lundi 26 avril 2021

Le droit contre les tordus.

 

                        Le droit contre les tordus. 

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire.

A chaque fois qu’il y a un drame comme l‘assassinat de la policière du commissariat de Rambouillet, monte spontanément un cri de désespoir avec de la compassion pour la victime, de la haine pour le meurtrier, et des commentaires : c’est inadmissible, c’est la faute au gouvernement, il faudrait faire ceci ou cela… Comme si quelqu’un avait la vérité et savait quelle était la solution pour arrêter les crimes volontaires fussent -ils symboliques, politiques ou religieux, familiaux ou de n’importe quelle nature ; ou juguler le terrorisme individuel ou de groupe organisé de l’extérieur, et faire que tout le monde vive en paix.  En matière de forces de l’ordre après quelques jours la victime et sa famille sont quelque peu quasi oubliés : on leur rend hommage publiquement, avec des belles paroles martiales du genre plus jamais cela qui sont à juste titre prononcées par les plus hautes autorités ce qui nous fait du bien. Puis on décore, et on passe à autre chose.

                                           Des réactions peu chaudes.

Je dois avoir l’ouïe bouchée, car je n’ai pas immédiatement entendu pour se désolidariser le représentant du culte concerné qui doit être par définition contre la violence. Je n’ai pas non plus été rendu sourd par une clameur publique spontanée de citoyens comme après les attentats de Charlie hebdo pour soutenir les policiers. A défaut ce silence assourdissant semblerait vouloir dire que certains pensent que se faire tuer ou blesser c’est le risque du métier quand on incarne l’ordre public ou que la mort d’une policière n’est pas un évènement. Je ne tiens pas compte des indignés qui n’admettent pas que l’on soutienne les victimes alors même que l’assassin forcément détraqué et en proie à des problèmes dépressifs ou métaphysiques et absorbant des produits y compris médicamenteux - qui est présumé innocent selon nos règles procédurales bien que mort - aurait eu des circonstances atténuantes ou un coup de chaud qui l’exonérerait de toute responsabilité du même type que pour le bourreau de Madame Sarah Halimi.

                                            Qui veut de ma solution ?

Au- delà de l’horreur on assiste au concours Lépine de propositions de loi ou de modifications du code pénal qui émanent surtout de ceux qui n’ont aucune légitimité. Mais on entend aussi - le cadavre n’étant pas encore froid et l’enquête étant en cours - des responsables politiques notamment qui en profitent pour vanter leur fonds de commerce basé sur la sécurité, et faire croire qu’avec eux cela n’arriverait pas. D’autres veulent changer le système qui serait trop inégalitaire, discriminatoire et empêche de croire, ce qui entrainerait des frustrations et des passages à l’acte. Surfer sur le désastre est indécent et personne n’est dupe. Nul n’a la formule magique légale naturellement et concrète qui permet d’anticiper et d’éviter que des crimes aient lieu, et qu’on empêche des attaques fréquentes des commissariats ou gendarmeries enfin contre tout ce qui représente l’ordre et l’autorité donc la démocratie. On sait que les promesses n’engagent que ceux qui y croient, mais celui ou celle qui annonce n’importe quoi à quelques encâblures des élections prend une responsabilité grave. Il en est de même pour ceux à la réflexion ambiguë qui critiquent toute action ou initiative et qui la jugent toujours insuffisante et sont donc contre. Ils ne veulent rien partager avec la majorité au pouvoir qu’ils veulent remplacer par leur omniscience. 

                                           Un fait divers, une loi ?

On ne peut pas faire une loi à chaque fois qu’il y a une catastrophe naturellement non prévue. N’est pas Cassandre ou la Pythie qui veut. Le gouvernement avec célérité va tenter de pallier les conséquences d’un nouvel assassinat comme celui de Mme Halimi où l’antisémitisme était avéré. Il a raison. Les juges ne peuvent s’en remettre aux seuls experts psychiatres en estimant que la loi ne distinguait pas suffisamment les causes d’abolition du discernement donc de la responsabilité, alors que comme je l’ai constaté pendant mes dizaines d’années d’exercice d’avocat, les juges savent modifier parfois radicalement et soudainement la jurisprudence, interpréter les textes légaux, ou innover dans des domaines que la loi n’avait pas prévu, et qui résultent de l’évolution de la société, des mœurs, de la morale, ou de la bioéthique. Un procès est salutaire pour que la famille des victimes tente de comprendre ce qu’elle ne peut accepter, pour examiner le mécanisme intellectuel ou éducatif du coupable, les raisonnements qui conduisent à la barbarie, et voir si l’entourage est complice.  

