lundi 3 juin 2019

Reprenons nos esprits.


                                  Reprenons nos esprits.
               Par Christian Fremaux avocat honoraire et élu local.
Je n’ai pas écrit depuis le 23 mars  et mon article «  sur justice et politique »car je ne voulais pas prêcher dans le désert. L’attention était ailleurs. En effet il y a eu d’abord le grand débat   M. Macron a parlé, parlé, et j’ai attendu que le président de la république en tire les conclusions et annonce des mesures avant de faire des commentaires sur mes sujets  classiques qui n’intéressent pas le grand public. Il l’a fait même si chacun d’entre nous attendait la réponse qui le concernait directement et nous avons été déçus que le président  ne réponde pas à NOTRE sujet  personnel de préoccupation, sachant qu’il y a 67 millions de citoyens sans compter les sujets de mécontentements.  Les gilets jaunes ont considéré que le combat doit continuer, car le président  n’aurait  pas été à la hauteur, qu’il avait  concédé des miettes qui se montent quand même  au moins à 17 milliards  d’euros et que les 45% de français qui paient l’impôt vont devoir combler ! Mais l’influence réelle des gilets jaunes a été mesurée par les élections européennes. Elle est dérisoire dans les urnes qui sont les juges suprêmes avec une abstention moins forte que d’habitude pour ce genre de scrutin,  et si les gilets jaunes étaient des pacifistes démocrates  et responsables comme ils le clament  en jetant des pavés et en cassant du flic  et du matériel,  ils devraient rentrer chez eux et se préparer  à être candidats pour les prochaines élections municipales de 2020.  Le courage est de se présenter avec ses défauts et qualités à une élection et montrer ce qu’il faut faire. Et en répondre en cas d’échec ce qui limite le nombre des courageux.  Seule l’élection républicaine donne la légitimité , tout le reste n’est que bavardage stérile, arrogance,  violence gratuite et absence de  volonté de  construire un avenir pour tous. On ne fait pas de révolution pour les autres et personnellement je n’ai pas besoin d’avocat ni jaune ni marron pour exprimer mes revendications.
Je n’ai pas écrit non plus ensuite car il y a eu l’incendie de Notre -Dame, et  n’est pas Victor Hugo qui veut. L’émotion a prédominé.  Si l’on est croyant catholique -conformément à la tradition de la France -malgré la laïcité et d’autres religions qui ont tordu un peu le nez, que l’on soit pratiquant ou non, on s’est ému des dégradations de ce qui est l’un des emblèmes de Paris. Ce sont les étrangers plus neutres et objectifs qui ont le mieux parlé du symbole qu’est Notre -Dame qui a accompagné la France dans toute son histoire qu’elle soit joyeuse ou dramatique. Il y a eu aussitôt et bien sûr des polémiques. Notamment parce que des riches avaient fait des dons qui pouvaient être défiscalisés selon la loi. C’est lamentable, que les pauvres paient donc et on verra si c’est plus acceptable.  J’espère que les chicayas se calmeront et que Notre -Dame retrouvera avec son éclat sa force spirituelle, que j’entends à titre religieux ou profane.
Je n’ai enfin évidemment rien écrit pendant la campagne des élections européennes qui fut confuse en raison du nombre invraisemblable des listes et de la foire d’empoigne dans les arguments échangés -quand on les entendait-, et des opportunistes qui en profitaient pour faire leur publicité pour les animaux  qui ne parlent pas, eux, ou beaucoup plus sérieusement  pour les démocrates musulmans qui se sont comptés,  ce qui est un point de départ à mon avis. Comme quoi  une bonne vieille élection est utile, les gens  veulent se faire élire croyant que c’est facile de décider et se servent de  la démocratie représentative à défaut d’un meilleur système,  qui n’est pas une délibération permanente débridée et des discussions tous les jours,  car ce qui compte c’est la prise de décision efficace après débats et mise en balance de diverses solutions. On ne peut accepter qu’une poignée d’individus  même de bonne foi ou se trompant faute de vraies connaissances, guide l’action de la majorité et exige d’avoir raison ou qu’on les flatte. La démocratie n’est pas de satisfaire  celui qui crie le plus fort ou impose ses choix.  On a peu parlé de l’Europe, à quoi elle sert, comment la rendre plus démocratique et proche du citoyen, pourquoi en faire un système qui protège, l’inutilité de se replier sur soi - même face à un monde qui s’étend ne serait- ce qu’à travers les GAFA,  et d’élire des députés qui y croient ? J’avais écrit il y a longtemps non aux hologrammistes (voir mon blog du 8 juin 2018 )  c’est  à dire de ne pas envoyer à Bruxelles et Strasbourg des députés qui veulent abattre l’Europe de l’intérieur ou qui n’y croient  pas vraiment. Je n’ai pas été entendu. Le résultat en France a placé en tête un parti qui rêvait il y a peu du Franxit, et qui voyant l’exemple de la Grande- Bretagne a changé  de stratégie pour  faire des élections européennes un test de politique interne,  un référendum contre M. Macron qui comme saint -Sébastien s’est offert  en martyre pour faire barrage de  son corps juvénile  d’un homme de 40 ans  à ce qu’il appelle les extrêmes, alors que l’objectif était de faire gagner l’Europe  et d’avoir un maximum de votants,  en jouant un jeu  dangereux en défiant tout le monde. Il a fini 2ème c’est une défaite mais comme toujours en France quand l’équipe a perdu mais a bien joué, c’est elle le vainqueur. Il va donc poursuivre son action , ses réformes pour moi très nécessaires mais  en les  corrigeant un peu on l’espère pour ceux qui n’ont pas voté pour lui et qui sont à la peine.  La droite républicaine à mon grand regret  mais non sans bonnes raisons a été laminée , les polémiques de personnes vont débuter,   et les sociaux-démocrates ont disparu. La république est au centre avec un extrême au moins populiste comme dans d’autres pays européens,  puisque M. Mélenchon vient de se souvenir que la roche tarpéienne est toujours proche du capitole. C’est Berthold Brecht qui a dit que quand le peuple vote contre le gouvernement (-où ceux qui savent tout)-, il faut dissoudre le peuple.
