lundi 15 juin 2020

le virus et le licenciement économique


Le virus et le licenciement économique.
Par Christian Fremaux avocat honoraire .
Compte tenu de la conjoncture post confinement et malgré les dispositifs de soutien pris par l’Etat des entreprises vont connaitre de grandes difficultés économiques qui vont se traduire par des suppressions d’emploi ou la renégociation de conditions de travail et de salaires.  Un dialogue exigeant va s’ouvrir entre patronat et syndicats avec un but commun partagé : maintenir l’emploi et des conditions de travail et de salaires dignes, et faire repartir la croissance en permettant aux entreprises de sortir du carcan administratif et des normes et d’être plus flexibles dans leurs organisations. Car la crise a révélé les pesanteurs et la difficulté de prendre des initiatives. Il va falloir faire confiance aussi au secteur privé puisque l ’Etat ne peut tout assumer. Qu’il se contente des activités régaliennes, et qu’il facilite la création de richesses et la redistribution avec la solidarité, c’est déjà énorme.
 Personne ne doit payer les pots cassés de la crise sanitaire, car il n’y a pas de responsable identifié. Mais il va falloir être réaliste, et c’est là que les positions dogmatiques dans les deux camps ne doivent pas s’opposer ou que l’on cherche à travers une nécessaire restructuration à faire des gagnants et des perdants. On a gagné quelques mois de polémiques sur des notions que l’on n’avait pas éprouvées dans les faits comme le télétravail, le présentiel ou non sur le rendement et l’efficacité voire le moral des salariés, les conditions de travail et de salaires de ceux qui sont indispensables, la dépendance en matière de fournisseurs étrangers, et la nécessité de recréer une industrie pour protéger nationalement nos intérêts vitaux et revivifier les territoires. Le droit social est un droit vivant qui touche directement au destin individuel de l’homme/la femme et aux entreprises qui doivent pouvoir vivre et dégager des richesses : il doit donc s’adapter et ne pas être figé.
Le citoyen-consommateur va devoir aussi faire un choix : est-il prêt à payer un peu plus cher ce qu’il achète pour favoriser la production locale ? Oui dit la raison. Peut- être dit le portefeuille : attendons donc de voir ce que les français vont choisir. Car chacun d’entre nous à une responsabilité dans la reprise.   
En attendant il va falloir gérer les conséquences négatives de la crise notamment des licenciements. Les dispositions légales qui existent- notamment de 2016 et 2017- vont s’appliquer avec les possibilités de négocier des conditions ou des formes de travail nouvelles, y compris avec des baisses de rémunérations, sujet sensible s’il en est.  
En matière de contentieux il va falloir aussi innover. Pour un licenciement économique, le covid-19 et ses conséquences dont la fermeture obligatoire des entreprises et l’absence d’activités donc de tout chiffre d’affaires va-t-il être considéré par les juges des conseils de prud’homme comme une cause nouvelle réelle et sérieuse justifiant les licenciements individuels comme collectifs ? Le virus va- t-il faire évoluer la jurisprudence dans une matière très délicate puisqu’elle touche à l’emploi ?
L’actualité nous a informé fin mai-début juin 2020 de la condamnation de l’entreprise Good Year qui avait fermé son site picard en 2014 et avait licencié pour motifs économiques 832 salariés. Sous l’empire de la législation de l’époque, on jugeait la situation financière notamment au niveau du groupe mondial s’il existait, et le juge départiteur d’Amiens vient de considérer que Good Year Amiens n’aurait pas dû licencier alors que le groupe faisait des profits. Il a considéré que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et les anciens salariés toucheront des dommages -intérêts, après appel peut être ? Mais on ne remettra pas la situation en l’état de 2014 ! Rappelons que le conseil de prud’homme est composé de deux employeurs et de deux salariés et qu’il doit trouver une majorité pour condamner ou non. A défaut on y adjoint un juge professionnel qui « départit » entre les deux collèges qui ne se sont pas mis d’accord.  
L’appréciation de la réalité du motif économique est de la compétence exclusive des conseils de prud’homme qui jugent en fonction de l’évolution de la jurisprudence et de la loi sachant que les motifs économiques peuvent dépendre de la conjoncture et de l’imprévisible comme aujourd’hui …le covid- 19 ?
Il y a aussi un débat récurrent : comment concilier l’intérêt des salariés qui veulent continuer à travailler, ne sont pour rien dans les difficultés que connait l’entreprise, ont parfois consenti des sacrifices, et ne veulent pas se retrouver sur le carreau, sans ressources, indignés, et devenus précaires. Et les intérêts aussi des actionnaires qui veulent recevoir légitimement des dividendes, ou des financiers qui ont investi et veulent un retour sur investissements et ont besoin de garanties sur leur stratégie, leurs choix, leurs décisions. Les plans de sauvegarde de l’emploi vont être négociés âprement et être contrôlés a posteriori par les conseils de prud’homme puisque le gouvernement souhaite qu’on licencie le moins possible. Il n’a pas osé reprendre la formule de Bernard Tapie qui voulait interdire les licenciements !
L’ordonnance dite macron du n°2017-1385 du 22 septembre 2017 a créé un dispositif qui est mis en œuvre : l’accord de performance collective permet des innovations pour un période limitée. Il s’agit d’aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation, de revoir les salaires (donc à la baisse) en respectant les minima par profession et les jours de congés ou Rtt ; de favoriser les départs à la retraite ; de déterminer les formations ; de fixer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.  C’est un accord négocié entre le patronat et les syndicats majoritaires (au moins 50% des voix) et des modalités particulières selon que l’entreprise a plus ou moins 11 salariés ; ou plus ou moins entre 11 et 50 salariés.  Les dirigeants salariés ou sociaux et les actionnaires doivent fournir aussi des efforts. L’accord modifie le contrat de travail individuel, et si le salarié refuse il s’expose à un licenciement pour motif personnel.  Il s’agit de répondre aux contraintes de fonctionnement de l’entreprise ou à préserver ou développer l’emploi. On verra ce qu’il en est dans les mois qui viennent.
On a évolué dans cette matière des difficultés de l’entreprise ou sa volonté de se restructurer.  
On avait connu les licenciements dits « boursiers » selon l’expression de M.Bocquet président du groupe PCF à l’assemblée en 2001 à propos de la suppression d’emplois dans le monde  par Danone dont 570 dans sa branche française biscuits- Lu. La restructuration dans une entreprise qui marche et est saine pour accroitre les bénéfices n’est pas admise. La morale et l’indignation qui sont désormais la règle dans tous les domaines ne permettent plus a priori ce genre de restructuration !
 La sécurité juridique des uns et des autres est essentielle et il faut concilier ce qui peut paraitre comme contradictoire : la liberté d’entreprendre et le droit à l’emploi. Même si cette opposition est quelque peu biaisée car on ne peut systématiquement maintenir l’emploi au prix de la réalité économique. En revanche on doit donner des protections à ceux qui sont victimes d’une crise ou d’une mauvaise gestion.  Il faut trouver un équilibre que l’on vérifie judiciairement au cas par cas.  L’entreprise a aussi besoin de se réorganiser, de se restructurer et de se séparer de salariés pour pouvoir rebondir et retrouver du dynamisme voire rembaucher ultérieurement. Cela génère des conflits car l’humain est au cœur de la problématique, mais en même temps il faut faciliter les mesures concrètes qui permettent d’éviter un dépôt de bilan, et des reprises hasardeuses.
La définition classique et générale du licenciement pour motifs économiques est la suivante : « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’un suppression ou transformation d’emploi, ou d’une modification refusée par le salarié d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives NOTAMMENT à des difficultés économiques, à des mutations  technologiques, à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou à la cessation d’activité de l’entreprise ».
 Il y a du grain à moudre en matière d’interprétation et de justifications donc de contentieux et de débats houleux.
La jurisprudence avait évolué par les arrêts dits « pages jaunes » rendus par la chambre sociale de la cour de cassation le 11 janvier 2006. La cour considère désormais qu’est justifiée une réorganisation de l’entreprise motivée par le souci de prévenir des difficultés économiques futures susceptibles d’avoir des conséquences négatives sur l’emploi.
Retenons le double critère de réorganisation et qui doit avoir été mise en œuvre pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou celle du secteur d’activité du groupe à laquelle elle appartient.
La loi dite de Mme EL Khomry du 8 août 2016 entrée en vigueur le 1er décembre,  a apporté des modifications concernant les critères du licenciement économique visé à l’article L.1233-3 du code du travail  qui dispose que l’employeur peut licencier un salarié «  en raison des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires ,des pertes d’exploitation  ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation , soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés ».
L’ordonnance dite macron du 22 septembre 2017 a encore assoupli certaines dispositions en matière de licenciement économique : le périmètre d’appréciation de la cause économique est l’entreprise. Si celle-ci appartient à un groupe, la cause s’apprécie au niveau du secteur d’activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe (dont la définition est revue avec les entités implantées en France) auquel elles appartiennent et qui sont établies sur le territoire national. Il est précisé que le licenciement économique ne peut intervenir que lorsque toutes les recherches de reclassement et de formation ont été épuisées, et qu’aucun reclassement n’est possible (les offres hors territoire national ne sont plus indispensables). Les autres obligations sont maintenues : ordre des licenciements, convocation du salarié ; PSE dans les entreprises de plus de 50 personnes ; contrat de sécurisation professionnelle ; information de la Direccte…).
Les juges vont devoir apprécier les conséquences du confinement lié au covid-19. Les futurs licenciements pour motifs économiques devront répondre aux critères légaux, dont l’origine peut être le virus. Celui- ci ne peut être par lui- même une cause réelle et sérieuse. Il s’ajoutera à des motifs objectifs et vérifiables, aura parfois accéléré une situation compromise mais ne pourra servir d’excuse ou de prétexte ou d’opportunités pour les actionnaires. La loi El khomry a prévu des baisses de commandes ou de chiffres d’affaire notamment sur 1 ou plusieurs trimestres consécutifs selon la taille de l’entreprise. Il faudra les prouver.
La force majeure prévue à l’article 1218 du code civil s’applique dans le domaine contractuel et vise un évènement imprévisible et irrésistible.  Mais le contrat de travail ne peut être assimilé à un contrat banal, en raison de la particularité des obligations du salarié et de l’employeur qui relèvent de l’ordre social public, qui par ces temps troublés est considéré comme fondamental pour la cohésion sociale. Les employeurs seront prudents en ne fondant pas d’éventuels licenciements économiques en invoquant uniquement les conséquences du virus. A priori mais chaque juge aura son opinion, le covid-19 ne pourra être opposé à des résultats acceptables bien qu’en baisse et au maintien de l’emploi et ne pourra faire accroitre par contagion le profit actuel ou futur.                      


