vendredi 9 novembre 2018

Atmosphère ! Atmosphère ! est ce que j’ai une gueule d’atmosphère ?


Atmosphère ! Atmosphère ! est ce que j’ai une gueule d’atmosphère ?
Par Christian Fremaux avocat honoraire et élu local.

L’atmosphère est chargée d’électricité. Dans son voyage entre les tombes le président n’a pas entendu que le silence assourdissant des morts au champ d’honneur. La polémique née de l’affirmation  du président Macron parfaitement exacte sur le fond et non provocatrice car l’histoire ne se divise pas, m’a paru inopportune car elle concerne un débat sans conclusion sur la double personnalité du maréchal Pétain  soldat héros des poilus en 1917, puis plus de 20 ans plus tard politique honni et d’ailleurs condamné pour sa politique collaborationniste et antisémite , parole  qui  a été  peut être maladroite  dans sa formulation  pour ceux qui cherchent à tout prix à en découdre sur tout sujet surtout s’il est sensible .Nous sommes dans le recueillement  et la glorification de ceux qui se sont sacrifiés en 14-18 pour que nous puissions dans la paix  vivre libres et capables d’exprimer toute opinion y compris des avis divergents sur les hommes et les évènements passés  et je m’étonne que l’on ne puisse le faire objectivement sans être taxés de je ne sais quoi mais  forcément négatif ou de défendre l’indéfendable.   Tout le monde n’a pas la vérité révélée et le dogme qui satisfait à l’unanimité! Il est permis de douter, pas de tout  bien sûr et surtout pas de ce qui avéré comme tragique, et  de nuancer tout en  respectant  ceux qui ont été victimes ou qui sont des héritiers de victimes,   d’avoir des propos ou des pensées  qui ne sont pas ceux de la bien pensance ou  issus de la langue de bois. Soyons adultes surtout face aux plus jeunes qui  connaissent le terrorisme mais  qui  n’ont connu aucune guerre , même dans leur famille,  qui  se demandent -sauf les élites  étudiantes ou qui ont des parents qui témoignent et éduquent quelques soient leurs origines et confessions soit dit en passant car il s’agit du roman national  qui doit toucher tous ceux qui vivent en France - qui a été Pétain 1 et  Pétain 2 , presque qui a été De Gaulle le héros de la résistance  en 1945, celui bousculé  de la décolonisation,  et le chef de L’État qui a renoncé au pouvoir en 1969 après avoir perdu un  référendum. Soyons modestes et ne mettons pas de l’huile sur le feu qui couve toujours : discutons  des faits et des hommes de l’histoire que l’on ne peut supprimer comme les communistes jadis effaçaient  des photographies officielles  les dirigeants qui ne convenaient plus à l’air du temps et qui avaient en réalité été des bourreaux.  Envisageons un avenir plus apaisé  pour les générations dites «  bof  » ou « j’ai le droit » qui sont là et vont prendre les commandes dans la future Europe. Souvenons nous que les hommes  et les femmes  et les jeunes d’y il y a cent ans ont souffert et le mot est faible, et tirons en les enseignements.  L’itinérance mémorielle du président  doit être approuvée et il ne faut pas se tromper d’objectifs. Certes la hausse du carburant tombe mal et l’on ne peut y souscrire même si on souhaite la transition énergétique.  Si le président payait de sa poche le diesel utilisé par la flotte de véhicules qui le suit, il serait certainement plus conscient que le train de vie des retraités qui l’interpellent et des autres français actifs baisse, et qu’un ( trop )plein… de taxes ne permet plus d’aller très loin ! Rien ne vaut  le terrain et le dialogue parfois abrupt avec les gens pour mieux appréhender ce qui les préoccupe et actuellement  ce sont les revenus et les charges, le chômage et les fermetures d’usine voire l’insécurité et les migrations  qui  l’emportent sur la mémoire.L'itinérance était faite pour parler surtout des hommes, et des femmes d'hier  des gueules cassées, des foyers détruits,  des séquelles psychologiques innommables en un mot de la boucherie de 14-18 sans accabler personne et sans désigner encore des coupables ,mais sans rien oublier pour que cela n’arrive plus . Donc pour  évoquer  la guerre et  la paix ,les relations internationales, les motifs sérieux ou non qui déclenchent les conflits et leurs conséquences, le coté obscur de l'homme, le mal qu'il sert , pour qu’on en soit conscient en 2018, qu'on dissèque  la force  qui tue et toute idéologie  qui arme, de la nécessaire coopération des démocraties... L’ordinaire des problèmes à résoudre en urgence  va reprendre ses droits rapidement et les querelles classiques  vont  resurgir dès la fin des cérémonies du 11 novembre  ce qui est normal car on attend des résultats et le passé doit céder sa place au présent. . . 
Le rappel de Pétain m’a remis en mémoire un mot de la célèbre actrice  Arletty - d’où le titre de cet article - qui disait que  son coté face où battait son cœur était français, mais que son coté pile en bas du dos était international : elle avait été poursuivie à la libération pour avoir fréquenté un ou des  allemands. C’est l’anecdote pour détendre l’atmosphère car je vais encore la plomber en parlant de populisme, ou de «  lèpre  » nationaliste selon une autre sortie du président Macron adepte des formules chocs.
Le terme populiste qui devient un vilain défaut ne veut pas dire grand chose  sauf pour dénigrer  les dirigeants polonais , hongrois ou autres dont le nombre augmente ce qui est un message , ceux qui ne veulent pas respecter ce qu’ils considèrent comme des diktats de l’union européenne.  Ils estiment avoir été  élus régulièrement  dans des démocraties , exprimer l’avis de leurs concitoyens et avoir le droit  de contrôler plus ou moins les médias ce qui serait compatible avec la liberté d’expression , de se méfier des juges qu’ils veulent nommer selon leur bon vouloir pour éviter un gouvernement desdits juges, de refuser les migrants  sauf ceux qu’ils veulent  choisir dans le respect de leurs frontières et ne pas partager la pensée mondialiste qui prône l’ouverture en général et  le multilatéralisme et qui ne correspondrait pas à leurs coutumes et usages outre leur manière de vivre. L’Europe n’est donc pas leur tasse de thé, comme les anglais qui ont choisi le brexit. Mais les pays  populistes veulent rester au sein de l’Europe car ils aiment  les aides européennes.
 Le populisme serait donc le mal pour ceux qui se définissent comme progressistes  ce qui n’est pas plus précis que populistes car le progrès pour l’un ne l’est pas pour l’autre, c’est-à-dire ceux  qui sont partisans de plus d’Europe sans aller vers un vrai fédéralisme ; qui croient en la réalité de  la mondialisation et de  la nécessité de faire face ; qui voient l’obligation pour les européens de faire masse et  bloc face aux hégémonies de la Chine, des USA, voire de la Russie et de l’Inde ; qui pensent que les menaces de toutes natures qu’elles soient terroristes, économiques, migratoires, environnementales obligent à se protéger mutuellement et avoir des politiques  communes et concertées aussi  en matière de sécurité et défense, propriétés intellectuelles, services,  droit social  pour tous les travailleurs y compris détachés, fiscalité, justice…  Contrairement aux populistes les progressistes sont convaincus   que le repli sur soi est néfaste, ne peut conduire à des progrès  matériels et humanistes pour tous dans la spécificité de chacun, et qu’il faut plus d’Europe même s’ils sont lucides que celle-ci doit se réformer, que la technostructure à Bruxelles  doit être reprise en main, qu’il appartient aux dirigeants élus de faire entendre la voix et les désirs de leurs peuples, et que la politique doit commander, sans se laisser imposer des décisions futiles qui indisposent la grande majorité des citoyens européens. Les progressistes pensent que toute innovation est un bien , et que toute demande de droits supplémentaires pour une minorité est positive. Cela se discute car à force de créer des droits individuels on peut fracturer l’ensemble qui se contente de devoirs. Les conservateurs sont plus circonspects : ils préfèrent un progressisme à petit pas, qui ne pose pas des questions métaphysiques et qui est compréhensible  puisqu’il s’appuie sur ce qui a été, vérifié, expérimenté.  Ils aiment aussi le respect des devoirs collectifs, la nation , la patrie et ce qui a fait la grandeur de la France. Ils ne trient pas les héros à l’aune des temps modernes.
Comme le chantait Jean Ferrat « c’est un joli nom camarade…» avant qu’il ne se rende compte de la réalité du régime soviétique, ou cubain , ou chinois, et s’il était vivant vénézuelien  ou des dictatures diverses dont celles qui sont religieuses ,qui se disent représenter le peuple et vouloir  son bonheur en le décrétant . Attention danger. La liste de ce qu’il faut ne pas faire n’est pas exhaustive...  Le mot populiste devrait être positif puisqu’il veut dire ce qui vient du peuple. Sauf à être un grand naïf et oublier les leçons de l’histoire ,et sauf exception d’un dirigeant atypique on ne connait pas un peuple même celui  de l’extravagant  dirigeant de la  Corée du nord ! qui voudrait officiellement  du mal  à son voisin, et qui n’approuve pas tout ce qui lui est bénéfique. Les droits de l’homme sont revendiqués par tous bien que non appliqués la plupart du temps. C’est donc en théorie un joli nom populiste sauf qu’il est assimilé  à l’ennemi des libertés publiques, au rejet de l’étranger, et à un formidable égoïsme adepte des solutions apparemment faciles, de la répression s’il la faut et de l’ordre , de la fermeture d’esprit, et refusant presque  toutes les avancées de l’humanisme en général pour l’homme  et la femme,  et les minorités quel-qu’elles soient. Comme on dit dans les cérémonies militaires ce qui est d’actualité, fermez le ban. Chacun d’entre nous connait pourtant un populiste déclaré ou qui s’ignore et qui est un bon citoyen payant ses impôts et taxes en maudissant le gouvernement, n’ayant pas de procès car il respecte la loi, votant régulièrement , ne détestant personne sauf celui qui lui pique sa place ou qui a des privilèges,  qui est soucieux des libertés y compris de celles qui ne lui conviennent pas, et qui fait son devoir en toutes circonstances. Il n’aime pas vraiment  l’Europe telle qu’elle est car elle ne lui apporte rien , ne le protège pas et est lointaine. C’est cependant un citoyen qui se respecte et il en faudra qui ira voter lors des élections européennes de 2019. Il nous faudra des populistes pour garder les pieds sur terre et en même temps des progressistes qui  feront avancer l’harmonisation et qui remettront de l’ordre en proposant des solutions concrètes et proches du peuple.
 Qu’est ce qu’elle a ma gueule de populiste, regarde la tienne  espèce de conservateur ou de progressiste utopique.
   
