mardi 23 février 2016

ALLÔ 49-3 URGENCE TRAVAIL?

                               Allô 49-3 urgence travail ?
Par Christian FREMAUX, avocat honoraire ; conseiller prud’homme ; et élu local.
Qu’il me soit pardonné de traiter sur un mode léger ce qui est le problème central de notre société ; le manque de travail , le chômage qui détruit l’homme et sa famille, et l’incapacité des gouvernants de toutes tendances à améliorer la situation , même s’il y a des milliers de pages de rapports pour analyser les causes  et proposer des mesures, que les blocages sont connus  et les solutions diverses. Mais on a l’impression vu de l’extérieur , que certes la bonne volonté des uns et des autres n’est pas en question, mais que chacun campe sur des positions idéologiques, les droits acquis pour les uns, la libération des énergies et la baisse des charges pour les autres , ce qui toutes choses n’étant pas comparables rappelle une lutte des classes sans le dire , mais réelle. Les partenaires sociaux n’arrivent jamais à trouver un consensus ou à la marge. Les mêmes syndicats ne signent jamais aucun  accord. Lorsqu’un référendum dans l’entreprise permet une avancée (exemple le travail le dimanche dans les zones touristiques), des syndicats s’y opposent et la loi pourtant âprement discutée au parlement ne sert à rien….Le gouvernement de M.VALLS a  avec raison décidé de s’affronter à la réforme du code du travail à la suite du rapport de M.BADINTER et d’un groupe de travail présidé par un conseiller d’Etat. Le projet doit être gagnant-gagnant. Mais avant même que le texte soit  exposé et disséqué, certains qui n’ont encore rien lu  des propositions sont … contre et menacent (de grèves selon nos bonnes vieilles habitudes ?) C’est ce comportement que je dénonce. Le président de la République s’est engagé à ne pas se représenter si « la courbe du chômage ne s’inversait pas ».Attendons pour voir ce qui est un autre problème : faut- il croire ceux qui promettent ?...
C’est la prétendue starlette NABILLA  des « anges de la téléréalité » ( SIC)  qui a connu son heure de gloire en prononçant cette apostrophe célèbre : « allô, non mais allô quoi.. » qui a fait le buzz en dépassant de très loin la formule « casse-toi pauv’ con », ce qui prouve le niveau de délabrement moral et intellectuel  où nous en sommes arrivés. Il y avait eu aussi le film à succès de J.J. BEINEIX « 37,2 le matin » avec Jean -Hugues  ANGLADE et Béatrice DALLE qui racontait un road movie qui se terminait mal.La société évolue  et les élites ou prétendues telles sont dépassées : on se préoccupe aussi d’autres sujets, plus anodins.
Les symboles peuvent se traduire par des chiffres ou des formules. Pour le projet du gouvernement actuel en matière de réforme du droit du travail, on a aussitôt évoqué l’article 49-3 de la Constitution de 1958, cette constitution dont on a discuté pendant des semaines pour savoir s’il fallait y inclure la déchéance de nationalité pour les terroristes. Comme si ceux ci- avaient des scrupules quand ils massacraient des innocents ! Mais c’est un autre débat  en cours : on verra si le congrès est saisi, ou non.
Mme EL KHOMRI, celle qui a hésité à la question du journaliste de RMC ,M.BOURDIN sur le nombre possible de renouvellement d’un CDD-mais n’accablons pas la ministre  car même des spécialistes du droit du travail ne savent pas tout en la matière, -et c’est toujours plus facile quand on a la réponse sous les yeux comme Julien LEPERS pourtant licencié comme un malpropre du jeu « questions pour un champion »- a la charge de faire voter le projet de loi qui comprend actuellement 131 pages et des articles nombreux sur des points fondamentaux qui vont permettre de donner une nouvelle vie aux relations salariés-employeurs. Tout le monde devrait être d’accord sur une telle réforme, mais les cris d’orfraie ont déjà été poussés et les épithètes négatives fleurissent ce qui augure bien du débat parlementaire qui va avoir lieu !La ministre a aussitôt dégainé en disant que s’il n’y avait pas d’accord (dans la majorité ce qui est un comble) et si l’opposition faisait obstacle, le gouvernement prendrait ses responsabilités. La presse a immédiatement traduit en disant que le gouvernement utiliserait l’article 49-3 de la Constitution qui dispose : « le premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du gouvernement devant l’assemblée nationale  … pour un projet ou une proposition de loi, par  session ».Le  projet est adopté sauf si une motion de censure est déposée dans les 24 heures et votée. Nous n’en sommes pas là même si M.VALLS qui a déjà utilisé cet article considère qu’il s‘agit non pas d’un acte d’autorité mais d’un acte d’efficacité, quand la discussion a été suffisamment longue et contradictoire. Vulgairement on dit que l’article 49-3 permet de «  passer en force » et faire adopter une loi malgré des oppositions, voire une pétition qui circule signée par quelques centaines de milliers