nos autres problèmes économiques, sociaux et de société
méritent que l’on s’y attarde pour trouver des solutions consensuelles
pour que, quand la croissance
reviendra, que l’on soit prêt en ayant accompli les réformes structurelles
et sans tabou (car les blocages ne sont l’apanage d’aucun camp) qui s’imposent,
en ne nous contentant pas d’apposer des
rustines sur ce qui fuit de partout. Si les français sont sensibles aux débats
moraux, ils se posent moins de questions que les élites parlementaires ou philosophiques qui veulent montrer un
chemin « lumineux et juridiquement exemplaire » sur le sort des
terroristes et les conséquences pour les citoyens français, et préféreraient que l’on s’occupe d’eux et des emplois, ce qui est une ambition très humaine,
aussi.
Ce n’est pas
déchoir que d’être d’accord avec la peine infamante de la déchéance de
nationalité pour les terroristes, même s’il y en a qu’un ; ce n’est pas
déchoir que de demander à ce que l’on touche à la Constitution que d’une main
tremblante et que si le fonctionnement des institutions l’exige ; ce n’est
pas déchoir que d’essayer d’obtenir une
majorité au congrès des 3/5 ème droite
et gauche confondues sans pour autant donner un satisfecit général à celui qui
gouverne. Et ce n’est pas déchoir que tenter d’éviter que nos ennemis se
félicitent de nos discussions qui sont
le reflet de notre humanisme et de notre grandeur .Réformons donc l’orthographe
mais surtout changeons les esprits pour qu’ils soient plus pragmatiques et ouverts. Nous avons des
priorités à résoudre de façon concrète
qui sont vitales pour notre avenir ; la sécurité qui est la première des libertés
conditionne toutes les autres. On comprend que nos dirigeants s’y consacrent à
fond. Les explications des uns et des autres qui écrivent des livres pour nous
dire pourquoi ils n’ont pas agi, ce qu’ils regrettent, qu’ils ont changé, nous
éclairent certes et sont intéressants, mais les citoyens ont compris que les
promesses n’engagent que ceux qui y croient .Concluons donc au plus vite sur la
déchéance de nationalité, inscrite ou non dans la Constitution et passons à autre
chose. Il y a un mot pour dire que les polémiques politiciennes
suffisent ; « basta » en italien et en
bon français : il suffit.
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