                                          La société du spectacle en décors réels.

Je participe moi aussi au concours d’idées. Les télévisions diffusent régulièrement des procès reconstitués ou des faits criminels que l’assassin soit vivant ou disparu. Pourquoi ne pas organiser un vrai procès pour les faits symboliques qui heurtent l’opinion, et les jurés qui sont des citoyens décideront de qui a son discernement aboli ou restreint ou non, puisqu’ils ont au moins autant de bon sens que les experts psychiatres que les magistrats suivent. Je suis pour un procès à la suite de l’assassinat de la policière de Rambouillet pour lui rendre d’abord hommage, et malgré la mort de l’auteur- justifiée par la légitime défense - essayer de comprendre comment Allah Akbar peut conduire au pire. Le Garde des Sceaux veut faire filmer certains procès pour que les citoyens comprennent encore plus comment fonctionne la justice. Chiche ! On nous dit que les assassins sont de gentilles personnes avec leurs familles et leurs voisins bien que brutalement devenus déséquilibrés voire « fous ». D’où un procès qui sera pédagogique. Bien sûr la législation la plus ferme du monde n’empêchera pas les tordus d’agir. La peine de mort n’avait pas évité les tueries. Le zéro crime ou délit est une utopie, surtout avec le terrorisme. Mais sans droit c’est encore plus dangereux.

                                      Pour une politique pénale qui dure.

 Ne légiférons pas pour tout et rien à chaque émotion.  Définissons une politique pénale qui concilie la répression et la prévention sans abandonner nos grands principes qui protègent chaque justiciable et n’en changeons pas à chaque nouvelle majorité. Appliquons sévèrement la loi existante et armons nous légalement si on manque de moyens juridiques. Comme le covid 19 qui est dans le « cloud », nous n’avons pas trouvé le virus du mal. Créons une atmosphère plus respirable, plus apaisée, plus fraternelle et moins laxiste, ce qui impose un effort de tous, colossal pour des radicalisés sectaires. Mais abaissons le glaive de la justice sans trembler. C’est mon dernier mot.       

jeudi 22 avril 2021

l'universel de la laicité doit il devenir relatif?

 

                L’universel de la laïcité doit-il devenir relatif ?

                          Par Christian Fremaux avocat honoraire

La ministre Marlène Schiappa a lancé à juste titre mais avec un peu de retard on ne sait pourquoi après le vote de la loi sur le séparatisme, un grand débat public sur la laïcité qui est une liberté. Je m’en réjouis car cette valeur fondamentale de notre république à vocation universelle est interprétée dans tous les sens et donc critiquée voire haïe.  Certains qui croient au ciel estiment que c’est le droit absolu d’exprimer leur foi et de l’exercer dans l’espace public par des signes extérieurs y compris immobiliers et la liberté débridée de pouvoir vivre leur religion, ou pour ceux qui se refèrent à la possibilité d’user d’une croyance sociale anti-tout quelconque y compris les plus dangereuses de vivre en marge de la société. D’autres qui n'adhèrent pas en une transcendance sauf celle de l’homme qui s’affronte au temporel pensent que ce qui appartient à César ne doit pas être partagé et que rien d’immanent ne peut s’interposer avec la vie en collectivité et les règles républicaines qui sont l’incarnation de la démocratie et qui sont supérieures par raison à ce que l’on appelle les lois de nature, réfléchies et rédigées par personne. Chacun doit conserver l’expression de sa conscience par devers lui.

                                             Des embrouilles qui désespèrent

 On se dispute à ce sujet et les polémiques qui sont vives entrainent des comportements inadmissibles et parfois sont un prétexte pour de la violence. Il va falloir expliquer et expliquer encore que ce qui est bon pour la liberté de conscience concerne tout le monde, riches ou pauvres, jeunes ou vieux, hommes comme femmes, noirs jaunes ou blancs. L’humanité est en jeu, et pour être modestes visons local d’abord puis nous exporterons. Si depuis des dizaines d’années y compris après les indépendances nous avons pratiqué la laïcité elle ne nous appartient pas. Le lointain prédécesseur de M. Erdogan, Mustapha Kemal Atatürk 1er président de la république turque en 1923 l’avait instaurée dans son pays. Tous les espoirs sont donc permis.  Universel s’oppose à particulier, et l’universalisme versus relativisme est un oxymore comme un absolu limité. Nous devons agir vite, éduquer et surtout convaincre. A l’intérieur comme à l’extérieur puisqu’il est admis que des difficultés sémantiques se traduisant en actions néfastes nous viennent de l’étranger, des campus américains notamment. 

