La
Q.P.C. : qu’es aquò ?
Par Christian
FREMAUX avocat et élu local
M.Jérôme
CAHUZAC ancien ministre est poursuivi devant le tribunal correctionnel de Paris
pour son compte caché en SUISSE. Il est accusé d’avoir fraudé le fisc alors qu’il
était ministre du budget,ce qui est un oxymore !Chacun se rappelle ses déclarations
publiques où il niait toute dissimulation, avant finalement de reconnaitre les faits, et de
quitter le gouvernement précipitamment.
Respectant
la présomption d’innocence et ne le
connaissant pas au-delà de ce que la presse en a dit, je n’ai pas à me
prononcer sur le fond de ce dossier pénal, sachant que par ailleurs M.CAHUZAC a
payé très cher sa fraude. Ses avocats ont déposé au début de l’audience une
question prioritaire de constitutionnalité tendant à faire admettre que l’on ne
peut être condamné deux fois pour le même délit : sur le plan
administratif ( les amendes et pénalités ) et sur le plan pénal où des condamnations
concernant les libertés individuelles (diverses interdictions même si M.CAHUZAC
a déclaré qu’il était en retraite) peuvent être prononcées. Le procureur s’est
indigné à l’audience de « l’impudence « de M.CAHUZAC qui n’avait pas les mêmes scrupules quand il
était ministre et tirait à boulets rouges sur les présumés fraudeurs et qui
pour les besoins de sa cause « ose « » retarder les débats de
fond par une question de procédure .Le
parquet a tort : chaque prévenu a
le droit d’utiliser le droit pour se défendre, qu’il soit puissant ou misérable
et l’audience publique n’est pas une mise à mort publique, un jeu du cirque où
CESAR lève ou abaisse son pouce, pour servir d’exemple .La justice doit juger
dans la sérénité même si ses jugements
doivent être exemplaires, et si comme en l’espèce la personnalité du prévenu,et sa qualité d’ancien
ministre, éclairent les débats d’un lumière crue pour montrer quel est le bon
chemin , et combien il est nécessaire de donner l’exemple quand on assure de
hautes responsabilités publiques. C’est ce qui redonne confiance aux citoyens
envers ceux qui nous dirigent et ont sollicité nos suffrages. Le tribunal a fait droit à l’argumentation de
M.CAHUZAC, ce qui est tout à fait normal puisque le tribunal pénal doit statuer
en droit et non en fonction de la morale, et a renvoyé le dossier devant la cour de
cassation qui décidera de saisir, ou non, le conseil constitutionnel.J’avais écrit
il y a plusieurs mois à propos de la société UBER et des taxis -débat toujours d’actualité - un article pour expliquer ce qu’est une
question prioritaire de constitutionnalité (Q.P.C.) Vous lirez ci-dessous mes
commentaires. Le procès de M.CAHUZAC a été renvoyé au 5 septembre 2016. Le
tribunal jugera en fonction de la décision du conseil constitutionnel,
M.Laurent FABIUS étant son président car il vient d’y être nommé par le
président de la République.
Chacun
se souvient de l’épisode peu glorieux, violent, mené par quelques
casseurs qui défendaient leur outil de
travail, qui a opposé il y a quelques semaines les chauffeurs de taxis et les
« travailleurs » de la société UBER qui veut
« libéraliser » le secteur des transports, au profit des clients,
naturellement, c’est du moins la thèse officielle : on ne parle pas de
profits dans ce domaine cela va de
soi ! Dans la mondialisation qui a
eu l’audace de s’installer aussi dans notre vieux pays, avec ses us et coutumes comme le fait de
payer très cher une licence de taxi, le conservatisme-à tort ou raison- pour ne
pas bousculer les habitudes, même mauvaises
et les fameux droits acquis qui
sont le socle de l’action des syndicats de salariés, résistent dans tous les
domaines (voir la loi MACRON et les dernières déclarations du sémillant
ministre de l’économie sur les fonctionnaires dont le simple fait d’en parler a
suscité un tollé : le débat d’idées a du mal à décoller et des sujets restent
tabous !).On comprend bien sûr celui qui a beaucoup investi pour avoir le
droit de travailler, s’est endetté pendant des années, paie taxes et impôts,
qui exerce une activité dure, et qui voit arriver ce qu’il appelle une
concurrence déloyale. Mais le client lui, l’usager, le consommateur, ne voit il
pas d’un bon œil cette offre de service
nouvelle ? C’est un autre débat .La Justice a du départager les deux
camps qui représentent deux légitimités.