jeudi 11 juin 2020

le silence est d'or


                       Le silence est d’or.
           Par Christian Fremaux avocat honoraire.
Il est souvent préférable de s’abstenir de vouloir faire plaisir à des minorités qui ne représentent qu’elles-mêmes et qui mènent un combat surtout quand on est une personnalité de l’Etat donc l’incarnation visible de tous les citoyens avec leurs opinions contradictoires, leurs croyances, leurs changements d’humeur. Toute parole maladroite ou initiative hasardeuse publiques entrainent des polémiques dont on peut se passer. La dialectique est un art qui se travaille, et maîtriser son expression s’apprend surtout à notre époque où tout part en vrille, où à peine énoncé un sujet enflamme, et où surtout les moins représentatifs crient au scandale pour tout et rien. On est dans un monde de l’hyperbole, de l’instantané, de l’image, puis on passe rapidement à autre chose, l’urgence chassant l’urgence. Mais il ne faut pas annoncer à la va-vite et sans nuances des décisions de fond qui vont marquer les esprits, parfois les contrarier durablement, sauf à devoir rétropédaler et en ajouter à ce qui est déjà inacceptable. N’est pas un bon communicant qui veut et l’utilisation du en « même temps » est délicate. L’actualité nous le démontre.
Le ministre de l’intérieur qui a la sémantique difficile on l’a déjà constaté - mais son métier est de faire respecter l’ordre républicain et la cohésion sociale- a fait des déclarations qui laissent pantois en voulant je pense réconforter ses forces de l’ordre et nier -avec raison- que le racisme soit systémique dans l’Etat, tout en assurant de sa compassion ceux qui s’en estiment victimes. Il n’a satisfait ni les uns ni les autres. Le grand écart verbal n’est pas donné à tous.  
 Prenant en compte la mort de George Floyd à Minneapolis ce qui a provoqué à juste titre une vague d’indignation et entrainé des manifestations en France, le ministre dans un bel élan oratoire (mais était- il réfléchi ?) a fait savoir devant les médias qui s’en pourlèchent,  que le racisme dans les rangs des forces de l’ordre ne serait pas toléré mais puni- ce qui est d’ailleurs déjà le cas comme pour les bavures policières- ce qui aurait dû ravir la ligue de défense des noirs très excessive dans ses propos voire diffamatoire et insultante pour l’ensemble des français, car je n’ai personnellement  comme «  blanc privilégié » aucune responsabilité dans les interpellations qui se terminent avec un mort et je laisse les juges décider de qui a fait quoi . Le ministre a employé la formule de « soupçon avéré ». C’est un oxymore. Ou il y a soupçon de paroles ou d’actes racistes et la présomption d’innocence joue jusqu’à ce que l’enquête ait prouvé des faits objectifs. Ou si les faits sont avérés il n’y a pas de doute et le coupable doit être sanctionné puisque le racisme n’est pas une opinion mais un délit.  On comprend que les policiers et les gendarmes qui disposent de la violence légitime avec des gardes -fous juridiques et déontologiques précis soient furieux, car avec ce vocable c’est une quasi présomption de culpabilité qui pèse sur leurs interventions ce qui n’est pas rassurant et laisse planer un risque disciplinaire ou pénal. On verra à l’usage, mais le ministre devrait tourner sa langue 7 fois dans sa bouche avant d’annoncer des approximations. C’est la même chose quand il ignore la loi.
Le ministre a récidivé dans l’incohérence.
Concernant les manifestations interdites pour des raisons sanitaires, ou de sécurité ou autres qui sont de la compétence et de l’appréciation des autorités publiques, il a déclaré que « l’émotion mondiale » (liée à la mort de George Floyd) « dépassait les règles juridiques » (sic) et qu’ainsi il n’y aurait pas de sanction en cas de violation des règles d’interdiction. Ce fut un appel d’air et bien sûr les manifestations eurent lieu. L’émotion a donc une valeur supérieure à la loi ce qui remet en cause la hiérarchie des normes. Les professeurs de droit vont avoir du grain à moudre pour commenter.
Plus prosaïquement que comprend le citoyen lambda ? Il entend que la loi est à géométrie variable, et que si on a un prétexte ou une excuse sociologique, religieuse, sociale, culturelle ou de couleur de peau ou d’origine, la règle ne s’applique pas. C’est de la discrimination à l’envers : le citoyen qui n’appartient à aucun groupe spécifique, qui n’est pas défavorisé, paie ses impôts, travaille, ne se fait pas interpeller pour une raison ou une autre, doit respecter strictement la loi dans toute sa rigueur.  Il comprend qu’une cause subjective supposée d’importance mondiale, puis nationale, puis communautaire, puis individuelle permet des passe- droits. Est-ce que j’exagère ? Je n’en suis pas sûr, car les raisonnements intellectuellement sophistiqués entrainent parfois des conséquences graves sur le terrain et ont des prolongements inattendus. Sans compter que c’est souvent contre- productif et fait naitre des réactions de ceux qui sont de bonne foi et ouverts. Trop c’est toujours trop.  
Je me doute que le ministre n’a pas songé aux conséquences de sa déclaration à l’emporte-pièce une nouvelle fois compassionnelle, qu’il a voulu calmer le jeu, ce qui d’ailleurs n’a servi à rien. Mais la majorité silencieuse a enregistré et médite sur l’autorité de l’Etat et la force qui doit rester à la loi parfois injuste disait le président Mitterrand même s’il n’est pas interdit de tenir compte de circonstances exceptionnelles, soyons didactique dans une société fracturée qui a besoin de se ressouder et dans une république qui ne distingue pas parmi ses enfants.  L’égalité des droits et des devoirs est un principe intangible.
Je n’aurai pas la cruauté de rappeler quelques déclarations hasardeuses de la porte -parole du gouvernement, car je voudrai terminer par l’initiative curieuse de la Garde des Sceaux, agrégée de droit et ancienne membre du conseil constitutionnel.
 Elle s’est distinguée en invitant la famille de M. Adama Traoré - sans inviter les policiers  ou gendarmes visés par l’instruction – pour parler avec elle du fonctionnement de la justice et pas du dossier a -t-elle précisé !  D’autres justiciables qui n’ont pas de comité de soutien voudraient un tel honneur. C’était déjà baroque que la ministre de la justice reçoive des parties civiles alors que l’enquête judiciaire est en cours, qu’il y a des polémiques sur les expertises, et qu’une manifestation rassemblant des milliers de personne a eu lieu sur le parvis du palais de justice, ce qui s’appelle faire pression sur les juges. Mais la ministre a été humiliée puisque la famille Traoré – dont certains membres ont connu de près les tribunaux -a refusé de venir la voir en lui rappelant le principe de la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice. 1 pour Traoré et 0 pour l’Etat représenté par son Garde des Sceaux. Si ce dossier se termine par un non -lieu gare aux représailles.
On peut conclure de ces faux pas qu’à force d’essayer d’éteindre des incendies provoqués pour des causes qui n’ont rien à voir avec les dossiers réels à régler, on perd de vue les grands principes et on alimente des discussions vaines qui meurtrissent et dissimulent les véritables enjeux, les problèmes de fond qui minent notre société.  Il ne s’agit pas d’ignorer ce que ressentent certains et de nier qu’il y a des inégalités, des injustices, des haines qu’il faut éradiquer. Ou de prétendre contre la réalité que des policiers ou des gendarmes ne dérapent pas dans le feu de l’action. Il y a des mauvais partout, surtout chez les délinquants.   Mais on ne peut faire supporter à la majorité d’entre eux qui doivent être soutenus et méritent considération, les infractions de quelques-uns.
Ce n’est pas par le ministère de la parole qu’on arrivera à convaincre ceux qui s’estiment victimes quoique l’on fasse pour eux. Une politique de rassemblement et d’égalité des droits est préférable, concrètement. Il faut aller vers une société de confiance, et non vers une suspicion généralisée.  L’autorité n’est pas l’alpha et l’omega, mais elle est nécessaire et la sécurité en général notamment juridique est la première des libertés. Qu’au moins les ministres aient une parole structurée, claire, uniquement fondée sur les valeurs républicaines avec les devoirs aussi et des faits vérifiés en respectant la loi, et que l’émotion ne motive pas leurs déclarations publiques. Ne mettons pas un genou à terre, et écartons la repentance tout en étant humaniste et solidaire. La république qui n’est ni raciste, ni brutale, ni totalitaire, ni fermée a besoin d’apaisement pour que la démocratie vive.  Les à -peu- près verbaux n’apportent rien, sauf à crisper les uns contre les autres. Le politiquement correct est une régression. Discutons de tout sans tabou pour progresser et combattons tous les fléaux dont le racisme et les violences par l’éducation et l’exemple.
Il est parfois préférable de se taire. Le virus est aussi dans les têtes. Faisons tout pour le faire partir. 



