Allô 49-3 urgence
travail ?
Par Christian
FREMAUX, avocat honoraire ; conseiller prud’homme ; et élu local.
Qu’il me soit pardonné de
traiter sur un mode léger ce qui est le problème central de notre
société ; le manque de travail , le chômage qui détruit l’homme et sa
famille, et l’incapacité des gouvernants de toutes tendances à améliorer la
situation , même s’il y a des milliers de pages de rapports pour analyser les
causes et proposer des mesures, que les
blocages sont connus et les solutions
diverses. Mais on a l’impression vu de l’extérieur , que certes la bonne
volonté des uns et des autres n’est pas en question, mais que chacun campe sur
des positions idéologiques, les droits acquis pour les uns, la libération des
énergies et la baisse des charges pour les autres , ce qui toutes choses n’étant
pas comparables rappelle une lutte des classes sans le dire , mais réelle. Les
partenaires sociaux n’arrivent jamais à trouver un consensus ou à la marge. Les
mêmes syndicats ne signent jamais aucun
accord. Lorsqu’un référendum dans l’entreprise permet une avancée
(exemple le travail le dimanche dans les zones touristiques), des syndicats s’y
opposent et la loi pourtant âprement discutée au parlement ne sert à rien….Le
gouvernement de M.VALLS a avec raison
décidé de s’affronter à la réforme du code du travail à la suite du rapport de
M.BADINTER et d’un groupe de travail présidé par un conseiller d’Etat. Le
projet doit être gagnant-gagnant. Mais avant même que le texte soit exposé et disséqué, certains qui n’ont encore
rien lu des propositions sont … contre
et menacent (de grèves selon nos bonnes vieilles habitudes ?) C’est ce
comportement que je dénonce. Le président de la République s’est engagé à ne
pas se représenter si « la courbe du chômage ne s’inversait pas ».Attendons
pour voir ce qui est un autre problème : faut- il croire ceux qui
promettent ?...
C’est la prétendue starlette
NABILLA des « anges de la
téléréalité » ( SIC) qui a connu
son heure de gloire en prononçant cette apostrophe célèbre : « allô,
non mais allô quoi.. » qui a fait le buzz en dépassant de très loin la
formule « casse-toi pauv’ con », ce qui prouve le niveau de
délabrement moral et intellectuel où
nous en sommes arrivés. Il y avait eu aussi le film à succès de J.J. BEINEIX
« 37,2 le matin » avec Jean -Hugues ANGLADE et Béatrice DALLE qui racontait un
road movie qui se terminait mal.La société évolue et les élites ou prétendues telles sont
dépassées : on se préoccupe aussi d’autres sujets, plus anodins.
Les symboles peuvent se
traduire par des chiffres ou des formules. Pour le projet du gouvernement
actuel en matière de réforme du droit du travail, on a aussitôt évoqué
l’article 49-3 de la Constitution de 1958, cette constitution dont on a discuté
pendant des semaines pour savoir s’il fallait y inclure la déchéance de
nationalité pour les terroristes. Comme si ceux ci- avaient des scrupules quand
ils massacraient des innocents ! Mais c’est un autre débat en cours : on verra si le congrès est
saisi, ou non.
Mme EL KHOMRI, celle qui a
hésité à la question du journaliste de RMC ,M.BOURDIN sur le nombre possible de
renouvellement d’un CDD-mais n’accablons pas la ministre car même des spécialistes du droit du travail
ne savent pas tout en la matière, -et c’est toujours plus facile quand on a la
réponse sous les yeux comme Julien LEPERS pourtant licencié comme un malpropre
du jeu « questions pour un champion »- a la charge de faire voter le
projet de loi qui comprend actuellement 131 pages et des articles nombreux sur
des points fondamentaux qui vont permettre de donner une nouvelle vie aux
relations salariés-employeurs. Tout le monde devrait être d’accord sur une
telle réforme, mais les cris d’orfraie ont déjà été poussés et les épithètes
négatives fleurissent ce qui augure bien du débat parlementaire qui va avoir
lieu !La ministre a aussitôt dégainé en disant que s’il n’y avait pas
d’accord (dans la majorité ce qui est un comble) et si l’opposition faisait
obstacle, le gouvernement prendrait ses responsabilités. La presse a immédiatement
traduit en disant que le gouvernement utiliserait l’article 49-3 de la
Constitution qui dispose : « le premier ministre peut, après
délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du
gouvernement devant l’assemblée nationale
… pour un projet ou une proposition de loi, par session ».Le projet est adopté sauf si une motion de
censure est déposée dans les 24 heures et votée. Nous n’en sommes pas là même
si M.VALLS qui a déjà utilisé cet article considère qu’il s‘agit non pas d’un
acte d’autorité mais d’un acte d’efficacité, quand la discussion a été
suffisamment longue et contradictoire. Vulgairement on dit que l’article 49-3
permet de « passer en force » et faire adopter une loi malgré
des oppositions, voire une pétition qui circule signée par quelques
centaines de milliers de personne. La démocratie s’exprime légalement au