En réalité le débat aura lieu entre les nationalistes que l’on dit belliqueux et d’extrême droite ce qui rappelle de mauvais souvenirs  et qui sont des populistes « aggravés » ou "dévoyés"et supposés  dangereux  qui haïssent l’Europe,  et les progressistes alliés aux conservateurs ouverts . Depuis Renan on sait ce qu’est la nation : c’est une âme, un principe spirituel avec la possession en commun d’un riche legs de souvenirs, le désir de vivre ensemble et la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis . On a le droit et le devoir d’aimer la nation. Mais elle n’est pas faite pour s’en servir comme repoussoir et donc la diviser ou l’opposer à ce qui n’est  pas comme nous.  La commémoration de 14-18 a montré que nos soldats s’étaient battus  comme des lions, qu’ils soient venus de nos campagnes et villes métropolitaines, ou de l’extérieur comme les tirailleurs sénégalais composés en pratique de combattants de multiples origines. Il se sont sacrifiés pour le drapeau français et ses valeurs,  et sont enterrés ou ont disparu à des milliers de kilomètres de leurs villages, de leurs lieux de naissance.  La nation doit intégrer avec des conditions s’il le faut et ne pas rejeter par principe.  Il est  prouvé que l’on peut actuellement avoir un destin commun tout en gardant ses qualités originelles. Mais ceux que l’on qualifie péjorativement de nationalistes veulent rester entre eux, éliminer ce qu’ils ne tolèrent pas, se barricader derrière des murs ou des barbelés, ne vouloir rien partager  même pas les miettes. Ils s’opposent à l’Europe tout en demandant à ce qu’ils aient des députés européens car la "soupe" est  bonne , et veulent saboter de l’intérieur ce qu’il leur parait néfaste pour la France. Ils émettent parfois des idées justes mais leurs solutions sont soient irréalistes soit contraires  aux valeurs que la France soutient dans sa vocation universelle et sa volonté de rassembler. Car le danger est de faire se confronter les communautés alors que le but est pour chacun de s’efforcer  de renforcer la cohésion nationale dans le cadre de la laïcité ,concept et pratique  mal connus et mal  ressentis  par ignorance et malentendus d’ailleurs chez nous, et  encore plus dans les autres pays de l’Europe  .
Dans cette atmosphère il va falloir convaincre ceux qui votent pour les nationalistes que leur politique est une impasse,  et encourager les électeurs  par des arguments solides, innovants, sonnants et trébuchants si l’on peut dire, à ne pas leur donner leurs votes. Je ne sais pas si le nationalisme tel que M.Macron le pense est une lèpre. Mais on a déjà donné et on connait les ravages du mépris des autres, de la volonté de revanche ou de puissance avec la certitude qu’une minorité a raison. L’histoire doit nous éviter de renouveler les erreurs du passé. On a raté la paix en 1919 et il a fallu attendre la fin de la deuxième guerre mondiale pour se décider à construire la paix. En Europe c’est le traité de Rome de 1957 qui a posé les bases de la réconciliation franco-allemande, et qui a permis une coopération réelle entre les nations. Le nationalisme ne soude pas. Il faut s’en rappeler pour préserver un espace de paix  et de libertés au profit de centaines de millions de citoyens, même si tout n’est pas parfait on le sait.
Il n’y a pas un ancien monde qui a  échoué et qui est à jeter avec l’eau du bain, et un nouveau monde avec un président jeune et magicien devant lequel on devrait être béat d’admiration en attendant que le succès arrive… ou non ! Un  président qui vient d’apparaitre de nulle part, entouré de quadragénaires qui ont des connaissances livresques mais peu d’expérience de terrain. Le jeunisme n’est pas une politique en soi. On en a vu d’autres et les promesses n’engagent que ceux qui y croient.  Personne  ne détient  la vérité, et il arrive comme on l’a vu avec l’affaire Benalla  protégé du prince,  que parfois on commet des erreurs de bonne foi, à l’insu de son plein gré.  Il y a  le monde dans lequel on vit , avant de se projeter dans les années lumière qu’il convient naturellement de préparer. Cela ne sert à rien de mourir guéri.  Un progressiste n’est pas le contraire d’un conservateur qui aime ce qui a fait ses preuves, qui peut vérifier ce qu’on lui propose  et ce qui correspond  à sa philosophie et à  ce qu’il souhaite. On aura besoin et des progressistes et  des conservateurs  voire des populistes éclairés pour que l’ Europe  trouve un équilibre efficace et ne soit plus un bateau à la dérive ,qu’elle retrouve ses fondamentaux quitte à avoir un premier cercle de pays de même niveau et qui partage les mêmes valeurs, dans un cadre démocratique certain. L’Europe qui a une compétence subsidiaire doit s’incliner devant la volonté des États qui n’ont de compte à rendre qu’à leurs peuples.
 Ainsi aurons -nous une gueule d’européen convaincu et l’atmosphère sera-t-elle meilleure.

