dimanche 7 février 2016

DES MOTS POUR LE DIRE

Des mots pour le dire

Par Christian FREMAUX avocat et élu local.


Mme  VALLAUD -BELKACEM ministre de l’éducation nationale vient d’annoncer une réforme de l’orthographe qui dormait dans les cartons depuis des années et qui va concerner  environ 2400 mots. Pourquoi  sortir de la naphtaline (ou naftaline ?) cette réforme en pleine discussion sur la déchéance de nationalité concernant les terroristes, c’est un mystère ou une diversion, même si la ministre parle de l’intérêt des enfants .La polémique a aussitôt éclaté entre les partisans de ceux  qui sont les tenants de l’orthographe classique, et du français tel qu’il résulte de l’ordonnance  de 1539  de VILLERS-COTTERETS du bon roi François 1e r(qui n’est pas le chef de l’Etat actuel)  et ceux qui font le constat que malgré 80% de bacheliers dans une classe d’âge les fautes sont encore très nombreuses et qu’il convient donc d’abaisser le niveau général pour se mettre à la portée de tous et notamment de ceux qui n’ont pas à la maison les moyens culturels leur permettant de progresser,  ce qui leur permettra d’avoir des diplômes et donc de trouver du travail. Ce raisonnement est un leurre car chacun sait que la sélection arrive un jour ou l’autre et qu’un employeur veut  compter sur des compétences et connaissances réelles, et non par sur un parchemin qui les présume. C’est Bertold BRECHT en critiquant le régime politique de la R.D.A  qui a écrit que lorsque le peuple n’est pas d’accord avec le gouvernement, c’est le peuple que l’on devrait  dissoudre ! Puisque l’orthographe pénalise il faudrait donc permettre à l’élève de ne pas en tenir compte voire supprimer les notes et l’évaluation, c’est plus simple. Je laisse les académiciens français et tous ceux qui aiment les belles lettres se prononcer sur ce débat entre les anciens et les modernes, car je n’ai aucune légitimité en la matière, sauf pour affirmer qu’à force  de traquer l’élitisme ou simplement la connaissance, on tire tout le monde vers le bas.
Cette annonce de simplification de l’orthographe coïncide avec l’emploi d’un mot ou d’une formule que depuis des semaines on dissèque, analyse, décortique pour leur faire dire ce que l’on souhaite : celui de déchéance complété par de nationalité pour les français  dit de souche (ALAIN MINC parle de souche avec un S)  ou binationaux qui sont si j’ai bien retenu le nombre, plusieurs millions. Il va de soi que globalement ils ne sont pas visés, qu’ils sont français-un point c’est tout- et que personne n’a l’intention de les discriminer. Cela va mieux en l’affirmant.
Nous sommes dans le cadre exclusif de la lutte contre le terrorisme -et ceux qui craignent l’extension à d’autres cas prennent, selon moi ,leurs peurs pour une réalité qui ne peut survenir quelque soit le pouvoir en place, y compris celui que certains craignent car notre république est fondée sur un état de droit, des juges, et des parlementaires qui s’opposeraient à toute déviation -et on parle d’une sanction  et sur l’opportunité de la graver dans la marbre de notre Constitution de 1958.Sur ce sujet  je suis réservé car une loi peut faire l’affaire et notre texte suprême ne doit pas être modifié ou complété à chaque événement grave. Si  les parlementaires acceptent cette modification  ils devront le faire en âme et conscience, sans se soumettre à un vote partisan ou pour faire plaisir à tel leader politique qui peut avoir, imaginons le, des arrière-pensées plus subalternes.
Il va de soi que tout le monde est d’accord sur un point :la déchéance de nationalité promise à un terroriste qui va se faire exploser après avoir commis son forfait, n’a aucune efficacité préventive et ne l’arrêtera pas dans son élan maléfique . S’il est pris vivant, ce sera une peine infamante qui s’ajoute à la prison à perpétuité pour celui qui, après procès selon nos règles immuables avec droit à un avocat, a tué volontairement  dans le cadre d’une action revendiquée comme terroriste.
