« Mon dernier rêve (de 2016) sera pour vous »( titre de Jean d’Ormesson à propos de Chateaubriand).Par Christian FREMAUX président d’honneur de l’ANA-INHESJ.Avertissement : cet article a été rédigé pour L’AUDITEUR le bulletin de liaison de l’association nationale des auditeurs de l’INHESJ et paraîtra en début 2017.
Enfin nous y sommes. L’élu(e ?) que nous attendions
non pas comme le messie laïcité oblige mais comme celui ou celle qui porte tous
nos espoirs sera choisi comme président de la république, ou sur le point de
l’être, quand vous lirez ces lignes écrites fin décembre 2016 avant les
primaires de la gauche, et bien sûr avant le résultat du 7 mai 2017. Les
prévisions sont aléatoires surtout si elles concernent l’avenir, comme les
sondages. Certains se réjouiront car leur favori aura réussi –et ils le
savaient avec certitude !-,
d’autres se consoleront en attendant la suite, et les derniers maudiront le peuple
qui n’a rien compris. C’est la loi du suffrage universel. Nous entrerons alors
dans la campagne des législatives car un
chef de l’Etat sans vraie majorité
offensive, qui le soutient sans faille, est soudée et décidée à
réformer, n’est presque rien. Le pouvoir exécutif a besoin du législatif dans
les institutions de la Vème république où tout a été pesé au trébuchet, où
l’équilibre entre les pouvoirs a été
pensé avec le poids de l’expérience de jadis où l’immobilisme la tractation et
l’instabilité régnaient , où par exemple
l’article 49.3 que certains veulent supprimer
a été beaucoup utilisé par les
premiers ministres y compris l’avant dernier, et a un sens puisqu’il permet d’engager la responsabilité
du gouvernement ce qui est une respiration démocratique bienvenue. Avec les
lois et encore plus pour la constitution il ne faut réformer qu’avec des mains tremblantes, car
comme pour les dominos ou l’effet papillon une petite modification peut bouleverser
l’ensemble :on sait ce que l’on a et comment cela fonctionne et on ne peut
se lancer dans l’aventure expérimentale
à partir d’idées généreuses ou apparemment
séduisantes en perturbant l’harmonie même s’il est permis d’améliorer et
d’adapter les textes qui ne sont pas sacrés ou coulés dans le bronze à
l’évolution d’une démocratie moderne .Le
retour vers le futur qui ressemblerait à une IVème république me parait à
proscrire même s’il faut trouver de nouvelles
formes d’expression des citoyens entre deux scrutins et faire en sorte
que l’individu participe plus et
régulièrement à son destin et aux grandes décisions prises en son nom. Les
réformes constitutionnelles lancées à la volée (réduction du nombre des parlementaires,
création à la place du sénat et/ou du conseil économique, social, environnemental
d’un conseil de citoyens tirés au sort, passage à une VIème république
plus « démocratique »avec un parlement revisité) sont à étudier
mais elles ne me paraissent pas la priorité des français. Ce que veulent ces
derniers c’est un président de la
république qui ait surtout du bon sens
et non une idéologie qui renferme et veut plier les faits à la théorie,
qui a choisi après réflexion et études d’impact un cap ,qui assure la
protection contre toutes les menaces et préserve les libertés, qui gouverne avec pragmatisme et qui tient compte de l’expérience
surtout pour résorber le chômage et
faire repartir vraiment la croissance ; qui a de l’autorité pour
l’expliquer et le faire admettre à partir du mandat clair qu’il a reçu par
l’élection ;des projets concrets de
réforme qui vont peut-être bouleverser nos habitudes et nos célèbres droits
acquis (qui deviennent parfois des privilèges dont tout à chacun veut le
maintien ce qui est humain, en s’indignant de ce dont profite l’autre) ou
conservatismes personnels ; un président avec du caractère (ni
mauvais ou rigoriste ni normal
c'est-à-dire hésitant) sans être droit dans ses bottes et sachant trancher sans vouloir faire plaisir à tout le monde et
sans attendre que la situation s’arrange toute seule, selon l’ancien exemple de
M.Queuille.Qui allie donc tradition et modernité avec audace pour que la France retrouve sa
place dans le concert des grandes nations
en portant ses valeurs universelles, et que les français tirent profit
de leurs efforts, après la cure d’austérité
dont ils auraient « bénéficié » ou « été
victimes »,ce qui est relatif pour certains. On rêve d’un progressisme réaliste débarrassé de
prétendues certitudes qui ne décrète pas le bien et qui s’incarnerait dans
l’intérêt général qui n’est pas selon la formule connue, la somme des intérêts
particuliers, ou l’avantage d’un camp contre un autre, privé comme public.
L’égalité est une partie de la devise de la république. Enfin qui rassemble les citoyens de toute confession, y compris
ceux qui ne croient qu’en l’homme en n’encourageant pas les communautarismes au
nom de la diversité, en proposant des défis exaltants dans un avenir commun en
rappelant les caractéristiques de ce qui fait
notre nation avec son passé, ses
échecs, ses succès, sans repentance pour tout et rien, et ses principes
républicains. On a cru que l’on était sorti
des grandes hécatombes, des conflits, que l’ONU réglerait les problèmes du monde qu’il n’y
aurait « plus jamais cela ». On s’est trompé. Francis Fukuyuma avait
prévu la fin de l’histoire à tort :
la démocratie à l’occidentale ne rayonne
pas partout, l’insécurité est permanente, les puissances se défient , le droit
de veto paralyse le conseil de sécurité à New York ; Alep et ses habitants
ont quasiment été rayés de la carte, le terrorisme frappe partout, et les
peuples se rebellent en ne votant plus
comme on le souhaite pour les partis traditionnels et les élites qui se
cooptent entre elles. Il y a des phénomènes nouveaux (la mondialisation , la
cyber criminalité, les migrants de masse poussés par la peur ou la nécessité
pensant trouver l’eldorado ailleurs que chez eux...) que personne n’a anticipé,
ou le réveil des peuples comme les printemps arabes qui ont apporté plus de
chaos que de bonheur pour l’instant. Il faut en tenir compte et trouver des
solutions car l’être humain est essentiel
et on ne peut se barricader dans un camp retranché et repousser ce que certains estiment être des
assaillants. Certes on a le droit et le
devoir de défendre nos propres intérêts et valeurs, mais on ne doit pas être
indifférents aux autres. C’est facile à écrire, encore faut-il trouver un
consensus et agir car si la compassion
ne règle rien par elle-même, l’humanité doit se conjuguer avec l’économie, le
social et la sécurité.
