jeudi 16 avril 2020

je ne suis pas un héros

                                  Je ne suis pas un héros
                                     Par Christian FREMAUX avocat honoraire.
« Je ne suis pas un héros, il ne faut pas croire ce que disent les journaux » chantait Daniel Balavoine un petit jeune en blouson : il n’était qu’un chanteur populaire qui faisait rêver certains et surtout certaines. Il est mort dans un banal accident d’hélicoptère, certes en Afrique sur le rallye paris-dakar mais sans exploit particulier. On l’aimait surtout quand il a piqué sa colère face à F.Mitterrand lors d’une émission de télévision. Mais c’est le passé.
Les héros se font rares ou ils sont fugaces sur le moment de l’émotion.  On n’a pas reconnu le titre de mort au champ d’honneur au colonel Beltrame lors de l’attentat de Trèbes en mars 2018, et on salue les soldats qui tombent au combat au Sahel quelques minutes le temps de leur rendre un hommage, les décorer, leur dire merci, rappeler qu’ils se battent pour nos libertés et la démocratie puis on passe à autre chose. L’actualité comme l’opinion change très vite en oubliant.
En ce moment on applaudit -à juste titre-tous les soirs à 20 heures tous ceux et toutes celles qui combattent le coronavirus, sans qui il y aurait encore plus de morts et de drames. Pourvu que ça dure comme disait Laetitia la mère de Napoléon pas le virus mais les applaudissements, qui avait tendance comme moi à croire que le bien n’est pas naturel et que l’homme doit être guidé pour son amélioration.  J’espère qu’en outre ils seront récompensés pécuniairement et dans leurs carrières professionnelles. Il serait décevant qu’ils n’aient été que des héros intermittents.
 Personnellement je serai un « quasi héros » - que l’on évoque parfois pour ceux qui sont dans le même cas que moi - puisque le président m’a remercié dans son discours car je reste confiné à mon domicile, et ainsi je sauve des vies en n’encombrant pas l’hôpital, ce dont je me réjouis. Je plaisante bien sûr et la notion d’héros à tendance à se galvauder.   
Mais c’est quoi être un héros et pourquoi certains n’en sont pas ? Les mots ont un sens et l’exagération ne sied pas en l’occurrence.
Un héros c’est une personne qui se distingue par sa bravoure ses mérites exceptionnels, qui a accompli des faits extraordinaires, qui s’est distingué face au danger, par un courage qui sort de l’ordinaire. Le héros peut être mythique ou légendaire. Il a des qualités physiques et morales. Il se bat pour des valeurs. L’héroïne est de la même trempe. Racine les a versifiées. Antigone résiste à Créon.   C’est Ulysse qui rejoint tardivement pénélope (pas celle de M.Fillon) ou selon Homère Achille, malgré son talon fragile.
Dans la vie de tous les jours qu’en est-il ?  Chacun a son idée sur ce qu’est et qui est un héros ou une héroïne. Pour un individu le fait d’accomplir son métier où il y a des risques certains, dans des conditions non prévues, inimaginables, stressantes est-il suffisant pour devenir un héros, alors que le légitime droit de retrait existe dans la loi ? Mais il est pour le moins téméraire et sait se sacrifier faire preuve d’abnégation.  C’est remarquable.
Je pose néanmoins une question politiquement incorrecte : accomplir son devoir doit- il être récompensé et est-on moins ou pas courageux quand on se protège pour ne pas faire prendre de risques aux autres ?  Chacun juge son propre comportement à l’aune de ses valeurs profondes et relatives.
Qui peut critiquer et décider ou décréter qui est ou non un héros, en tous les cas pas celui qui est au chaud chez lui ? Dans les circonstances actuelles soutenons et admirons ceux qui font plus que leur devoir et qui méritent une considération pérenne.
Il y a aussi des anti-héros, des méchants, qui sont sympathiques ou qui suscitent une certaine admiration. On ne donnera pas de nom ou d’exemple pour ne vexer personne, car il ne s’agit pas de faire l’apologie de celui qui vit pour lui, est égoïste, et s’en tire toujours au mieux. Il peut être héros malgré lui comme Gaston Lagaffe. 
A-t-on besoin de héros qualifiés comme tels et correspondants à des critères objectifs dans la vie quotidienne ? oui car il faut des exemples, des miroirs, des modèles pour se comparer et donc progresser individuellement et pour la société. Je vais nommer des catégories professionnelles mais aussi en oublier, comme le sont les pompiers, les forces de l’ordre, les soldats, les soignants de toutes natures et tous ceux et celles qui font fonctionner le pays dans leurs domaines respectifs. Voire ceux qui voudraient bien participer mais à qui on a interdit d’agir.  S’ils n’existaient pas on croirait que tout est un dû, on ne s’interrogerait sur rien puisque cela serait normal, on n’imaginerait même pas que le mal existe puisque on ne l’aurait jamais rencontré, et la vie des autres, de ceux qui l’exposent n’aurait ni sens ni prix. Une société est donc la somme de ce que chacun à son niveau fait, représente, incarne et crée. Il ne peut y avoir de plus importants que d’autres, des moins égaux ou des sur- estimés. Tout ceci vaudrait et encore quand il y a péril, quand les difficultés graves existent, quand il faut les affronter voire sauver sa peau.
 Mais que se passe- t -il quand tout est revenu à un rythme de croisière, sans danger imminent et réel, où on se bat pour les problèmes quotidiens de l’existence, où chacun défend ses intérêts matériels et trouve que l’autre exagère dans ses revendications et qu’il ne vaut pas ce qu’il réclame ou qu’il profite ?  Que vont devenir nos principes humanistes face à la réalité et les héros que nous avons qualifiés ainsi dans l’enthousiasme, et la nécessité surtout soyons francs ?
Il n’y aura pas de miracles. La personnalité qui est exceptionnelle par sa dimension personnelle, le restera. D’autres émergeront en raison des circonstances, mais tout ceci ne sera pas suffisant. Certes des poursuites seront déclenchées, car il faut sinon des coupables au moins des responsables qui ne peuvent pas être moi, ou nous les petits, les sans grades. On ne peut faire passer en jugement le virus, et la justice des hommes sait condamner ceux qui ont fauté surtout les élites prétendues et les soi- disant sachants.
La nature nous dépasse. Il faut être humbles et ne pas faire croire que l’on peut la dominer pour tout et en permanence. Il faudra en priorité que chacun d’entre nous fasse un ou des efforts pour ne pas exiger plus ou qu’il n’y ait plus aucun risque.
On vient de comprendre que la vie est fragile, et que collectivement nous sommes faibles quelques soient nos institutions ( très solides) , notre niveau technologique (de pointe) ou de la connaissance de l’homme (toujours à améliorer) ,notre argent (qui ne peut pas tout), notre prétendue puissance (relative selon les menaces). Et notre propension à déléguer l’essentiel à d’autres pays dans le cadre d’une coopération économique que l’on a cru heureuse. On vient d’en voir les limites.
 Il va falloir abandonner un peu de nos prétentions ,ne plus vivre avec l’égo pour horizon et ses libertés individuelles comme  objectifs, ne plus tirer sur la corde qui se casse facilement, et développer une solidarité réelle, participative c’est -à -dire non confiée à des experts ou à des communicants ; croire en la démocratie représentative au plus près des particuliers et entreprises  dans les territoires, demander à l’Etat  de ne pas se mêler de tout et de se contenter de ce qu’il doit savoir faire : préserver l’essentiel à savoir  la protection globale et la cohésion nationale ; prévoir le pire ; assurer les fonctions régaliennes, et faire confiance aux citoyens.
On n’attend pas un héros ou un père la victoire. On n’a pas besoin de mea culpa mais d’un chef pour organiser et bâtir les fortifications, même en temps de paix. Car on sait que la ligne Maginot se contourne, que l’ennemi joue de l’effet de surprise, et qu’un territoire a encore une signification. Nous sommes des adultes qui ont une conscience et de l’expérience.   On est assez lucide pour savoir qu’une guerre se gagne sur tous les fronts les plus exposés comme ceux qui sont à l’arrière, avec des citoyens qui ont besoin de croire en la parole publique et gardent l’espoir en participant modestement à leur manière. Et qu’une société ne vit que dans l’union et la tolérance de tous

mardi 7 avril 2020

Billet d’humeur d’un confiné : que nous arrive-t-il ?