jeudi 25 octobre 2018

A propos de laïcité : la paille et la poutre


              A propos de laïcité : la paille et la poutre.
          Par Christian FREMAUX avocat honoraire et élu local .
Le comité  des droits de l’homme de L’Onu vient d’ émettre pour la deuxième fois en quelques mois, un avis qui critique des décisions de justice de notre cour de cassation sur le port du voile dans l’entreprise ou  le niqab dans la rue,  en demandant à ce que les plaignantes soient indemnisées dans les 180 jours,  et que … l’on révise la loi. Certes cet avis n’a aucune obligation juridique mais il procède de l’intervention d’un comité «  Théodule » -avec tout le respect que l’on doit  à  l’Onu dont le rôle dans les relations internationales et le maintien de la paix  est fondamental- mais qui est  aussi   ce « machin » aurait dit le général de Gaulle. C’est une atteinte à notre souveraineté juridique et judiciaire,  à notre principe constitutionnel  de laïcité qui n’est manifestement pas compris par tout le monde, et à la nécessité de légiférer en France pour tenter de régler des problèmes pratiques, dans les écoles, à la cantine, à la piscine,  dans les entreprises, et dans l’espace public, pour éviter que cela ne dégénère. En France on ne commente pas -sauf les professeurs de droit- une décision de justice. Le comité des experts de l’Onu l’a fait. Examinons  les faits et le droit et rappelons d’abord  le contexte.
La laïcité et le respect des valeurs  de la  république sont un combat  permanent. Tout le monde n’habite pas dans des quartiers où rien de grave sur le plan des libertés ou délictuel ou criminel  ne se passe, où le vivre ensemble est un plaisir et le dialogue avec l’autre un enrichissement. L’actualité nous montre qu’il y a des quartiers perdus dans notre république que d’ailleurs le gouvernement actuel veut reconquérir, enfin. Pourvu que les déclarations d’intention se transforment en acte. M. Georges Bensoussan qui a écrit avec des professeurs un livre sur ce sujet dès 2002 a connu quelques déboires judiciaires pour l’avoir exposé publiquement, et un livre d’investigation  qui  vient d’être publié  d’élèves journalistes sous l’impulsion de  deux journalistes réputés MM.Davet et Lhomme prouve qu’il y a une islamisation galopante et inquiétante ne serait- ce qu’en Seine- saint Denis. La laïcité est donc en danger.   Certains s’offusqueront de cette affirmation comme si constater  ce qui ne va pas y compris en matière religieuse était un péché et que je sois un apostat.  Mon propos n’est pas de dénoncer quoique ce soit, ou d’essayer de comprendre pourquoi on en arrive à cette situation,  des spécialistes le font très bien, mais de prendre acte que l’islam sous des formes radicales et revendicatives pose problème même si nous vivons dans le cadre de la liberté religieuse, de l’interdiction de toute discrimination, et des droits particuliers de chacun  avec la liberté de conscience, de croire ou non , de vivre sa foi.  Pour les devoirs collectifs dans le cadre d’une nation c’est un autre combat que nous devons obligatoirement aussi mener et vite d’ailleurs,  car le communautarisme quel qu ‘il  soit  ou la tyrannie des minorités  le tout  au nom des droits de l’homme, ne doivent  pas triompher, sinon c’est la cohésion sociale, notre identité et notre  destin qui sont  remis en cause .La démocratie peut mourir d’être fracturée en faisant droit à toute demande.  C’est mon avis et je le partage car il n’engage que moi puisque je n’ai aucune responsabilité ou légitimité pour donner des leçons ou faire la morale et je revendique la liberté d’expression celle qui n’est pas réservée aux autres et qui se partage dans un dialogue républicain .
Dans notre république nous avons un pouvoir législatif , les députés et sénateurs qui votent la loi  représentent l’intérêt général,  la loi qui est motivée et a fait l’objet d’un débat public. Nos lois tiennent compte de certaines particularités, de notre histoire et  de nos traditions, de notre mode de vie,  du destin que nous avons choisi  ,et  ne rétrécissent jamais -sauf  par exception quand nous sommes menacés en matière de sécurité publique  et autre domaines vitaux – les libertés en général. Les tribunaux de l’ordre judiciaire protègent les libertés individuelles,  et ceux de l’ordre administratif renforcent les libertés publiques. Dans le domaine de la liberté religieuse c’est la loi de 1905  qui a consacré la séparation des églises (le des est important) et de l’Etat-donc du pouvoir politique- et a fondé la laïcité à la française. La république est neutre et garantit la liberté de rendre hommage à dieu comme on l’entend (dans le respect de l’ordre public)  ,proclame la liberté de conscience et consacre l’égalité : « la république ne reconnait , ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». La loi  s’est adaptée à l’évolution des mœurs, et à des revendications de plus en plus fortes de nos compatriotes musulmans pour pratiquer leur religion.  C’est leur droit, et ce n’est pas parce que l’on ne croit pas ou que l’on pratique une autre religion que l’on va leur dénier une liberté fondamentale. Mais on est passé progressivement à des exigences qui se discutent dans beaucoup de domaines et qui remettent en cause nos principes, ceux qui ont permis de bâtir une république soudée, unanime et déterminée à avoir des objectifs communs. Le débat s’est durci entre ceux qui veulent  toujours plus sans contrôle, sans critique possible  et même en leur donnant les moyens,  et ceux qui estiment qu’il ne faut pas aller trop loin qu’il y a des limites à ne pas franchir, que la société doit maitriser l’exercice de cette liberté pour qu’elle ne dérape pas ou se transforme en abus,   que le droit  de croire et d’exercer une telle  liberté doit être compatible avec des règles neutres destinées à combattre  tout différend  potentiel qui porte en germe de la violence ou la remise en cause de principes et qui peut conduire à des affrontements.   
C’est ce que l’on appelle la laïcité à la française qui caractérise notre personnalité  nationale à l’extérieur, s’appuie sur des valeurs universelles, est copiée plus ou moins bien par beaucoup de démocraties et qui fait notre grandeur.
Il y a eu deux procès en France sur la base de ces principes.  D’abord l’affaire de la crèche privée dite baby loup qui avait licenciée une de ses salariées qui souhaitait porter le voile à l’intérieur de l’établissement. Mme Afif la salariée concernée était soutenue  dans sa cause et la polémique fit rage sur fond de laïcité. Finalement la cour de cassation en assemblée plénière -ce qui démontre que la procédure ne fut pas un long fleuve tranquille- en 2014 a confirmé le licenciement pour faute grave , la salariée ayant refusé d’enlever son voile. Cet arrêt a mis en lumière le principe de laïcité dans des entreprises privées .Ce ne fut pas  à l’époque du goût de tout le monde en France, inutile de le préciser ou de donner des noms. La cour de cassation en entendit des vertes et des pas mûres.