Des vagues de populisme portent au pouvoir des dirigeants
improbables sinon imprévisibles (dont il faudra cependant s’accommoder).Et
pourtant le populisme ne devrait pas faire peur : c’est une idéologie qui se réfère au peuple pour l’opposer à
l’élite des gouvernants ou aux privilégiés qui ont accaparé le pouvoir .C’est
un mouvement politique né à la fin du 19ème siècle en Russie pour lutter contre le tsarisme. De nos jours
populisme rime avec fascisme, ou autoritarisme voire ultra conservateur pour
accabler certains par avance, et est
donc un pouvoir dangereux qui menacerait
les libertés et les citoyens. Dans d’autres pays le pouvoir théocratique
est en place : la religion gouverne, les « ayatollahs » de
toute nature dirigent en imposant leur croyance avec une main de
fer .Il faut donc être très vigilant car
en France en particulier nous savons ce qu’est combattre des dogmes qui veulent
participer à l’exercice du pouvoir : notre loi de 1905 de séparation de l’Etat et des églises doit
être confortée et mieux explicitée. L’Europe
et ses institutions technocratiques
se cherchent une voie
démocratique moderne et des gouvernances
qui permettent aux Etats souverains de le rester, tout en participant à l’histoire de tous. Tout le monde se méfie
de tout et cela ne peut conduire qu’à
des impasses.
Il faut donc revenir à une société de confiance comme
l’avait décrite M .Alain Peyrefitte ministre du général De Gaulle, en 1995.Il
s’intéressait après Adam Smith, Max Weber et Fernand Braudel à
ce « qu’est le développement, qu’est- ce qui permet la modernité, le
progrès et la croissance ? ». A nous
en 2017 de répondre à ces questions si nous voulons entrer dans un
avenir un peu plus radieux.
La fin de l’automne 2016 a été meurtrière dans le
microcosme politique international et national. De grandes figures ont été
poussées à la retraite et doivent chercher un nouveau job en urgence ! Aux
U.S.A. Mme Hillary Clinton est rentrée à la maison, auprès de Bill. La favorite
des médias et élites français qui ne supportent pas M.Trump élu par un plus
grand nombre de grands électeurs et
battu par le nombre de voix, mais c’est le système électoral américain, a chuté, car il y a eu un ras –le –bol du
« cow-boy » de base. Est-ce un signe
pour nous ? Il va falloir s’adapter à M.Trump qui a nommé des
ministres de choc, sans que nous donnions des leçons de morale qui est souvent
notre travers, et sans tout accepter car notre vieil allié sait surtout préserver
ses propres intérêts, et le dollar le mène .Mais on ne peut douter que les USA
resteront une démocratie avec un nouveau
président populiste ou … simplement réaliste.
Les référendums
n’ont pas porté chance à deux jeunes : le Brexit a emporté le fringant
David Cameron, et le dynamique M. Matteo
Renzi a quitté le pouvoir. Ni les succès économiques ni les perspectives de
réussite n’ont sauvé ces dirigeants. Ailleurs ce fut limite. M.Rajoy en Espagne
a enfin obtenu la queue et les oreilles de l’opposition : il a repris le
pouvoir un peu flageolant .Mme Merkel en Allemagne, après un double salto
arrière s’est rétablie et semble glisser vers un nouveau mandat de chancelière.
L’attentat de Berlin du soir du 19
décembre, revendiqué par Daech, sur le marché de noël ne va pas cependant lui faciliter la tâche. En
France ce fut un jeu de massacre. A l’issue de la primaire de la droite-par ailleurs très réussie
et qui a désigné très largement son champion, -MM. Juppé et Sarkozy ont été
libérés de leur engagements avec les français .De même Mme Duflot a dû avaler un O.G.M. qui n’est pas
passé. Quant à M. Hollande il a préféré le renoncement à l’humiliation par une
décision digne et courageuse humainement, même s’il l’a motivée par l’intérêt
de la France et des français ce qui est le moindre des devoirs d’un chef de
l’Etat.IL a nommé M. Cazeneuve qui fut un bon ministre de l’intérieur et a dû
affronter des situations très difficiles, comme premier ministre avec un C.D.D.
court non renouvelable. Comme quoi le
code du travail s’applique à tous.
Pendant ces mois la vie a continué avec ses hauts et ses
bas, ses péripéties , ses malheurs, les sondages permanents erratiques et
les commentateurs qui supputent dans le vide. Il faut
rappeler les principaux faits.
