mercredi 10 février 2016

L A Q.P.C.: QU'ES AQUO ?

La Q.P.C. : qu’es aquò ?
Par Christian FREMAUX avocat et élu local
M.Jérôme CAHUZAC ancien ministre est poursuivi devant le tribunal correctionnel de Paris pour son compte caché en SUISSE. Il est accusé d’avoir fraudé le fisc alors qu’il était ministre du budget,ce qui est un oxymore !Chacun se rappelle ses déclarations publiques où il niait toute dissimulation,  avant finalement de reconnaitre les faits,   et de quitter le gouvernement précipitamment.
Respectant la présomption d’innocence  et ne le connaissant pas au-delà de ce que la presse en a dit, je n’ai pas à me prononcer sur le fond de ce dossier pénal, sachant que par ailleurs M.CAHUZAC a payé très cher sa fraude. Ses avocats ont déposé au début de l’audience une question prioritaire de constitutionnalité tendant à faire admettre que l’on ne peut être condamné deux fois pour le même délit : sur le plan administratif ( les amendes et pénalités ) et sur le plan pénal où des condamnations concernant les libertés individuelles (diverses interdictions même si M.CAHUZAC a déclaré qu’il était en retraite) peuvent être prononcées. Le procureur s’est indigné à l’audience de «  l’impudence «  de M.CAHUZAC  qui n’avait pas les mêmes scrupules quand il était ministre et tirait à boulets rouges sur les présumés fraudeurs et qui pour les besoins de sa cause «  ose « » retarder les débats de fond  par une question de procédure .Le parquet a tort : chaque  prévenu a le droit d’utiliser le droit pour se défendre, qu’il soit puissant ou misérable et l’audience publique n’est pas une mise à mort publique, un jeu du cirque où CESAR lève ou abaisse son pouce, pour servir d’exemple .La justice doit juger dans la sérénité  même si ses jugements doivent être exemplaires, et si comme en l’espèce  la personnalité du prévenu,et sa qualité d’ancien ministre, éclairent les débats d’un lumière crue pour montrer quel est le bon chemin , et combien il est nécessaire de donner l’exemple quand on assure de hautes responsabilités publiques. C’est ce qui redonne confiance aux citoyens envers ceux qui nous dirigent et ont sollicité nos suffrages.  Le tribunal a fait droit à l’argumentation de M.CAHUZAC, ce qui est tout à fait normal puisque le tribunal pénal doit statuer en droit et non en fonction de la morale,  et a renvoyé le dossier devant la cour de cassation qui décidera de saisir, ou non, le conseil constitutionnel.J’avais écrit il y a plusieurs mois à propos de la société UBER et des taxis  -débat toujours d’actualité -  un article pour expliquer ce qu’est une question prioritaire de constitutionnalité (Q.P.C.) Vous lirez ci-dessous mes commentaires. Le procès de M.CAHUZAC a été renvoyé au 5 septembre 2016. Le tribunal jugera en fonction de la décision du conseil constitutionnel, M.Laurent FABIUS étant son président car il vient d’y être nommé par le président de la République.