Billet d’humeur d’un confiné : que nous arrive-t-il ?
Par Christian Fremaux, dépourvu de tout titre utile.
J’écris dépourvu de tout titre utile, car être avocat honoraire, ancien élu local, diplômé de prestigieux instituts, ou décoré de ci et de ça n’a aucune portée dans les difficultés actuelles, sauf pour les soignants au sens large et les médecins à la condition qu’ils soient d’accord entre eux sinon leurs commentaires sont plus anxiogènes que rassurants .Et pardonnez- moi d’être futile et long par ces moments dramatiques, car si tous n’en mouraient pas tous étaient atteints je veux dire du n’importe quoi . C’est dû à l’air ambiant. Soyez indulgents on atténue son angoisse comme on peut. Et on écrit pour passer du temps.   
 Dès la fin de la pandémie chacun va vouloir faire croire qu’il le savait, qu’il aurait fallu prendre telle ou telle mesure et que les décideurs ont été en dessous de tout, qu’ils méritent d’être condamnés pour leur nullité qui a fait des morts. L’impudence n’a pas de scrupules. Il va y avoir aussi des remises en ordre, des égos qui vont s’effondrer, des prétendus experts qui vont être démasqués, des donneurs de leçons qui vont s’effacer toute honte bue, des certitudes qui vont voler en éclat et des exigences ou des comportements qui s’estimaient fondamentaux redevenir ce qu’ils sont :  de l’écume, du secondaire pour beau temps, du bidon.
 En revanche cette séquence qui dure oblige à réfléchir à ce que nous sommes individuellement et collectivement et à quoi nous servons, si nos valeurs de toujours plus, de libertés sans limite, de droits individuels sans fin, ont un sens et nous permettent de créer une société meilleure, plus sûre, plus ouverte, plus reconnaissante .Il va falloir changer de paradigme et remettre à leur vraie place c’est- à -dire le néant  tous ceux qui ne servent à rien mais qui croient être indispensables,  et valoriser  tous  ceux  qui construisent et font tourner la société les obscurs, les sans grades,  ou ceux qui réfléchissent et organisent  à partir de leurs compétences. Attention chaud devant comme on dit dans les restaurants quand ils réouvriront, il va y avoir du dégât. Du moins je l’espère, car si on fait comme avant pour rattraper ce qui n’a pas été produit comme richesses et qu’il faut à juste titre reconstruire mais pas seulement à l’identique, on n’aura rien compris. On fait une pause imposée ce qui est inespéré dans la course folle que nous menions, et il nous est donné d’expirer fort et de penser. Profitons- en . Ne marchons plus faisons du surplace.
 Nous nous essoufflons globalement derrière une société qui a pris comme credo la mondialisation le nouveau Leviathan-celui de thomas Hobbes qui voyait l’homme ennemi de l’homme- celle qui facilite voire encourage les échanges entre les personnes et les biens pour ceux qui savent bouger et en profiter, qui n’a plus de frontières, donc d’espace ni de temps puisque internet et les réseaux sociaux n’informent plus mais aboutissent à ce que chacun donne un avis, critique, démolit l’autre sans aucune responsabilité ni regret ni remord. Qui accepte n’importe quelle thèse y compris la plus dangereuse, qui a pour nouvelle idole comme veau d’or les finances alors que la bourse vacille au premier coup d’escopette, et l’économie qui flanche immédiatement puisque les industries y compris les vitales pour notre souveraineté ont été délocalisées, ce qui a vidé nos territoires et mis à l’arrêt forcé ceux qui veulent travailler tout simplement pour vivre sans exiger de faire fortune !  Ces prétendues avancées selon les élites qui en bénéficient sont -elles un bien, comme le serait le progrès technologique ou biologique dans tous les domaines qui conduit à modifier l’homme/la femme, pour l’augmenter ou lui permettre d’obtenir ce que la nature lui refuse ?
  L’inégalité des chances ne se résorbe pas forcément en jouant à l’apprenti sorcier et en démolissant ce qui existait ou ce qui avait fait ses preuves.  Une nation n’est pas une start-up qui n’a pas d’archives, qui invente des applications sans savoir si elle va satisfaire le plus grand nombre, et à quels prix tant matériellement que moralement.  Il y a des valeurs immatérielles qui ne supportent pas d’être passées à la moulinette du prétendu progrès. Il faut donc profiter de l’obligation d’être immobile, de rester chez soi, pour profiter du temps d’arrêt contraint et réfléchir pour après car il y en aura un à plus ou moins long terme.  De s’interroger soi -même, car nous sommes tous responsables d’avoir laissé la société divaguer comme cela, sur ce qui est fondamental, puis essentiel, puis important et ce qui relève de l’accessoire et de nos désirs. Et de quel genre de société nous voulons, de nos valeurs collectives qui doivent être coulées dans le marbre et non négociables, de notre socle commun qui permet à chacun de bâtir un avenir commun d’où qu’il vienne avec sa personnalité et sa culture, de nos libertés publiques et individuelles, de notre solidarité, de nos ambitions, de notre puissance, de notre exemple humaniste. Et j’ose le mot engagement spirituel -je ne veux pas dire drôle, mais de l’ordre de l’esprit, de l’âme pour certains sans croire en quiconque- surtout que la laïcité chez nous est une digue que dis- je après Edmond Rostand, un roc, un cap, une péninsule … je me réserve le pic quand celui de l’épidémie sera atteint !  
Le confinement doit nous permettre de faire  une sorte d’introspection individuelle et collective, pour pouvoir ensuite discuter démocratiquement de notre avenir, et de prévoir ce qui pourrait arriver de pire, le pire n’étant jamais certain , et surtout de vivre en bonne harmonie -je n’aime pas le terme vivre-ensemble qui pour moi n’a pas grande signification réelle dans une société individualiste où chacun a sa vérité et ses rejets on le voit avec l’interprétation personnelle du confinement-- sans exagération ou indignation  pour tout et rien .
 Sans crier au racisme, à la discrimination, au scandale pour tout sujet.  Notre classe politique et intellectuelle sans oublier le milieu artistique qui bien qu’intermittent du spectacle avec le régime social avantageux qui va avec est prompt à s’enflammer en robe de soirée surtout chez de prétendues stars,  devraient  apprendre à être plus mesurés, et que l’opposition soit constructive, car personne n’a LA solution efficace et indiscutable sur aucun dossier y compris et surtout médical, et on entend parfois des  déclarations saugrenues pour ne pas écrire irresponsables ou  carrément idiotes. La démocratie n’est pas le concours Lépine d’arguments éculés ou démagogiques ou de propositions belles sur le papier ou morales à géométrie variable qui éclatent en morceaux à l’épreuve de la réalité. Ceci vaut pour tous nos éminents élus ou représentants du peuple, peuple qui n’en demande pas tant.   
Quand on est confiné comme moi, et que l’on participe à la résolution du problème sanitaire en ne faisant rien et en me calfeutrant à domicile ce qui calme sur notre importance, on s’interroge pour savoir si en temps « ordinaire » on sert à quelque chose ?   On relativise car on sait que l’on ne sait rien comme l’a déjà dit le vieux Socrate mort d’avoir bu volontairement la cigüe et non pas d’un virus quelconque, mais qu’en plus personne n’est indispensable.
Revenons à l’actualité sécuritaire ou judicaire qui est mon domaine habituel. Car rien n’arrête ceux qui ont choisi de n’obéir à rien pas à la loi surtout, qui n’ont aucune conscience morale, et qui pensent jusqu’au bout de leur nez pour faire une «  ligne » et pas plus loin, même pas à la protection de leur voisin. Le temps s’est figé mais les coups de pied aux fesses sont en réserve, je veux dire la sanction par les tribunaux. Voyons le comportement de l’homme en temps de crise ce qui permettra de dessiller les yeux et de ne pas croire que tout le monde peut être bon, et que la société le pervertit comme l’a écrit Rousseau en se promenant dans les bois enchanteurs d’Ermenonville (Oise mon département de famille).Certes il faut donner sa chance à celui qui a fauté, mais certains ont moins besoin de chances que d’autres et la société a le droit de se protéger, dans le respect des droits de la défense , des droits de l’homme et des grands principes humanistes qui sont notre marque mondiale d’existence et de reconnaissance, qui peuvent néanmoins  être adaptés à des circonstances exceptionnelles. Comme le disait Clémenceau : « le gouvernement a pour mission de faire que les bons citoyens soient tranquilles, que les mauvais ne le soient pas » (discours de Verdun 14 juillet 1919) et il ajoutait : « il faut savoir ce que l’on veut ».   