La salariée Madame Fatima Afif  saisit ensuite  le comité  des droits de l’homme de l’ONU. Il ne faut  pas confondre ce comité  composé de 18 juristes indépendants  qui est chargé de suivre l’application du pacte international relatif aux droits civils et politiques de l’Onu  signé en 1966, avec le conseil des droits de l’homme  composé des représentants de 47 Etats où l’on trouve  notamment l’Afghanistan,  le Mexique, la république du Congo,  le Venézuela,  l’Albanie… qui ne sont pas des paragons de vertu et des modèles en matière d’application des droits de l’homme !
Nous parlons donc de ce comité de juristes qui le 10 août 2018 avait considéré que notre cour de cassation  dans l’affaire Baby loup s’était fourvoyée, que l’obligation imposée à Mme Afif de retirer son foulard à son travail  dans la crèche constituait « une restriction portant atteinte à la liberté de religion  et avait considéré que le licenciement «  ne reposait pas sur un critère raisonnable ».Le comité  a considéré que la France  « n’a pas apporté de justification suffisante qui permette de conclure que le port d’un foulard par une éducatrice de la crèche  porte atteinte aux libertés et droits fondamentaux des enfants et des parents la fréquentant ».C’est une appréciation  qui ne correspond pas à notre culture et en plus à notre droit.
Alors que nous sommes champion du monde de football, c‘était un but à zéro pour l’ONU ou son comité de juristes  contre la France qui n’a rien changé,  pour l’instant à ma connaissance car il n’y avait pas d’arbitre dans le match qui n’était qu’amical et pas officiel en droit, sans sanction . Ce qui me réjouis car les faubourgs de  New -York sont loin même si le droit international signé par les Etats  a vocation à s’appliquer partout y compris dans les pays dont sont issus les éminents juristes. Que la France ne prend pas de réglementation à la légère surtout en matière de libertés. Et qu’enfin nos juridictions ne font pas de politique, ne suivent pas l’opinion publique  et respectent les lois y compris internationales  et  interprètent les textes s’il y a un vide juridique.  Il n’appartient qu’au législateur de modifier la loi s’il y a lieu. Je ne doute pas que les illustres juristes de New-York connaissent Montesquieu et la séparation des pouvoirs ce qui est un principe que nos donneurs de leçons de droit et d’éthique doivent exiger partout.
Ensuite on s'attaqua à l'espace public et bis repetita. Ledit comité des juristes de l’ONU  , le comité des droits de l’homme  présidé par un israélien vient de récidiver mardi 23 octobre 2018. Saisi par deux musulmanes qui portaient dans la rue à Nantes  le voile intégral, le niqab, et qui avaient été verbalisées,  il a condamné la France  en estimant que « l’interdiction du niqab viole la liberté de religion  et les droits humains », pas moins  !Remarquons la détermination des plaignantes passées du tribunal de police en France et d’une condamnation à une simple amende, à New-York et à un avis international. Chacun méditera sur cette volonté de vouloir établir une jurisprudence. Le droit n’est pas toujours neutre et peut servir à mener un combat.   
La loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010 interdit la dissimulation du visage dans l’espace public (rues, commerces, transports, mairies...) .On ne peut porter une tenue destinée à dissimuler le visage  sous peine d’une amende pouvant aller jusqu’à 150 euros. Cette loi a été validée en 2014 par la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg. Elle complète la loi de 2004 sur le port de signes ou de tenues dans les collèges et lycées, par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse, ce qui est interdit.
Il faut donc croire que la  connaissance et l’interprétation  des droits de l’homme ne sont plus universalistes et  qu’elles fluctuent selon la latitude ou la longitude et celui qui doit l’apprécier à  l’aune de des propres croyances religieuses ou non,   et de ses pratiques philosophiques, juridiques et  démocratiques. Ce n’est pas un progrès  de ne pas avoir des interprétations homogènes, de devoir confronter des jurisprudences contraires,  et cela peut conduire à des difficultés sérieuses. Puisque le comité des droits de l’homme a vocation à ne  donner que des avis sur des interprétations de textes, qu’il s’en tienne là. Qu’il n’émette pas des injonctions de faire, des quasi menaces qui de toutes façons seront sans effet contraignant, par exemple  de devoir indemniser de prétendues victimes qui ne font preuve d’aucun préjudice ( c’est la jurisprudence en droit social en France) ou qui soutiennent gratuitement qu’elles ne peuvent exercer des libertés fondamentales ce qui serait une faute lourde de l’Etat et justifierait des dommages-intérêts. On est dans l’absurde et un excès de prétendu pouvoir par ces « juges autoproclamés »
Cela n’empêche pas de discuter du fond par exemple des droits du salarié dans l’entreprise privée. La loi n°2016-1088 de Mme El Khomry dite loi travail   a introduit le principe de neutralité au sein du règlement intérieur de chaque entreprise. La loi stipule : « le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions  des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres  libertés ou droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise si elles sont proportionnées au but recherché ».C’est clair c’est notre droit et je ne pense pas que le comité des juristes de l’ONU trouvera une critique à formuler  sauf à s’immiscer dans notre démocratie ? .Il faut aussi tenir compte  de ceux qui dirigent l’entreprise et la fréquentent. C’est pareil  dans l’entreprise publique qui n’appartient à personne mais qui est la propriété de tous et qui doit rester neutre .
Cette législation globale  résulte  du droit de la société de prendre des précautions et de savoir toujours à qui on a affaire, ses droits et devoirs surtout dans le contexte d’insécurité,  de menaces diverses, d’attentats et de délinquance. Elle est faite aussi pour que chacun ne soit pas choqué par le comportement de l’autre. En conséquence   il peut y avoir un conflit de droits, ou un affrontement entre les libertés individuelles et le devoir de protection générale. Les droits de l’homme ne doivent pas être instrumentalisés. Il faut déjà les appliquer dans un consensus difficile à obtenir, les faire comprendre pour les conforter pour qu’ils redeviennent conquérants et exemplaires. Et l'Onu n'a pas la même interprétation que la Cour européenne des droits de l'homme: qui a raison?
Avant de voir la paille de la laïcité qui indispose chez l’autre il faut balayer devant sa porte. Cela évite de prendre des poutres de l’intolérance qui  favorise l’individu exclusivement sans tenir compte de ceux avec qui on vit, en pleine figure.  