Nous sommes toujours dans l’état d’urgence qui a été reconduit avec juste raison
jusqu’en juillet 2017.Ceux qui de bonne foi le critiquaient au nom de la
préservation des libertés, de la vie privée, de la liberté d’aller et venir ou
de conscience, ou de travail, et sa
prétendue inutilité puisque les terroristes peuvent quand même agir( le prêtre
égorgé en juillet ; les policiers assassinés à Magnanville), n’ont pu
donner aucun exemple concret permettant de se dispenser de cette protection
élémentaire. Bien que non concerné par des mesures de contrainte (si tel était
le cas j’aurais certainement un avis différent)
je préfère une précaution à
l’inconscience débridée. Entre de potentielles victimes et quelques virtuels agresseurs simplement
soupçonnés à tort ce que je déplore, j’opte pour les devoirs ce qui nous change de l’individualisme échevelé,
même si comme avocat, c’ est mon métier que j’exerce avec enthousiasme et
conviction , je défends tous ceux qui le
méritent pour faire reconnaitre leurs droits, et estiment avoir affaire à une
injustice. Mais comme citoyen je me fonds dans le modèle républicain qui nous rappelle que nous avons aussi des
obligations collectives. Certes on n’a pas pu non plus empêcher l’attentat de masse du 14 juillet à
Nice. Je m’incline devant les victimes. En revanche je n’ai pas apprécié la
polémique entre les responsables de la
sécurité de la ville, et ceux de la police nationale, et les plaintes ou
procédures en cours pour déterminer qui n’a pas fait quoi . Les victimes
qui essaient de se reconstruire et d’être indemnisées par la solidarité nationale au plus vite sans
arguties juridiques, n’ont pas pour objectif
principal –sauf erreur de ma part- de
savoir qui a fauté ou n’a pas pris la bonne décision. Ce qui compte c’est que
l’on détermine ce qui s’est passé, comment en tirer des leçons et être plus
performant pour le cas où. A propos de bonne ou mauvaise décision publique, il
faut désormais tenir compte du jugement
de la Cour de Justice de la république –juridiction d’exception créée en 1993
pour juger exclusivement les
crimes et les délits des ministres dans
l’exercice de leurs fonctions- qui s’est prononcée le 19 décembre 2016 dans le cas de Mme Lagarde ancienne
ministre des finances et actuelle dirigeante du FMI. Elle était poursuivie pour
négligences ayant permis le détournement
de fonds publics, à savoir notamment de
ne pas avoir exercé un recours en annulation
contre la sentence arbitrale (privée) ayant accordé des dommages intérêts extravagants dont un
préjudice moral explosant toutes les normes jurisprudentielles à l’inoxydable M.Tapie. Devant cette cour outre trois juges
professionnels, Mme Ract-Madoux est membre de la cour de cassation et présidait,
les autres juges sont des parlementaires. Est-ce bien adapté à notre époque où le sentiment du
quidam est de considérer-à tort mais la croyance est tenace- que les puissants
sont protégés en justice et que les politiques ne se font pas la guerre ? Mme
Lagarde a été reconnue coupable mais a été dispensée de peine, ce que
j’approuve d’ailleurs compte tenu des circonstances de ce dossier atypique ( ce
qui est conforme à la loi et dont profitent d’autres prévenus non célèbres). Après
l’inoubliable « responsable mais pas coupable » de l’ancienne ministre Mme Georgina Dufoix dans
le dossier du sang contaminé, on a désormais « coupable sans sanction donc pas responsable ». La
jurisprudence innove. Qu’en pensera le justiciable de base ?. M. Tapie lui
continue à parader bien que mis en examen, car les sous il les garde pour
l’instant. Tout ceci est-il bien juste? En tous les cas cette décision sonne
comme un avertissement à tous les décideurs publics, dont je suis à un très
petit niveau comme conseiller municipal : si on ne prend pas la bonne
mesure politique- après avoir écouté les avis contradictoires d’éminents
spécialistes- qui se révèle mauvaise des
années plus tard, à la suite d’une enquête difficile, peut on être poursuivi et
condamné ? Si tel est le cas les vocations vont être moins nombreuses pour
les fonctions électives bénévoles. Mais on est rassuré : les hauts
fonctionnaires qui conseillaient Mme Lagarde sont passés à travers les gouttes…
Revenons à la
sécurité et aux décisions prises après l’attentat de Nice. M. François Heisbourg
qui a reçu jadis le prix
Akropolis de l’ANA-INHESJ conseiller spécial à la fondation sur la recherche
stratégique, auteur de « comment
perdre la guerre contre le terrorisme » Ed. Stock, a protesté :
« les mesures prises sont inefficaces et dérisoires »[Le monde du 19
juillet 2016 page 9] et a demandé : «il n’est pas trop tard pour
s’engager dans la voie du redressement
(mais) nos responsables en sont-ils capables ? ». La charge est rude
mais l’importance de l’attentat mérite que l’on pose des objections dans
l’intérêt de tous. Prenons l’habitude de ne pas ignorer les questions qui
fâchent. Un consensus mou ou taisant n’apporte rien. Et de
ne pas faire l’autruche parfois, dans beaucoup de domaines. M. Boualem Sansal qui a écrit « 2084 la fin du monde »
Gallimard 2016, a décrit l’Abistan empire qui tire son nom du prophète Abi,
« délégué » de Yolah sur terre. Son système est fondé sur
l’amnésie et la soumission au dieu
unique... Cela nous rappelle une certaine actualité. Nous avons donc un travail
de réflexion de fond à mener pour décider d’actions, et consolider nos valeurs car la guerre se
gagne aussi et peut être avant tout sur le terrain des idées. De son côté et
inlassablement depuis des années après
avoir été elle-même victime du terrorisme à Paris, Mme Françoise Rudetzki-aussi auditrice de l’INHESJ- fondatrice de SOS
attentats se bat pour faire progresser la prise en charge des victimes avec des
notions nouvelles : perte de chance, reconstitution de carrière, préjudice
d’angoisse ou d’inquiétude, résilience… Nous avons le devoir collectivement de
faire aboutir au plus vite ces dossiers. M. Pierre Nora éminent historien et
académicien a réfléchi sur les rapports que nous avons avec l’histoire et la
mémoire après les attentats de 2015 et 2016 : « ces tueries ont changé la situation de la France, la conscience de
soi nationale, les clivages de la vie politique ,les fractures sociales. Pour
autant ils n’empêchent pas la majorité
des français de vivre à peu près comme avant…Notre situation ne correspond ni au déni ni à la résignation
ni au catastrophisme. Chacun ressent une très profonde inquiétude et un immense
besoin d’essayer de comprendre »[le figaro 13 novembre 2016 page14].Il
conclut : « le roman national (celui d’Ernest Lavisse et Renan) est mort. C’est devenu une
romance… ».Mais « vous n’aurez pas ma haine »comme l’écrit
Antoine Leiris éd. fayard 2016, mari d’une victime au bataclan. Ce cri d’amour
réconforte et force l’admiration.