Il fallait bien que cela arrive car la crise sanitaire qui concentre nos attentions n’a pas éliminé les autres sources de tracas.  Il y a eu à Romans-sur-Isère un attentat au couteau qui a fait deux morts et des blessés, commis par un soudanais. Je ne sais pas s’il s’agit d’un migrant illégal, ou d’un réfugié politique qui à l’issue d’un processus judiciaire a reçu la protection de la France, sa confiance et qui reçoit des subsides et des droits. J’ai peu lu sur son cas dans la presse qui est publiée au compte- goutte, mais il semblait vivre en foyer, et n’aurait pas supporté le confinement, aurait ainsi été « aigri » (sic) mais se serait quand même référé au classique Allahou Akbar qui doit être un cri de détresse ou de joie puisque nous sommes en période des rameaux, même si le pape abandonné provisoirement  par les fidèles au Vatican prononce la messe seul , ce qui montre son humilité . Le parquet antiterroriste s’est saisi du cas de l’assassin déconfiné mais pas décomplexé ou déradicalisé. Il a été arrêté vivant, et on va essayer de connaitre ses motivations (même si on se doute de celles-ci) et je souhaite que son enfermement en prison n’aille pas le perturber encore plus, pauvre victime indirecte du covid-19 !  
La sécurité est d’autant plus importante que certains profitent de la situation pour escroquer, voler, détruire, être violent. Les forces de l’ordre équipées comme elles le peuvent tentent de maintenir l’ordre public et dans les familles où les violences conjugales se multiplient. Seront-ils considérés aussi comme des héros comme après les attentats contre Charlie Hebdo, l’avenir le dira.
Il parait que des habitants dans certains quartiers ne peuvent observer le confinement car ils vivent serrés dans de petits appartements ( ce fut mon cas jusque 20 ans y compris pendant mai 68 dans un  minuscule deux pièces à Asnières avec ma mère, mon frère, et mon père d’1,88 m et 110 kg, policier de surcroît) et n’ont que des portables et de grandes télévisions mais pas d’ordinateurs ou d’imprimantes, et qu’ainsi ils sont discriminés, que les inégalités entre les territoires se dévoilent et s’il y a de la haine, c’est par inadvertance, à leur insu de leur plein gré ! Bien sûr les forces de l ’ordre ou les pompiers et médecins continuent d’être caillassés ce qui doit faire partie de l’activité sportive autorisée pendant le confinement, quand ils osent se montrer. Une fillette a été blessée le 4 avril lors d’un affrontement entre les dealers qui continuent leurs trafics en renouvelant les modes de paiement et en livrant à domicile, et les policiers.  Malgré les efforts des exécutifs qui se succèdent, va-t-on un jour réussir à éradiquer cette économie souterraine et permettre aux habitants honnêtes de ces quartiers perdus, avec leur aide de vivre comme tous les citoyens dans le calme et la légalité ?  
 Mais c’est faire preuve de racisme que de vouloir critiquer. Alors cachons les faits sous le tapis (je ne veux pas écrire qui vient d’orient) et je serai ainsi politiquement correct. 
Je change de cible car il en faut pour tout le monde y compris dans de beaux quartiers où vivent des habitants belles âmes, cultivés et humanistes proclamés souvent à condition que l’on mette ceux qui dérangent chez les autres, ne manquant de rien, pas même d’espace ou d’affirmations je veux dire de culot, de certitudes car eux ne doutent jamais. C’est à cela qu’on les reconnait disait Michel Audiard, avec une autre catégorie très répandue.  Certains sont partis se confiner au vert : au moins ils ne manqueront pas d’air ce qui est leur qualité première pour dénoncer l’injustice, l’inaction de l’Etat en matière de climat et de santé publique ; et exiger la transition énergétique sur le champ, celui qu’ils viennent de quitter. Sans oublier les méfaits du libéralisme débridé voire le retour de l’Etat qui n’en peut mais.      
J’aborde un autre sujet sans aucun rapport avec ce qui précède.  Ceux qui dénoncent de façon anonyme leurs voisins qui prennent leurs aises avec les consignes officielles n’ont pas raison. Ce n’est évidemment pas civique de prendre un risque -sauf s’il l’est pour le bien commun - et ainsi d’en faire supporter un aux autres, mais la dénonciation rappelle de mauvais souvenirs et n’est pas à la hauteur des principes qu’il faut respecter. Ces deux attitudes nous obligeront à réfléchir sur le sens de la loi, notre rapport moral au prochain, ce que l’on peut tolérer et ce que l’on rejette, le respect de la règle, le droit des minorités, celui de la majorité même silencieuse, des devoirs collectifs et à revoir notre adhésion personnelle à ce qui a été décidé dans l’intérêt de tous.
On ne peut approuver ceux qui demandent à des soignants d’aller habiter ailleurs pour ne pas les mettre en danger, par le simple fait qu’ils sont au contact de malades. Ces angoissés n’honorent pas la république et je les plains d’avoir peur qui est toujours mauvaise conseillère.  Ils sont ou seront contents comme les habitants des quartiers que j’ai cités ci- dessus, de trouver du personnel soignant pour les accueillir si besoin dans les hôpitaux et seront les premiers à exiger tout ce que la thérapeutique moderne permet, qu’ils soient assurés sociaux ou non, qu’ils paient des impôts ou non, qu’ils aient des ressources ou non.  
Comme d’habitude en période de crise, les individus se révèlent et si on applaudit les héros à 20 heures, il y a des zéros pointés plus nombreux qu’on ne le pense.  On le vit depuis des années avec les donneurs de leçons, les spécialistes du bon et du bien, de leur morale, les détenteurs de la vérité scientifique ou humaine voire de la nature, du ciel et de la terre, les dénonciateurs de ce qui ne leur apparait pas comme moderne ou tendance…  
Tout cela au-delà du règlement de la crise sanitaire, va nous obliger à repenser les priorités de notre société, à revitaliser les valeurs de la république, à déboulonner les fausses idoles et les grands prêtres autoproclamés du progrès , à reconsidérer ce que sont nos intérêts vitaux, à reconstruire  une industrie essentielle relocalisée dans nos territoires, irrigués par les commerces, les artisans, les services publics de proximité,  avec des citoyens  qui veulent être vivants sur place et protégés,  produire , participer et être considérés en ayant voté pour choisir leurs dirigeants locaux, ceux qui partagent avec eux  les bons moments comme les mauvais. L’heure de la vraie décentralisation est arrivée.
  Il faudra aussi revoir nos systèmes de solidarité et de redistribution, ne pas calmer des exigences particulières sous le chantage d’émeutes ou du droit à la différence par du saupoudrage financier, ou au prétexte de discrimination structurelle. L’Etat providence vient de jouer son rôle, mais il ne doit pas être gérant. Il doit permettre à chacun de se prendre en mains et d’avoir les mêmes chances.  L’Etat doit être garant, et l’état de droit sert à sanctionner toute fraude, toute inégalité causée volontairement, et le non -respect de la loi votée démocratiquement au parlement, qu’elle nous convienne ou non.
 N’ayant aucune responsabilité, je viens de beaucoup critiquer l’Etat et le pouvoir exécutif sur sa gestion de la crise, son impréparation, ses doctrines contradictoires qui masquent des carences et des hésitations même s’il s’agit d’une pandémie qu’aucun dirigeant le plus avisé n’avait anticipé.  C’est vrai mais la priorité ne me semble pas de trainer en justice tous ceux qui sont responsables et/ou qui ont fauté. On pourra s’en occuper à loisir quand tout sera rentré dans l’ordre car personne n’échappe à sa responsabilité politique, morale, judiciaire, y compris ceux qui n’ayant aucun pouvoir jugent décontractés, ou ceux qui ayant quelque influence ont préféré se mettre aux abonnés absents voire se confiner là où ils pensent que le virus ne les trouvera pas, ou font supporter leurs décisions sur les autres.