mardi 9 juin 2020

la justice sans les justiciables


La justice sans les justiciables : un moment provisoire.
Par Christian Fremaux avocat honoraire.
La crise sanitaire a des effets secondaires même là où on ne les attend pas. La justice qui tourne au ralenti depuis des mois n’est pas épargnée alors que la volonté de faire reconnaitre ses droits, ou d’être jugé en fonction de ce qu’on estime être sa responsabilité, n’a jamais été aussi forte. Au-delà des procès médiatiques qui mettent en cause les puissants, politiques souvent, le citoyen a besoin de savoir que la justice est indépendante de tous les pouvoirs, que la loi s’applique à tous, et que ceux qui ont commis des fautes -des infractions - seront poursuivis, on veut dire punis. Car quand la foule réclame justice cela signifie en pratique pas de présomption d’innocence et condamnation immédiate de ceux qui sont accusés sans preuve formelle ou sans débat contradictoire surtout s’ils sont une émanation de l’Etat. Je pense aux forces de l’ordre qui disposent de la violence légitime, sauf bavures ou abus cela va de soi. Si on invente ou s’il y a un exemple lointain qui n’a rien à voir pour des raisons culturelles et historiques ou d’organisation de l’Etat, on amalgame et on hurle d’autant plus. Les minorités criardes souvent avec l’aide de médias font pression sur la justice et certains trouvent cela normal, car il faut des boucs émissaires pour que la cause se justifie. Comme à Rome on baisse le pouce. Il faut des coupables individuels avérés ou présumés qui paient. Et si on peut y ajouter un responsable institutionnel, le compte est bon.  Tout ceci est dangereux car ce raisonnement peut conduire à la déstabilisation de la société et à sa fracturation. Mais c’est une autre histoire comme aurait dit R.Kipling. 
 L’actualité nous prouve tous les jours que la soif de justice est grande et que l’injustice réelle ou supposée n’est plus subie mais revendiquée pour tout expliquer voire excuser. Ainsi la lutte contre le racisme est un combat juste, mais elle ne doit pas entrainer des débordements , des violences et pillages et culpabiliser tous les citoyens, et elle n’existe pas toujours. En effet les causes prétendues sont parfois discutables et orientées : une victime présumée ne l’est pas forcément parce qu’elle le dit, et il faut remonter aux faits avant de se prononcer sur les conséquences qui ne tiennent pas obligatoirement ou systématiquement à une couleur de peau ou à une détresse sociale. Le bien et le mal sont dans tous les camps et le raisonnement binaire est trop simpliste. On ne peut écarter les faits pour faire admettre ce que l’on souhaite, pour prononcer un postulat, pour faire remonter les responsabilités d’aujourd’hui au passé et aux comportements de dirigeants ou d’individus d’une ancienne époque, où personne n’était parfait, jugés à l’aune des critères contemporains. Prenons le cas des droits de l’homme devenus un dogme extensible dans tous les domaines.  Sont-ils toujours universels y compris chez nous ? Comment les concilier avec le principe de laïcité mis à mal dans notre société dite multiculturelle, ce qui se discute d’ailleurs alors que nous sommes dans un cadre républicain et qu’on ne différencie pas les citoyens qui ont aussi des devoirs, faut-il le rappeler ? L’indignation vaut- elle raison et est-elle la preuve que c’est la vérité ?  Peut -on considérer que les libertés individuelles doivent s’imposer quoiqu’il arrive dans le cadre de la sécurité extérieure comme intérieure, et quand il faut protéger la population y compris contre elle -même dans son intérêt, par exemple d’un ennemi invisible, un virus. Où placer le curseur pour trouver le bon équilibre entre les grands principes qui fondent l’état de droit et la république et la nécessité d’une protection collective ? En outre la justice doit s’adapter à la conjoncture et aux menaces du moment.
Après les attentats de 2015 et plus tard les pouvoirs publics ont fait voter une législation contraignante et des mesures limitant quelque peu des libertés individuelles. Ce fut globalement admis, à titre provisoire pour une période donnée, mais les textes n’ont pas disparu et sont entrés dans le droit commun. Après la crise sanitaire nous avons assisté à une innovation : la justice qui a repris lentement ses activités avec masques mais sans justiciables. Pour obtenir une décision les délais étaient déjà longs dans le cours ordinaire. Ils vont être désormais sans fin compte tenu des retards pris dans ces conditions nouvelles !
On a demandé à ceux qui travaillent dans l’entreprise ou aux enseignants, de faire un maximum de télétravail et de ne pas se déplacer. En raison de moyens matériels inexistants pour ce faire les magistrats et les greffiers n’ont pu travailler sauf pour les urgences notamment touchant aux détentions, et ils sont restés confinés chez eux, comme les avocats qui n’avaient plus le droit d’aller à leur cabinet et qui de toutes les façons ne pouvaient utiliser le RPVA (réseau virtuel pour le dépôt des conclusions et échange de pièces entre avocats et magistrats) faute d’interlocuteurs dans les palais de justice. Pour éviter un immobilisme total dans des tribunaux et cours fermés, l’exécutif a pris des mesures par décret jusqu’à la fin de l’année a priori qui consistent à tenir des procès à distance, par dépôt des dossiers, donc sans audience publique, sans interrogatoire ou présence des parties quand la procédure est orale, sans plaidoirie des avocats, et hors l’existence physique des juges. C’est un bouleversement de la pratique de la justice même si c’était déjà la tendance. Des textes avaient été préparés et votés bien avant la crise malgré l’opposition des avocats notamment.  Depuis le début 2020 la procédure civile a été changée. Devant ce qui est le tribunal judiciaire- ancien TGI - la loi prescrit désormais de déposer les dossiers. L’avocat peut demander de plaider c’est à dire de fournir des observations mais ces affaires ne sont pas prioritaires. La crise sanitaire a accentué ces modalités qui ne doivent pas devenir définitives. Cette méthode existe depuis très longtemps devant les tribunaux administratifs où les juges se prononcent sur les mémoires écrits et les pièces échangés entre les parties. L’audience dite de plaidoirie sert surtout à entendre les conclusions du rapporteur public qui rappelle le droit sur un dossier donné.
Quand la procédure est juridiquement et officiellement orale comme devant les conseils de prud’homme l’audience de plaidoirie est fondamentale, et les parties sont invitées à comparaitre pour être éventuellement interrogées par les conseillers qui jugent en droit et en équité. La substantifique moelle d’un dossier ne se circonscrit pas à des écrits et à des documents : l’homme /la femme sont parties prenantes à la solution. L’audience est donc essentielle.
Naturellement en droit pénal, on ne concevrait pas un débat devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises sans présence des parties et interrogatoire verbal : aurait- on pu juger MM. Cahuzac ou Balkany, ou l’assassin d’Ilian Halimi ou M. Merah, ou les responsables des victimes du médiator… (liste non exhaustive) sans qu’ils puissent s’exprimer et sans que les ténors du barreau démontrent leur talent qui peut changer la donne sur une audience publique ?  Le décorum de la salle d’audience fait pour intimider et montrer la solennité de l’évènement et l’importance de la décision rendue en toute transparence, motivée, individualisée d’où l’opinion publique doit être exclue, au nom du peuple français, compte aussi beaucoup. Un justiciable a besoin de voir ses juges, les soupeser, les craindre éventuellement les maudire parfois, mais aussi de comprendre ce que la justice représente dans sa symbolique pour l’exemple, pour la portée juridique et non morale de ses jugements qui doivent aller au-delà de la personne concernée, et grandir tant les victimes que les coupables, ou trancher en toute objectivité un conflit.  Souvent un tribunal fait deux mécontents : celui qui a gagné mais pas assez, et celui qui a perdu ce qu’il pense être injuste. En matière pénale le condamné reconnu objectivement coupable doit « admettre » la sanction ou du moins considérer qu’elle est adaptée à son cas, sinon cela ne sert à rien ni pour la société ni pour lui.  Mission difficile reconnaissons- le.
S’il n’y a plus d’audience publique et plus de débat tout ceci disparait, et on n’aura plus confiance dans la justice qui est déjà très décriée alors que son rôle est fondamental dans un état de droit, et que l’on demande aux juges de régler des problèmes que le parlement a évité de discuter, ou qui font polémiques, ou qui étaient imprévus. Cela va être le cas avec la crise sanitaire où des victimes vont essayer de trouver des coupables au plus haut niveau politique et administratif possible. Le procureur de la république de paris vient d’ouvrir une information judiciaire sur la gestion de la crise.
La justice ne peut se passer des justiciables. Ni les facilités du numérique ni les algorithmes de la justice prédictive ne peuvent remplacer les éclats de voix, les échanges contradictoires, les émotions, dans un cadre approprié, avec les juges portant les insignes de leurs fonctions, robes noires ou rouges ou médailles. La justice sans audiences est à la vérité judiciaire ce que sont les fakes news à l’information vérifiée. L’homme/la femme a besoin d’être considéré comme la seule querelle qui vaille pour sortir d’une société anonyme, technologisée et mondialisée.  Un monde d’experts dans leurs bureaux ou tours d’ivoire  n’a pas d’avenir .Je suis certain que les magistrats sont d’accord.  Mettons fin au plus vite à l’état d’urgence sanitaire et revenons à la justice d’antan, qui certes a besoin d’être modernisée car on a la justice que l’on mérite si on ne s’en donne pas les moyens, mais qui est indispensable dans cette soif de transparence, de démocratie participative, et d’égalité en droit.    

 

mercredi 27 mai 2020

Vers quel monde post covid-19 allons nous?


                         Vers quel monde post covid-19 allons nous?
                                  Par Christian Fremaux.
Le président de la république a annoncé un avant et un après virus donc un changement de société qui signifie que ce qui existait et fonctionnait malgré ses défauts il y a trois mois, a failli et doit être remplacé. Par quoi c’est toute la question. Qu’a voulu dire le chef de l’Etat ? Est- ce possible, est -ce réclamé et par qui, est -ce prioritaire ? Ne serait-il pas préférable de faire redémarrer tout, monter en pleine puissance, puis réformer ce qui n’a pas fonctionné ? Faut- il ajouter des bouleversements vers l’inconnu en cette période déjà anxiogène et dont la crise n’est pas terminée puisqu’on ne sait pas si le coupable va disparaitre de lui -même et quand et si un vaccin va être trouvé. Je dois dire que j’ai découvert devant ma télévision qu’il y avait un nombre très important de professeurs d’infectiologie qui n’étaient pas d’accord entre eux et je n’évoque que comme pitrerie la pantalonnade des anciens et des modernes autour du professeur Raoult dont je ne sais s’il est un génie ou un simple professionnel qui ne croit qu’en lui.  Mais comme l’a écrit Paul Valéry « le vent se lève il faut tenter de vivre » et il va bien falloir continuer à se bouger quelques soient les effets d’annonce et les chicaneries.   
En général les changements profonds de société interviennent après une crise très grave : révolutions, guerres, krach financier, crise pétrolière ou naturelle enfin quand tout a été mal, quand les hommes ne supportent plus ce qui s’est passé surtout s’ils en sont responsables, qu’ils veulent effacer le passé en croyant qu’ainsi on oubliera, et qu’il faut reconstruire avec du neuf, innover pour penser que le futur sera plus radieux. Parfois cela marche : parfois on retombe dans les mêmes ornières ; parfois on ne fait pas mieux. Le progrès est d’acception personnelle : chacun y croit en fonction de ses intérêts et critères et de ses espoirs en se projetant dans la société qui lui convient et répond à ses besoins. Un peu d’égoïsme ne nuit pas !
Qu’en est -il actuellement ? Nous ne sommes pas encore sortis de la crise sanitaire. Nous essayons de rétablir la vie démocratique avec le 2ème tour des élections municipales. Nous rouvrons progressivement les écoles, les usines, les commerces puis les restaurants, les spectacles et la nature avec les parcs et jardins et les plages. Tous les jours le décompte macabre des hospitalisés égrène de tristes réalités mais entraine des attentes positives qui nous réjouissent. Les applaudissements pour ceux qui étaient au front s’estompent. La vie ordinaire reprend. La justice règlera des comptes et fixera les responsabilités mais je ne sais pas si c’est l’essentiel ? d’autant plus que le covid n’a pas d’avocat et il n’est pas cité en justice.
Les politiques mettent une certaine sourdine à leurs querelles subalternes et on se moque que le parti du président ait perdu la majorité absolue, qu’il y ait désormais 10 (dix !) groupes parlementaires à l’assemblée, ce qui satisfait toutes les ambitions mais ne règle pas les problèmes fondamentaux et vitaux de la société et des français.  Nous n’avons pas encore fait le bilan de ce qui n’a pas marché, des défaillances des structures étatiques et bureaucratiques, du manque de coordination entre le public et le privé. Nous allons subir-mais le pire n’est jamais certain -les effets collatéraux du confinement à savoir des difficultés économiques et sociales, que j’espère les plus limitées possibles. On a appris que le prix à payer des centaines de milliards d’euros n’avait pas de limites, car c’est l’union européenne qui empruntera et redistribuera.  On voit concrètement l’utilité de ce machin comme aurait dit le général de Gaulle !
Vers quelle société le président veut- il nous entrainer, de sa propre volonté et sans consultation du peuple pour l’instant. Doit- il céder aux injonctions de la pensée dominante, de la bien- pensance, des minorités qui croient avoir la vérité révélée, des experts qui se sont plantés, des humanistes ou soi- disant tels qui confondent émotion et raison ?  Sur quelles nouvelles valeurs va-t-on fonder cette société nouvelle ? Celles de la république qui étaient universelles comme liberté, égalité fraternité et j’ajoute laïcité ont besoin d’être revisitées, expliquées voire relativisées dans certains cas, car on favorise les droits et on néglige les devoirs. Le civisme doit être développé, et la responsabilité étendue à tous les niveaux. L’Etat ne peut tout faire et gérer tout du haut de l’olympe. Il doit être garant de l’état de droit, de la solidarité, de la redistribution après création de richesses, et de la protection en matière de menaces de toute nature, et de sécurité. En n’assurant que des fonctions régaliennes, l’Etat sera plus fort et plus efficace.  
Il ne faut pas jeter le bébé qui a grandi pendant les trente glorieuses et a apporté des satisfactions avec l’eau du bain.  Tout dans le monde d’avant n’était pas négatif. On doit garder ce qui a permis la prospérité même s’il y a des inégalités à résorber voire des discriminations à éliminer. On doit ressouder les citoyens autour de la nation qui ne doit pas se replier sur elle- même au risque de dépérir ou d’éclater en communautés ou en séparatisme.  Les maires ont montré leur disponibilité et efficacité sur le terrain, tandis que l’on se perdait dans les différentes strates de l’Etat et une bureaucratie tatillonne sinon brouillonne. Le principe constitutionnel de précaution est devenu celui de ne pas agir, de peur d’être poursuivi en cas d’action ratée .On peut d’ailleurs l’être aussi en ne faisant rien de concret. On est passé de la frilosité à l’empêchement et à une société de méfiance envers le particulier comme si celui-ci ne savait pas  ce qu’est être responsable de lui et des autres si on lui fait confiance, et de se prendre en mains s’il on lui met des moyens locaux à disposition, et je pense aux services publics.  J’ajoute qu’avec une information transparente, réelle et sincère pour des adultes, il n’est pas nécessaire d’infantiliser le citoyen, d’empiéter outre mesure sur sa vie privée, et qu’il est capable de « s’empêcher » comme le disait le père d’Albert Camus pour caractériser l’Homme.  On n’évitera pas les débordements et ceux qui sont rebelles à tout, de la loi à la consigne sanitaire. Personne ne croit en l’unanimité du bien. Mais on doit essayer pour le plus grand nombre.
Il est toujours facile de réécrire le passé, et de prétendre que l’on savait ce qu’il fallait faire. Je ne critique personne, je souhaite que l’on termine la séquence au mieux et qu’on envisage l’avenir. Je ne suis pas assez averti pour savoir ce que le président de la république va proposer, quelles réformes il va abandonner ou modifier, et quelles autres il va choisir. Il y aura des priorités surtout économiques et sociales, concernant le débat déjà engagé sur la fin du mois qu’il va falloir coupler autant que faire se peut avec les préoccupations sur la prétendue fin du monde en laquelle je ne crois pas, car l’homme/ la femme ont toujours su réagir. L’humain est supérieur à la matière voire à la nature qu’il faut protéger et il y a assez d’intelligence collective pour trouver les solutions et faire que les générations futures ne soient pas lésées. Certes il y aura une remise en ordre sévère à commencer, à conforter les valeurs (immatérielles) qui ont fait leurs preuves, expliquer ce qu’est une république et un destin commun, et que la démocratie s’entretient car elle est fragile. Nous reviendrons forcément à l’état d’antan sur nos libertés individuelles et publiques, mais nous les compléterons avec les devoirs collectifs, et le sens de la tolérance et de la mesure, sans polémiques inutiles, et avec des médias qui mettent plus l’accent sur le positif et ce qui portent sens. 
La cité idéale n’existe pas et le siècle de Périclès est révolu.  Les grandes généralités généreuses et compassionnelles voire humanitaires et dites écologiques comme « tout le monde il est beau il est gentil et il y a des méchants profiteurs » ne sont prises au sérieux que par ceux qui n’exercent aucune responsabilité mais vivent dans un milieu plutôt favorisé. Gouverner c’est essayer de définir La solution qui marche et qui est acceptée. Le plus fréquent c’est de décider entre des solutions généralement les moins mauvaises ou contradictoires et que l’on souhaite performantes mais toutes autant légitimes. Il faut pencher vers les plus consensuelles après avoir dialogué et convaincu.   
Changer de constitution et envoyer des responsables devant les tribunaux ne me parait pas l’urgence. Rendre la société plus souple et plus réactive me semble préférable. John Irving a écrit « le monde selon Garp » qui était la vision mi- loufoque mi -sérieuse mais vérifiable sur le terrain d’un individu lambda sur toutes sortes de relations entre les humains, dans la vie tout simplement. On a des surprises sur les gens.  N’attendons pas le monde d’après qui peut ne jamais survenir.  Améliorons l’existant, en éliminant ce qui a raté indiscutablement. Soyons à la fois progressiste je veux dire audacieux et conservateur et surtout modeste car le grand soir d’une société juste et parfaite n’est pas pour demain. Dans une société matérialiste qui doit apporter sécurité et 0 risque, libertés et bonheur, vivons en humaniste lucide puisque l’homme/la femme est la seule querelle qui vaille a écrit jean Bodin. Tout le reste n’est que bavardage. 
Et comme on le réclamait en mai 68 : soyons réaliste demandons l’impossible, c’est -à -dire une société plus fraternelle, plus soudée, plus attachée aux valeurs qui permettent de se rattacher à l’espérance et à se dépasser. C’est un changement de paradigme pour le moins.   

mardi 5 mai 2020

courage fuyons les responsabilités


                Courage fuyons les responsabilités !
   Par Christian Fremaux avocat honoraire du barreau des confinés.
Le confinement soudain a donné lieu à des difficultés imprévues mais on s’y est conformé car on avait peur de la maladie soyons francs. Les plus opportuns ou prudents des habitants des grandes villes ont pris la fuite en province là où ils pensaient que le virus ne passerait pas et que le confinement serait un moment le moins désagréable possible à passer.  Ce fut un choix révélateur en conscience et responsabilités, il n’y a pas à le critiquer. Chacun voit son devoir où il le situe. 
Mais pour le déconfinement cela va être la foire d’empoigne, chaque profession demandant à l’Etat -par ailleurs accablé de tous les maux pour ses insuffisances, manquements divers, hésitations, mensonges parfois- de prendre des mesures spécifiques car toute profession est un cas particulier. Même ceux qui avaient choisi de vivre dans le secteur privé, sans aide de l’Etat, crient au secours à juste titre car on leur a imposé de ne plus travailler, et ils ne veulent pas mourir économiquement après avoir échappé au virus.  A défaut ils attaqueront en justice, je ne sais pas précisément qui mais ils le feront.
N’ayant aucun talent pour la divination je ne peux dessiner avec précisions ce que sera le monde d’après qu’on nous annonce avec de grands principes généraux et humanistes ce dont je me réjouis, mais je crains qu’ils soient en partie illusoires face à l’urgence de la réalité car chacun va vouloir tirer parti de ce qui est arrivé. Qui pour voir ses salaires progresser (on a applaudi chaque soir des héros  du quotidien) ;qui pour travailler autrement (le télétravail chez soi) ; qui pour d’autres façons de vivre et de se déplacer ou  voyager ;  qui pour rénover les gouvernances  et les pratiques dans l’entreprise (on va réentendre les leaders syndicaux) ;qui pour relocaliser des industries à condition que les coûts de fabrication n’explosent pas ; qui pour mettre en avant les territoires et la ruralité avec les agriculteurs qui ont assuré notre alimentation et ce qui est constant pendant la période ; qui pour une nouvelle répartition vraiment décentralisée des pouvoirs ; qui pour revoir le rôle de l’Etat qui devra être réduit à ses fonctions essentielles avec une chaine de commandement plus réactive ;et qui pour son bon plaisir, pour la culture et le droit  de ne pas être matérialiste … La liste des réformes à faire est longue pour revenir au passé où nous étions heureux sans le savoir que l’on critiquait avec le luxe et l’impudence des enfants gâtés, mais en mieux bien sûr, en plus moderne et tendance en préservant l’avenir des générations futures et en n’excluant ni la transition énergétique, ni un autre mode de croissance ni d’autres valeurs qui se sont révélées avec la crise. Bon courage à ceux qui vont s’y coller pour trouver les solutions avec de beaux débats que je pressens parfois surréalistes car je n’imagine pas le contraire avec tous ceux qui savent toujours tout, après.
  D’autant plus que les problèmes courants demeurent : la sécurité et le terrorisme, les menaces, l’Europe et les autres pays avec qui il faut coopérer et composer, les catastrophes naturelles, le chômage, la création de richesses pour la solidarité et la redistribution, le séparatisme ou plutôt le bouillon de certaines banlieues avec la religion et les trafics sans oublier l’aspect social et économique et le respect de la loi, les violences  graves pour tous les prétextes, l’insatisfaction générale  parfois sans vraie raison et la polémique pour tout sujet, et chacun y ajoutera ses priorités. Il faudra affronter en même temps tous les problèmes sans recourir à une prétendue union nationale car comment concilier les extrêmes, et les opinions différentes doivent subsister pour que les électeurs tranchent et choisissent un cap une politique présumée gagnante et juste.  Il sera mieux d’obtenir néanmoins un minimum de consensus sur les décisions publiques à prendre pour redresser la barre du bateau devenu ivre, son capitaine n’ayant pas été atteint par le virus mais son équipage si, commandant naviguant à vue au nord vers l’inaccessible étoile.   
Je me demande quelle réforme emblématique de fond le gouvernement va pouvoir annoncer et introduire pour créer un choc positif qui enthousiasme et entraine des perspectives pour tous, celle des retraites (que je n’aimais pas au moins pour les avocats je vois midi à la porte de mon bureau) me paraissant impensable car il faut d’abord qu’un maximum d’individus retravaillent. Et celle de la réforme des allocations- chômage ou des économies sur les dépenses publiques pouvant conduire à des émeutes pour inopportunité. Comme aussi la réforme constitutionnelle prévoyant la limitation des mandats et la suppression du nombre de parlementaires, outre celle de la cour de justice de la république qui vient d’être saisie par des plaignants et autres dispositions qui nous paraissaient raisonnables, jadis c’est-à-dire il y a encore quelques semaines.  M.Macron doit se mordre les doigts de n’avoir pas trouvé l’année dernière une majorité des 3/5 ème au congrès !
Tout est évidemment possible même l’improbable. Les promesses électorales n’engageant que ceux qui y croient, je ne m’inquiète pas. Le pouvoir saura phosphorer pour montrer qu’il contrôle la situation et nous vendre ce qu’il appelle le progrès qui pourrait d’ailleurs être partiellement un retour en arrière sur ce qui a fait ses preuves, est connu, admis et  proche des individus, avec une mondialisation qui est, qu’on ne peut faire disparaitre d’un coup de plume ou ignorer, mais qu’il faut limiter, et une nation à recomposer en trouvant  les valeurs qui font  consentement et des sous, encore des sous sans augmenter les impôts.  Vaste programme.   Nous allons devoir nous réinventer a dit le président : oui chef, mais lui et les élites administratives ou scientifiques ou auto-proclamées qui ont pris un coup sur leurs prétentions, aussi et d’abord. J’ai changé disent souvent les politiques qui reviennent ou veulent revenir au pouvoir et modifient en réalité leur stratégie. N’est- pas qui veut Julio Iglesias qui chantait « non je n’ai pas changé »!.   
 Mais je subodore un peu ce que va être la vie proche, quand nous aurons maîtrisé les conséquences du virus si tel est le cas puisque on ne sait rien sur sa disparition ou non, et qu’il faudra que la machine reparte après les vacances sur les plages car on l’a « bien mérité » et c’est une question existentielle à la JP Sartre. Outre les désastres avérés il y aura des victimes collatérales, celles déjà justes à l’équilibre avant la crise, ou qui vivaient sur quelques mois, ou qui avaient besoin d’une croissance constante et des institutions fortes qui fonctionnaient. Il va falloir injecter un «  pognon de dingue » selon une des formules de notre président, mais cette perspective de milliards d’euros de dettes ne semble pas le plus important : je m’incline devant ceux qui devinent avec certitudes bien que chacun, moi comme les autres a un budget contraint et  constate que lorsqu’on emprunte on doit rembourser,  et que quand la caisse est vide on ne peut fabriquer de fausse monnaie : on réduit le train de vie, mais comment faire pour ceux qui n’avaient déjà pas l’essentiel  ? Les choix décidés avant d’être votés vont faire l’objet de débats intenses, de protestations, de pinaillages, de prétextes. L’opposition doit-elle être systématiquement contre tout ce qui est pour et  pour tout ce qui est contre comme le disait Pierre Dac ? Prenons des exemples : s’abstenir de voter est -ce être responsable ? Refuser d’approuver une mesure car elle ne va pas assez loin est-ce responsable ? Faire de la politique politicienne en s’opposant pour ne pas mêler sa voix à celle de l’adversaire est-ce être responsable ? Ne rien proposer en critiquant ce qui est prévu est-ce responsable ?  Peut-on se laver les mains -en dehors des gestes barrières- et soutenir ensuite qu’on est responsables ? Ponce Pilate n’est pas le héros préféré dans le monde. 
 Tout ceci va être un problème de responsabilités pour tous, majorité politique comme opposition, corps représentatifs multiples, contre-pouvoirs avec les médias, patrons comme salariés, fonctionnaires ou membres du secteur privé et professions libérales, comme élus locaux, départementaux, régionaux, et les décideurs publics déconcentrés sous l’autorité des préfets. J’ajoute de responsabilité pas seulement morale, mais en droit.  La justice va avoir un travail considérable pour juger de ce qui s’est passé pendant cette période exceptionnelle pour revenir à l’état de droit classique et aux grands principes, pour conforter notre démocratie et nos valeurs républicaines.  On annonce des enquêtes parlementaires et administratives de tous côtés et de multiples actions judiciaires civiles et administratives et plaintes pénales. Cela fera au moins la joie des avocats – ceux qui auront survécu à la fermeture des tribunaux, à leur propre grève et celle préalable des transports, aux gilets jaunes…-  et qui n’ont pas plaidé depuis des mois.
Mais moi je me défile, pas pour tout mais pour le plus visible et ce que recherchent les puissants.  On ne peut pas toujours être courageux. Je suis content de n’être responsable qu’a minima et de presque de rien sauf de moi et de mes proches ce qui est déjà beaucoup.  Je ne me suis pas représenté aux élections municipales de mars dernier après 37 ans de mandat municipal. Je n’aurai pas à gérer la reprise des écoles, véritable prise de risques dans les communes et pour les parents qui n’ont pas confiance. Je ne suis pas haut fonctionnaire qui pense se réfugier derrière la hiérarchie et qui a respecté les ordres et les process, ou membre du corps médical qui exerce un art et pas une science exacte et dont les sommités donnent des conseils au gouvernement sans en avoir à subir politiquement ou judiciairement les conséquences.  Je ne bénéficie d’aucune immunité pénale comme celle de droit qui découle du statut constitutionnel du chef de l’Etat.  A mon grand regret- mais aujourd’hui je m’en félicite- je n’ai jamais été ministre voire un parlementaire de ceux qui votent les lois qui entrainent diverses conséquences juridiques notamment comme un état d’urgence même sanitaire.  Il n’y a pas d’auto- protection collective et on ne peut se retrancher derrière le groupe pour s’exonérer de tout.
Je n’aurai pas comme les magistrats, les juges professionnels qui ont été aussi confinés, à arbitrer au plus vite car il y a du retard  à juger le stock déjà plaidé outre les cas nouveaux des multiples contentieux -qui parfois mettent en jeu des intérêts personnels y compris la liberté ou la survie individuelles ou économique ou la tranquillité de vivre dans la paix tout simplement - liés à la fermeture de tout, à la cohabitation d’une législation temporaire et exceptionnelle avec nos règles habituelles, nos normes, nos bases  constitutionnelles, nos libertés fondamentales, bref ce qui touche à l’état de droit et peut être par une jurisprudence nouvelle coronavirienne bouleverser nos grands principes et nous faire changer de société. Et qui doivent aussi veiller aux victimes et ne pas dispenser ceux qui dirigent de rendre des comptes. Mission essentielle pour la cohésion de la société, sachant que pour un individu lambda son cas est aussi précieux, quelques soient sa nature et son importance pour les autres. L’égalité en droit et en chances n’a pas de limites.
Certes j’exerce de façon bénévole les fonctions de conseiller prud’homme, et je devrai me prononcer sur les litiges du droit du travail  en cours et ceux qui ne vont pas manquer de surgir .Mais ce droit devenu vital qui régit les règles dans l’entreprise  entre salariés et employeurs entre autres, qui fixe les conditions de sécurité et de travail, qui détermine des aspects financiers importants,  est souvent  bousculé par les majorités politiques qui se succèdent (par exemple en 1981 avec M.Mitterrand ou les ordonnances dites Macron de 2017) et il est le reflet d’une époque, au -delà de grands principes de justice sociale et des droits acquis. Je ne me déroberai pas avec mes collègues car je ne néglige pas mon devoir modeste et l’équité m’est connue. Et la cour d’appel peut ensuite modifier nos appréciations. Ma responsabilité est relative mais réelle même si elle peut provoquer des mécontentements selon les décisions rendues.
N’étant plus un petit chef d’entreprise puisque mon cabinet d’avocats est désormais géré par des jeunes, je n’aurai pas à y venir mètre en main pour recomposer les bureaux, le secrétariat et les couloirs. J’avais l’habitude d’acheter des codes mais pas du gel ou des protections. L’avocat qui porte sa robe noire mettra t- il un masque noir pour l’harmonie des couleurs, comme zorro ?  Dans l’entreprise la jurisprudence la plus récente parlait d’obligation de sécurité de moyens renforcée surtout en matière de prévention : à l’impossible nul n’est tenu !
Je n’aurai pas à évoquer en cas de poursuites contre des élus les maires en particulier, la loi dite Fauchon du 10 juillet 2000 qui s’est prononcée sur les délits intentionnels en stipulant :  le délit ne sera constitué que « s’il y a eu une violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité ». Il faut prouver une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité que [le poursuivi] ne pouvait ignorer. Ce texte protège déjà les élus, et je ne doute pas que des parlementaires vont faire voter une loi spécifique pour la période liée à l’état d’urgence sanitaire.
Je n’arrive pas à imaginer tous les cas possibles pour que la responsabilité d’un décideur soit engagée qui est un des problèmes à résoudre vite pour que les initiatives se développent. Etre mis en cause ne veut pas dire être condamné, mais l’épreuve est cruelle, injuste et décourage certains. On est dans le cadre juridique non pas d’une obligation de résultats, mais dans celle d’une obligation de moyens : on fait ce que l’on peut en respectant les consignes officielles avec ce dont on dispose en matériel comme en personnel. Cela rassure.  
Le plus raisonnable est donc de fuir les responsabilités et attendre une époque plus favorable. Je plaisante bien sûr mais j’en appelle par avance à la modération, à la tolérance, aux circonstances atténuantes si tout n’a pas été parfait, à l’excuse d’imprévisibilité et absolutoire en raison de l’absence de réponses sûres et définitives par ceux qui sont au pouvoir voire à la force majeure liée à l’ennemi invisible.  Le risque 0 n’existe pas, et en ne faisant rien on n’est pas certain non plus de n’être pas critiqué voire poursuivi. Le principe de précaution peut aboutir à des drames.  L’inaction est parfois un délit. La société donne toujours une deuxième chance à ceux qui ont fauté souvent volontairement, ou on les libère de prison par anticipation pour de bonnes raisons.  Cela se discute.
Ce qui ne se discute pas c’est de chipoter la confiance à ceux qui sont sur le terrain qui trouvent des solutions même bancales voire hasardeuses avec les moyens dont ils disposent, et qui font tout pour le bien des autres parfois en s’exposant eux-mêmes. Alors soutenons- les.
La responsabilité est l’apanage de tous et un devoir collectif. Regardons-nous dans la glace sans indulgence et interrogeons-nous sur ce que nous faisons en nous prenant en mains, et ce que nous pouvons apporter à la collectivité, ne serait -ce qu’en ne dénigrant pas ceux qui cherchent et font.  Ce n’est pas toujours l’autre qui a tort. On n’a pas que des droits, on doit participer à son niveau à l’effort collectif. Cela ne veut pas dire que l’on pardonne toute faute et que l’on ne sanctionne personne.  Assumer ses responsabilités signifie être un homme/une femme dans le plein exercice de sa conscience et de sa liberté de citoyen.    