lundi 22 octobre 2018

Un pays d’où l’on revient


                    Un pays d’où l’on revient.
           Par Christian Fremaux avocat honoraire et élu local.

Je reviens de nulle part .
Il faut pourtant prendre un vol d’Air Ethiopian qui dure 7h30 la nuit à partir de Roissy Charles-de-gaulle, puis arrivé au très petit matin à Addis-Abeba capitale de l’Ethiopie remonter dans un avion  qui nous transporte quelques centaines de kilomètres plus loin en une heure de vol jusqu’à un territoire indépendant qui  part de Djibouti   avec  une frontière commune  avec  l’Ethiopie au sud,  puis  qui longe sur 750 kilomètres le golfe d’Aden et les débuts de l’océan indien .La façade maritime dans cette région menacée et en conflit  de tout côté est donc importante. On se situe par 8° et 11’30 de latitude, et par 42°45’ et 49° de longitude, en tendant vers l’équateur. Nous sommes en plein dans la corne de l’Afrique, celle de l’est. En face c’est le Yémen, Oman et les émirats arabes avec Dubaï  qui investit, et le poids lourd l’Arabie Saoudite. C’est dire si la région est stratégique et combien les puissances régionales comme certaines plus lointaines s’intéressent au pays, à ses ports, à son emplacement , à ses ressources naturelles qui émergent, à sa place dans la région et à ses ambitions légitimes comme pour tout peuple, dans un contexte diplomatique difficile résultant de ce que les anciens pays colonisateurs ont laissé comme tracés et comme nécessités organisationnelles et administratives en général , avec l’Union Africaine qui se hâte lentement dans l’examen des revendications  de puissance publique et étatique et le différend désormais ancien et  récurrent qui concerne la Somalie celle qui a pour capitale Mogadiscio.
Ce pays couvre environ 137.000 kilomètres carrés, a une population de près de 4 millions de citoyens  donc plus  nombreuse que dans certains pays voisins du continent connus et reconnus , souvent agriculteurs, éleveurs de chèvres et de bestiaux divers qui vivent  dans un rude désert de pierres . Sa capitale Hargeisa a environ 1 million d’habitants, où les constructions nouvelles en dur qu’il a fallu édifier - car en raison de la guerre 90% de la ville avaient été ravagés  outre les pertes humaines dramatiques -,  côtoient des habitats  anciens plus précaires faits de bric et de broc. Les routes bétonnées ou en bon état sont rares -on y voit des carcasses de voitures ou de matériel abandonnées – mais ce sont  plutôt des chemins ou pistes même en ville en terre qui dominent, et à la saison sèche  c’est la poussière qui vole, qui recouvre tout , personnes, animaux, arbres, maisons , mosquées, outils, matériaux et  qui se mélange avec les détritus  plastique qui jonchent tout, tous  et partout et colorent l’environnement. Les écologistes donneurs de leçons en occident  ont du pain sur la planche !. Les petits commerces de toute nature florissent . La nourriture est à base de riz et de pâtes (importées), de viandes diverses (nos végans s’étrangleraient de rage) , et de fruits. On boit de l’eau minérale en abondance jamais le moindre alcool croyance oblige -bien qu’une eau de robinet potable existe -, et le soir l’éclairage public est fort. Malgré l’agitation  globale car il y a beaucoup de monde dans les rues, des femmes  qui portent le voile ou la burka, les enfants des écoles qui vont et viennent, les hommes qui s’affairent, les chèvres  sans trop bêler  voire les dromadaires faméliques et déblatérants  qui circulent librement ,  le calme relatif surprend , et je n’écris pas l’ordre règne à Hargeisa car j’ai vu peu de policiers dans la rue  mais je suis peut être naïf ou inattentif , avec  une circulation  intense de grosses voitures 4/4 en très bon état  de fabrication japonaise . Bref à Hargeisa on vit comme partout ailleurs, le plus paisiblement possible (la délinquance est marginale selon les autorités ?) avec un niveau de vie adapté aux possibilités financières même s’il est naturellement  insuffisant (  le pays ne reçoit aucune aide internationale)  et que certains restent sur le bas- côté dans la pauvreté. On y entend chanter le muezzin régulièrement , mais on ne voit pas les fidèles prier dans la rue,  et le soleil se couche vers 18 heures du moins quand j’y étais avec une nuit très noire qui s’installe….
J’avais été invité comme connaisseur de l’ordre public international notamment, des organisations internationales, et de ce que l’on appelle un Etat, à participer les 11 et 12 octobre 2018 à Hargeisa, à une conférence cruciale pour le pays qui s’intitulait : « achievements and challenges ahead 27 years later ».J’ai passé près d’une semaine sur place en bougeant.  27 ans après la proclamation unilatérale de leur indépendance en 1991,  les autorités voulaient démontrer à la communauté internationale que leur  pays a atteint un niveau de démocratie et de fonctionnement qui lui permet d’être reconnu comme un autre Etat , même si tout n’est pas parfait, mais quel Etat peut se vanter de n’avoir pas de points faibles dans sa pratique quotidienne, ses valeurs, et en comparaison d’autres Etats. On peut toujours faire mieux.  M.joel Broquet grand spécialiste des diasporas africaines en France (qui jouent un grand rôle dans notre propre démocratie par exemple dans les banlieues)  et  président du partenariat eurafricain qui était aussi à l’origine de la mission , était le deuxième délégué qui venait de France.   Nous avions été  mandatés  pour observer et donner nos avis par le représentant du pays en France M.Ismael Ali Hassan : on ne peut dire ambassadeur car il ne peut présenter des lettres de créance officielles de son pays qui n’est pas -encore  -formellement un Etat mais il  exerce des fonctions similaires et gère aussi  la diaspora de ce coin  spécifique de l’Afrique . Participaient  à ce colloque des délégués venant d’Afrique, d’Asie,  d’Europe et du  reste du monde. C’est dire le sérieux du constat et des propositions. Il y eut deux jours pendant lesquels des personnalités du pays expliquèrent les politiques publiques, les réussites comme les échecs, les défis à relever, les demandes d’aide et de coopération. Chacun put apporter sa pierre à la construction de solutions réalistes pour améliorer la situation, critiquer cependant des initiatives ne paraissant pas pertinentes , en attendant que le pays devienne un Etat de fait établi comme de droit  classique aux yeux de la communauté internationale, dans la paix et surtout le rapprochement avec les frères de la Somalie voisine.  Nous avons eu l’honneur mon collègue et moi d’être reçus par le président de la république du pays, accompagné de son ministre des affaires étrangères qui avait organisé la conférence, et de discuter plusieurs heures en visitant avec de nombreux ministres et parlementaires , dont des députés venant de Djibouti parlant… français.
Il faut connaitre l’histoire de ce pays pour comprendre   ce qu’il veut obtenir depuis sa naissance il y a 27 ans.
Historiquement la Somalie dont le territoire s’étend  principalement le long de l’océan indien en partant de l’extrême est de la corne de l’Afrique, jusqu’aux frontières avec le Kenya et l’Ethiopie  du sud vient  du protectorat britannique sur la partie nord- ouest  (celle où j’étais) et du protectorat  italien pour le reste  avec sa capitale Mogadiscio , bien connue pour diverses raisons parfois mauvaises et reconnue par la communauté internationale. C’est une république fédérale.  En 1960 la Somalie gagna son indépendance sur le plan extérieur, mais sur le plan interne des conflits subsistèrent. La guerre civile éclata entre frères qui conduisit à une séparation de fait entre le pays à partir de 1991 et la Somalie « officielle » avec  des tentatives pour essayer de trouver une solution diplomatique et pacifique après une guerre violente  qui fut dévastatrice en hommes et infrastructures. Le 18 Mai 1991 fut actée l’existence de deux entités distinctes, dotées chacune d’un territoire délimité, de pouvoirs politiques, d’habitants, avec en commun l’islam comme religion. Le pays d’où je viens mit en place une gouvernance, et créa progressivement   un proto -Etat.
Je n’insiste pas sur les difficultés que rencontre la Somalie de Mogadiscio, qui eut des gouvernements erratiques, voir plus d’Etat, subit la pression islamique des shebabs liés à Al- qaida, le terrorisme et la piraterie maritime… Les Nations-Unies durent envoyer des casques bleus entre 1992 et 1995 :  ce fut la mise en pratique d’un droit d’ingérence humanitaire d’ailleurs non prévu par les textes, mais il fallait préserver l’essentiel, y compris pour la communauté internationale car cette Somalie bénéficiait et cela continue d’un siège à l’ONU,  et également à l’organisation de l’union africaine et à la ligue arabe notamment. En 2018 le pays connait toujours une crise sécuritaire très grave. Le quai d’Orsay déconseille d’y aller…
Depuis 1991 à Hargeisa- où j’étais -le pays est réel, visible, tangible,  mais il  n’existe pas en droit international puisque on ne lui reconnait pas le statut d’Etat. D’où ses espoirs pour l’être en montrant qu’il en remplit les conditions.
C’est la convention de Montevidéo de 1933  sur les droits et les devoirs des Etats qui a fixé 4 critères pour caractériser  un Etat  souverain. Il faut :
*être peuplé en permanence ;
*contrôler un territoire défini ;
*être doté d’un gouvernement ;
*être apte à entretenir des relations étatiques.
Le pays d’où je reviens entretient déjà des relations  commerciales avec de nombreux Etats ou leurs entreprises. C’est bien mais pas suffisant. Il prouve qu’il répond en outre aux 4 critères :
1-il y a régulièrement des élections .Le président actuel  est M.Musa Bihi Abdi élu pour 4 ans au scrutin majoritaire unilatéral à deux tours, mandat renouvelable une fois. Les observateurs internationaux n’ont formulé aucune remarque négative sur son élection. Le régime est présidentiel avec un vice-président et sans 1er ministre. Les 82 députés sont aussi élus, et il y a une chambre des anciens (une sorte de sénat ou chambre des lords) qui sont nommés. Des élections locales ont lieu. Il y a trois partis politiques officiels ;
2-Il y a une constitution officielle votée en 2000 qui allie la charia et les droits de l’homme, ce qui est  compatible selon les interlocuteurs rencontrés qui n’ignorent pas que l’on doute du respect  effectif des droits de l’homme. Ils répondent que cela s’apprend comme la démocratie et qu’il faut un haut niveau de vie économique et culturelle pour que l’on accepte certaines valeurs et pratiques ; leur droit s’appuie certes sur la charia mais aussi sur les coutumes, la loi du parlement, que le système judiciaire applique. La presse y est libre.
3- le pays est peuplé en permanence  dans les villes et villages, et il y a des nomades. On y parle d’abord le somali, puis l’arabe, et enfin l’anglais ou l’italien. Il y aurait 7-8% de francophones.  Il y a  un budget (les impôts rentrent bien m’a-t-on affirmé ?) ,une monnaie bien que l’opérateur Télésom ait créé un service de monnaie virtuelle (ziad) via le téléphone portable pour suppléer la faiblesse du secteur bancaire. Chacun respecte la religion d’Etat qui est l’islam toute autre religion étant interdite . Enfin on développe les richesses culturelles notamment  avec le magnifique site archéologique de Las-geel  fouillé par les spécialistes de l’université de Montpellier III ;
4- le territoire est bien délimité  et suit les frontières de l’ex-protectorat,  protégé par une armée organisée et bien équipée  en raison des menaces diverses. Il y a un différend larvé avec le Puntland au nord-est qui revendique sa place, mais c’est un statu quo. Le principal port Berbera  qui est proche de Djibouti joue un rôle grandissant. Il a une base navale et aérienne  qui a été concédée depuis février 2017 aux Emirats arabes unis pour 25 ans. Dubaï y a mobilisé des fonds importants pour prolonger le quai de plusieurs centaines de mètres.  L’Ethiopie a pris un accord pour un accès.
Le pays entretient  des relations étatiques, y compris avec la Somalie même si dans ce cas on avance peu, on fait plutôt du surplace !.
Les autorités estiment que leur pays qui est une démocratie selon elles, doit devenir un Etat et entrer dans le concert des nations. Elles ne sous -estiment pas les difficultés qui sont juridiques, diplomatiques , humaines et comprennent que les intérêts des autres ne  coïncident  pas avec les leurs, que la Somalie rechigne et  que la communauté internationale en particulier l’union africaine ne veut pas provoquer un appel d’air en faisant droit à leurs revendications. Mais elles pensent que l’on ne peut ignorer durablement  un peuple  qui a les mêmes droits  humains que les autres, qui ne doit pas être pénalisé par des prétextes de droit ou politiques au sens des puissances souveraines, et que l’histoire va dans leur sens. Les conditions de la naissance de ce pays peuvent être discutées, mais il y a des précédents similaires dans le monde, et ce pays ne cherche pas à s’étendre par la force, ou priver ses voisins d’un bout de territoire. Il a repris ce qui existait…