Heureusement si je puis m’exprimer ainsi, dans
l’actualité on traite d’autres sujets qui peuvent paraitre secondaires mais qui
touchent à notre identité et nos traditions. J’avais commenté le contentieux
sur l’installation des crèches dans les espaces publics dans l’auditeur n° 44
de janvier 2016, où je demandais au Conseil d’Etat d’unifier la jurisprudence
contradictoire. Après le burkini c’est fait, le conseil d’Etat par arrêt du 9
novembre 2016 a autorisé les crèches mais sous conditions. Les juges administratifs attribuent aux crèches
« une pluralité de significations » et estiment qu’elles sont aussi
des « éléments de décoration profane ».Une crèche peut être
autorisée avec une installation précaire en fin d’année, en présentant un
caractère culturel , artistique ou festif ; ne pas exprimer « la
reconnaissance d’un culte ou une préférence revisitée ».La crèche doit
éviter tout prosélytisme religieux , correspondre à des usages locaux et ne pas
être installée dans des bâtiments publics. Il y a feu vert pour les parvis de
mairie, les accès aux bâtiments publics, les marchés de noël . Il appartient
aux élus locaux de comprendre et
appliquer l’arrêt. Le mieux est aussi que les crèches soient installées dans ou
près des églises ce qui est leur place naturelle et éviterait toute polémique.
Mais il ne faut pas oublier le poids des ans et les usages. La laïcité –notion
typiquement française et difficile à expliquer et exporter- est toujours un
combat et il faut se pénétrer de sa
portée ![lire Caroline Fourest « le génie de la laïcité ». Grasset
2016 ].Mme Caroline Cayeux maire de Beauvais (avec sa magnifique cathédrale et le choeur le plus haut du monde ) et sénatrice de l’Oise a déclaré : « je serais surprise
si de nouvelles polémiques surgissaient au niveau national .Le Conseil d’Etat a
trouvé le moyen de sortir de cette affaire par le haut »[ le figaro 2
décembre 2016 page 15]. De son côté « nous serons vigilants » a
assuré M. Christophe Habas nouveau grand maître du Grand Orient de France, car
il estime la jurisprudence du Conseil d’Etat comme « illégitime « et
affirme que « ce ne sont pas les crèches qui vont nous préserver de
la montée de l’islamisme ». C’est vrai mais ce ne sont pas non plus
les mosquées ou l’absence de tout symbole
qui sont un rempart contre
l’islamisme et l’on s’étonne qu’une personnalité aussi hautement républicaine que M.Habas n’estime
pas que le Conseil d’Etat a dit le droit, légalement et légitimement. On peut
ne pas être d’accord avec des magistrats y compris au nom de la laïcité dont
personne n’a le monopole de l’interprétation et qui ne doit pas être un
prétexte pour rouvrir des polémiques, mais il faut l’être avec modération. Que
la paix et la sérénité soient avec tous.
Match nul 1 partout et faisons confiance au sens des responsabilités des élus locaux.
La crise de la police
Le nouveau ministre de l’intérieur M. Bruno Le Roux est
un auditeur de l’INHESJ : il connait donc les problématiques de la
sécurité. On s’en réjouit.
Depuis des semaines les policiers arpentent le
bitume de nuit comme de jour, pour faire
état de leur exaspération, en débordant leurs organisations syndicales. C’est
inédit. Ils protestent contre leurs mauvaises conditions de travail matérielles,
ce que personne ne conteste ; les heures qu’ils passent en mission pas
toutes rémunérées ; l’absence de
considération du public (qui les encensait après les attentats de janvier 2015) et d’un soutien « mou » de leur
hiérarchie ; du fait que selon eux la justice pénale serait laxiste (ce
qui n’est pas démontré sauf quelques erreurs spectaculaires en matière de
remise en liberté ou de condamnation) et un maillon faible dans la chaîne de la
sécurité ; que la délinquance des jeunes en particulier est de plus en
plus violente et dangereuse pour eux, et qu’ils ne disposent pas des moyens y
compris de droit pour se défendre et faire face ; qu’enfin les spécificités
de leur métier ne sont pas prises en compte et qu’ils n’ont pas plus ni moins
de droits qu’un citoyen lambda. Ils ne le supportent plus alors même qu’on les
agresse, les provoque ou que l’on cherche à les tuer. Le problème délicat en
droit et en fait de la légitime défense a été enfin abordé. J’avais écrit sur
mon blog(fremauxchristian.blogspot.com ou.fr « à propos de légitime
défense » en date du 8 novembre 2016) qu’il fallait écarter la présomption
de légitime défense et essayer d’harmoniser
avec les conditions imposées aux gendarmes .La réflexion a été confiée par le premier ministre à L’INHESJ dont la nouvelle directrice est Mme Hélène
Cazaux-Charles magistrat du parquet de métier
qui en un temps record après de nombreuses séances de jour comme de nuit
et audition de spécialistes et de praticiens, a remis son rapport au
gouvernement. Un projet de loi a été adopté au conseil des ministres du 21
décembre, qui aligne semble-t-il pour les policiers les règles de tir après sommations sur celles
des gendarmes. Le tout encadré par le principe de proportionnalité et d’absolue
nécessité selon les critères de la cour de cassation et de la cour européenne
des droits de l’homme de Strasbourg. Attendons le texte voté par les
parlementaires pour être fixé. Ce ne sera pas un « permis de tuer » comme
en bénéficie le célèbre agent 007 : ce que veulent les policiers-comme les
gendarmes- c’est un permis de vivre, celui de pouvoir exécuter leurs missions
dans une plus grande sérénité, de se défendre à « armes »égales, d’être
compris encore mieux par les magistrats et… les médias qui parlent de bavures à
tort et à travers, et d’être reconnus au service de la population et de ceux
qui ne commettent pas d’infractions. Mais la crise de la police est surtout
humaine comme l’a écrit le professeur Olivier Gohin directeur du M2 sécurité et
défense de Paris II : « il y a une inadéquation entre la nouvelle
sociologie policière et les autorités publiques dépassées ».Après mai 2017
il appartiendra au nouveau gouvernement d’agir pour la chaine pénale y compris la
pénitentiaire, sans se contenter de rassurer et poser des
rustines. Il me semble que les français dans ce domaine sont prêts à faire
l’effort nécessaire car la sécurité, la lutte contre la délinquance et le
terrorisme, conditionnent notre manière de vivre et permettent de progresser sur des
territoires oubliés ou désertés, y compris en zones rurales où les services
publics souvent ont pris la fuite !