de personne. La démocratie s’exprime légalement au parlement  qui entend la voix des citoyens et en tient évidemment compte, d’autant plus que le président de la république avait borné la réforme en demandant à ce que l’on ne touche ni aux 35h., ni au CDI,  ni aux heures supplémentaires qui doivent être payées. Mais ce projet   revoit  les rigidités ; la cause réelle et sérieuse avec la limitation des indemnités aux prud’hommes ; la définition  du périmètre et des causes du licenciement économique ; les accords d’entreprise  et les référendums permettant aux salariés de s’exprimer sans pour autant ne pas méconnaitre le rôle des syndicats ;  la formation  tout le long de la carrière ;   les droits maintenus avec de nouvelles clauses dans le contrat des salariés selon  que la conjoncture économique est bonne ou moins bonne. Tout ceci est fait pour permettre de libérer le marché du travail, donc de faciliter l’emploi, permettre à ceux qui travaillent déjà de se maintenir et d’évoluer, et à ceux qui veulent entrer –les jeunes et les plus de 50 ans- d’accéder au graal.C’est aussi de rendre plus souple et décadenasser des règles peu flexibles, une jurisprudence plus favorable aux salariés soyons francs,  et lever une incertitude juridique pour les uns et les autres. On ne touche pas aux droits acquis, le totem du monde des travailleurs et on essaie de faire entrer l’entreprise dans le monde du 21ème siècle, l’ère des technologies et du numérique, de repenser la notion de salarié et du lien de subordination, du contrat de travail qui doit apporter protection au salarié mais aussi souplesse pour l’entreprise. Le CDD doit aussi être revu pour qu’il ne soit pas considéré comme une situation précaire et la variable d’ajustement pour tout le monde. L’apprentissage doit être revalorisé et ouvrir les portes. Le salarié doit pouvoir se former en permanence et avoir des droits (au chômage) rechargeables… Bref la discussion parlementaire doit permettre d’aboutir à des solutions consensuelles et le peuple de gauche doit s’unir au peuple de droite pour réussir, c’est -à-dire permettre au peuple tout court de retrouver sa fierté, sa dignité par le travail, dans une société mondialisée que l’on accepte ou non, ouverte à la concurrence et qui mourra –certes debout- si elle s’appuie sur les principes qui ont fait leur temps. Soyons pragmatique plutôt qu’idéologique :l’ entreprise n’embauche que si elle a un vrai carnet de commande pour un délai lointain, ce qui lui permet d’investir (ne jetons pas la pierre aux actionnaires) pour se développer, conquérir ou maintenir des marchés et donc donner du travail. Bannissons la méfiance réciproque du salarié qui croit que le patron s’enrichit sur son dos et est favorisé par les pouvoirs publics, et du patron qui considère que les salaires sont toujours trop élevés et que les charges sont insupportables (ce qui est objectivement vrai).Seule la compréhension des désirs des uns et des autres peut conduire à des résultats profitables à tous, sans que chacun ne perde la face.
Le gouvernement a été prudent : il n’a pas mis en cause le régime des intermittents du spectacle déficitaire de façon récurrente, et n’a pas demandé à certains fonctionnaires qui ont l’emploi à vie et qui ne paient donc pas de cotisations chômage,  de régler une cotisation de «  solidarité » ce qui aurait permis de réduire la différence entre les salariés du privé et ceux du public. M. MACRON , ministre ,avait souligné lui-même qu’en dehors des postes régaliens (armée, justice, police… ) la notion d’emploi garanti à vie plus la retraite calculée sur les 6 derniers mois du traitement, n’avait plus de vraie justification. Cela se discute comme l’aurait dit feu le sympathique et talentueux Jean-luc DELARUE.J’espère donc qu’il ne sera pas nécessaire d’utiliser le fameux article 49-3 mais il faudra le faire si les résistances paralysent la réforme. Le conservatisme se trouve aussi, parfois, parmi les forces dites de progrès. Le parlement s’honorerait et remonterait dans les esprits en votant une réforme consensuelle. Comme aurait pu l’écrire ALAIN SOUCHON « allô maman bobo, comment tu m’as fait, je ne suis pas beau.. », on doit chanter : « allô responsables de toute nature, faites nous un nouveau code du travail moderne, efficace,  qui permettra de créer du travail,  de lui redonner un caractère stimulant, enthousiasmant, et qui ne sera pas une course de haies  où l’on renonce à prendre le départ, salarié comme employeur, en raison d’obstacles infranchissables ».
Le travail  fourni par des entrepreneurs qui risquent leurs biens et osent, est d’abord ce qui permet de gagner sa vie, de faire vivre sa famille, d’être utile à la société ce qui est une valeur qui dépasse l’individu et le fait grandir. Entrons dans l’avenir avec des idées neuves comme disait SAINT-JUST à propos du bonheur, et créons une société de la confiance.

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