Je n’ai pas à donner de conseils car je n’ai aucune légitimité et je ne représente que moi. Je suis venu dans ce pays, j’ai vu, j’ai été convaincu qu’il y avait une gouvernance, une puissance publique, les attributs d’un Etat, même si je ne connais pas le dessous des cartes,  et que je sais que la vie internationale  n’est pas un long fleuve tranquille, que les enjeux sont stratégiques et qu’il faut être réaliste. Mais  rappelons nous la formule classique « ils ne savaient pas que c’était  impossible, ils l’ont donc fait ».
Quand un individu appelle au secours on l’aide sans arrière- pensée. Quand un peuple est uni et veut vivre ensemble  avec un destin commun cela devient une nation de fait  et on l’encourage. Quand la nation de fait  veut devenir un Etat en droit  reconnu par la communauté internationale on ne peut pas prendre le risque de la marginaliser ce qui est un échec  et un danger  pour tout le monde car on peut la jeter dans l’inconnu où tout est possible.
Si le commerce ne suffit pas,- car on ne peut tout privatiser-, si les accords bilatéraux ne peuvent rien, si la diplomatie ne trouve pas un compromis,  restent la justice internationale et le droit. Ce justiciable pourra ainsi réussir à s’imposer. Il devra respecter ses droits et devoirs, rendre des comptes, s’intégrer sur le plan régional et international ce qui est toujours un progrès pour l’humanité, donc un grand bond en avant pour la démocratie.
Ce pays c’est le Somaliland. 
Je suis de retour à paris. Je reviens de nulle part.  







vendredi 28 septembre 2018

Fraternité et/ou solidarité


                            Fraternité et/ou solidarité
             Par Christian FREMAUX avocat honoraire et élu local.