La magistrature et la justice
Les magistrats qu’ils soient debout comme membres du
parquet, ou assis comme juges du siège, se sont cabrés et comme un seul homme/une seule femme ont protesté d’un cri perçant :
« basta » comme on dit aussi en
corse où la justice a eu divers contentieux. A ce propos je mentionne que
M.Yvan Colonna qui a été jugé par la
cour d’assises spéciale anti-terroriste de Paris et condamné pour l’assassinat du Préfet Claude
Erignac et l’attaque de la gendarmerie
de Pietrosella ( comme avocat j’étais
partie civile dans tous les procès du commando et de M.Colonna pour un gendarme
pris en otage puis relâché) , a vu son
recours devant la cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg rejeté le 8 décembre 2016 pour irrecevabilité (il
n’avait pas épuisé tous les recours internes sur divers sujets dont il se
plaignait).M. Colonna n’aura pas une
nouvelle « chance »de faire reconnaitre sa prétendue
« innocence » et il doit accomplir la peine de prison à perpétuité
avec une peine de sûreté de 22 ans qui lui a été infligée . Revenons à la
colère-mesurée comme il sied- des magistrats. Les rapports entre la justice,
autorité judiciaire selon les termes de la constitution de 1958, et le pouvoir
exécutif n’ont jamais été un long fleuve tranquille, un lit de roses. Le président
de la république Nicolas Sarkozy avait évoqué « des petits
pois sans saveur » à une rentrée solennelle ce qui avait le mérite d’une
franchise publique. Cette métaphore légumière n’avait pas plu, on s’en doute,
aux robes noires, rouges avec simarres et fourrures blanches. Le président de
la république M.François Hollande garant
de l’indépendance judiciaire et du respect dû aux magistrats a fait plus fort,
et croyait-il plus discret, dans les propos qui lui sont prêtés par deux
journalistes dans le livre « un président ne devrait pas dire
ça... » : il parle « d’institution de lâcheté », de
« planqués », où « l’on joue les vertueux. »
(j’espère pour M .Hollande redevenu simple citoyen après mai 2017 ,
n’ayant plus l’immunité pénale attachée au chef de l’Etat, qu’une affaire
judiciaire même banale ne le rattrapera pas et qu’il ne devra pas s’expliquer devant des juges). Les plus hauts
magistrats, prenant connaissance de ces
déclarations , toutes affaires
cessantes ont sollicité et obtenu un rendez-vous d’explications de texte avec
M.Hollande qui les a apaisés, a évoqué un malentendu, mais ne semble pas avoir démenti au fond. Sic
transit gloria mundi.