Nous sommes tous un peu responsables non pas du virus, mais des institutions que nous avons voulu par nos votes , de la lourdeur de nos administrations qui sont cependant notre colonne vertébrale, de notre recherche des économies dans tous les secteurs, d’avoir cru que plus rien de grave n’arriverait puisqu’il n’y avait plus de guerre en Europe depuis 1945 avec une sorte d’entente cordiale et que nous gérions au mieux les conséquences des trente glorieuses, avec le danger de crises financières qui avec le réchauffement climatique étaient l’ennemi. C’est tout. On s’est leurré et on ne s’est pas méfié. Nos dirigeants nous ont suivi puisque ce sont les chefs. Et nos polémiques ont porté sur des sujets subalternes souvent minables. La violence endémique y compris dans les débats publics et les réclamations de tout ordre nous ont caché l’essentiel. Il faut donc payer la facture après avoir pansé les plaies et aider à rebondir.  Ce n’est pas la faute de quelqu’un, ou d’une catégorie sociale ou d’un monstre froid et caché en particulier. Il ne faut pas voir des comploteurs partout.  Il va falloir se rassembler de nouveau et rebâtir de façon différente en profitant d’avoir compris ce qui n’allait pas, comment aider et protéger, qui étaient essentiels à la vie de la société et qui n’étaient pas vitaux, qui sont des fausses gloires.   
 C’est une bonne nouvelle. C’est un projet de société exaltant. Ordo ab chao disent les philosophes. Ce qui permet de construire une nouvelle organisation plus efficace, plus soucieuse d’égalité, plus protectrice, plus rassembleuse, porteuse d’un projet commun, et qui fonctionne démocratiquement chacun y ayant sa place à son niveau.  On dit que des périodes de crise majeure peuvent engendrer des bénéfices nouveaux et donc un progrès général. Certains se dépassent, se révèlent dans le mieux et l’abnégation le plus grand nombre heureusement. D’autres sont petits, intolérants, égoïstes et ne participent à rien. C’est désolant mais c’est la nature humaine qu’il faut essayer d’améliorer comme Sisyphe remontait inlassablement son rocher. 
 J’accepte l’augure que du mal sortira le bien.
Mais je ne me berce pas d’illusions ce n’est pas le moindre de mes défauts. Dès la sortie de la crise, ceux que l’on ne voient plus -car ils n’ont aucune légitimité pour agir- ou qui se taisent à l’abri puisqu’ ils sont confinés et respectent les consignes, en dispensant ici et là des critiques voilées ou sévères car eux savaient ce qu’il aurait fallu faire, vont réapparaitre sur les écrans et devant les micros. Ils vont dénoncer avec des mots forts  ce scandale qui vient d’avoir lieu, cette atteinte inouïe  aux libertés qu’on leur a fait voter voire avaler  de façon abusive,  ces mesures liberticides, ces restrictions ou extensions pour le patronat  jamais vues au droit du travail, les inégalités qui ont surgi entre ceux qui pouvaient aller se réfugier en province et ceux qui restaient confinés dans leur cellule familiale… et  ils demanderont  sérieusement que des têtes tombent comme du temps de Robespierre pour les ennemis du peuple,  et  si on n’a pas glissé vers un régime autoritaire que l’on voudrait poursuivre, l’état d’urgence permettant au pouvoir exécutif de gouverner par ordonnances, donc sans  un vrai contrôle du parlement. La tentation totalitaire résultant du covid-19 me parait être un fantasme et le virus peut être dans les têtes même de porteurs sains. Le président Macron n’a pas tenté de gouverner avec l’article 16 de la constitution et les ordonnances suite aux lois votées sont limitées dans le temps et l’espace.
J’espère avoir tout faux et imaginer des déclarations d’intentions. Attendons pour voir.
 Comme la démocratie doit vivre, on parlera des élections municipales car  il y a eu plus de 30.000 maires élus au premier tour le 15 mars et autant de communes qui ont un conseil municipal qui va pourvoir s’activer aussitôt .Mais les plus grandes ou les moyennes villes  celles qui permettent aux exégètes politiques de dire si tel parti a gagné ou non le scrutin et de tirer des plans sur la comète pour l’avenir, n’ont eu qu’un tour non décisif  pour  la plupart, et il faudra soit organiser seulement  le 2ème tour, soit tout recommencer les professeurs de droit constitutionnel ayant chacun une théorie.   Puis on discutera d’un plan de relance pour l’économie comme celui du plan Marshall après la 2ème guerre mondiale comment sauver commerces et entreprises, sans oublier les professions libérales. Sauf qu’il faudra que ledit plan soit de préférence européen, voire mondial pour éviter qu’un pays fasse main basse sur les autres. Suivez mon regard vers l’ouest s’il le peut, ou l’orient qui a donné le signal de départ de la pandémie. Et le mieux serait que l’on trouve en nous les ressources morales et financières nécessaires ce qui serait le renforcement de notre souveraineté. Mais cela veut dire des efforts et de savoir qui paiera ?  Les syndicats voudront avoir la récompense du travail de ceux qui ont préservé l’essentiel. Et peut- être évoqueront- ils la grève, symbole de l’ancien monde et de l’avant crise ?  Je ne sais pas quelle autre question sera posée la première, si les réformes qui ont tant plombé le 1er trimestre 2020 comme celle des retraites auront encore un sens, et si les gilets jaunes reprendront leur combat. La vraie bonne nouvelle quand il y aura reprise c’est que le virus aura disparu et que nous reprendrons le cours ordinaire de notre vie. 
Albert Camus que l’on a beaucoup relu ces temps- ci et il faut s’en féliciter déclarait à Stockholm en 1957 au moment de la remise du prix Nobel de littérature dont il était le lauréat : « chaque génération sans doute se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse ». Je crois que c’est aussi le défi qui nous attend désormais. Bien que nous soyons dans un village global et que la planète est à feu et à sang.
 Nous voulions protéger les générations futures lors de la discussion sur la réforme des retraites. Si ces générations futures ne constatent pas que nous avons réfréné nos envies, si nous avons maintenu nos acquis, si on n’a voulu rien changer alors nous les aurons sacrifiées. La crise sanitaire n’aura pas eu de sens : nous serons restés sur nos positions irréductibles ce qui est consternant et nous aurons préféré couler debout plutôt que d’écoper ou de céder en lançant des chaloupes à la mer pour sauver ce qui peut l’être. Il ne doit y avoir que des gagnants.
 L’utopie est belle et nécessaire mais elle ne peut prospérer que s’il y a des fondements solides à la société, et s’il y a des projets communs, un destin d’hommes et de femmes qui poursuivent le même but tout en pouvant emprunter des chemins de traverse, au service d’une ambition globale.  
Je pense que cette crise nous a permis de nous immobiliser pour faire le point. Il faut en profiter pour inventer un nouvel art de vivre, de rénover nos principes de gouvernance, avec plus de transparence, de participation et d’écouter les gens plutôt que de suivre pour toute chose  les experts ou prétendus sachants  qui ont un rôle naturellement à jouer mais ne sont pas les décideurs ;  de consolider nos valeurs en les explicitant pour qu’elles soient bien comprises ; de renforcer la république qui rassemble  et de concentrer l’Etat sur ses fonctions régaliennes ; de libérer les initiatives  et les énergies avec une administration plus agile comme on le dit actuellement ; de faire confiance aux élus de proximité ; et de ne voter que des lois utiles, générales et non destinées à une infime minorité,  non bavardes, claires que la justice fondamentale dans un état de droit doit protéger et interpréter si nécessaire.   On ne doit plus tout attendre de l’Etat sauf crise majeure et qu’il soutienne les plus faibles en réduisant les inégalités ou les discriminations et en favorisant l’émergence d’une société plus juste, sans qu’il y ait de boucs-émissaires car chacun est un anneau de la chaine. Et en entretenant des relations diplomatiques, commerciales, économiques et sociales, linguistiques et culturelles, donnant l’espoir à ceux qui en ont besoin, ouvertes et fraternelles car tout n’a pas un coût, avec les autres pays et leurs peuples surtout ceux qui sont très mal au point et souffrent, car il y a toujours plus mal loti que soi.  La vocation universelle de la France ne se marchande pas et le repli sur soi n’est jamais positif.
Que nous arrive-t-il ? D’être lucides sire car c’est une révolution pacifique des esprits qui se prépare et elle débouchera sur une société française pacifiée et active. A ceux qui demandaient au duc de Talleyrand -Périgord ce qu’il avait fait pendant la révolution où les têtes tombaient comme les corps à Gravelotte (bataille de 1870), Maurice répondait : « j’ai vécu » et pour justifier son rôle à Vienne pour préserver après l’échec de Napoléon la place de la France dans le concert des grandes puissances il disait « j’ai boité ».
L’espérance c’est la vie.  