Chacun connait la devise de la république liberté, égalité, fraternité qui est un idéal commun(article 2 de la constitution).  Celle de la 5 ème république qui nous régit depuis 1958 renvoie à la déclaration des droits  de l’homme et du citoyen de 1789, c’est-à-dire à l’exercice de droits individuels mais en même temps au respect de devoirs collectifs comme membre d’une nation. Notre société actuelle a tendance à ne voir que la partie avantages personnels, privilèges divers, satisfaction de toute minorité sur tout sujet y compris ceux qui concernent l’homme (ou la femme je fais attention à ne pas les oublier) en général, l’humanisme, le transhumanisme… sans s’apercevoir qu’une majorité qui ne demande rien , puisse être choquée ou que l’on  considère que ceux qui ne sont pas forcément progressistes sont d’affreux conservateurs voire réactionnaires (quand on ne les taxe pas d’être fascistes) et qu’il convient de les vilipender. C’est comme cela que l’on fait le lit du populisme !  mais ce n’est pas mon sujet aujourd’hui .
La liberté c’est le pouvoir d’agir ou de décider sans contrainte, de n’être soumis à aucun maître, de n’avoir à demander la permission à aucune autorité. Cela va très bien au teint du français fier d’être gaulois non réfractaire aux changements mais prudent et de bon sens. Nos libertés individuelles sont protégées par l’autorité judiciaire  et l’état de droit conforte nos libertés publiques. .
L’égalité  qui est l’absence de toute différence de grandeur ou de qualité, est définie par la déclaration de l’homme et du citoyen en son article 1 : tous les hommes naissent égaux en dignité et droits …  On est cependant réaliste : on sait qu’il y en a de « plus égaux » que d’autres, que certains ont des avantages et des passe droits (on l’a vu dans l’affaire dite Benalla le collaborateur désormais licencié de notre président ) et que l’égalité est plutôt un combat qu’un long fleuve tranquille. Par exemple sans être naturellement exhaustif,  les femmes qui se battent pour l’égalité salariale, ou des jeunes des quartiers partis à la dérive qui voudraient avoir une égalité des chances, ou les retraités du privé qui  souhaiteraient avoir les mêmes conditions de retraite que ceux du public…Avec l’égalité on y associe le terme d’équité ce qui démontre qu’il faut nuancer et que tout n’est pas parfait.
La fraternité c’est le lien  moral qui existe dans une fratrie, une famille et plus largement entre les humains qui participent à un même idéal, qui se respectent dans leur diversité,  qui sont tolérants  mais  qui partagent les mêmes valeurs,  et qui  tissent un destin collectif  affectif de paix et de compréhension. La fraternité c’est un sentiment qui dépasse l’égo, qui rassemble. C’est toujours l’article 1 de la déclaration des droits de l’homme : « …tous les êtres humains…sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans  un esprit de fraternité ». Le professeur Albert Jacquard  l’a définie ainsi en 1997 : « la fraternité a pour résultat de diminuer les inégalités tout en préservant ce qui est précieux dans la différence » .L’actualité à propos des migrants a mis en lumière la notion de fraternité. Peut -elle s’opposer à la loi,  peut- elle contrebalancer le délit de solidarité ? L’émotion  est -elle supérieure à la raison ?. Le conseil constitutionnel s’est prononcé le 6 juillet dernier en faisant entrer la fraternité dans le bloc de constitutionnalité. Expliquons à partir du cas concret.
M.Cédric Herrou est agriculteur dans la vallée de la Roya par où passent de nombreux migrants (ou clandestins) qui veulent s’installer en France ou poursuivre leur chemin. M.Herrou a un grand cœur, et il considère que le devoir de tout homme est d’aider celui qui est dans le besoin et la souffrance, et qu’il doit agir dans le cadre de la solidarité qui est pour lui l’application du principe de fraternité, serait- il en infraction avec la loi. C’est le cas car existe une infraction punie par la loi qui est le délit de solidarité, notamment prévu  par l’article L.622-1 du code de l’entrée , du séjour des étrangers et du droit d’asile de 1945. Notons que la loi a évolué  depuis la sortie de la guerre pour atténuer progressivement les conditions du délit  et  les pouvoirs publics ont pris la mesure  du phénomène migratoire qui s’amplifie, de la nécessité de préserver la dignité et l’honneur de ceux qui tentent leurs chances, mais aussi de protéger les citoyens collectivement , de faire en sorte que notre pays ne soit pas débordé et que l’aide humanitaire n’entraine  pas  des tensions et des difficultés internes. Chacun connait le débat je n’y insiste pas. Il sera réglé  peut être en partie lors des élections européennes de 2019 où il faudra départager les mondialistes tournés vers l’accueil,  et les nationalistes avec qui on annexe les populistes ce qui n’est pourtant pas de même nature, qui pensent qu’il ne faut pas s’ouvrir à tous vents mais qu’il faut réguler et faire des choix  pour conserver notre identité.   C’est aussi un conflit de  droit et de légitimité entre ceux qui privilégient l’homme ou la femme et les enfants  quoiqu’il arrive  donc l’émotion, et ceux qui ont la responsabilité de maintenir la cohésion sociale ,  qui respectent la loi avec discernement bien sûr et qui se réfèrent à la raison. Comme pour n’importe quel  sujet puisque la société est judiciarisée (comme pour le  droit d’expression ou d’humour-peut -on parler de tout ?) ce sont les tribunaux judiciaires qui sont chargés de condamner ou non. On critique le pouvoir des juges, mais on les charge de faire l’arbitre sur ce qu’il y a de plus difficile et conflictuel dans notre société et de prendre les responsabilités à notre place ! C’est un paradoxe de plus dans la confusion ambiante.  
C’est en réalité un débat philosophique sur les valeurs, entre la loi qui doit poser un principe général, qui protège les libertés et définit l’intérêt collectif, et la solidarité  qui ressortit plus de la conscience individuelle même si l’Etat l’organise au bénéfice des plus démunis d’entre nous.  
M.Herrou avait  été poursuivi et condamné par la cour d’appel d’Aix-en-provence à 4 mois de prison avec sursis pour avoir transporté  environ  200 migrants de la frontière italienne à son domicile, et d’y avoir créé un centre d’accueil .Ce n’est plus de la compassion , c’est de l’amour en gros, un quasi métier mais je ne veux pas être cynique ou condescendant dans une affaire humaine avant tout. Chacun a les ambitions et l’opinion qu’il veut ! Devant la cour de cassation son excellent  avocat Me spinosi avait  déposé une question prioritaire de constitutionnalité (Q.P.C) qui consiste à interroger avant toute décision  finale le conseil constitutionnel sur la validité d’une disposition  légale, fut -elle très ancienne. Selon M.Herrou et son avocat la loi  qui existait sur le délit de solidarité bien qu’aménagée en 1990 et surtout en 2012, était encore floue  car elle ne distinguait pas assez suffisamment l’assistance rémunérée, le trafic des passeurs,  et l’assistance désintéressée celle des indignés, des militants, des engagés…C’était donc le procès émotion contre raison. Le conseil constitutionnel a donné raison aux demandeurs par  décision  du 6 juillet 2018 en estimant que la loi ne conciliait pas suffisamment le principe de fraternité et la sauvegarde de l’ordre public, malgré  l’existence de diverses exemptions  comme la simple aide juridique, ou des prestations d’ hébergement,  ou des soins médicaux visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de l’étranger en situation irrégulière , sans aucune contrepartie. M.Herrou doit donc avoir les moyens de sa générosité ? Le conseil constitutionnel a considéré qu’il en découlait « la liberté d’aider autrui dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ».Ce raisonnement qui détache un droit de tout fondement légal  va-t-il s’appliquer à d’autres situations ?
 On a crié que le délit de solidarité n’existait plus en fait après cette victoire judiciaire et   que les libertés fondamentales avaient gagnées ,que le législateur devait s’exécuter immédiatement et supprimer l’infraction.   Mais ce n’est pas entièrement  le cas, car personne ne détient la vérité tout seul  fût- il compris par les sages du conseil constitutionnel, et le législateur essaie de contenter aussi ceux qui ne sont pas d’accord avec des initiatives personnelles, la loi devant refléter l’intérêt général.  Les parlementaires ont donc réfléchi pendant les débats en cours et ont intégré le principe fraternité qui a une portée juridique mais à leur façon.
Dans la loi votée le 1er août dernier dite  «  asile et -immigration » les représentants du peuple n’ont pas aboli le délit de solidarité, qui peut donc toujours être invoqué par les pouvoirs publics et entrainer des condamnations. On a voulu éviter un « appel d’air » en laissant à chacun le droit d’agir selon sa conscience , d’aider et d’accueillir n’importe quel  individu clandestin ,migrant pour des raisons qui ne lui permettent pas d’avoir le statut de réfugié. La nouvelle loi a vidé le texte applicable  précédemment de sa substance et  permet  désormais des gestes forts car elle exonère «  toute personne physique ou morale lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte, et a consisté à fournir des conseils ou accompagnements juridiques, linguistiques ou sociaux ou toute autre aide apportée dans un but exclusivement humanitaire ». On va donc juger au cas par cas et les condamnations seront plus difficiles. Attendons la jurisprudence, mais surtout  constatons les conséquences : les migrants ainsi admis sur le territoire , pourraient considérer être entrés  « régulièrement » dans le pays, et revendiquer des aides officielles ? Les plus émus s’en féliciteront. Les autres rechigneront.  L’empathie pour l‘être humain peut donc se concilier avec la rigueur de la loi.  Dont acte c’est un progrès, mais le conseil constitutionnel s’est substitué au législateur donc au peuple français. C’est son droit et l’avenir dira s’il a bien fait.  
Le principe de fraternité est devenu constitutionnel, comme celui de la continuité de l’Etat et du service public ; ou le respect de la dignité humaine ; ou la liberté d’entreprendre ; ou le respect de la vie privée. Les futures lois devront en tenir compte, comme les tribunaux chargés d’examiner telle ou telle poursuite. Ce n’est plus le cas « humanité  contre Etat » qu’il faut juger. C’est désormais l’Etat qui a comme exigence consubstantielle celle de respecter l’homme d’où qu’il vienne, quelque soit sa situation de droit, mais en conservant le devoir de protéger nos libertés et intérêts vitaux et j’ajoute nos modes de vie et nos valeurs. Mais c’est une appréciation personnelle. Pour l’instant je me réjouis que la fraternité soit devenue une valeur incontournable, que nos rappeurs les plus haineux et violents, que les terroristes individuels qui jouent du couteau contre un passant, et tous les délinquants  petits et grands respecteront, je n’en doute pas. En 1978 est sorti un film intitulé « et la tendresse bordel ! ». Désormais on s’ écriera : « et la fraternité au nom de la loi » !

lundi 17 septembre 2018

Tomber de charybde en scylla ou le droit enjeu de pouvoir.