Déjà les magistrats
n’avaient pas apprécié le rapport de la chancellerie du 28 juin 2016 sur leur protection ,
évoquant les tentatives de déstabilisation des juges d’instruction par la
défense c’est –à- dire les avocats (sic).Ceux-ci ont été offusqués, à juste
titre même si je suis corporatiste mais connais le terrain, car leur métier est
de s’opposer aux juges non pas par
principe ou méchanceté mais s’ils
l’estiment utile pour la défense de leur client, et n’ont pas à s’incliner
devant le rouleau compresseur de
l’Etat et les difficultés de la
procédure pénale que dénoncent pour d’autres raisons les policiers [ lire le
Figaro du 13 juillet 2016 page 8]. Dans
un état de droit les droits de la
défense sont une garantie contre l’arbitraire et le désir refoulé de sacrifier
l’individu s’il le faut face aux diktats de l’opinion publique . Ces deux légitimités doivent cohabiter .Les
magistrats de l’ordre judiciaire ont constaté amers, que la justice
administrative leur était préférée dans l’état d’urgence et ils ont accusé le coup du décret du 5 décembre 2016
qui permet à l’inspection générale du
ministère de la justice (qui dépend du gouvernement) de contrôler aussi, la cour
de cassation. Le malaise persiste….Il faudra bien qu’un jour puisque la justice
est en faillite comme l’affirme avec raison M.Urvoas garde des sceaux et est globalement incomprise, que l’on fasse
un grand débat de fond sur la place, les rôles et les moyens de la justice dans
une démocratie, avec peut être l’instauration d’un pouvoir judiciaire qui n’est
pas un gouvernement des juges ; sur le besoin impératif d’arbitres impartiaux
et responsables de leurs décisions avec des précautions pour éviter des mises
en cause personnelles intempestives ;
de la nécessité d’alléger le travail des magistrats professionnels en
les recentrant vers la politique pénale et les difficultés en droit
essentielles de la vie quotidienne ; en les déchargeant de contentieux de
masse qui leur prennent beaucoup de temps ; du rôle des juridictions administratives
qui devraient intégrer le système
judiciaire ; de l’existence des autorités administratives indépendantes,
de la non –création de comités Théodule; de la force de la loi et du droit et
de l’autorité de la chose jugée ;
de la jurisprudence qui ne peut remplacer le législateur ou avoir des
interprétations orientées …tout ceci avec un budget digne d’un état
moderne et performant. La justice civile
est au bord de l’implosion. Mme Dominique Lottin 1ère présidente de la cour d’appel de Versailles
explique que les délais sont trop
importants qu’il y a dix juges en France
pour 100.000 habitants alors que la moyenne européenne est de 21, et que l’on
manque de greffiers, d’assistants et de
moyens matériels ...[le figaro du 7 octobre 2016 page 8]. Le justiciable explose aussi car il pense que son dossier est négligé. M. Michael
Janas président du TGI de Grasse
constate et déplore que le « juge est un artisan alors qu’il faudrait
passer à l’ère industrielle ». Des spécialistes ont des propositions [
lire louis Vogel professeur et avocat : « Justice année zéro. 20
propositions pour la justice » préface de D. Perben ancien garde des
sceaux .Ed. Ramsay 2016]. Mais c’est une question de priorité et il semble que
la justice n’intéresse pas vraiment les politiques, qui s’en méfient quelque
peu .Le gouvernement de M.Valls a essayé
d’améliorer la situation avec la loi du
12 octobre 2016 sur la justice du XXI ème siècle qui a établie notamment la
suppression des tribunaux pour mineurs ; le divorce sans juge ; l’abandon
de la collégialité de l’instruction, un statut pour le juge des libertés ;
l’action de groupe ; le regroupement du contentieux social (TAS ;
tribunal de l’incapacité) devant les TGI… On s’intéresse aussi et enfin à l’enfermement et à la prison qui n’est plus
un sujet tabou,- les prévenus
radicalisés obligent à ouvrir les yeux-, et on
découvre que celle-ci n’est pas incompatible avec la
dignité de l’homme détenu. On s’accorde pour construire de nouveaux
établissements et protéger aussi le
personnel pénitentiaire qui doit faire face aux mutineries, aux agressions, aux
trafics, au prosélytisme religieux. On a
créé une sous direction de la sécurité pénitentiaire. La droite a approuvé et
on ne peut que penser qu’elle continuera sur cette voie si elle arrive au
pouvoir. La loi du 3 juin 2016 a renforcé la lutte contre le crime organisé et le terrorisme ,mais a aggravé, selon les
policiers, la « paperasse » administrative.
« Paperasse »peut être, mais il faut des garanties légales objectives
.La transposition de la directive européenne
sur les droits de la défense
bouscule certes la chaine pénale (garde à vue avec attente de l’avocat
ou d’un tiers), avec les difficultés liées aux écoutes téléphoniques. Mais la
procédure protège de la tentation de faire trop vite. Enfin une proposition de
loi de M. François-noël Buffet sénateur du Rhône et vice-président de la
commission des lois prévoit de supprimer la contrainte pénale (mesure
emblématique de Mme Taubira!) et d’établir un tribunal de l’application des
peines. Pourquoi pas, mais il serait bon que le législateur ne balaie pas
systématiquement tout ce que le prédécesseur a fait –sauf si c’est franchement
et objectivement pernicieux- et qu’il y ait une stabilité des lois qui devraient être moins fourre-tout et bavardes, au moins pour le temps d’une législature ce
qui rassurerait le quidam qui a besoin de sécurité en droit et savoir à moyen
terme ce qu’il peut faire ou non, dans tous les domaines (fiscal,
administratif, public, social…).Mais c’est une autre histoire.
Alors qu’il y aura
tant de domaines à réformer, l’année 2017 sera-elle le point de départ de la reconstruction de la justice qui est un monument en péril , de sa
modernisation ou de l’édification d’une œuvre innovante pour satisfaire le
justiciable et son avocat ; les magistrats ; le pouvoir exécutif qui
a la responsabilité de l’ordre public ; voire… le délinquant qui saura précisément quels sont
les risques et les conséquences de son
périlleux métier. C’est un vœu qui ne doit pas rester pieux. De mon point de
vue l’homme /la femme a besoin de croire
en ce qui le dépasse sans pour autant que cela ressortisse au religieux
ou au spirituel et sauf pour celui qui ne croit qu’en lui. La justice,
organisation matérielle et vertu est un idéal atteignable.
Le terrorisme fléau récurrent
Les pouvoirs publics ne cessent de nous prévenir ; il
faut apprendre à vivre avec toutes les menaces et d’éventuels attentats qui
peuvent survenir n’importe où et n’importe quand. Dont acte, mais ce n’est pas
vraiment rassurant même si l’on sait que les responsables font le maximum,
déjouent des préparatifs , arrêtent de présumés acteurs et essaient
d’anticiper. Berlin a été frappé sur le marché de noël qui est un symbole comme
l’était le 14 juillet à Nice .L’Allemagne est en deuil et on s’incline devant
la douleur des victimes et des familles. On est solidaire, de loin certes, mais
de tout cœur d’autant plus que le modus operandi avec le camion nous rappelle
de mauvais souvenirs. Notre ami Alain Juillet (ancien directeur du
renseignement, auditeur de l’IHESI/INHESJ première promotion) a expliqué dans
l’émission C .dans l’air le 23 décembre 2016
a propos du présumé terroriste tunisien de l’attentat de berlin qui a
été tué à milan après être passé par la France semble t il, que l’on ne pouvait
tout contrôler, qu’il fallait harmoniser les législations européennes, et que les frontières de l’Europe ne devaient
pas être des passoires. On souhaite que l’Union Européenne accélère la mise en
place de ses dispositifs de lutte.