lundi 30 mars 2020

souviens-toi de l'avenir


                      Souviens- toi de l’avenir.
                      par Christian FREMAUX Avocat honoraire
J’ai eu une très vieille voisine charmante, érudite, dynamique, madame Anne-Dominique Kapferer professeure émérite, écrivaine, qui avait la mémoire du XXème siècle où elle avait connu les guerres et ses conséquences humaines, et tout le milieu intellectuel et artistique. J’emprunte le titre d’un de ses ouvrages paru aux éditions l’Harmattan en 2008.  
Toute crise oblige à se regarder dans le miroir qui nous renvoie l’image de ce que nous sommes : il nous appartient de devenir ce que l’on veut être, ou ce qu’on est sans le savoir, de créer ce que l’on prétend vouloir faire et de ne pas se raconter d’histoires à nous -même. Chacun peut devenir son propre héros s’il s’y oblige à son niveau.
Avec la crise du coronavirus, Il y a les courageux ceux qui sont sur le terrain qui assument leur travail quoiqu’il leur en coûtera et qui n’attendent rien à peine un merci voire une prime si les promesses sont tenues. On se rappelle que les policiers et les gendarmes étaient acclamés  comme des héros  après les attentats  contre Charlie hebdo. Rapidement ils furent les ennemis accusés de violences par ceux là mêmes qui les avaient portés aux nues. Et puis il y a les confinés dont moi, qui restent chez eux, qui ne participent à rien et qui attendent des jours meilleurs en faisant confiance aux pouvoirs publics et aux soignants.  Sont-ils moins citoyens que les autres ? Un héros peut-il rester confiné ?
 Les devoirs sont une notion qui est devenue abstraite. Faudra -t -il la revitaliser, l’enseigner encore plus comme le civisme dans nos écoles pour que l’on retrouve le sens du dévouement -je n’évoque pas le sacrifice ce serait beaucoup y compris pour ma personne- et de la nation qui rassemble et donne de l’espoir car nous ne sommes plus seuls, c’est -à- dire de l’intérêt général ? S’y ajoute la prise en compte de son prochain que l’on peut toucher et fréquenter car il partage des valeurs et des malheurs communs, et qui se distingue selon le philosophe Robert Redeker de l’autre qui est plus évanescent et théorique « une abstraction pour belles âmes des beaux quartiers » écrit- il.  La crise du coronavirus qui frappe les jeunes comme les moins jeunes, les ministres et puissants ou des personnalités comme les inconnus, nous oblige à réfléchir sur l’avenir pour re- bâtir une autre société démocratique, plus solidaire, plus respectueuse, moins capricieuse et exigeante, plus de proximité ancrée sur des territoires là où vivent les gens dont on s’aperçoit que les villes ont besoin. Les grands principes du conseil national de la résistance  sont ignorés  dans la société hédoniste qui n’admet aucune entrave et qui parle business : les vols de masques, la vente de protections, le refus pour certains d’exécuter les mesures de confinement  indignent le citoyen moyen , mais ils sont révélateurs de tempéraments matérialistes que nous n’avons pas assez pris au sérieux, comme les trafics de drogue qui s’épanouissent par livraison directe et paiement sans contact que les forces de l’ordre ne peuvent arrêter car obliger au confinement n’est pas «  une priorité » (sic) a déclaré le ministre, et  il ne faut pas provoquer les banlieues. Il parait aussi que le cannabis réduit les angoisses :  tout est dit. Les obligations de la loi sont à option pour certains et depuis le temps que l’on attend pour tenter de reprendre pied dans certains territoires comme le gouvernement s’y efforce, les paroles verbales ne suffiront pas. Il faudra y mettre en concertation avec les maires et élus locaux, les moyens juridiques, matériels et financiers ajustés et non saupoudrés dans le vide pour calmer telle ou telle catégorie, humains, politiques, et permanents. Si on sait se battre contre une guerre sanitaire, il n’est pas pensable que l’on ne vienne pas à bout de quartiers insurrectionnels et séparatistes qui font du chantage à l’émeute, et qui pourrissent en plus la santé des habitants. Mais c’est pour après et il ne faudra pas oublier.  
 Comme on peut faire n’importe quoi en cette époque baroque, Je vais faire un parallèle osé avec le passé en nous reliant avec ceux qui ont donné leur vie pour que nous restions des citoyens libres. Pardonnez -moi si je choque mais selon moi l’être humain reste le même quelles que soient les technologies modernes, le prétendu progrès en toute matière, et l’extension infinie des droits. Seules les circonstances imprévues et graves changent les gens et révèlent l’homme tel qu’il est.  Dans le bon surtout, dans le moins bien aussi. 
 L’association nationale du souvenir français à laquelle j’appartiens a pour vocation de maintenir la mémoire de ceux qui se sont battus moralement et physiquement dans des conditions atroces face à un ennemi armé et puissant. Cela a duré. Ils ont désormais l’immortalité et nous les vivants, le souvenir. Les années et les générations se sont succédé, l’histoire aussi avec ses affrontements et horreurs, et nous sommes passés d’une mémoire de guerre à une mémoire civile et victimaire comme l’écrit Madame Sophie Hasquenoth maître de conférences en histoire à l’université de Lille [lire « les passeurs de mémoire. Le cimetière des Batignolles » sous la direction de Michel Terrioux président du Souvenir français du 17ème arrondissement de paris].    
La mémoire des grands évènements tragiques est un devoir envers ceux qui se sont sacrifiés pour que les autres vivent, et permet aux générations qui suivent de prendre les bonnes décisions soit  pour éviter que les mêmes causes produisent les mêmes effets soit parce que on peut anticiper et prendre des mesures préventives  pour atténuer autant que faire se peut les conséquences d’une crise inédite et grave, qu’elle soit militaire, économique, sociale, ou sanitaire, voire climatique  ou qui réunit tous les inconvénients en même temps, personne ne pouvant faire des prévisions à  ce sujet. L’avenir est donc écrit au présent et il appartient aux responsables dans tout domaine car les politiques n’ont pas la science infuse et l’Etat ne peut tout prévoir, de ne pas baisser les bras et de mettre en place ce qui pourra être utile plus tard quand les circonstances l’exigeront.
 L’union sacrée des citoyens fait la force chacun agissant à son niveau avec ses moyens. Les générations nées après la 2 ème guerre mondiale qui au mieux ont entendu leurs grands- parents parler de la 1ère et des crises militaires, financières ou sociales entre 1919 et 1940 avec la grippe espagnole de 1919-1920, n’ont pas été habituées à des bouleversements majeurs et c’est tant mieux. Ceux qui ont connu les horreurs de 1940-45, les déportations et la souffrance se taisent et sont de moins en moins nombreux : on les honore mais leurs malheurs sont loins pour les plus jeunes. Sauf exception pour leurs parents qui ont participé aux guerres des indépendances et qui n’en racontent pas grand-chose par pudeur et parce qu’il faut tourner la page sans l’effacer.  
Les papy boomers sont désormais à la retraite et ils ont vécu les trente glorieuses, avec la société de consommation qu’ils croyaient installée pour toujours et aseptisée de toute maladie dangereuse collectivement. Mai 68 a libéré les esprits et les mœurs en interdisant d’interdire y compris en mettant en danger sa propre santé, et a conféré plus de droits individuels que de devoirs collectifs. Notre société est devenue égoïste chacun se repliant sur ses intérêts, voire sur sa communauté. La nation s’est vidée de sa substance et n’a plus de réel sens pour certains. La liberté individuelle prime toute autre considération.  On croyait la paix installée ad vitam aeternam dans notre démocratie malgré les exigences sociales ou environnementales ou participatives, et les soubresauts guerriers partout dans le monde. Et on croyait normal d’obtenir toujours plus, de se croire misérables, de pinailler pour tout et rien, de n’accepter aucune limitation à nos désirs et réclamations.  
Et puis arrive « La » crise qui devient rapidement mondiale, qui est une guerre sanitaire comme l’a qualifiée le président de la république avec un ennemi invisible mais qui fait des morts, et agresse notre modèle républicain, nos structures, nos habitudes de réagir, et interroge notre civisme. On est sidéré et perdu, avec des polémiques confondantes, des pouvoirs publics qui  ont peur d’être trainés devant les tribunaux ce qui est déjà le cas, qui s’en remettent aux sachants pas d’accord entre eux, et qui organisent ce qui est possible de l’être en commandant des protections …en chine d’où viendrait  le mal,  pays qui va rattraper économiquement ses mois de confinement en faisant tourner ses usines jour et nuit, car le droit social dans l’empire du milieu n’a pas la même vigueur et ancienneté que le nôtre avec les droits acquis. Et même malgré des objections syndicales ici et là si nous avons adapté notre législation par ordonnances compte tenu des circonstances exceptionnelles, jusqu’au 31 décembre 2020 pour permettre à ceux qui produisent de travailler avec des volontaires de surcroît, car il ne faut pas ajouter un désastre économique aux malheurs humains.    
L’Etat providence mâtiné de mondialisation se bat, résiste mais il a du mal : on voit nos insuffisances et l’ennemi se propage. Chacun doit s’engager comme il le peut.  Les plus anciens qui en ont vu d’autres savent ce qu’est se confiner, ne pas parler pour rien, ne rien gâcher, d’obéir aux recommandations et à la loi, de patienter, et de ne jamais cesser d’espérer car il y a toujours une fin et une victoire. Nos contraintes doivent être appliquées volontairement avec le sourire, en applaudissant ceux qui sont au front en première ligne. Au lieu d’armes nous avons comme moyens une conduite civique exemplaire et la solidarité, avec la confiance dans les autres. 
Comme nos ainés nous n’aurons pas l’occasion d’être distingués au champ d’honneur, heureusement. Mais sur le champ de paix civile bien que bouleversé nous devons être à la hauteur. C’est notre devoir qui donne de l’espoir sans qui la vie n’existe pas. Mais quand tout sera terminé, il ne faudra pas occulter ce qui s’est passé, pour en tirer les leçons.   Comme l’a écrit Jean de la Fontaine : « le corbeau honteux et confus, jura mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus ».


jeudi 26 mars 2020

Pour que l’avenir tienne compte du passé.


Pour que l’avenir tienne compte du passé.
 par Christian FREMAUX.
La mémoire des grands évènements tragiques est un devoir envers ceux qui se sont sacrifiés pour que les autres vivent, et permet aux générations qui suivent de prendre les bonnes décisions soit  pour éviter que les mêmes causes produisent les mêmes effets soit parce que on peut anticiper et prendre des mesures préventives  pour atténuer autant que faire se peut les conséquences d’une crise inédite et grave, qu’elle soit militaire, économique, sociale, ou sanitaire, voire climatique  ou qui réunit tous les inconvénients en même temps, personne ne pouvant faire des prévisions à  ce sujet. L’avenir est donc écrit au présent et il appartient aux responsables dans tout domaine car les politiques n’ont pas la science infuse et l’Etat ne peut tout prévoir, de ne pas baisser les bras et de mettre en place ce qui pourra être utile plus tard quand les circonstances l’exigeront.
 L’union sacrée des citoyens fait la force chacun agissant à son niveau avec ses moyens. Les générations nées après la 2 ème guerre mondiale qui au mieux ont entendu leurs grands- parents parler de la 1ère et des crises militaires, financières ou sociales entre 1919 et 1940, n’ont pas été habituées à des bouleversements majeurs et c’est tant mieux. Ceux qui ont connu les horreurs de 1940-45, les déportations et la souffrance se taisent et sont de moins en moins nombreux : on les honore mais leurs malheurs sont loins pour les plus jeunes. Sauf exception pour leurs parents qui ont participé aux guerres d’indépendance et qui n’en racontent pas grand-chose par pudeur et parce qu’il faut tourner la page sans l’effacer.  
Les papy boomers sont désormais à la retraite et ils ont vécu les trente glorieuses, avec la société de consommation qu’ils croyaient installée pour toujours. Mai 68 a libéré les esprits et les mœurs en interdisant d’interdire, et a conféré plus de droits individuels que de devoirs collectifs. Notre société est devenue égoïste chacun se repliant sur ses intérêts, voire sur sa communauté. La nation s’est vidée de sa substance et n’a plus de réel sens pour certains. La liberté individuelle prime toute autre considération.  On croyait la paix installée ad vitam aeternam dans notre démocratie malgré les exigences sociales ou environnementales ou participatives, et les soubresauts guerriers partout dans le monde.
Et puis arrive une crise qui devient rapidement mondiale, qui est une guerre sanitaire comme l’a qualifiée le président de la république avec un ennemi invisible mais qui fait des morts, et agresse notre modèle républicain, nos structures, nos comportements, et interroge notre civisme. On est sidéré et perdu, avec des polémiques confondantes.
L’Etat providence matiné de mondialisation se bat, résiste mais il a du mal : on voit nos insuffisances et l’ennemi se propage. Chacun doit s’engager comme il le peut.  Les plus anciens qui en ont vu d’autres savent ce que c’est que se confiner, ne pas parler pour rien, ne rien gâcher, d’obéir aux recommandations et à la loi, de patienter, et de ne jamais cesser d’espérer car il y a toujours une fin et une victoire. Nos contraintes doivent être appliquées volontairement avec le sourire, en applaudissant ceux qui sont au front en première ligne. Au lieu d’armes nous avons comme moyens un comportement civique exemplaire et la solidarité, avec la confiance dans les autres. 
Comme nos ainés nous n’aurons pas l’occasion d’être distingués au champ d’honneur, heureusement. Mais sur le champ de paix civile bien que bouleversé nous devons être à la hauteur. Cela ne peut s’oublier.  
P.S : Ce texte est destiné à la publication de l’association Le Souvenir Français -qui conserve la mémoire de tous les combattants morts pour la France- du 17 ème arrondissement de paris présidée par Michel Terrioux 11 rue Guersant paris 17ème, adhésion annuelle de 10 euros minimum. La devise de l’association nationale est : « à nous le souvenir à eux l’immortalité ». Tout est dit.