parlement qui entend la voix des
citoyens et en tient évidemment compte, d’autant plus que le président de la
république avait borné la réforme en demandant à ce que l’on ne touche ni aux
35h., ni au CDI, ni aux heures
supplémentaires qui doivent être payées. Mais ce projet revoit
les rigidités ; la cause réelle et sérieuse avec la limitation des
indemnités aux prud’hommes ; la définition
du périmètre et des causes du licenciement économique ; les accords
d’entreprise et les référendums permettant aux salariés de s’exprimer
sans pour autant ne pas méconnaitre le rôle des syndicats ; la formation tout le long de la
carrière ; les droits maintenus
avec de nouvelles clauses dans le contrat des salariés selon que la conjoncture économique est bonne ou
moins bonne. Tout ceci est fait pour permettre de libérer le marché du travail,
donc de faciliter l’emploi, permettre à ceux qui travaillent déjà de se
maintenir et d’évoluer, et à ceux qui veulent entrer –les jeunes et les plus de
50 ans- d’accéder au graal.C’est aussi de rendre plus souple et décadenasser
des règles peu flexibles, une jurisprudence plus favorable aux salariés soyons
francs, et lever une incertitude
juridique pour les uns et les autres. On ne touche pas aux droits acquis, le
totem du monde des travailleurs et on essaie de faire entrer l’entreprise dans
le monde du 21ème siècle, l’ère des technologies et du numérique, de repenser
la notion de salarié et du lien de subordination, du contrat de travail qui
doit apporter protection au salarié mais aussi souplesse pour l’entreprise. Le
CDD doit aussi être revu pour qu’il ne soit pas considéré comme une situation
précaire et la variable d’ajustement pour tout le monde. L’apprentissage doit
être revalorisé et ouvrir les portes. Le salarié doit pouvoir se former en
permanence et avoir des droits (au chômage) rechargeables… Bref la discussion
parlementaire doit permettre d’aboutir à des solutions consensuelles et le
peuple de gauche doit s’unir au peuple de droite pour réussir, c’est -à-dire
permettre au peuple tout court de retrouver sa fierté, sa dignité par le
travail, dans une société mondialisée que l’on accepte ou non, ouverte à la
concurrence et qui mourra –certes debout- si elle s’appuie sur les principes
qui ont fait leur temps. Soyons pragmatique plutôt qu’idéologique :l’ entreprise
n’embauche que si elle a un vrai carnet de commande pour un délai lointain, ce
qui lui permet d’investir (ne jetons pas la pierre aux actionnaires) pour se
développer, conquérir ou maintenir des marchés et donc donner du travail. Bannissons
la méfiance réciproque du salarié qui croit que le patron s’enrichit sur son
dos et est favorisé par les pouvoirs publics, et du patron qui considère que
les salaires sont toujours trop élevés et que les charges sont insupportables (ce
qui est objectivement vrai).Seule la compréhension des désirs des uns et des
autres peut conduire à des résultats profitables à tous, sans que chacun ne
perde la face.
Le gouvernement a été
prudent : il n’a pas mis en cause le régime des intermittents du spectacle
déficitaire de façon récurrente, et n’a pas demandé à certains fonctionnaires
qui ont l’emploi à vie et qui ne paient donc pas de cotisations chômage, de régler une cotisation de «
solidarité » ce qui aurait permis de réduire la différence entre les
salariés du privé et ceux du public. M. MACRON , ministre ,avait souligné
lui-même qu’en dehors des postes régaliens (armée, justice, police… ) la notion
d’emploi garanti à vie plus la retraite calculée sur les 6 derniers mois du
traitement, n’avait plus de vraie justification. Cela se discute comme l’aurait
dit feu le sympathique et talentueux Jean-luc DELARUE.J’espère donc qu’il ne
sera pas nécessaire d’utiliser le fameux article 49-3 mais il faudra le faire
si les résistances paralysent la réforme. Le conservatisme se trouve aussi,
parfois, parmi les forces dites de progrès. Le parlement s’honorerait et
remonterait dans les esprits en votant une réforme consensuelle. Comme aurait
pu l’écrire ALAIN SOUCHON « allô maman bobo, comment tu m’as fait, je
ne suis pas beau.. », on doit chanter : « allô responsables
de toute nature, faites nous un nouveau code du travail moderne, efficace, qui permettra de créer du travail, de lui redonner un caractère stimulant,
enthousiasmant, et qui ne sera pas une course de haies où l’on renonce à prendre le départ, salarié
comme employeur, en raison d’obstacles infranchissables ».
Le travail fourni par des entrepreneurs qui risquent
leurs biens et osent, est d’abord ce qui permet de gagner sa vie, de faire
vivre sa famille, d’être utile à la société ce qui est une valeur qui dépasse
l’individu et le fait grandir. Entrons dans l’avenir avec des idées neuves
comme disait SAINT-JUST à propos du bonheur, et créons une société de la
confiance.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire