samedi 21 septembre 2024

LES ANCIENS ET LES MODERNES

 

                                 LES ANCIENS ET LES MODERNES

                     Par Christian Fremaux avocat honoraire

On le savait par avance. Quel que soit le gouvernement nommé, immédiatement les cris fuseraient en hurlant au déni de démocratie, que les derniers deviennent les premiers et que les perdants sont les gagnants. C’est exact mais il n’y a pas mathématiquement de vainqueurs indiscutables et certains ont refusé de participer au prétexte que seul leur camp est légitime et qu’il détient la vérité.  Qu’il ne s’agît pas de collaborer pour sauver la macronie, et qu’un politique de gauche ne s’abaisse pas à saluer un homologue de droite qui est devenu forcément un extrémiste. Le petit milieu politique a ses œillères et ses exigences. En réservant l’avenir donc ses intérêts.  Et les Français dans tout cela ?

Après une attente quasi insoutenable dans la pantomime, heureusement qu’il y avait les jeux olympiques pour compenser, on a eu droit à un remake de la querelle des anciens et des modernes. Des noms ont circulé et on s’étonne qu’ils soient encore en activité. On se bat pour l’âge de la retraite mais en politique elle n’existe pas. On a fait du neuf attendu avec du vieux éprouvé. Car il fallait changer les têtes si l’on veut montrer que l’on a compris le message des électeurs qui veulent que tout évolue et que l’efficacité règne. En rassurant.   

Je n’évoque pas l’âge du capitaine car aux âmes bien nées et tenaces la valeur n’attend pas le nombre des années. Elle la confirme.  Le premier ministre est fringant, calme, a de l’expérience et sait naviguer par vents contraires y compris jusqu’à Bruxelles.

Malgré le vote inédit des Français tout le monde sait ce qu’ils attendent du gouvernement : de la fermeté, de la remise en ordre, un niveau de vie plus important et de la protection étatique, sanitaire, culturelle, policière ou militaire et des services publics à la hauteur des impôts que l’on paie. On est fatigué des invectives et des insultes, des accusations pour tout et rien, d’entendre que rien ne va et qu’il faut faire table rase. Ou d’écouter des godelureaux sortis à peine de la puberté donner des leçons de comportement ou de morale.  On n’a pas besoin de nouveaux rapports de commissions Théodule ou d’interrogations interminables, ou d’experts auto-proclamés ou de sachants ou de groupes de travail avec quelques citoyens tirés au sort. Il faut prendre des décisions et trancher quitte à ne pas faire plaisir aux idéologues et aux groupes de pression. On doit définir un cap, des objectifs, un destin enthousiasmant et des valeurs au moins communes.

Les citoyens sont responsables autant sinon plus dans leurs environnements personnels dont ils sont seuls comptables que les politiques qui jouent un rôle de composition et viennent de donner un spectacle pitoyable. Dans leurs familles, dans leurs professions, et même dans leurs loisirs, les individus savent qu’il faut fournir des efforts et des compromis. Ils ne sont pas naïfs : c’est eux qui paieront notamment les pots cassés ou les décisions de principe pour l’exemple et l’édification du peuple car quand les politiques se trompent ce sont les citoyens qui trinquent. 

Mes informateurs sont dans le bistrot de ma petite commune rurale de l’Oise où je discute avec tout le monde, de gauche -peu dans mon coin-ou de droite. Personne n’est extrême. Ils se moquent des étiquettes politiques qui ne veulent plus dire grand-chose. Ce qui leur importe c’est le fond : quelles actions vont être engagées ? Aura -t -on le courage de dire non ou de sévir si nécessaire ? Que va devenir la France ?

 Si une personnalité de la gauche républicaine boude - pauvre petit frustré ! - et ne veut pas se « compromettre », on n’aime pas car dans le monde rural on pratique l’entraide, la solidarité et on ne rejette pas les bonnes volontés. Le voisin n’est pas un ennemi même s’il ne vit pas comme soi. La petite commune a besoin de tous ses fils et filles, vieux comme jeunes quoiqu’ils pensent ou votent.

On a eu les modernes, les jeunes diplômés avec leurs certitudes qui croyaient que la nation était une start- up et qu’il suffisait de cliquer en gommant le passé pour que l’avenir soit radieux. Erreur profonde. On ne construit rien de solide en ne consolidant pas les fondations, en ignorant l’histoire et qui nous sommes. Et en ne bétonnant pas nos structures et nos valeurs républicaines. Sans oublier ceux et celles qui se dévouent dans la fonction publique et le monde associatif, comme dans l’entreprise et dans les champs ou sur le terrain avec les élus locaux qui sont les vrais dirigeants de proximité.

 Ce qui n’empêche pas d’innover. On n‘est pas non plus obligé de choisir des oubliés blanchis sous le harnais et de revenir à des solutions éculées ou qui ne sont plus dans l’air du temps. Mais des anciens expérimentés peuvent être utiles. Le progressisme n’est l’apanage d’aucun camp. L’humanisme ne se divise pas et chacun en porte une part. On a besoin d’union, de consensus sur des thèmes fédérateurs. Ce qui compte c’est la volonté de réussir sans qu’il y ait des perdants ou qui croient l’être.

La querelle des anciens et des modernes éclate quand Charles Perrault en1687 récuse l’idéal des classiques grecs ou romains et fait l’éloge du siècle de Louis XIV qu’il affirme supérieur à celui d’Auguste. Ne tombons pas dans la dispute contemporaine entre les conservateurs ou néo libéraux qui peuvent avoir la fibre sociale et ceux qui veulent tout réformer y compris par la révolution ou en coupant des têtes, même pour ce qui marche ou en niant les faits. Tout est compatible si le bon sens prévaut. Et non le désir de prendre ses rêves pour des réalités.

Dans le Guépard le (vieux) prince Salina murmure : « il faut que tout change pour que tout  reste pareil ». On veut effectivement que ça bouge, au moins dans l’état d’esprit de nos dirigeants pour qu’ils ne confondent pas compétition électorale et guerre et qu’ils agissent dans l’intérêt collectif supérieur à leurs accommodements. Sachant que personne n’aura totalement raison.  Car on doit reconstruire en gardant ce qui a fait ses preuves.

 « Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques » a écrit André Chénier.     

lundi 9 septembre 2024

Destitution

                                                  Destitution

                     Par Christian Fremaux avocat honoraire

Pour obliger le chef de l'Etat à capituler et à désigner 1er ministre la candidate choisie par le NFR, tous les moyens ont été bons. Le chantage au déni démocratique mais personne ne calcule avec les mêmes chiffres et aussi la destitution éventuelle de M. Macron. Certes celui-ci a tardé, tergiversé, ergoté, mais il est dans le plein exercice des ses prérogatives puisque selon l'article 8 de la constitution c'est le président de la République qui nomme le 1er ministre. Pendant les jeux olympiques il n'y avait pas urgence à choisir tel ou telle puisqu'arithmétiquement parlant aucun bloc politique n'est majoritaire et les Français semblent avoir voulu une sorte d'union nationale sur les sujets non traités suffisamment selon eux comme la délinquance, l'immigration, l'identité avec l'interrogation essentielle sur ce que doit être la France. Et naturellement toutes les autres questions aussi prioritaires comme le niveau de vie. Avec moins de fureur et de bruit et plus de tolérance et respect. Il faut cesser d'invectiver et d'accuser l'autre de tous les défauts. C'est un adversaire pas un ennemi. Il est aussi français que soi. Personne ne détient la vérité.

 Les électeurs ont éliminé plus qu'avoir été convaincus et ils ont voté contre. Tout en envoyant un message de fermeté.  Ce qui aboutit à un sac de nœud. D'autant plus qu'on - des éclairés dits républicains barragistes de formation- a décidé arbitrairement d'éliminer les représentants des extrêmes ce qui fait des millions de sous- citoyens renvoyés au rebut. On revient à la démocratie censitaire : seuls certains sont qualifiés pour décider et gouverner. J'espère qu'il n'y aura pas un retour de manivelle. La démocratie est fragile et il ne faut pas la manipuler.  

L'illustre professeur de droit Maurice Duverger avait qualifié notre régime parlementaire avec l'élection du président de la République au suffrage universel de monarchie républicaine. Pour bien fonctionner il faut une majorité absolue au parlement.  Ce n'est plus le cas. M. Macron qui a voulu faire de la politique autrement s'est trompé. La confusion est à son comble.  Il n'y a plus de majorité possible ni relative ni absolue et il faut trouver des coalitions au sein du parlement. Qui portent en elles leurs propres contradictions et qui allient la carpe et le lapin, sous l'œil vigilant d'un chasseur sans permis puisque non élu qui tire sur tout ce qui bouge et n'est pas de son côté, le bon exclusivement.  Et qui poursuit son rêve chimérique : la révolution en faisant table rase grâce aux réseaux sociaux et la flatterie d'une partie de la population désignée comme victime à vie. De racisme, fascisme, haine, phobies de toute nature sauf les siennes. Avec l'aide de médias médusés par tant d'audace et de rébellion à Saint germain -des -prés et des intellectuels qui ont eu la révélation. C'est Jean-Jacques Rousseau – le philosophe pas le frère de Sandrine l'écologiste dé- constructrice- qui écartait les faits quand ils n'entraient pas dans son raisonnement.

L'article 68 de la constitution s'applique à tout moment selon celui qui veut l'utiliser. A ne pas confondre avec une cohabitation dont les modalités et les difficultés nous sont déjà connues.

Le président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison. Ne pas répondre aux pressions ou dire non à M. Mélenchon est -ce de la haute trahison ou de la protection préventive du pays ? Le texte constitutionnel dispose : "il (le président) ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat". La proposition de réunion de la Haute Cour adoptée par une des assemblées est aussi transmise à l'autre qui se prononce dans les 15 jours. Ainsi le parlement est -il transformé en quasi-juridiction politique qui doit caractériser un manquement et une incompatibilité certaine créant des conséquences.  Dans l'entreprise on parle d'une faute grave ou lourde entrainant un licenciement sec, en l'occurrence un vide dans les institutions. Et les parlementaires deviennent des juges ! Déjà que l'autorité judiciaire est en question : en rajouter avec des élus qui n'ont jamais fait de droit et qui ont une connaissance lointaine de la justice, épate tous les justiciables. D'autant plus que s'il y a destitution il faut revoter. Si c'est un clone du président qui est élu que se passe-t-il ?

La destitution devient de la consternation.

Le président ne peut être mis en accusation que par les deux assemblées statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité des deux-tiers des membres les composant. La Haute Cour statue à la majorité des deux-tiers. C'est un parcours d'obstacle digne des jeux olympiques. Mais cela permet de se faire mousser et de faire croire à son pouvoir. En rajoutant du désordre institutionnel à la chienlit politique. Les Français apprécieront, ces impatients qui attendent des réformes d'urgence pour que leurs vies changent. Comme ils sont ingrats !

En 2016 une proposition de résolution avait visé François Hollande après la publication de son livre "un président ne devrait pas dire cela". Elle fut déclarée irrecevable.

Aux USA il y a la procédure dite d'impeachment qui a été tentée en vain contre M. Trump alors président. On verra s'il redevient le cowboy en chef. M. Biden s'est auto- destitué en démissionnant de sa candidature à une réélection mais en conservant son pouvoir jusqu'à la fin de son mandat début 2025. Le démocrate est en grande forme comme on peut s'en apercevoir ! M. Macron résiste, montre qu'il existe comme le chantait France Gall. Il est bronzé, a gagné la gageure olympique et il est légitime à terminer son mandat en 2027. Sauf coup de Trafalgar : une nouvelle dissolution du parlement dans un an ou sa propre démission à savoir une auto-censure ?

Attendons la suite des évènements. Et le ou les cadeaux- surprises. 
 Bonne rentrée à tous et à toutes.

mardi 3 septembre 2024

Appliquons la loi existante

 

                              Appliquons la loi existante

                Par Christian Fremaux avocat honoraire

J'ai une idée géniale et je me demande pourquoi nos élites n'y ont pas pensé :  et si tout simplement on appliquait la loi ? Rien que la loi mais toute la loi.

A chaque fois qu'il y a un fait très grave qui défraie la chronique on a la même discussion. Car l'émotion parfaitement légitime l'emporte. La mort d'un gendarme ou d'une fillette bouleverse tout le monde. On hurle que la loi est insuffisamment sévère ; on entend qu'il faut rétablir la peine de mort pour les barbares, les assassins. Pourquoi les juges sont-ils aussi laxistes ? Il faudrait voter d'autres lois encore plus dures et remplir les prisons. L'opinion publique est pour. Surtout le citoyen qui respecte le code de la route, paie ses contraventions et son assurance, s'arrête sur injonction d'un policier ou d'un gendarme et en général se soumet à la règlementation, aux normes enfin à tout ce qui entrave ses libertés.  D'accord et après jusqu'où ira-t-on ?

On sait que la loi est votée par les parlementaires de gauche comme de droite ou de nulle part on s'en aperçoit de nos jours et qu'elle est l'expression de la volonté générale. Elle doit poser des principes et ne pas viser telle catégorie de la population en particulier ou satisfaire une croyance ou faire plaisir à un petit groupe persuadé de détenir la vérité. Cela c'est la théorie car chaque citoyen a bien compris que le contenu et la portée des lois répondaient souvent à des soucis d'idéologie ou de captation de clientèles pour arriver au pouvoir. 

 Dans notre vie politique moderne et passée on ne vivait que par l'alternance. Le prédécesseur a tout faux et a créé désordre, discriminations, inégalités et injustices. Il faut tout changer. L'électeur à l'époque n'avait rien compris. On va lui montrer la voie à suivre pour son bien car c'est un enfant. Il faut le tenir par la main dans son intérêt. Chaque camp a des certitudes et arrivé au pouvoir il faut abroger en urgence ce que le gouvernement précédent a fait pour imposer sa vision de la vie économique comme sociale mais aussi humaine. Ce qui devient délicat et entraine des débats de société sans fin. Et des conflits. Car la vie change et le citoyen évolue parfois à rebours. 

Depuis 1958 on a eu des majorités absolues ou relatives qui permettaient de gouverner, parfois en cohabitation. On va voir ce que va donner le gouvernement qui se constitue puisqu'il y a désormais trois blocs avec des partis plus ou moins minoritaires en nombre. Avec des exclus de l'arc républicain et un accord sur rien. Les Français payeront. Ils sont eux constants sur place et semblent avoir voté pour plus de fermeté, de limitation de l'immigration qu'on leur impose ou qui s'invite comme des squatteurs, sans oublier l'identité de la France et leurs niveaux de vie avec des services publics performants et des primes au travail. Les professionnels de l'élection qui échouent retournent à leurs chères études ou se font nommer à une sinécure. Les contribuables soldent la facture.  Si la démocratie n'a pas de prix elle a un coût.

Il ne faut pas exiger de nouvelles lois à chaque fois qu'un évènement tragique survient. Appliquons sans faiblesse d'abord celles qui existent et faisons exécuter les peines y compris  des courtes qui peuvent être exemplaires sinon dissuasives.

 Ne tirons pas sur les pianistes que sont les magistrats. Certes certains se trompent comme dans toute activité humaine mais les conséquences peuvent être définitives pour les victimes directes ou indirectes. D'autres sont politisés et jugent avec leurs œillères en construisant des murs de cons. Mais ce n'est pas la majorité. Les juges en tout domaine sont tenus d'appliquer en l'état les lois qui sont votées par le parlement et qui souvent au pénal reflètent de l'indécision ou de l'utopie. Punir à bon escient peut être utile. Le faire savoir aussi. L'éducation est une solution mais par qui ? la famille est défaillante, l'école débordée et l'Etat n'est pas bon pédagogue et ne peut tout gérer. Il y a notamment en matière de délinquance un minimum et un maximum de la peine pour tenir compte de la personnalité du présumé coupable et des circonstances. Force est de constater qu'un juge qui choisirait le plus souvent le maximum aurait à s'expliquer devant sa hiérarchie ! Changeons les habitudes et les raisonnements.

 Les juges s'efforcent de suivre et d'interpréter les politiques pénales décidées par le pouvoir exécutif. Actuellement moins de détention, plus de peines de substitution car on manque de tout, de personnel, de juges et greffiers, d'éducateurs, d'établissements, de centres de rétention… Me Dupond-Moretti Garde des Sceaux démissionnaire a fait progresser considérablement le budget de la justice mais ce sera toujours insuffisant. Ce ne sera jamais assez car les individus ont changé. La violence des jeunes en particulier liée aux trafics de drogue ou à une peccadille s'est développée. Les mots autorité, obligations, solidarité, obéissance n'ont plus de sens. Y compris pour les adultes. Dire non est un casus belli, une provocation ! Chacun considère qu'il a une créance sur la société qui est là pour satisfaire ses envies et ses besoins. On n'arrive pas à trancher entre prévention car il ne faut choquer ou discriminer personne et répression qui sont pourtant des devoirs complémentaires et on se dispute sur le régalien. Ce qui est néfaste à l'ensemble de la société car on ne peut vivre et prospérer que dans la tranquillité. Sans compter les guerres extérieures qui se répercutent sur notre territoire et le terrorisme sous toutes ses formes. Les victimes subissent. En se taisant si possible car il ne faut pas d'amalgame. Sont-elles la priorité de la Justice ? 

Ajouter des lois aux lois ne donnera rien. Sauf si on aboutit à un consensus politique sans restriction sur le régalien : la sécurité, la justice, l'ordre public, le respect de la loi. Que nos éminents parlementaires donnent l'exemple et n'encouragent pas à tout décrier et à voir le mal partout surtout chez le concurrent et adversaire aussi citoyen que soi-même, aussi humaniste, aussi fraternel.

Et qu'on réapprenne la responsabilité individuelle. Ce n'est pas toujours la faute des autres ou un problème matériel ou un manque de moyens. Chacun doit se prendre en mains et répondre de ses actes.