mercredi 25 mars 2020

la lol à l'assaut du virus


                           La loi à l’assaut du virus.
                   par christian Fremaux avocat honoraire.
Soyons paradoxal et léger, on n’est pas à une élucubration près par ces temps incertains où les scientifiques se disputent tandis que les politiques naviguent à la godille plutôt bien de mon point de vue, ni à une information qui n’a ni vraie queue ni tête comme le danger invisible, car le droit n’est pas la préoccupation première des gens inquiets. Et pourtant !
Pour que le virus disparaisse on doit stopper sa prorogation c’est-à-dire contraindre au confinement. Il faut donc appliquer les principes légaux que l’on a modifié dans beaucoup de domaines (comme par exemple pour les copropriétés en reportant la tenue des Ag en rappelant que l’on n’efface pas le paiement des charges mais que l’on peut les échelonner, ou en matière d’entreprises avec les diverses déclarations légales, Ag, réunions des instances représentatives, gestion des sites fermés, productions ralenties et chômage partiel…).  Mais pour être spectaculaire on a surtout durci le respect dû aux consignes gouvernementales liées au confinement par des amendes fortes et de possibles peines de prison. La loi est donc devenue un médicament qui participe à la guérison. CQFD.
 Dans l’intérêt des malades qui s’ignorent on a d’abord parié sur le sérieux des citoyens, leur civisme, et leur discipline spontanée pour suivre les recommandations gouvernementales. On a été vite déçu, et il a fallu que le parlement vote en urgence des lois qui permettent de sanctionner ceux qui ne respectent rien, interprètent les textes et les conseils de précaution, rédigent n’importe comment les attestations de déplacement dérogatoires selon leurs bons vouloirs pour tourner l’obligation de rester chez soi, ou refusent de les remplir car ils estiment qu’eux ne craignent pas même une peccadille la mort ou la souffrance étant pour les autres , qu’ils ne peuvent transmettre la maladie et ne tolèrent pas qu’on les prive de leurs petits plaisirs. Il y a toujours des prétendus plus forts et égoïstes que d’autres qui n’acceptent aucune contrainte même minime, défient tout le monde, mais sont les premiers à demander de l’aide et de la solidarité s’ils sont atteints dans leur intégrité ou ont besoin de quelque chose. C’est la nature humaine les épreuves n’y changent rien. Je n’ai jamais partagé l’opinion belle mais utopique de Rousseau qui pensait que l’homme est né bon et que la société le pervertit. Je crois au contraire que si l’homme a des droits individuels qu’il peut revendiquer et exercer effectivement quitte à les faire confirmer et protéger par la justice, c’est parce que la société qui défend l’intérêt général a aussi des droits collectifs et des valeurs égales à ceux de l’individu, et est organisée pour faire respecter les devoirs qu’ils soient personnels ou concernent l’ensemble des membres de la nation qui dépasse la somme des intérêts particuliers. La république c’est un équilibre et la balance ne penche pas d’un seul côté.
 D’où notamment le rôle pénal des tribunaux qui arbitrent entre les justifications subjectives forcément bonnes de ceux qui sont poursuivis, et la loi qui reflète l’avis de la majorité des citoyens, qui est objective et générale et qui a pour but de vérifier les comportements, de fixer les limites du bien et du mal au sens commun du terme sans faire un cours de philosophie ou de morale, et de peser les conséquences de toute nature en cas d’infraction ou d’abus y compris de droits .Tout en individualisant la sanction au cas par cas. Il ne s’agit pas de faire des exemples. Il convient de voir si les principes posés par la loi – à tort ou à raison, de façon juste ou non- ont été respectés ou pas, et de mesurer le préjudice subi par la victime qui peut être la société tout entière.  
Examinons sans exhaustivité car tout évolue chaque jour, les principales dispositions de l’arsenal juridique voté de façon supplémentaire à ce qui existe,  puisque quand on est en guerre il faut des armes  pour  l’exécutif et  ses représentants, les préfets les magistrats  et les forces de l’ordre, pour tenter  de faire fonctionner le pays, pour ne pas ajouter aux drames humains une catastrophe économique .Et aussi  pour avertir voire faire peur à titre préventif car le but n’est pas de faire du chiffre ou de remplir encore un peu plus les prisons  d’autant plus que l’on essaie de les vider pour les  détenus en fins de peine ( ce qui  ne plait pas  à ceux qui les ont arrêtés ou jugés et aux victimes on le comprend ) en raison… du confinement obligatoire qui peut conduire à des contagions !
 Il s’agit cependant de ne pas hésiter à réprimer car en temps de guerre on ne peut se permettre d’être laxiste. J’ajoute qu’en temps de paix non plus, car si on n’avait pas relâché plus ou moins la pression sous des principes divers humanistes et prétendus tels ou intellectuels, ou sociologiques ou culturels pour ne pas écrire cultuels, ou financiers (on n’a pas de budget en rien, ni  pour construire des prisons modernes ou suivre et former tous ceux qui ont commis des erreurs et que l’on doit réinsérer, ni pour mettre au niveau l’hôpital public en asphyxie depuis des mois ), peut- être aurait -on plus de civisme et de soutien à l’intérêt général. Mais c’est une autre histoire comme aurait dit Rudyard kipling que l’on s’inventera plus tard quand on tirera les leçons de la crise sanitaire qui remet en cause notre rapport au monde,  à nos territoires oubliés ou méprisés (mais peuplés et vivants) qui produisent l’alimentation et protègent la nature ; aux zones de non- droit ,  à notre solidarité nationale, à nos devoirs individuels, à la mondialisation et à nos systèmes de production et  industriels ; au sens du travail et du respect des «  petites mains » (que l’on applaudit à 20 heures) au- delà  du télé- travail, des plateformes  et de l’internet ;  des prétendus progrès  pour augmenter l’homme ou faire plaisir à des minorités remuantes ; du choix de  nos intérêts vitaux et  du service public…
Nous sommes donc conformément à l’article L.3131-1 du code de la santé publique dans un      état d’urgence sanitaire (selon la loi du 3 avril 1955) pendant deux mois, délai prorogeable par une loi ultérieure. Les mesures générales que le gouvernement a pu modifier concernent « les libertés d’aller et venir, d’entreprendre, de se réunir, de fermeture d’établissements, de réquisitions… elles doivent être strictement proportionnés aux risques sanitaires encourus et appropriés aux circonstances de temps et de lieu… ». Le juge administratif y compris en référé est compétent pour les juger. La jurisprudence du Conseil d’Etat est ancienne :  arrêt Heyriès du 28 juin 1918 avec la théorie des circonstances exceptionnelles en période de guerre, et arrêt Dames Dol et Laurent 28 février 1919.Il s’agit de respecter la légalité tout en garantissant l’ordre public.   Ce juge sait être rapide puisque sur saisine de divers professionnels médicaux, il a prononcé une ordonnance (un jugement) le dimanche 22 mars 2020 sur l’interprétation du décret du 16 mars 2020 à propos des mesures de confinement que certains jugeaient trop floues et trop laxistes. Le gouvernement a immédiatement revu sa copie (sur le jogging et les marchés notamment) et en a profité pour prendre des dispositions pénales car une obligation sans sanctions est un cautère sur une jambe de bois.
Des milliers d’infractions souvent volontaires ont en effet été constatées. Cela ne pouvait plus durer ne serait -ce que par respect pour ceux qui obéissent et ceux qui se battent en engageant leur propre vie dans les hôpitaux ou services de santé. Il pouvait déjà en coûter 10.000 euros d’amende et 6 mois de prison si on violait l’article L .3131-1 CSP et on pouvait en outre être poursuivi sur le fondement de l’article 223-1 du code pénal pour mise en danger de la vie d’autrui (15.000 euros d’amende et 1 an de prison). On y a ajouté une incrimination spécifique pour les attestations bidons ou erronées de déplacement voire leurs absences, avec des amendes de 135 euros majorées ensuite et pouvant conduire à une amende maximale de 3750 euros pour les récidivistes et 6 mois de prison. Les sanctions prononcées par les juges judiciaires peuvent l’être par la procédure de comparution immédiate ou seront prononcées avec le retour à la normale en temps de « paix » sanitaire. Je ne doute pas qu’ils sauront faire la part des choses entre la solidarité qui oblige en temps de « guerre » même sanitaire, et la complexité des comportements. Les textes prévoient la possibilité de peines complémentaires comme la suspension du permis de conduire et/ou comme un travail d’intérêt général ou civique (faire un stage citoyen, repeindre les écoles, balayer les services d’urgence, être ambulancier la nuit, construire des lieux d’accueil pour les malades ou blessés graves, entretenir les tombes des morts pour la France … et les magistrats ne manquent pas d’imagination). 
 Je n’évoque que pour information d’autres possibilités légales qui sont facilitées.  Ainsi les couvre-feux que chaque maire peut décider de prononcer selon les circonstances locales sous le contrôle du préfet représentant l’Etat ou prendre des décisions pratiques et naturellement motivées qu’un danger spécifique grave et imminent justifie.  Décentralisation et déconcentration font cause commune.  On redécouvre la place essentielle des élus locaux qui ont des pouvoirs de police et qui avec leur deuxième casquette sont l’autorité de l’Etat dans leur commune. Et même si le deuxième tour des municipales pour les moyennes et grandes villes est pour plus tard dans des conditions juridiques à définir. Mais 80% des mairies du territoire ont leur conseil municipal élu : on doit s’en réjouir car les maires sont sur le terrain, sur la ligne de front.
Enfin le droit du travail a été aussi modifié par ordonnances (qui ne sont pas contraires au code du travail actuel mais qui le complètent a déclaré la ministre du travail) pour un délai de trois mois pour éviter les licenciements, faciliter le travail à temps partiel ; maintenir et élargir les indemnisations par pôle emploi avec de nouvelles catégories de bénéficiaires comme les professions indépendantes ; avec le télétravail, ou autres innovations.  Les congés payés pourront être imposés pour 6 jours par l’employeur comme la prise des rtt parfois sans délai de prévenance ou réduit au minimum ; le droit de retrait sera apprécié de façon souple, ainsi que d’autres dispositions qui nous apparaissent des droits acquis quoiqu’il advienne. Les conseils de prud’hommes trancheront plus tard.
La loi combat donc aussi le virus. Quand tout sera revenu en ordre les tribunaux se prononceront et la polémique démocratique reprendra. Espérons que l’on aura de la mémoire !