                               Les non- croyants sauf en l’harmonie et la tranquillité.

 La plupart des citoyens qui doutent ou ne se sentent pas concernés par un débat théologique ou immatériel en respectant les convictions de chacun - ce qui me parait être une grande majorité - pensent que les sentiments de la sphère privée ne doivent pas s’immiscer dans la sphère publique. Ils sont irrités voire révulsés par des revendications et accusations exagérées, injustes, car ils veulent une vie paisible pour essayer de régler au mieux leurs problèmes quotidiens déjà lourds. On n’a pas besoin d’un climat permanent d’affrontement ou de suspicion. Les Principes constitutionnels notamment sont les piliers de la république et les lois sont faites pour être respectées. Si la loi ne suffit pas il faut la changer, démocratiquement, avec prudence sans partir dans l’exagération, car il ne faut jamais réagir à chaud. Mais la république n’a pas à s’adapter à toutes les particularités et demandes. La laïcité ne peut pas se diviser en stricte observance ou en régime plus libéral dit ouvert (je ne sais pas à quoi d’ailleurs ?) fait d’exceptions pour être moderne et ne discriminer personne. A défaut le caractère d’universel n’a plus de sens.

                                        Les jeunes et...les vieux aussi !

La ministre veut s’adresser prioritairement aux jeunes, mais les plus anciens ont aussi besoin de cours de rattrapage car ils ont connu une période où l’on croyait que le débat sur la place des religions dans l’Etat était clos, qu’après la loi de 1905 et les violents affrontements (contre le clergé mais pas la foi chrétienne soyons francs) chacun avait circonscrit son domaine de compétences et d’influences et qu’il n’y avait plus lieu de se souvenir et de se soucier que la France avait été la fille ainée de l’église (catholique). On s’est trompé et l’actualité nous le crie pour des raisons que chacun connait et constate, et désormais il faut faire face. Et trouver des solutions pour que la « paix » revienne, que chacun différent de l’autre retrouve sa sérénité et ne s’estime pas victime éternelle. Et participe à la réussite- j’allais écrire à la relance post pandémie -pour tous pour que nous fassions nation et non pas une juxtaposition de communautés. Un pour tous et tous pour un hurlaient d’Artagnan et les mousquetaires. Est-ce une référence encore acceptable de nos jours pour tous les énervés sectaires ? Alexandre Dumas un des héros du roman national devrait faire l’unanimité chez les jeunes comme les plus anciens ? 

                                         La laïcité pour les « nuls ».

Le président Macron dans la langue de Shakespeare- ce qui est un exploit pour un gaulois-a tenté d’expliquer à  la télévision américaine ce qu’était la laïcité, notre pratique qui n’a pas d’effets secondaires  sur les droits individuels, puisque aux USA notre humanisme, nos principes, notre mode de vie sont vivement combattus non par des boys du pays profond, mais par des étudiants -les élites locales ?-qui se disent intellectuels et qui considèrent que c’est du racisme, de l’inégalité, de la discrimination, du post colonialisme : n’en jetez plus la cour est pleine alors que  l’histoire de France n’a rien à voir avec celle des USA et leur combat pour pouvoir voter, et l’égalité des droits en général. Martin Luther King et sa lutte dans une grande démocratie n’est pas l’un des révolutionnaires de 1789 qui avaient une vision large de la société et de l’humanité, des droits et des devoirs, sans immixtion de la religion (sauf l’être suprême de Robespierre !), parfois avec un côté sombre et sanglant ce que personne n’excuse. L’universel des droits de l’homme semble pour certains illuminés des campus ne pas avoir franchi l’atlantique, alors qu’ils devraient se rappeler de Lafayette, de la constitution laïque de 1786, et de la démocratie en Amérique selon Tocqueville. Mais la France avec son histoire contemporaine n’est pas l’Amérique avec souvent par ses dirigeants ses références à Dieu.

                                            Comparaison n’est pas raison

 Des étudiants américains qui se disent être des « wokes » (des réveillés) ont ressuscité de vieilles antiennes notamment du professeur français Jacques Derrida apôtre de la déconstruction mort en 2004, et voient du mal partout : toutes les minorités particulièrement de couleur non blanche sont des victimes, sont encore dominées, ne sont pas égales en droit, et notre devise qui y ajoute la liberté et la fraternité n’est qu’une joyeuse farce d’hypocrisie et de soumission. On incite ainsi de loin à la révolte et en France des groupuscules agissants représentatifs de personne et/ou des croyants hétérogènes qui se sentent exclus pour diverses raisons dont celles tenant à la colonisation, suivent les mots d’ordre venant de nulle part légitime considérant que la laïcité n’est qu’un prétexte et en réalité qu’une interdiction, des brimades, de l’autoritarisme, et empêche la liberté de conscience de s’exercer. Il faut donc la refuser voire l’abattre pour imposer ce qui serait le nirvana sans elle ?  Il ne faut même pas essayer de comprendre ce qu’est cette valeur qui peut être un piège ?  C’est un contre sens complet et confondant de bêtise. J’espère que le président Macron a su faire passer avec son talent son message mesuré,  et que celui-ci sera compris en interne jusqu’au très profond de nos territoires et traduit en termes compréhensibles pour nos indignés franco-français qui ont une culture sélective et parfois obscurantiste sans être méchant puisqu’ils fréquentent nos écoles, nos universités, profitent de notre système et de nos institutions , de nos politiques de paix et de la main tendue, du dialogue  permanent public et sont dans le monde économique, donc peuvent librement participer au succès de la France.

                                      La laïcité pour quoi faire ?    

La laïcité c’est une liberté, l’émancipation qui permet de vivre au milieu des autres, en se complétant, sans imposer quoi que ce soit à personne. L’Etat est le garant de la liberté de conscience. Il ne subventionne aucun culte, il reste neutre, mais n’interdit rien. La laïcité ne doit pas être binaire en désignant les bons et les méchants, les progressistes et les conservateurs. Tous ont une place au sein de la république. L’universel permet de dépassionner et dépersonnaliser le débat d’idées. Il ne peut être relatif car tout ne se vaut pas. Il doit conduire au consensuel.

Dans son ouvrage « Le crépuscule de l’universel « (Ed.Cerf 2020),madame Chantal Delsol écrit : « peut- être avons-nous été trop loin dans l’enthousiasme… en considérant qu’il s’agissait d’un utopie universelle » .Faisons comme le voulait le slogan de mai 68 : « soyons réalistes, demandons l’impossible ». Il faut y croire sinon ce sera l’aventure.   

         

mercredi 14 avril 2021

Faut-il respecter la loi?

 

                                           Faut-il respecter la loi ?

                        Par Christian Fremaux avocat honoraire

On vit une période formidable où on ne pardonne rien aux autres tandis qu’on est d’une indulgence infinie pour soi. Alors que la pandémie fait des ravages, que l’économie résiste à coup de milliards magiques, que ceux qui veulent ouvrir leurs commerces en sont écartés, que les jeunes pensent qu’ils sont sacrifiés au profit de la génération ainée, le microcosme s’agite pour peu me semble- t -il. Il s’agit du non-respect d’une directive sanitaire, de la loi donc, de l’interdiction de manger en rond à plus de 6 sans masque bien sûr. On recherche activement qui a profité de repas de luxe concoctés par un chef étoilé tenus dans ce qu’il appelle non pas un restaurant clandestin mais son club privé à savoir son appartement, ce qu’il estime être légal. Mais on traque des délinquants. On suppute une fraude et on estime le cuisinier trop habile sur le plan administratif. On espère pour s’en indigner ramener dans les filets un gros poisson - un ministre si possible - pour montrer au bon peuple qu’il n’y a pas de plus égaux que d’autres et qu’à défaut de lieux ouverts au public manger doit rester un acte citoyen. Qu’ils s’agissent de gargotes ou d’endroits huppés la loi doit être observée. Dans tous les autres domaines aussi. Naturellement je n’approuve pas les comportements irresponsables qu’ils soient illégaux ou immoraux. Mais il faut d’abord prouver la culpabilité, qu’il y a une infraction et que la loi a été détournée ou violée. La rumeur ne suffit pas. Je déteste une société de délation et la chasse aux sorcières. La démocratie mérite mieux.  

                                S’affranchir de la loi est-ce tendance ?

Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Mon sujet est l’insouciance légale qui peut conduire à des drames et la mise de côté de ce qui est la représentation d’un ordre démocratique et à l’anarchie, la chienlit disait le Général. Crise sanitaire ou non, des joyeux drilles de Marseille ont organisé leur carnaval avec des milliers de participants, hilares et débâillonnés. Les soignants épuisés des hôpitaux n’ont pas ri de ce spectacle navrant. Des étudiants déprimés et frustrés de ne plus pouvoir faire la fête - partie intégrante du diplôme universitaire sans doute ? - retrouvent des potes sur les quais pour boire une bière, le masque dans le dos. Cela me rappelle Stéphane Mallarmé : « la chair est triste hélas et j’ai lu tous les livres… ». Les étudiants n’ont plus que des tablettes et des ordinateurs !  Des récalcitrants refusent de se faire vacciner au nom de l’atteinte à leur liberté. Pourtant la Cour Européenne de Strasbourg vient de juger que la vaccination obligatoire était compatible avec les droits de l’homme.  Qui a le mauvais goût de respecter désormais la loi même si elle ne leur convient pas, sinon les citoyens de base qui paient leurs impôts, votent, ne sont pas des prétendus rebelles ou plutôt des tigres de papier et qui croient en l’intérêt général ?

                                             La loi pour quoi faire 

Pour des motifs aussi variés qu’absurdes ou personnels la loi est subsidiaire. On décrète qu’elle ne sert à rien ou qu’elle interdit de trop. Voire qu’elle a des effets non prévus dangereux ou intolérables. Le subjectif prime. On préfère la désobéissance civile (ex. les zadistes). On crée une règle spécifique (ex. les décisions baroques des maires écologistes). On exige par la violence, qu’on impute aux autorités (ex. les gilets jaunes). On privilégie l’émotion et l’humain à la raison (ex. le cultivateur de la vallée de la Roya qui aide les migrants irréguliers, ce que le conseil constitutionnel a validé). Ou tout simplement parce qu’on juge bien pour soi ou pour les autres de ne pas suivre la loi, sans motif avéré et acceptable, et que tout ce qui empêche doit être jeté aux orties. C’est simple. La loi ne sert plus l’intérêt collectif :  elle ignore par prudence ou favorise des intérêts particuliers. Elle est considérée ou non selon le bon vouloir de toute personne. Et certains s’en dispensent. Des élites de toute nature y compris politiques approuvent et théorisent le rejet.    

                                          Qu’est devenue la loi ?

La loi qui est l’expression de la volonté générale est devenue secondaire.  Les parlementaires qui la fabriquent continuent à se disputer sur les mots, sa portée, essaient de n’oublier personne sans discriminer ou blesser certains. Et en évitant de poser les questions qui fâchent en utilisant implicitement la vieille formule de B.Brecht : « quand le peuple vote contre le gouvernement, on dissout le peuple ». J’exagère bien sûr, on tire au sort quelques quidams qui vont déterminer la politique et les projets de loi de l’exécutif, donc la vie quotidienne des citoyens. On n’est plus ou de loin dans les critères classiques de la loi qui doit caractériser un consensus sur un sujet donné pour l’instant et le futur, avec des principes de hauteur, qui est issu de la majorité du peuple, qui concrétise une norme, un idéal et qui est impérative. Elle n’est pas un cadre pour des dérogations. Selon Périclès au V -ème siècle avant J.C : « la loi est toute délibération en vertu de laquelle le peuple assemblé décrète ce qu’on doit faire de bien ou non ; ce que le pouvoir qui commande dans un Etat ordonne, après en avoir délibéré ».  La loi permet les rapports entre les gens et facilite la vie en société. On comprend qu’elle doit être contraignante en droit.  Elle est cependant à géométrie variable. 

                                            Des interprétations.   