Chacun se souvient de l’épisode peu glorieux, violent, mené par quelques casseurs  qui défendaient leur outil de travail, qui a opposé il y a quelques  semaines les chauffeurs de taxis et les « travailleurs » de la société UBER qui veut « libéraliser » le secteur des transports, au profit des clients, naturellement, c’est du moins la thèse officielle : on ne parle pas de profits dans ce domaine  cela va de soi ! Dans la mondialisation  qui a eu l’audace de s’installer aussi dans notre vieux pays,  avec ses us et coutumes comme le fait de payer très cher une licence de taxi, le conservatisme-à tort ou raison- pour ne pas bousculer les habitudes, même mauvaises  et les fameux  droits acquis qui sont le socle de l’action des syndicats de salariés, résistent dans tous les domaines (voir la loi MACRON et les dernières déclarations du sémillant ministre de l’économie sur les fonctionnaires dont le simple fait d’en parler a suscité un tollé : le débat d’idées a du mal à décoller et des sujets restent tabous !).On comprend bien sûr celui qui a beaucoup investi pour avoir le droit de travailler, s’est endetté pendant des années, paie taxes et impôts, qui exerce une activité dure, et qui voit arriver ce qu’il appelle une concurrence déloyale. Mais le client lui, l’usager, le consommateur, ne voit il pas d’un bon œil  cette offre de service nouvelle ? C’est un autre débat .La Justice a du départager les deux camps  qui représentent  deux légitimités.
Le Conseil Constitutionnel a rendu une décision n°2015-484 du 22 septembre 2015 et a jugé que l’article L.3124-13 du code des transports était conforme à la Constitution. Les organisations de taxis ont crié victoire, qui espérons le pour elles, n’est pas une victoire à la PYRRHUS .La loi THEVENOUD  (celle de l’excellent député qui avait une phobie envers les impôts mais les a finalement payés selon lui), qui interdit le service UBERPOP  ,a donc été validée. Le débat portait sur l’article L.3124-13 qui dispose : « est puni de deux ans  d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende le fait d’organiser un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent aux activités  de l’article L.3120-1  » c’est – à- dire, le transport routier. La décision du conseil Constitutionnel s’appuie sur les articles 8 et 9 de la déclaration de 1789 ; sur le code des transports ; sur l’article 61-1 de la Constitution de 1958 ; et sur le principe de la présomption d’innocence. Mais comment ledit conseil a-t-il été saisi et par qui ?
Il a été saisi le 23 juin 2015 par la chambre commerciale de la Cour de Cassation, à Paris, par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité (Q.P.C.), posée par les sociétés UBER France SAS et UBER BV   ,relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit au premier alinéa de l’article L.3124-13 du code des transports .Dans le litige il y avait en défense l’UNION NATIONALE DES TAXIS ,et diverses sociétés de transport. Le débat portait sur l’incrimination de la mise en relation de clients avec des conducteurs non professionnels, débat de nature PENALE sur la liberté d’entreprendre, le principe d’égalité et celui de la nécessité des délits et des peines et la présomption d’innocence. Que de grandes causes, donc. La Cour de cassation devait se prononcer sur ces points de droit pas encore tranchés ( Cour de cassation chambre commerciale-mardi 23 juin 2015-n° de pourvoi 15-40012 ; n° d’arrêt 699) .La Q.P.C. permet au Conseil Constitutionnel de vérifier si une loi n’est pas inconstitutionnelle en ce qu’elle porterait «  atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution  de 1958 ». Elle a été introduite en droit français  à l’occasion de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, initiée par le Président Nicolas SARKOZY qui a crée un art.61-1. qui stipule : « lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ,le Conseil Constitutionnel peut être saisi de cette question, sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la cour de Cassation, qui se prononce dans un délai déterminé ».

Cette Q.P.C. est une avancée majeure dans notre état de droit, et une possibilité très concrète pour le justiciable pour faire admettre son argumentation.(lire Cour de cassation service de documentation).Le conseil constitutionnel actuellement présidé par M.jean-louis DEBRE nommé par la Président CHIRAC, est composé de 9 membres outre les anciens chefs de l’Etat membres de droit. Il y aura un renouvellement au début de l’année 2016 : 3 juges seront nommés par le Président de la République et celui de l’assemblée nationale et du Sénat .   La politique s’efface au profit des compétences, de l’expérience, de la neutralité, et de l’indépendance même envers celui qui a nommé, au profit du droit. La jurisprudence renforce  notre démocratie qui a besoin de grands principes clairs et réaffirmés .Les membres y sont nommés en raison de leurs qualités exceptionnelles, aucun soupçon ne pouvant les affecter, et ils participent à la régulation de notre société  ,et à la protection de l’individu face aux empiétements parfois de l’Etat qui a ses propres raisons. La Q.P.C.permet d’obtenir Justice, et c’est l’essentiel.

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