On parle  de symbole ce qui est un mot très fort. Est-ce le cas ? Le symbole est la représentation d’une chose, d’une idée, d’une figure, par un caractère imagé. Par exemple la colombe symbolise la paix. La nationalité est plus qu’un symbole. Elle exprime une identité et les valeurs qui vont avec, comme le respect de l’autre et de la vie, la tolérance, la nation et la république et ses principes, un mode de vie, la démocratie qui permet de faire connaitre ses choix, et les libertés publiques comme individuelles. Perdre sa nationalité , ce qui est déjà prévu dans le code civil aux articles 23-7 et 25 ,c’est donc être privé d’un honneur et de droits, ainsi que de pouvoir vivre parmi nos semblables, nos égaux .Les terroristes nient ces valeurs, et les priver de nationalité n’a ni importance ni sens pour eux puisqu’ils ont choisi de s’identifier à un pouvoir théocratique, nihiliste, mais surtout totalitaire qui rejette l’homme en tant que tel , en ce qu’il est et représente, en sa dignité  et existence terrestre. Celui qui tue, qui efface l’identité de sa victime, ne peut avoir le droit de conserver la sienne qui est un privilège .La déchéance de nationalité n’est pas un symbole : c’est une simple mesure de justice. Aussi discuter sans fin , en coupant les cheveux en quatre voire en seize, avoir des scrupules qui nous honorent -tout en imaginant que les affidés de DAECH, d’AL QAIDA, ou autre groupuscule terroriste, sans compter les candidats individuels au djihad qui viennent de nos beaux territoires et qui ont été élevés au lait des droits de l’homme, ricanent -me parait un peu extravagant et une perte de temps, alors que nos autres problèmes économiques, sociaux et  de société  méritent que l’on s’y attarde pour trouver des solutions consensuelles pour que, quand  la croissance reviendra,  que l’on soit prêt  en ayant accompli les réformes structurelles et sans tabou (car les blocages ne sont l’apanage d’aucun camp) qui s’imposent, en ne nous contentant pas d’apposer  des rustines sur ce qui fuit de partout. Si les français sont sensibles aux débats moraux, ils se posent moins de questions que les élites  parlementaires ou  philosophiques qui veulent montrer un chemin «  lumineux et juridiquement exemplaire » sur le sort des terroristes et les conséquences pour les citoyens français, et préféreraient que l’on s’occupe d’eux et des emplois, ce qui est une ambition très humaine, aussi.
Ce n’est pas déchoir que d’être d’accord avec la peine infamante de la déchéance de nationalité pour les terroristes, même s’il y en a qu’un ; ce n’est pas déchoir que de demander à ce que l’on touche à la Constitution que d’une main tremblante et que si le fonctionnement des institutions l’exige ; ce n’est pas déchoir  que d’essayer d’obtenir une majorité au congrès des 3/5 ème  droite et gauche confondues sans pour autant donner un satisfecit général à celui qui gouverne. Et ce n’est pas déchoir que tenter d’éviter que nos ennemis se félicitent de nos discussions qui  sont le reflet de notre humanisme et de notre grandeur .Réformons donc l’orthographe mais surtout changeons les esprits pour qu’ils soient  plus pragmatiques et ouverts. Nous avons des priorités à résoudre de façon concrète  qui sont vitales pour notre avenir ;   la sécurité qui est la première des libertés conditionne toutes les autres. On comprend que nos dirigeants s’y consacrent à fond. Les explications des uns et des autres qui écrivent des livres pour nous dire pourquoi ils n’ont pas agi, ce qu’ils regrettent, qu’ils ont changé, nous éclairent certes et sont intéressants, mais les citoyens ont compris que les promesses n’engagent que ceux qui y croient .Concluons donc au plus vite sur la déchéance de nationalité, inscrite ou non dans la Constitution et passons à autre chose. Il y a un mot pour dire que les polémiques politiciennes suffisent ; «  basta »   en italien et en bon français : il suffit.







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