En suivant les débats du parlement à la télévision où les députés sont rarement d’accord avec les sénateurs ou l’inverse chacun sait que la loi est un texte de compromis. Les discussions dans les médias semblent ensuite démontrer que les journalistes ou les experts auto-proclamés en savent plus que tout le monde. Puis les intellectuels dits éclairés y vont de leurs commentaires d’autant plus féroces qu’ils n’ont ni légitimité ni responsabilité.  Enfin il y a les sondages : le commun des mortels délivre son avis sinon son oracle. Tout ce processus est la démocratie moderne dite participative.  La loi a pris une signification différente selon les interrogés. S’y ajoute l’interprétation légitime des juges dont c’est le métier, qui étudient l’esprit de la loi votée, les circulaires d’application rédigées par l’administration, puis le texte tel qu’il a été promulgué. Et on arrive à de la jurisprudence parfois contraire entre les décisions ou à ce que les juges comblent des vides juridiques. La loi peut avoir une force injuste mais dura lex sed lex. Et un poursuivi ne peut être réhabilité en victime par un choix personnel de celui qui doit appliquer la loi, serait -il empreint d’une pseudo justification juridique, ou d’humanité qui reste de l’honneur d’un juge. La loi doit être respectée et est la seule marque de confiance que le citoyen a à sa disposition. Elle n’est pas une option. C’est une obligation dans l’intérêt de tous, du peuple et plus au profit des petits que des grands.     

  

jeudi 8 avril 2021

C’est un joli nom fraternité.

 

                                 C’est un joli nom fraternité.

                   Par Christian Fremaux avocat honoraire

On ne cesse de culpabiliser ceux qui ne sont pas des bien-pensants selon des critères auto-définis par une minorité bruyante très agissante, et de se gargariser de la notion de vivre-ensemble qui de mon point de vue est vide, ne veut plus rien dire mais peut entrainer des mirages dangereux et inciter à n’exiger que des droits alors que les devoirs existent aussi, ainsi que l’autorité nécessaire et l’ordre public par le respect des règles votées par le parlement pour qu’une société fonctionne. La liberté n’est pas le droit de s’affranchir de tout !

 Autrefois on utilisait le beau nom de fraternité pour expliquer qu’il fallait regarder l’autre, lui ouvrir les bras, l’aider dans la mesure de ses moyens, le considérer comme un égal et lui faciliter la vie de tous les jours. Puis on a changé de vocabulaire -vivre ensemble-qui est toujours le prélude et la condition nécessaire pour aboutir à un changement de paradigme. Mais le professeur Francis Fukuyama qui avait prédit la fin de l’histoire après la chute du mur de Berlin avec l’avènement et le triomphe de la société occidentale démocratique, s’est planté. On le voit en regardant l’état du monde, l’affrontement d’Etats ou se prétendant tels ou des peuples démultipliés en ethnies ou tribus, les guerres militaires ou économiques avec la mondialisation ou la pandémie du covid 19, les massacres divers, la lutte pour les matières premières dont l’eau, et les gouvernances de pays au mieux nations où des dirigeants aimeraient bien être au pouvoir à vie. Les religions ou croyances spirituelles diverses reprennent de la vigueur et irriguent le comportement de masses qui confondent le temporel et le spirituel. Rendre à César ce qui lui appartient et à dieu ce qui est de son royaume, n’a plus de sens. On est dans une totale confusion. Cela entraine a minima des malentendus, et pour le pire des conflits armés ou presque dans des cas devenus sensibles et inflammables y compris chez nous : les violences qui s’exercent un peu partout, de la petite délinquance qui irrite et crée un climat délétère, des batailles rangées entre jeunes sur fond de trafics ou de pré-carrés à conserver, jusqu’au terrorisme organisé ou improvisé individuellement par ceux que nous avons élevés et biberonnés à notre école et notre art de vivre,  et les principes républicains qui ne parlent plus de la même façon à tous, comme la laïcité. Je n’exagère pas et je regrette d’avoir à le constater : mais le déni ne fait pas une politique et on ne peut trouver des solutions qu’en nommant exactement les faits.    