mardi 21 avril 2020

ordre illégal et désobéissance civile


                 Ordre illégal et désobéissance civile.
                   Par Christian Fremaux avocat honoraire.
Dans cette période de pandémie beaucoup plus confuse que par le passé où ne planaient pas de risques pour la santé mais des menaces identifiées, s’y sont ajoutées l’anxiété et la peur car il y a des inconnues de toutes natures importantes à court et moyen terme. Même si les réactions ou revendications parfois brutales de diverses catégories sociales comme celles des individus durent depuis très longtemps on l’a vécu ces derniers mois, l’on a pris la mauvaise habitude par manque de courage pour ne pas faire de vagues donc à tort, de constater que certains ne respectent rien dans le courant ordinaire de la vie. Ce n’est donc pas faire un procès d’intention à quiconque de déplorer que pour toute décision publique il y a un refus de l’autorité, une répugnance à appliquer la loi, à considérer que toute disposition impérative voire toute simple recommandation, toute instruction générale sont inacceptables et abusives, à ne tolérer aucune contrainte quelconque et à croire qu’en désobéissant on est dans le camp du bien.  
Cette rébellion ou pour ne pas exagérer cette propension à discuter, protester, pinailler, douter, dire tout et son contraire, se retrouvent dans tous les domaines et chacun d’entre nous doit l’affronter : par exemple  dans la famille avec les enfants ; à l’école où les parents viennent agresser les enseignants ;  dans l’entreprise où la moindre remarque est considérée comme du harcèlement moral et de la discrimination ; en justice où les jugements rendus font polémiques ; et bien sûr dans la sphère publique quand les politiques votent des lois à la suite d’un processus démocratique. A peine élu, le responsable n’est plus légitime et il est soupçonné de prendre des mesures dangereuses voire régressives pour les droits acquis, de limiter les libertés individuelles et publiques au nom d’un objectif non avoué, et de prendre des décisions que l’on ne peut accepter.  Car seule l’opinion publique a raison, c’est -à- dire une infime partie de la minorité qui prétend savoir de source sûre et avec certitudes pour tout, ce qu’il faut faire.  Avec la crise sanitaire des sommets sont atteints avec les prétendus experts et les spécialistes du bavardage qui conduit au néant, qui réinventent le passé et avaient tout prévu.
Je ne sais pas si le « nouveau monde » voulu au moment de l’élection présidentielle mais désormais différent que l’on nous promet pour après la crise changera cet état d’esprit ou si les habitudes de l’ancien monde ressusciteront. J’espère que les vieux démons ne resurgiront pas.  Notre monde actuel est devenu un mode d’empêcher de gouverner en rond, sans avoir la moindre responsabilité et je pense à des médias en particulier, sans répondre de ses actes si on se trompe, au prétexte que la démocratie est une vérification permanente par le peuple ou ceux qui prétendent l’incarner, et qu’il est normal de s’opposer ou de dire non y compris par la violence. C’est de la vigilance active voire activiste dans le cadre d’un régime représentatif. Ce n’est pas ma conception de la gouvernance qui doit être évidemment contrôlée par les instances institutionnelles et l’application de la constitution, au nom du peuple qui n’appartient à personne même pas aux beaux esprits se disant plus éclairés que d’autres, mais comme je suis un senior qui a failli être confiné à vie, je dois être un has been. Je l’assume.
On voit bien cette tendance avec les violations des mesures concernant le confinement, les millions de contrôles, les centaines de milliers d’infractions, les PV dressés et les renvois devant les tribunaux. Avec le déconfinement il faut s’attendre à encore plus de protestations et d’indignations sur les mesures du plan global de redressement comme on dit au tribunal de commerce pour faire repartir les activités et donc la croissance, pour déterminer qui fera les efforts, qui paiera la note finale, malgré l’explosion de la dette publique qu’il faudra un jour rembourser nous ou les générations futures que l’on veut préserver ? Chacun aura sa bonne idée. Celle qui vise surtout les autres. 
 Va-t-on demander la solution facile de l’ancien monde d’un impôt dit du coronavirus, plutôt que d’innover et d’imaginer d’autres solutions qui toutes, soyons réalistes, demanderont des efforts.  Surtout que le processus à inventer du déconfinement sera progressif et que des commerces risquent de rouvrir plus tard que d’autres ce que je déplore pour les entreprises les plus fragiles mais bonnes pour le moral comme les bistrots restaurants et hôtels, marchés et spectacles. Mais peut -être d’ici le 11 mai va-t-on trouver des solutions pratiques qui permettront la reprise d’une vie normale pour tous.  Le rétropédalage est aussi un moyen d’avancer si je peux dire, et de n’être pas contre -productif. Revenons à mon approche un brin partiale je l’avoue sur l’autorité mot qui fait geindre, et son non- respect. 
 Je voudrai me tromper et croire qu’il va y avoir un consensus, un défi commun, et un enthousiasme à tous relever les manches. Mais je crains que dans un avenir proche il y ait une vague de refus, plus ou moins motivés, plus ou moins dans l’intérêt général, qui va renforcer l’esprit de désobéissance qui nous anime. Et la détestation de recevoir des ordres même élaborés démocratiquement. Guignol rosse le gendarme sous les applaudissements.  C’est le sujet de ces lignes.  
N’en faire que selon ses désirs est devenu un sport national, une manière de vivre et d’être, de se croire rebelles -sans risques d’ailleurs- de s’en prendre aux pouvoirs publics tout en profitant des avantages et en négligeant que l’Etat ce n’est pas « moi » comme le disait Louis XIV mais nous, tous les citoyens. Refuser d’obéir, de se soumettre à la loi, c’est considérer que la liberté individuelle est un principe supérieur à toute autre considération, en particulier si elle nous concerne. L’intérêt général devient secondaire.
On doit se rappeler ce que prêchait le père Henri Lacordaire (1802-1861), membre de l’Académie française et homme politique : « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». Examinons cependant deux concepts : l’ordre illégal et la désobéissance civile.
La 1ère catégorie de désobéissance consiste pour un militaire surtout (un fonctionnaire aussi) à ne pas exécuter un ordre qui lui parait illégal. C’est la théorie des « baïonnettes intelligentes ». L’article 122-4 du code pénal précise que « n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime sauf si cet acte est manifestement illégal ». La difficulté en justice est de savoir comment on interprète le « manifestement illégal » : un ordre exagéré, mal conçu, ambigu, mal formulé… ne correspondent pas forcément à la définition, ni celui qui est contraire à sa conscience. J’ai plaidé jadis quelques dossiers de ce genre quand le tribunal aux forces armées existait encore. Ce fut toujours difficile en faits, en sémantique, en morale, donc en droit. Je donne l’exemple atypique et ancien des gendarmes qui sur ordre du préfet ont mis le feu à des paillottes sur une plage corse. Ils ont été condamnés. Mais cette théorie veut dire aussi que désobéir à l’autorité est admis par la loi dans des conditions très strictes cela va de soi.
Dans le cadre de la crise du coronavirus, des mesures qui restreignent les libertés individuelles pour un temps déterminé ont été votées dans le cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire, et le confinement a été ordonné. L’ordre est légal. Les pseudos résistants à son application qui inventent des prétextes aussi farfelus que dérisoires pour circuler librement, sont dangereux pour eux -mêmes, leurs proches, et tous ceux qu’ils croisent. Cela me permet d’aborder un autre aspect de la désobéissance.
La 2ème catégorie de désobéissance concerne ceux qui sont persuadés de détenir la vérité, par exemple sur le réchauffement climatique ou l’environnement en général, avec la décroissance nécessaire, et qui dénoncent la main nocive de l’homme partout notamment avec les méfaits de la finance. Ils occupent des terres, ils se battent pour que tel projet soit abandonné.  Ils n’ont pas tout faux, mais ils n’apportent aucune vraie solution. Avoir des intuitions ou des certitudes non vérifiées et validées (voir la polémique actuelle sur les médicaments ou le vaccin) ne garantissent pas des résultats heureux. Et le pouvoir ne peut prévoir des politiques publiques sur des hypothèses. Tout chef d’entreprise le sait. On ne joue pas à la roulette russe avec la santé, ou l’économie. Comme on a les modèles et les penseurs que l’on mérite, je cite mon maître du bon sens Coluche qui définissait le capitalisme « comme l’exploitation de l’homme par l’homme, et le syndicalisme par le contraire ».
Les militants qui désobéissent en se disant pacifiques mais en n’hésitant pas à faire le coup de poing avec les forces de l’ordre, utilisent le concept de désobéissance civile pour se justifier. Elle a été décrite en 1849 par le philosophe, naturaliste et poète né en 1817 à Concord (usa) Henry David Thoreau.  En juillet 1846 il avait refusé de payer un impôt à l’Etat américain pour protester contre l’esclavage dans le sud du pays et la guerre au Mexique. Il ne va passer qu’une nuit en prison car sa tante va payer sa caution. Furieux il décide de théoriser son action sans oublier « le discours de la servitude volontaire ou le contr’un » d’Estienne de la Boétie (1530-1563) qui est une remise en cause de la légitimité des gouvernants à propos d’une révolte antifiscale - déjà - en Guyenne en 1548. Ce texte de La Boétie traduit le désarroi d’une partie de la population souvent cultivée devant la réalité de l’absolutisme. La question est : « pourquoi obéit-on ? ».
Avec la désobéissance civile on refuse de se soumettre à une loi ou une mesure qui nous paraissent injustes. On s’interroge : « le légal est-il juste ? » alors que l’on est en république et que l’absolutisme n’existe plus et sauf à penser que l’Etat est totalitaire.  On en appelle à la conscience personnelle, aux valeurs qui nous motivent, à la définition du bien et du mal, à l’intérêt collectif outre à l’impuissance des Etats face à des firmes mondialisées.
On connait les désobéisseurs collectifs (les anti-zadistes) qui défendent une cause et les quasi- professionnels proches des mouvements anarchistes, nihilistes ou anticapitalistes. On a pu vérifier que la violence était un moyen d’action fréquent. Dans une démocratie c’est intolérable.
  Il y a aussi des désobéisseurs individuels qui font passer l’humain avant tout comme récemment M.Cédric Herrou agriculteur installé près de la frontière franco-italienne qui aidait les migrants illégaux.  Son cas a fait progresser le droit. La cour de cassation par le biais d’une QPC a interrogé le conseil constitutionnel qui a jugé que le principe de la fraternité à but humanitaire bien sûr, faisait désormais partie de notre bloc constitutionnel comme la liberté et l’égalité de notre devise [décision du 6 juillet 2018].
Une société moderne complexe par définition, qui ne sait pas répondre immédiatement à ce qui n’est jamais arrivé et est imprévisible, ou qui envisage les meilleures décisions pour l’avenir par des réformes, ne peut bien fonctionner qu’avec l’acceptation par le plus grand nombre des lois et règles votées démocratiquement. C’est de la responsabilité de chacun. Certes il n’est pas interdit d’avoir une confiance raisonnée envers nos décideurs et de conserver l’esprit critique, car nul n’est parfait et on peut se tromper. Mais la désobéissance pour avoir raison ou par principe ne peut mener qu’au désordre civique, à l’incapacité d’agir, à la chienlit aurait dit le général de gaulle. La vérité est protéiforme et seule la légitimité démocratique par l’élection permet de progresser. La désobéissance conduit à l’impasse exceptés quelques exemples historiques. 