vendredi 20 mars 2020

dura lex sed lex


                        Dura lex sed lex.
           Par christian Fremaux avocat honoraire.
Pour lutter contre tous ceux qui font preuve d’inconscience sanitaire ou d’égoïsme surtout, et d’incivisme ensuite mais les devoirs sont devenus secondaires dans notre société individualiste, et qui se croient malin en ne respectant pas les mesures de confinement, le gouvernement à fait fixer dans la loi le montant de l’amende à 135 euros qui peut être majorée si le récalcitrant aggrave son cas. Comme ceux qui interpellés plusieurs fois n’ont pas d’attestations, ou qui se moquent des avertissements, voire sont agressifs pendant les contrôles.  Ceux qui continuent à être dehors pour se balader ou faire du sport sans respecter un court périmètre, à se rendre en masse dans des marchés de plein air, à picoler ou fumer avec des potes sur la voie publique, à poursuivre leurs trafics divers, en narguant les autorités et en inventant n’importe quoi pour ne pas avoir rempli avec sincérité l’attestation de déplacement dérogatoire qui n’est pourtant qu’une auto-justification,  sont de dangereux irresponsables .Désormais ils vont être  aussi des délinquants qui auront un casier judiciaire. Le gouvernement vient de décider de poursuivre les plus rebelles avec le délit de mise en danger de la vie d’autrui.
Je ne doute pas que des éminents juristes trouveront des arguments de droit pour tenter de faire annuler les sanctions, sur la base de fondements juridiques insuffisants contraires aux principes constitutionnels ou à la préservation des libertés individuelles, et plaideront avec talent  et force -car ils auront été au repos forcé quelques jours et doivent se rattraper- que la protection collective ou l’état de nécessité publique ne suffisent pas pour justifier un régime dérogatoire aux droits élémentaires comme ceux de circuler, parler, avoir une vie privée. Et même de manifester puisque l’inénarrable M.Martinez phare de la Cgt veut organiser une grève car il estime que les salariés du privé, ou soignants, ou pompiers et  fonctionnaires ou toute personne d’un secteur vital qui exercent leurs fonctions et qui sont en contact avec des individus ne sont pas assez protégés faute de masques et de gel hydro- alcoolique. J’ajoute qu’il faudra aussi remercier ces courageux non pas uniquement par de bonnes paroles mais par des espèces sonnantes et trébuchantes quoiqu’il en coûte a dit le président.  Mais si le leader maximo syndicaliste a raison sur le fond, est -ce le moment d’organiser une pagaille supplémentaire ?   Concernant les policiers et gendarmes je ne sais pas si la commisération du confiné de la Cgt va jusqu’à soutenir les forces de l’ordre - celles à l’origine des violences en cas de défilés selon lui - qui sont sur le terrain pour faire respecter la loi et les mesures sanitaires ? Eux aussi sont en première ligne pour les risques.
Les avocats quand ils retrouveront leurs cabinets auront du pain sur la planche pour faire annuler les amendes et défendre les poursuivis devant les tribunaux correctionnels, et tenter de faire triompher les libertés publiques face à la sécurité globale et aux contraintes exceptionnelles. On a connu déjà ce débat avec les attentats : faut- il limiter les libertés individuelles au profit d’une sécurité collective, et comment la loi peut- elle trouver un équilibre pour concilier libertés et ordre public, et défense de l’intérêt général. On se rappelle la polémique avec la loi dite anti-casseurs début 2019 par exemple ce que les plus sourcilleux humanistes auto-proclamés adeptes des droits absolus de l’homme ont qualifié de liberticide jusqu’au moment bien sûr où la disposition prise trouve son utilité.  On peut toujours ne rien faire, estimer que tout est de trop, que les précautions sont illégitimes, que l’Etat est Léviathan, que tout est excessif et le danger sur-estimé.   Mais si on ne fait rien ou pas assez et que l’on se prive d’instruments d’action, on pourra ensuite se le voir reprocher et être poursuivi.  Il y a des exemples dans le passé. Je crains que madame Buzyn quel que soit son destin municipal à Paris, ait par ses propres déclarations d’ancien ministre avec d’autres des comptes judiciaires à rendre quand la crise aura été jugulée.
Et comme quoi il ne faut jamais procrastiner. Le président Macron a dans ses projets une réforme de la constitution notamment pour diminuer le nombre des députés et sénateurs,  réduire le cumul des mandats, et  supprimer la Cour de justice de la république compétente pour juger les ministres qui sont accusés d’avoir fauté dans le cadre de leurs fonctions. Il a échoué l’année dernière à faire passer cette réforme qui désormais attend, car il n’a pas trouvé de majorité dès 3/5 ème des parlementaires pour la voter en congrès à Versailles. Ladite Cour existe donc encore. Hélas ! soupire sans postillonner et sans masque madame Buzyn et des collègues qui peuvent être concernés et qui se lavent les mains au savon.   
La mise en danger de la vie d’autrui est définie à l’article 223-1 du code pénal. Cette disposition prévoit une sanction d’1 an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende pour « toute personne qui a exposé directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ». Nous sommes dans le risque, sanitaire en particulier. Il n’y a pas d’acte précis, ni conséquence concrète et avérée. On peut punir un auteur qui n’a pas voulu porter atteinte à l’intégrité physique d’autrui et alors que ladite atteinte n’a pas été commise. C’est délicat en droit et surtout en intentions. Ce qui est sanctionné c’est un acte et le résultat d’avoir exposé directement quelqu’un à un risque, et le lien de causalité entre les deux conformément au principe de la responsabilité. Il faut avoir violé de façon manifestement délibérée ce qui caractérise l’élément moral, une obligation particulière qui correspond à un comportement déterminé : c’est donc un délit d’action (commettre une infraction comme un vol, une escroquerie…) ou d’omission (ne pas avoir suivi un règlement).
 Outre le domaine médical avec la responsabilité des médecins, on a vu depuis des années et on voit dans l’actualité judiciaire de nombreux procès contre des laboratoires pharmaceutiques notamment sur ce fondement juridique entre autres bien sûr selon les dossiers et les victimes. D’autres vont suivre. Car la santé comme le climat ou la préservation de la nature sont des enjeux désormais majeurs.  On ne tolère plus la défense de Mme Dufoix alors ministre : « je suis responsable mais pas coupable ». Notons qu’avec MM.Fabius  1er ministre en 1984-86 aux moments des faits du sang contaminé  et Hervé ministre,  elle a comparu en 1999 devant la cour de justice de la république sous la prévention «  d’homicide involontaire et atteinte involontaire à l’intégrité physique des personnes ».On ne pouvait appliquer à titre rétroactif le délit de mise en danger de la vie d’autrui qui n’existait pas en 1984-86.  M.Fabius actuellement président du conseil constitutionnel connait bien le sujet et pourra avec ses collègues apprécier les lois d’exception qui sont actuellement votées.
 L’article 223-1 du code pénal existe depuis 1992 et a été activé avec la mise en vigueur le 1er mars 1994 du nouveau code pénal, avec une notion inédite :  la responsabilité des personnes morales.  Il ne peut donc concerner que des actes ou faits postérieurs à ces dates.   Il a été modifié par la loi n°2011-525 du 17 mai 2011.Son domaine a été étendu aux infractions routières ou comportement sur la voie publique (conduite en état d’ivresse ou sous l’emprise de stupéfiants) et il est appliqué fréquemment dans les entreprises. La loi est dure mais c’est la loi surtout dans les périodes de troubles, de dangers, ou de grande peur.