Le
Conseil Constitutionnel a rendu une décision n°2015-484 du 22 septembre 2015 et
a jugé que l’article L.3124-13 du code des transports était conforme à la
Constitution. Les organisations de taxis ont crié victoire, qui espérons le
pour elles, n’est pas une victoire à la PYRRHUS .La loi THEVENOUD (celle de l’excellent député qui avait une
phobie envers les impôts mais les a finalement payés selon lui), qui interdit
le service UBERPOP ,a donc été validée.
Le débat portait sur l’article L.3124-13 qui dispose : « est
puni de deux ans d’emprisonnement et de
300 000 euros d’amende le fait d’organiser un système de mise en relation
de clients avec des personnes qui se livrent aux activités de l’article L.3120-1 » c’est – à-
dire, le transport routier. La décision du conseil Constitutionnel s’appuie sur
les articles 8 et 9 de la déclaration de 1789 ; sur le code des
transports ; sur l’article 61-1 de la Constitution de 1958 ; et sur
le principe de la présomption d’innocence. Mais comment ledit conseil a-t-il
été saisi et par qui ?
Il a
été saisi le 23 juin 2015 par la chambre commerciale de la Cour de Cassation, à
Paris, par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité (Q.P.C.),
posée par les sociétés UBER France SAS et UBER BV ,relative à la conformité aux droits et
libertés que la Constitution garantit au premier alinéa de l’article L.3124-13
du code des transports .Dans le litige il y avait en défense l’UNION NATIONALE
DES TAXIS ,et diverses sociétés de transport. Le débat portait sur
l’incrimination de la mise en relation de clients avec des conducteurs non
professionnels, débat de nature PENALE sur la liberté d’entreprendre, le
principe d’égalité et celui de la nécessité des délits et des peines et la
présomption d’innocence. Que de grandes causes, donc. La Cour de cassation
devait se prononcer sur ces points de droit pas encore tranchés ( Cour de
cassation chambre commerciale-mardi 23 juin 2015-n° de pourvoi 15-40012 ;
n° d’arrêt 699) .La Q.P.C. permet au Conseil Constitutionnel de vérifier si une
loi n’est pas inconstitutionnelle en ce qu’elle porterait « atteinte
aux droits et libertés garantis par la Constitution de 1958 ». Elle a été introduite en
droit français à l’occasion de la réforme
constitutionnelle du 23 juillet 2008, initiée par le Président Nicolas SARKOZY
qui a crée un art.61-1. qui stipule : « lorsque, à l’occasion
d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une
disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la
Constitution garantit ,le Conseil Constitutionnel peut être saisi de cette
question, sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la cour de Cassation, qui se
prononce dans un délai déterminé ».
Cette
Q.P.C. est une avancée majeure dans notre état de droit, et une possibilité
très concrète pour le justiciable pour faire admettre son argumentation.(lire
Cour de cassation service de documentation).Le conseil constitutionnel
actuellement présidé par M.jean-louis DEBRE nommé par la Président CHIRAC, est
composé de 9 membres outre les anciens chefs de l’Etat membres de droit. Il y
aura un renouvellement au début de l’année 2016 : 3 juges seront nommés
par le Président de la République et celui de l’assemblée nationale et du Sénat . La politique s’efface au profit des
compétences, de l’expérience, de la neutralité, et de l’indépendance même
envers celui qui a nommé, au profit du droit. La jurisprudence renforce notre démocratie qui a besoin de grands
principes clairs et réaffirmés .Les membres y sont nommés en raison de leurs
qualités exceptionnelles, aucun soupçon ne pouvant les affecter, et ils
participent à la régulation de notre société ,et à la protection de l’individu face aux
empiétements parfois de l’Etat qui a ses propres raisons. La Q.P.C.permet
d’obtenir Justice, et c’est l’essentiel.
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