Tomber de charybde en scylla ou le droit enjeu de pouvoir.
Par Christian Fremaux avocat honoraire et élu local.
Le feuilleton  benallesque   -  du nom de M.Benalla ancien garde du corps  ou organisateur des voyages  de M. Macron  - continue de plus belle alors que la justice est saisie, et devient inquiétant pour les institutions et notre état de droit,  à savoir qui décide de l’appliquer et comment. Tout justiciable potentiel que chacun d’entre nous est , s’interroge pour savoir pourquoi  on s’empoigne au plus haut niveau de ceux qui sont élus  ou nommés pour gouverner et faire respecter la loi. A partir du fait divers d’un quidam (M.Benalla) qui par les faveurs du prince s’est cru tout permis  et a participé à une interpellation musclée de deux manifestants ou badauds  du 1er Mai qui insultaient les CRS et leur avaient jeté des bouteilles ! l’indignation feinte ou supposée  a entrainé  une plongée brutale sur la présidence de la république ,ses méthodes et pratiques : comment un jeunot de 26 ans peut il se retrouver à ce niveau, bien payé, protégeant le président et ayant divers avantages matériels ? Comment la sécurité du président de la république fonctionne- t -elle ? Y a-t-il eu des dysfonctionnements ou des abus ? Ces questions sont légitimes mais à force de polémiques on peut aboutir à une embrouille majeure qu’il convient d’expliquer puisque les institutions sont en jeu.
M.Benella a été mis en examen, avec son ami du parti Lrem, et des juges d’instruction vont lui poser toutes les questions utiles. On aurait dû s’en tenir là et laisser faire les magistrats, sans les influencer ou vouloir leur mettre la pression. La justice œuvre en secret,  ou plutôt discrètement tant la violation du secret de l‘instruction  est devenue un sport national, car les médias veulent tout savoir immédiatement, à chaud pour faire leur commentaire voire juger par elles mêmes, ce qui est une déviation de l’état de droit chacun devant bénéficier de la présomption d’innocence et avoir droit à un procès contradictoire et équitable avec le respect des droits de la défense. Mais ceci c’est pour la théorie qui concerne toujours soi, pas celui que l’on veut accabler et dont on a besoin pour faire le buzz ou de la politique politicienne, ou pour rassurer le bon peuple. Un match de boxe a donc commencé et chacun espère le K .0. de l’adversaire. D’un côté Mme Belloubet garde des sceaux et du droit mais aussi  ministre donc membre de l’exécutif nommé par la volonté de M.Macron président de la république, qui rappelle que le principe de séparation des pouvoirs interdit au parlement d’empiéter sur le domaine judiciaire et qui tente ainsi de protéger le travail des juges d’instruction saisis, et en même temps de faire en sorte que l’on n’enquête pas sur  la présidence de la république et que l’on vise M.Macron.  Elle a raison sur ces principes.
 De l’autre côté du ring, on trouve M.Philippe Bas président de la commission des lois au sénat qui veut faire mieux  que la commission des lois de l’assemblée nationale qui s’est sabordée, et montrer que les sénateurs ont le sens de l’intérêt général, sont sérieux et restent dans leur  rôle de contrôle de l’exécutif, respectent  les règles et usages , ne reçoivent d’ordres ou recommandations de personne, et sont déterminés à faire apparaitre la vérité sans dépasser leurs prérogatives. Il a raison aussi sur ces principes.  
Mais si tout le monde a raison comment allons nous pouvoir conclure ? Qui va avoir tort au final, sauf M.Benalla bien sûr ?
La séparation des pouvoirs est une règle d’organisation des pouvoirs publics  élaborée  par Montesquieu  dans son ouvrage sur l’esprit des lois  en 1748 ,norme qui a inspiré la  constitution française de 1791 et celle des Etats unis d’Amériques (checks et balances ou contre pouvoirs).Il s’agit de se protéger contre la puissance d’un pouvoir qui conduit au despotisme. Il écrit au chapitre IV : « c’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser… pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Il distingue trois pouvoirs : l’exécutif, le législatif, et le judiciaire .Revenons à l’actualité.
Dans la constitution de la Vème république votée en 1958 et qui est en cours, il y a deux pouvoirs : l’exécutif (le président de la république élu depuis 1962 par le suffrage universel et le gouvernement avec les ministres qu’il désigne) ; et le législatif  (le parlement avec les députés et les sénateurs.) Les juges ne forment pas un pouvoir : ils sont une simple autorité judiciaire, ce qui explique pourquoi la classe politique les prend de haut. On n’est pas comme aux USA par exemple où la cour suprême formée de juges nommés à vie, donc indépendants, donne des leçons et des injonctions, ou fixe les règles à ne pas dépasser et peut ordonner une enquête sur quiconque, fût ce le président élu du pays. Où comme dans certains pays qui ont un état de droit tel que les juges sont tout puissants. Notre démocratie est libérale mais pour l’instant on demande aux juges de rester où ils sont , de ne pas empiéter sur le domaine politique, même s’il leur est permis de faire leur métier  et par exemple de modifier en pratique  le cours d’une élection présidentielle (je pense à F. Fillon qui a renoncé en 2017 et  qui n’est pas encore jugé !).Dans notre état de droit il y a un débat récurrent qui oppose deux légitimités : celle des élus qui  ont tendance à penser que seuls leurs électeurs peuvent les juger, bien qu’ils fassent entièrement confiance à la justice de leur pays ; et celle des juges qui considèrent que tout le monde, élu ou non, puissant ou misérable est égal devant la loi, et qu’ils ont donc le droit d’enquêter, de poursuivre, puis de condamner ou de relaxer ceux qui sont passés entre leurs fourches caudines.
Dans l’affaire dite Benalla on assiste actuellement à un conflit entre l’exécutif qui ne souhaite pas que l’on aille plus loin dans l’enquête du sénat et qu’on laisse la justice faire son travail, et le législatif représenté par les sénateurs (surtout l’opposition ) qui veut continuer à investiguer pour connaitre la réalité des faits, tout en respectant la justice sans aborder son dossier. On fait donc de la dentelle et non pas du découpage de gros.  C’est plutôt inédit comme  dispute  institutionnelle et c’est surtout subtil en droit.  ! Je ne crois
pas que le citoyen moyen, non sorti de l’e.n.a ou non juriste professionnel comprenne quelque chose .Il a  simplement le sentiment que l’on dérape et que l’on veut noyer le poisson. Le droit est au centre du pouvoir et peut servir aux uns à faire chuter les autres. C’est malsain dans une démocratie.
On est témoin d’initiatives curieuses : M.Macron a téléphoné à M.Larcher président du sénat. On ne connait pas la teneur de la conversation qui aurait porté sur le respect des principes  constitutionnels et la non immixtion des sénateurs dans le fonctionnement de l’Elysée ? Si c’est vrai , étonnant non ? ce besoin du président de faire la leçon aux grands élus des communes de France comme s’ils ne connaissaient pas les limites de leurs pouvoirs . Mme  Belloubet de son côté, en sa qualité de ministre je l’ai dit plus haut, s’est transformée en conseil juridique  de fait de M.Benalla - qui a un excellent avocat par ailleurs - en rappelant aux sénateurs qu’ils devaient laisser les juges accomplir leurs missions, et que M.Benalla ne pourrait pas  répondre à toutes leurs questions. Ce qui a incité ce dernier  d’abord à ne pas vouloir se rendre à la convocation de la commission d’enquête puis de changer d’avis, car il  risquait une sanction pour refus de déférer. Devant un juge on peut se taire et mentir c’est la loi. Devant des parlementaires on doit dire la « vérité » en prêtant serment  sous peine d’être parjure et d’être poursuivi.  M.Benalla devra faire son choix, sachant que l’on peut dire la vérité partout tout simplement. 
Les sénateurs Lerm ont alors décidé de boycotter leur propre commission d’enquête : c’est la débandade.
 On peut conclure de toutes ces péripéties que le pouvoir politique ne s’est pas grandi -toutes tendances confondues – dans la gestion de cette crise qui est devenue institutionnelle et qui va laisser des traces. La réforme constitutionnelle qui était en cours d’examen en juillet au moment où l’affaire Benalla a éclaté doit revenir en débats dans les semaines ou les mois qui viennent, si elle revient ? .Cette réforme était -est- indispensable pour améliorer le fonctionnement de notre démocratie en donnant les moyens aux citoyens de donner leur avis entre deux élections,   pour être plus participatifs , pour rendre le parlement plus performant dans ses missions de contrôle et de propositions… en confortant les institutions de la Vème république qui sont solides et permettent de résister aux crises, même au plus haut niveau.  Vouloir instituer une VI ème république n’a pas de sens car tout repose toujours sur  l’action des hommes et des femmes, par le respect de l’intérêt général et le retour vers le futur n’améliorerait rien.  
Le droit ne doit jamais être une variable d’ajustement ni un enjeu de pouvoir sauf à le discréditer  et rendre encore plus méfiants les citoyens qui  ont un amour mitigé de la justice et des magistrats en général  (je pense aux magistrats dits « rouges » ou partisans ce qui est une infime minorité). On devrait profiter des polémiques pour rendre justice aux juges et leur conférer le pouvoir institutionnel que l’on ne veut pas leur accorder de peur que ce soit eux qui aient le vrai pouvoir. On peut trouver des solutions pour que ce ne soit pas le cas mais on ne peut être balloté selon les opinions politiques qui fluctuent dans l’interprétation du droit selon leurs intérêts.  Notre démocratie se caractérise par un  état de droit qui ne peut fonctionner qu’avec une justice forte et indépendante, donc des arbitres impartiaux qui appliquent les lois votées au nom de la majorité du peuple français, et qui garantissent les droits  individuels et la protection des libertés publiques. Et si M.Benalla bénéficiait d’un non- lieu au-delà de l’aspect moral de son comportement ?.
La réforme constitutionnelle qui a été renvoyée peut être aux calendes grecques prévoyait la suppression de la cour de justice de la république  ce qui signifiait que les ministres seraient devenus des  justiciables comme les autres. On doit avoir confiance dans les juges qui peuvent se tromper bien sûr, car ils n’ont pas le monopole de la vérité, mais qui tranchent  objectivement les litiges. On a le droit de maudire son juge, mais on ne peut lui faire un procès d’intention.
Si la réforme de la justice et la clarification des rapports entre les pouvoirs pouvaient résulter de l’affaire Benalla, on devrait le remercier .Quel paradoxe ,comme quoi  avant de crier au scandale d’Etat il faut  tourner sa langue 7 fois dans sa bouche.
Christianfremaux .blogspot.fr.