mercredi 18 mars 2020

le virus n'est pas que dans l'ordinateur


Le virus n’est pas que dans l’ordinateur.
Par christian fremaux avocat honoraire et ancien élu local.
 J’ai bien entendu le président de la république et  j’obéis aux instructions gouvernementales car j’ai le sens de la responsabilité pour moi et les autres,  et comme il est interdit d’avoir une activité non essentielle pour le pays ce qui est mon cas puisque je suis retraité et que je sévis encore dans le domaine judiciaire civil, je me suis confiné tout seul et j’erre de mon clavier à la télévision dont je me méfie de peur qu’un virus mal intentionné saute de l’écran sur mes lunettes,  pour écouter la nouvelle libératrice qui annoncera la  fin du mal. Je préfère me priver d’un petit plaisir debout à l’air en me promenant avec ma famille et veaux, vaches, cochons,couvées, mon chien et mon chat, plutôt que de déguster cette ignoble maladie allongé malgré moi en prenant une place d’hôpital à ceux qui ont été atteint gravement sournoisement. C’est une question de civisme par ces temps électoraux. On applique le fameux principe de précaution que l’on a étendu à tout et rien et que je critique souvent, sauf en matière de santé.
Je n’en étais pas loin mais je suis devenu fermement hypocondriaque en entendant jour et nuit les urgentistes, réanimateurs, infectiologues et j’en passe, spécialistes des poumons et des difficultés de l’hôpital public, et je me demande si, tout en étant bien portant en apparence, je ne suis pas un porteur sain. Le docteur Knock manque au tableau et désormais au loto je joue le 15. Je tente de plaisanter pour ne pas stresser. Les journalistes qui font difficilement leur travail me font peur car ils sont aussi ignorants que moi en matière de médecine, et ils se contentent de rapporter ce qu’ils entendent à partir de sources parfois étranges qui ajoutent de l’anxiété à l’angoisse, ou montrent du vide dans les rues ce qui est creux comme informations. Croyons plutôt en la parole des autorités qui se seraient volontiers passé de cet épisode en raison des réformes sur le feu. Et je suis content d’entendre et de voir à la télévision le professeur Salomon qui est à la santé ce que le procureur Mollins était aux attentats : des experts calmes qui rassurent.  
Je n’aime pas non plus le décompte macabre tous les soirs, car il n’y a pas un concours avec les pays voisins et comparer n’est pas jouer. On a bien compris que la progression journalière était très forte et qu’on n’avait pas atteint la phase de stagnation, sachant qu’il n’y a pas de médicaments ou de traitements efficaces, sauf à se laver les mains et à ne parler de près à personne. On va donc être propre comme des sous neufs, même si la bourse dévisse on ne sait pas rationnellement vraiment pourquoi et que les revenus vont surtout faire défaut aux commerçants, artisans, professions libérales déjà touchés par les conséquences des manifestations des gilets jaunes, les grèves diverses et l’ambiance délétère.    
On va donc lire et il parait que le livre d’Albert Camus « la peste » fait un tabac (que les commerces dédiés peuvent continuer à vendre ! ). Je ne partage pas la réflexion désabusée de Stéphane Mallarmé dans brise marine : « la chair est triste hélas et j’ai lu tous les livres ». Je n’ai pas lu tous les livres tant mieux, et ayant l’âge merveilleux de 70 ans passés ma chair est devenu plus flasque, mais elle peut servir et me suffit d’ailleurs.  Tout espoir n’est donc pas perdu il faut être optimiste.
On vient de comprendre que la peur est mauvaise conseillère, que nous étions solidaires puissants comme misérables à égalité devant la douleur sans faire de tri, ou de choix cornéliens, et que nous devions être unis quelles que soient nos origines et croyances ce qui est une bonne nouvelle. Mais on a une critique collective à se faire : à force d’avoir économisé et délocalisé peu importe pourquoi, on s’est tiré une balle dans le pied. Tous les domaines dont celui de la santé ne sont pas éligibles à la mondialisation et l’Etat a toujours un rôle d’intervention central à jouer, même si les libertés individuelles doivent être conservées sans être en opposition avec les contraintes nécessaires.  Les libertés collectives qu’on appelle encore devoirs ont un sens et les valeurs républicaines nous donnent un cadre de comportement civique.
On vient de s’apercevoir que malgré nos institutions décriées qui sont très solides, notre société et notre démocratie sont fragiles, et les gilets jaunes en fureur qui ont manifesté samedi 14 mars malgré l’interdiction des regroupements, sont de dangereux irresponsables. Quand la nation est touchée on met de côté les revendications catégorielles et on ne défile pas pour avoir raison contre tout le monde en voulant imposer sa vérité sans avoir le moindre devoir ou conscience des dangers.   Le virus est aussi dans certaines têtes. Comme l’a déjà écrit Jean de la Fontaine dans sa fable les animaux malades de la peste : « tous n’en mouraient pas mais tous étaient frappés ».
Sur le plan politique des élections municipales la polémique va venir. Pour l’instant tout le monde est vertueux et modéré en paroles, met en avant la santé des français et commente peu le résultat du 1er tour. La question était : peut -on repousser le 2ème tour sans que le 1er soit annulé ? Les professeurs de droit constitutionnel sont d’avis divergents - le contraire eut étonné- car il n’y a pas de précédents et de jurisprudence formelle pour s’inspirer. Le président a tranché en fonction de l’avis des scientifiques et des juristes du conseil d’Etat sûrement, voire des responsables politiques dont certains ont été élus au 1er tour : ils n’ont donc pas plaidé pour une annulation on le présume. La solution choisie me parait la bonne.  On fera le bilan quand l’épidémie sera finie et on pourra juger alors si la décision fut opportune ou non. Je parie qu’il y aura dispute car c’est toujours facile de réécrire l’histoire.
 Il n’y avait aucune raison de droit ou de fait d’annuler le premier tour des élections municipales. Je me réjouis que les élus du premier tour soient sanctuarisés car les électeurs se sont déplacés quelle que soit la relativement faible participation (que l’on a déjà subi pour d’autres élections ou consultations) et ont fait connaitre leurs opinions. Ces élus ont pu élire leurs maires et font fonctionner la commune.  La décision de reporter le deuxième tour est prise, par une loi en urgence, avec l’avis du conseil constitutionnel.   Il faut en effet changer les conditions de l’article 56 du code électoral qui prévoit un délai de huit jours entre les deux tours, et l’allonger de quelques mois, puisque la date du 21 juin a été citée.  On n’est d’ailleurs pas sûr que la participation soit meilleure à cette date et que les électeurs se déplaceront en masse quand il n’y aura plus de virus car rien ne prouve que le déplacement pour voter toujours insuffisant- on voudrait plus- soit la conséquence uniquement de la peur de bouger compte tenu du dégagisme ambiant et de la lassitude du corps électoral en matière de représentation ?  
Je connais les objections. Une élection à deux tours est un tout pour que le résultat final soit sincère et légitime dans la foulée.  Des électeurs changent de camp en fonction du résultat du 1er tour, des alliances se nouent, des accords parfois curieux se concluent. Le 2ème tour peut ne pas avoir la même configuration et trajectoire que le 1er. Ce n’est pour autant que ce dernier est anti-démocratique même s’il a eu lieu des mois ou des semaines auparavant et que le futur 2ème tour n’a aucun lien dans la continuation avec le 1er. Les éliminés le restent il n’y aura pas une deuxième chance au nouveau tirage !.  Mais il faudra innover le cas échéant car l’opinion peut varier, vouloir corriger son vote du 1er tour et on sera dans une situation juridique inédite. Par ailleurs je ne vois pas juridiquement ou civiquement en quoi cela change quoique ce soit de confirmer les élus du 1er tour de façon définitive les conditions de l’élection ayant été transparentes et sincères, ce qui apporte de la sécurité juridique et règle le cas d’environ 30.000 communes de quelques centaines ou milliers d’habitants. Et je suis égoïste puisque je parle de moi : après 37 ans de mandat en commune rurale de 600 habitants j‘ai laissé la place aux jeunes qui ont été élus à 15 sur 15 sièges avec plus de 55% de participation.  Pas de 2ème tour.  Mission accomplie. C’est moi le vainqueur puisque je n’ai pas été battu et je pars en un tournemain. 
Pour le deuxième tour les candidats agiront comme d’habitude à partir du 1 er tour qui a fixé la volonté et les choix du corps électoral.  Les municipales sont des élections locales faites pour élire surtout des gestionnaires. Ne faisons pas du juridisme sous la réserve de l’appréciation du conseil constitutionnel.   La politique politicienne celle que le citoyen déteste se trouve surtout dans les plus ou moins grandes villes et n’est pas compatible avec la santé publique. Le virus de la politique qui manœuvre ne passera pas.  
 La constitution s’interprète. Le droit n’est pas gravé dans le marbre : il doit s’adapter à des circonstances exceptionnelles. Le covid-19 peut participer au progrès citoyen et à l’apaisement politique. Ce sera un apport démocratique positif de cette crise.  Les battus crieront de toutes les façons au scandale et au déni de démocratie.  Et restent les tribunaux en urgence même si les juges sont aussi confinés que les avocats.
Comme l’a écrit Paul Valéry «le vent se lève il faut tenter de vivre».