 Certains-comme moi- partagent la théorie du professeur Samuel Huntington qui croit-malheureusement- dans le choc des civilisations. Nous sommes dans le retour d’un cycle et le passé n’a pas servi de leçons.  Je pense qu’on est dans des contestations dures au moins de valeurs légitimes qui sont contraires sinon contradictoires et de sens de la vie. Même dans nos discussions politiques internes on a des idéologues- outre des révolutionnaires qui ne disent pas vers quelle société merveilleuse, pacifique et consensuelle leurs théories aboutissent - qui estiment avoir la vérité, comme des élus verts qui veulent nous dicter comment vivre, manger, bouger, nous chauffer, nous déplacer, jusqu’à avoir un avis sur quoi rêver, mais surtout pas pour les enfants à Saint Exupéry et à son avion de l’aéropostale selon une maire de moyenne ville… C’est terrifiant : on veut me changer de civilisation alors que je me contente de celle que je fréquente qui peut être modernisée mais pas expédiée ad patres.  On avait inventé le vivre-ensemble pour faire croire que le multiculturalisme qui nous vient de tous ceux qui choisissent de vivre chez nous à leur insu de leur plein gré mais sans avoir été invités, serait la panacée pour aplanir d’éventuelles difficultés et que chacun tout en restant libre dans sa sphère privée, puisse s’assimiler aux mœurs et traditions françaises et surtout aux lois de la république. Objectif exaltant et non contestable !  Certains disaient que c’était ainsi une chance pour la France. D’autres aussi républicains et humanistes que les autres, sincères mais plus pragmatiques et attachés à ce qui fait la grandeur de la nation française, n’ont pas apprécié de devoir faire de la place à des valeurs qui ne s’imbriquaient pas exactement dans l’édifice construit depuis des siècles. Personnellement je n’ai pas vu cette chance mais je dois avoir de mauvaises lunettes et je n’ai aperçu aucun effet positif.  Je suis indulgent avec ceux qui ont pris des grands risques pour venir de loin croyant trouver sur notre terre un accueil digne de ce nom, et des conditions de vie plus agréables et moins risquées que celles qu’ils fuyaient. Ils sont déçus et crient à l’escroquerie intellectuelle pour le moins ! On leur refuse des droits qu’on leur avait fait miroiter avec de la protection sociale ,et des revenus  qu’ils doivent se procurer… tout seuls. Où est le vivre ensemble ? Que devient la fraternité dans ces conditions ?  Ils ne sont pas entièrement responsables.  Ils ont été encouragés par des individus de chez nous qui veulent faire le bien des autres et l’imposer à leurs propres compatriotes.

 Mais ce qui était peut -être possible il y a des années en période de croissance avec peu de candidats, devient problématique par temps de crise y compris sanitaire où il faut fermer les frontières pour tous sans discrimination, d’économie atone et en fort recul. Le droit d’asile doit être perpétué puisque c’est notre honneur et notre devoir, mais le repli sur soi-même devient une protection élémentaire pour le quidam qui a le droit de penser aussi à lui et à ses proches. Il est donc inutile d’opposer ceux qui croient et ceux qui ne croient pas comme le chantait Georges Brassens, ceux qui seraient dans le camp de la générosité et du progrès humain (que personne ne peut définir) et les méchants ; ceux qui se targuent d’avoir les solutions  de toute nature pour l’avenir et ceux qui doutent et préfèrent s’en tenir à des améliorations prudentes ,et aussi pour que les gens des campagnes ne paient pas la vie dont rêvent les habitants des villes …Avec Paul Valéry on sait qu’une civilisation est mortelle, que l’agonie peut durer, mais il faut tout faire pour qu’elle ne tombe pas malade et ne pas lui ingurgiter de force des remèdes de cheval  qui font plus de mal que de bien, avec de l’huile de foie de morue pour faire passer la pilule.  

Et il y a un principe de base dans un pays démocratique : le vote. On ne confie pas le soin  de   déterminer et de conduire la politique du gouvernement aux lieu et  place de l’exécutif à des comités citoyens de quelques personnes tirées au sort, qui se substituent aux élus réguliers ( 925 parlementaires et 520.000 élus locaux ) sans compter tous les corps intermédiaires et les institutions représentatives ;  plus le référendum y compris d’initiative partagée (1/10 -ème des électeurs et 1/5 -ème du parlement) , et tous les « grenelles » possibles ou les cahiers de doléances comme après la crise des gilets jaunes. La fraternité doit d’abord être appréciée par le peuple. L’émotion ne fait pas raison et aboutit souvent à des désastres et à des fractures citoyennes. La fraternité rapproche et soude. Elle est devenue en 2018 un principe constitutionnel donc républicain, comme la liberté et l’égalité.