Lors du sommet de Bratislava en septembre 2016 après la création en août
d’un poste de commissaire à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme confié au
britannique Julien King (le gardera-t-il après le Brexit ?) a été affichée
une volonté d’agir avec la directive
anti-terroriste qui durcit le cadre juridique
en criminalisant toute forme de participation directe ou indirecte à des
activités d’endoctrinement et de terrorisme. L’UE veut aussi renforcer les
contrôles de citoyens y compris
européens rentrant dans l’espace Schengen .Elle veut aussi contraindre les
opérateurs télécoms à collaborer dans les enquêtes pénales et pousser les acteurs
d’internet à s’investir et coopérer,
enfin restreindre le champ des armes accessibles aux particuliers détenant une
licence. L’union européenne a aussi lancé une agence européenne de gardes -frontières et de gardes –côtes qui
se situe à Kapitan-Andreevo point de passage entre la Bulgarie et la Turquie.
Son directeur est un français M. Fabrice Leggeri, énarque, ancien responsable
de la lutte contre l’immigration illégale. La France fournira environ 170
hommes et femmes soit 10% des troupes, pour la réserve opérationnelle. C’est un
mandat de police confié à un corps placé sous commandement européen qui va
au-delà des compétences et pouvoirs de Frontex. En France la première loi
anti-terroriste date de 1986 et la dernière du 3 juin 2016 qui a renforcé la
lutte contre le crime organisé et le terrorisme et a créé le renseignement
pénitentiaire .Des mesures nouvelles sont en préparation à la suite du rapport
de M .le député G.Fenech avec un rôle accru de la D.G.R.I , et la création
d’une agence nationale de lutte
contre le terrorisme pour intensifier la coordination . Un nouveau plan «
vigipirate plus »a été validé
mercredi 30 novembre 2016 par un conseil de défense avec un système à
trois niveaux : vigilance ; sécurité renforcée/risque d’attentats ;
urgence attentats, le plus élevé ,avec l’aide de drones et des mesures contre les cyber-attaques. Le
S.G.D.S.N. souligne son secrétaire général M. louis Gautier est d’une grande réactivité et est chargé de préparer vigipirate
(consulter www.gouvernement.fr/vigipirate). Il faut développer la culture
de la vigilance : chaque citoyen à sa place, avec ses moyens, doit être un
acteur de la sécurité qui est l’affaire de tous, comme l’INHESJ l’enseigne
depuis des années. Ce n’est pas de la
« délation » mais un devoir citoyen. Il faut donner aussi à la
justice anti-terroriste les moyens de
rendre des décisions rapidement, tout en préservant les garanties de la
défense. Une justice expéditive quelles qu’en soient les (bonnes ou mauvaises )
raisons n’est pas tolérable, car c’est faire le jeu de nos ennemis. Au TGI de
paris il y a près de 183 enquêtes préliminaires ; 141 informations
judiciaires et 982 individus concernés. [le figaro du 3 octobre 2016]. Ces
chiffres ne cessent d’augmenter, malheureusement. Les cours spéciales d’assises
anti-terroristes sont saturées d’autant plus qu’il a été décidé de criminaliser
encore plus les peines. D’où des besoins en matériel et personnel outre une
spécialisation accrue des juges qui doivent être protégés. Il faut savoir ce
que l’on veut et se donner les moyens d’être efficaces. Sinon on a la justice que l’on mérite, et les
incantations ne servent à rien .Naturellement
la lutte contre le terrorisme dépend aussi du combat contre l’Etat
islamique : de la guerre en Syrie et de la fin des carnages ; des
puissances impliquées et des alliances entre Etats parfois de circonstances ;
des nouveaux élus comme M.Trump aux USA, et en Europe ; de la politique
extérieure de la Russie avec qui il faut dialoguer (la diplomatie c’est l’art du mouvement, faire bouger les
lignes ,ne pas moraliser, condamner ou vouloir punir dit D.de Villepin ), ce
qui ne veut pas dire approuver aveuglément ; de l’influence des pays
théocratiques (l’ANA-INHESJ a fait un voyage d’études en Iran en novembre 2016)
et de la concurrence chiites/sunnites qui se répercute sur notre territoire où notre conception de
la laïcité qui est une liberté est
comprise par certains comme une interdiction de l’islam ou une restriction à la
liberté de conscience. Ce genre d’incompréhension est dangereux.
Il faut donc que nous soyons ferme sur nos principes et
valeurs, et que tous quelques soient nos choix partisans, nous sortions de nos
schémas binaires pour essayer de bâtir un consensus républicain.
Etre ferme sur les principes.