dimanche 19 avril 2020

du civisme selon notre bon vouloir


                Du civisme selon notre bon vouloir.
                 Par Christian FREMAUX avocat honoraire
« Confinée, confinée, est-ce que j’ai une gueule de confinée » aurait peut- être dit Arletty si elle était encore en activité en se promenant sur la passerelle au- dessus du canal saint martin à paris allant vers l’hôtel du nord, alors qu’elle serait contrôlée par un agent de police à vélo dans le cadre des mesures sanitaires actuelles ? Le cinéma permet tous les rapprochements même les plus improbables. 
Tout le monde a une bonne raison pour sortir de son domicile et s’exposer au coronavirus qui ne distingue pas ceux qui sont de bonne foi et les autres. Dans un sketch célèbre, Coluche accompagné de sa femme et de son chien est dans sa voiture et peste coincé dans les embouteillages. Il dit avec son langage direct : « mais où ils vont tous ces cons-là ? Nous on se le demande avec ma femme, car nous on va chez sa mère ! ». Le confinement me donne l’occasion de parler de civisme et de déplorer de façon  générale que nous manquions du sens de la responsabilité, c’est -à -dire de ce que l’on doit aux autres.  J’espère que l’épreuve que nous subissons nous conduira à être dans tous les domaines et notamment celui de la démocratie et de la solidarité, moins désabusé, moins cynique, moins égoïste : on peut rêver. Il faut y croire. 
Selon les dernières statistiques, il y aurait eu 11 millions de contrôles pour vérifier les attestations de déplacement dérogatoire qui auraient entrainé près de 800.000 infractions constatées pour l’instant à 3 semaines du 11 mai ce qui est beaucoup dans un pays d’environ 47 millions de majeurs électeurs, et des centaines de gardes à vue (on parle de 1700 !) pour ceux ou celles qui ont franchi la ligne rouge ou que le comportement a été outrageant voire violent. Les tribunaux ont été saisis et déjà des peines de prison ferme ont été prononcées. C’est un début, mais ne continuons pas le combat pour paraphraser mai 68.
Il faudra dresser quand on aura envie de rire, le bêtisier des excuses proférées avec impudence pour prétendre que l’on est en règle : c’est à pleurer et par moment surréaliste. Il faut aussi préciser pour être juste que parfois l’agent verbalisateur a eu une interprétation très personnelle voire ridicule des consignes. Les juges trancheront.
Je n’accuse pas ce n’est pas ma tendance et je suis avocat, mais comme citoyen je constate que des habitants de certains quartiers mettent moins de bonne volonté que d’autres pour respecter la règle du confinement  sous des prétextes vaguement sociaux, de manque d’espace chez eux, ou culturels au sens large pour ne stigmatiser aucune croyance voire tout simplement parce qu’ils n’acceptent par principe aucune autorité serait- elle sanitaire pour les préserver eux ou leur famille et que tout contrôle est considéré comme une agression et une discrimination qui méritent des représailles. C’est un débat récurrent sur la sécurité qui se poursuit et qu’il faudra bien régler un jour, sauf à baisser les bras définitivement, laisser faire, donner toujours plus, et prier pour ceux qui croient que rien n’arrivera, ni émeutes, ni revendications ni désordres, avec la disparition des trafics ! Puisque on dit que rien ne sera comme avant, faisons- en sorte que cela ne soit pas qu’une parole verbale.   
Tout ceci est un problème de civisme, ce vieux mot qui n’a pas encore pénétré le nouveau monde - qui est mal en point ce jour - promis par notre jeune président qui se bat dans la tourmente comme il peut soyons honnêtes, surtout que l’Etat a montré des carences et que les médecins et divers experts ne sont pas unanimes sur les solutions à choisir. 
Selon ceux que je critique, la loi est faite  seulement pour les autres « puisque elle a été élaborée et votée par des élites que je déteste, les parlementaires que je ne reconnais pas et pour qui je ne me suis pas déplacé pour mettre mon bulletin de vote dans l’urne  et que je soupçonne de n’en faire qu’à leur profit, en nous méprisant sans nous donner nos chances » (sic selon moi). Pour ceux qui ne veulent faire aucun acte civique l’Etat est en faute :il n’a fourni ni masques, ni gel, et il n’y a aucune raison individuelle de respecter un confinement arbitraire dont l’efficacité n’est pas prouvée. D’autant plus que les médicaments seraient pour des privilégiés les riches ou les proches du docteur Raoult… On n’est donc pas civique pour des raisons que l’on estime justes et vraies bien que théoriques et non prouvées bien sûr.  Le soupçon fait office de certitudes et de prétexte pour être rebelles. On a les exploits que l’on peut !  
Pour les  délinquants occasionnels (parfois avec casier judiciaire quand même) se croyant  légalistes et dans leur bon droit  , ils ajoutent que les avocats quand ils reprendront le chemin de leurs cabinets et des palais de justice, plaideront avec des arguments de droit que je ne développe pas, la nullité des poursuites, l’illégalité du confinement, l’absence de bases légales pour limiter des libertés individuelles, la violation des libertés publiques constitutionnelles fondamentales, et que les ministres comme le premier d’entre eux seront poursuivis. D’autant plus que l’on a relâché des prisons par anticipation 10.000 condamnés…
Ce qu’on retient de cette absence de civisme-qui est une tendance lourde de notre société- c’est que beaucoup de gens doutent de la parole publique et ce n’est pas nouveau. Ces citoyens qui ne savent pas bien ce que cette conquête sociale veut dire, considèrent que le civisme est une notion à option au choix, qui n’est valable que si elle leur rapporte personnellement un avantage. C’est donc un droit individuel et pas un devoir au bénéfice de l’intérêt collectif.
Or la loi et les mesures contraignantes qui en découlent souvent sont l’émanation de la volonté générale, ont des motifs sérieux et servent à tout le monde. Je ne prétends que tout est parfait, que nos parlementaires ont la science infuse, que le pouvoir exécutif ne commet ni erreurs ni fautes, ou qu’il fait des choix merveilleux où il n’y a que des gagnants, y compris pour ceux qui attendent tout sans faire le moindre effort ne serait-ce que moral, ou qui ont des stratégies particulières. Je ne suis pas naïf et je connais un peu les jeux du pouvoir et de la politique sans oublier l’appétit de la finance mondialisée.   
Mais la société ce qu’on appelle la communauté nationale va au-delà des obligations structurelles et à court terme. La nation ne se résume pas à faire confronter ou cohabiter les individus et les groupes ; à créer volontairement des inégalités ; à poursuivre tel ou tel par principe ; à écarter tel autre ; à favoriser certains ; à faire exploiter le plus grand nombre au profit d’une minorité ; à comploter pour tout et rien ; à provoquer la division … Je crois au contraire en l’union des différences au service d’un destin commun, dans notre démocratie, notre état de droit, nos institutions, nos élections libres, notre parlement, notre justice, sous l’œil attentif et critique des médias donc de l’opinion publique qui est prompte à s’enflammer puis de passer aussi vite à autre chose. Les idoles sont déboulonnées à peine écloses.  Certes il y des manques et des insuffisances car nous ne sommes que des hommes et des femmes avec nos qualités et nos défauts. Dieu s’il existe a été remplacé par ceux qu’il a créés.
 Mais comparons-nous avec les autres peuples sur la planète, voyons comment nous 5ème puissance du monde nous réagissons : les USA pays le plus riche du globe est celui qui est le plus atteint par le coronavirus. La Chine d’où vient la maladie, a mis les genoux à terre. Les autres pays européens et la Russie essaient de limiter les dégâts. Je ne veux pas évoquer le sort dramatique de nos frères africains, et celui de ceux très nombreux qui en plus sont en guerre ou soumis à des violences internes et qui ajoutent de la souffrance à leurs malheurs. 
Et on se plaint du confinement certes désagréable mais il y a pire comme punition.  On fait le scandalisé, on tord du nez alors qu’on évoque le tracking un repérage électronique permanent à l’étude dont il va falloir bien baliser l’utilisation si c’est décidé et que on (mais qui est « on » ?) sait tout de nous par les informations confidentielles voire intimes que nous diffusons volontairement sur les réseaux sociaux, avec le suivi par les g.p.s , nos cartes bancaires, la sécurité sociale, les impôts… On crie au flicage et à un manque de liberté parce qu’il faut remplir une malheureuse feuille de papier, un papelard où il suffit de cocher une case et d’être sincère voire vraisemblable ! Mais être civique c’est aussi faciliter l’action de l’Etat qui est une entité abstraite, mais qui est chacun de nous tout simplement, et c’est naturel et simple comme de dire bonjour sans s’approcher pour se toucher la main ou s’embrasser. On n’en meurt pas, on n’est pas marqué à vie.
Le civisme c’est le respect du citoyen pour la collectivité dans laquelle il vit et de ses conventions dont la loi, qu’elle satisfasse ou pas. Ce n’est pas du simple savoir- vivre ou de la civilité qui relèvent du respect d’autrui dans le cadre de rapports privés. Le civisme c’est de la citoyenneté. Expliquons par un contre- exemple d’actualité classique (au-delà de la polémique sur le 1er tour récent en France des municipales) : ne pas aller voter, s’abstenir alors que dans le monde les citoyens se battent physiquement pour avoir le droit concret de voter c’est de l’incivisme, qui est d’ailleurs sanctionné dans des pays démocratiques !  Et après on hurle que c’est un scandale si le 2è tour des municipales ne peut avoir lieu ! Sic transit gloria mundi.
Dans sa réflexion sur le rapport critique à l’Etat le philosophe américain John Rawls (1921-2002) dans ses ouvrages sur « la théorie de la justice » et « la justice comme équité » rappelle l’histoire de la désobéissance civile (que certains en France appliquent comme les zadistes de notre- dame- des landes). Il croit en un système de coopération : « ceux qui s’engagent dans la coopération sociale choisissent ensemble par un acte collectif, les principes qui doivent fixer les droits et les devoirs de base, ce qui détermine la répartition des avantages sociaux ». On ignore contingences et inégalités.  C’est une situation idéale. Un égale un.
Le civisme est une valeur fondamentale de la république, comme la fraternité que le conseil constitutionnel vient de porter au panthéon des principes fondamentaux. 
Alors soyons civique cela ne coûte rien. Confinons-nous, protégeons les autres, et attendons le déconfinement avec les seniors dont je suis car j’ai le droit d’exister librement même avec un contrat de vie à durée relativement déterminée.
Le civisme ne peut être selon notre bon vouloir. Comme il y a des intermittents du spectacle qui voudraient bien travailler tous les jours pour nous cultiver et nous distraire, il ne peut y avoir des intermittents de la citoyenneté, qui n’usent du civisme que lorsque cela les arrange.