Le philosophe
Régis Debray (qui a soutenu Castro et Che Guevara puis s’est assagi) cité par
Caroline Fourest,a répondu à la question « êtes-vous démocrate ou
républicain » ?[le nouvel observateur 30 novembre 1989], comme
suit : « la république c’est la liberté plus la raison. L’état de droit
plus la justice. La tolérance plus la
volonté. La démocratie dirons-nous, c’est ce qui reste d’une république quand on a éteint les
lumières ». Le débat qui concerne l’état de droit en France me parait aberrant car on n’a pas à choisir
entre son abolition et « les effarantes promenades de santé des
djihadistes avec bracelets » comme le note Natacha Polony. Il ne s’agit
pas d’adapter au jour le jour le droit à la menace car nous serons toujours en
retard mais on doit inventer des règles de droit qui répondent à la situation exceptionnelle. Mme Chantal
Delsol ,philosophe, souligne la
difficulté des démocraties à trouver un juste milieu entre le maximum de
sécurité et le maximum de respect des droits.[ le figaro du 22 septembre 2016
page 16].L’ancien vice-bâtonnier de
l’ordre des avocats à la cour de Paris et pénaliste réputé Me Jean-Yves
Leborgne rappelle une évidence : « n’est il pas tout aussi étrange de
connaitre ceux qui demain vont poser des bombes et de devoir attendre qu’ils allument
la mèche pour intervenir peut être trop tard… le devoir d’un homme politique
n’est pas d’enfermer le peuple dans un
monde rassurant, mais de parler vrai et de faire face. L’humanisme est une
valeur fondatrice de notre société… l’arbitrage entre la liberté et la
sécurité relève de l’art de gouverner…
qu’on ne peut confier qu’à des responsables d’exception capables de maintenir
l’état de droit, en affrontant l’état de guerre ».[le figaro du 22 septembre
2016 page 16].
Mme Mireille Delmas-Marty, professeure agrégée de droit privé et de sciences
criminelles membre de l’institut et du collège de France vient de publier au
Seuil un « petit guide de navigation sur l’océan de la mondialisation. Aux
quatre coins du monde ».Elle s’interroge sur les thèmes qui seront au
centre de la campagne présidentielle et
des législatives : guerre contre le terrorisme, état d’urgence,
immigration. … Sur la couverture de son essai est représentée une rose des
vents avec le nord de la liberté ; le sud de la sécurité ; l’ouest de
la compétition ; l’est de la coopération. Elle constate que « un état
de guerre sans frontières ni droit cela
s’appelle la guerre civile mondiale permanente ».Daech veut obtenir le
statut d’Etat et il faut l’empêcher absolument. Selon elle , il faut poursuivre
le terrorisme comme un crime et dans les cas les plus graves comme un crime
contre l’humanité relevant de la cour pénale internationale de La
Haye. « La démocratie ça devrait être quoi ? » s’est
interrogée la rédaction de Philosophie
magazine de novembre 2016 (dossier pages 43 et suivantes).Il s’agit de donner
le pouvoir au peuple, ce qui est plus difficile qu’à Athènes comme aux temps
anciens, l’agora contemporaine étant trop petite pour accueillir les 66
millions de français, outre les sujets de mécontentement. Mais c’est ce que
réclament les partis qui se qualifient
de populistes, avant de se transformer par l’exercice du pouvoir comme
des partis traditionnels, avec les mêmes travers ou deviennent autoritaires si
le peuple ne les suit pas. Comment faire et éviter les débordements ?
.Déjà en 1762 dans le contrat social ,Jean-Jacques Rousseau
alertait : « on ne peut imaginer que le peuple reste
incessamment assemblé pour vaquer aux
affaires politiques et l’on voit aisément qu’il ne saurait établir pour cela
des commissions sans que la forme de l’administration change ».Ceux qui en
2016/2017 prônent la démocratie participative
mais ne sont qu’une minuscule minorité qui se prétend le phare de
l’humanité et qui veut tout changer (« pour que rien ne change »
comme l’écrivait Giuseppe Tomasi prince de Lampedusa dans le
guépard ) sans avoir la moindre légitimité tels les membres de nuit
debout ou divers zadistes et les anonymes des réseaux sociaux, qui ne représentent qu’eux, autoproclamés veilleurs
ou démocrates « avancés », sont plus des adeptes de l’utopie
qui n’a pas réussi au chancelier anglais Thomas more, que des réalistes
concrets qui participent au progrès. Le progrès n’est pas d’ailleurs de nier
l’expérience, la prudence et le bon sens y compris pour les institutions. Et de
ne choisir que ce qui choque ou sort des règles. La politique est une chose
trop sérieuse qui détermine le futur de tous pour la confier à n’importe
qui, celui qui a une ou des illuminations et se prétend
porteur d’un projet formidable, y
compris à moi citoyen de base. Cela n’empêche pas qu’il faut trouver des
solutions pour réduire la fracture entre les représentants élus et les élites,
terme pris dans un sens général, car des élites il en faut. Pas forcément celles résultant d’une réussite
à un concours très difficile dans sa jeunesse –ce dont je les félicite- et qui prétendent ensuite tout savoir et être
compétents à vie, ou d’un statut
privilégié qui protège de tout accident professionnel et permet d’être exigeant
avec les autres. Ou pas nécessairement non plus les donneurs de leçons, au
chaud sans responsabilité particulière .C’est un débat ancien et Montesquieu
déjà, « de son temps » était pour la représentation au mérite. Pierre
Rosanvallon professeur au collège de
France estime que les citoyens ont désormais besoin d’une expression qui ait une dimension
délibérative, car ils veulent peser sur les décisions qui engagent leur avenir.
Après la démocratie d’autorisation il y a « l’attente d’une démocratie
d’exercice ». A nous de l’inventer .Espérons dans les débats d’idées qui
vont « égayer » les mois de
campagne électorale. Tout n’est pas que symbole. Il faut donner du corps à la
pensée et du concret à la parole. L’homme est ce qu’il fait , pas ce qu’il
promet. La sécurité et la justice l’aident à se trouver : « deviens
qui tu es » est le slogan (de Nietzsche) à la mode. Dans cette fin d’année
2016 mon dernier rêve sera pour vous, pour nous, pour tous. Dans ce monde
de « brutes » et d’urgence où tout parait se valoir sans hiérarchie, où la
violence matérielle, physique, intellectuelle, morale, psychologique semble
dominer, faisons le pari d’un monde meilleur et plus éclairé et essayons par
nous même de le construire en étant modéré
dans nos revendications et en jouant collectif. Soyons tout simplement
humain.
Christian FREMAUX avocat honoraire, promotion 1991 de l’IHESI/INHESJ.