Je n’avais rien à écrire pendant ces semaines de campagne politique,  car chacun est libre de se déterminer et de prendre ses responsabilités puisque personne ne détient la vérité  et j’en ai profité début mai  pour faire un tour en Allemagne, puis en Tchéquie (Prague est superbe) , puis à Cracovie, Torun  dans l’est vers la Russie et  à Varsovie en Pologne. J’ai regardé les télévisions, j’ai parlé avec des gens et j’ai eu le sentiment que le populisme ( qui n’est pas de l’extrémisme  ou le rejet de tous les autres)  allait faire un bon score car les citoyens que j’ai rencontrés en ont assez d’ être gouvernés par des technocrates et  pris pour des racistes, d’être accusés de refuser de tendre la main , de devoir accueillir  avec joie qui on leur impose au nom de la solidarité voire de l’humanisme  ce qui serait une chance non démontrée pour les pays qui reçoivent  malgré eux et doivent intégrer; d’être à la merci des entreprises mondialisées et des réseaux sociaux ; et que l’homme dans sa campagne hors des villes ne soit plus considéré ni dans son identité ni dans ses croyances que l’on qualifie de ringardes, ni dans ses habitudes de vie, alimentaires, culturelles ou autres. Le progressisme n’est pas forcément de tout balayer, et le progrès technique, technologique (l’intelligence artificielle par exemple) ou humain (la génétique) n’apporte pas automatiquement le bien, comme l’écologie dans l’urgence n’est pas la panacée même s’il faut tendre à prendre grand soin de la planète. Cessons de vouloir tout punir : convainquons des bienfaits.   
Je n’ai pas écrit non plus sur d’autres sujets d’actualité car j’ai préparé des articles pour l’Auditeur revue de l’association nationale des auditeurs de l’ANA-INHESJ  (voir son site)    et j’ai été élu  le 17 Mai  2019 à l’académie des Sciences d’outre-mer qui siège à paris 16ème sous la direction de son secrétaire perpétuel (voir son site sur sa composition , ses compétences de société savante…) ce qui m’a pris du temps pour me présenter aux académiciens qui m’ont accepté parmi eux comme correspondant de la 3ème section des sciences juridiques, économiques et sociales, ce qui est un très grand honneur. J’espère que je serai à leur hauteur.
Je reprends donc mes esprits et je pense que vous allez reprendre les vôtres car la fin de l’année 2019 et ses futures péripéties ne sont pas pour tout de suite mais  les grandes vacances approchent , ce qui est du sérieux pour qui n’est pas japonais !
Ce qui m’a désolé c’est le cas de M.Vincent Lambert et la bagarre juridique qui va avec. J’espère que M.Lambert que l’on décrit comme étant dans un état végétatif irréversible n’entend  et ne comprend rien aux manoeuvres qui le concernent  , et  je pose comme principes que ses parents, sa femme et toute la famille  qui se déchirent dans des décisions contradictoires veulent son bien naturellement .  J’espère que de le maintenir en vie n’ajoute pas de la souffrance à la souffrance.  Je ne juge personne qui serai- je pour cela ?  et pas les médecins qui décident d’arrêter les soins qu’ils estiment déraisonnables et les magistrats de la cour d’appel  qui ont décidé de poursuivre la vie jusqu’à une fin naturelle. La loi Léonetti -Clays a permis de grandes avancées en matière de fin de vie, avec des instructions éclairées. Mais la loi ne peut répondre à tout et trancher les cas de conscience, et c’est tant mieux. Sinon pourquoi ne pas s’en remettre aux dés ou à un robot doué d’intelligence artificielle ? L’humain est irremplaçable et l’homme au sens large doit prendre ses responsabilités c’est ce qui fait sa grandeur et sa spécificité. Tout cas est particulier, et personne n’a le droit de s’immiscer ou de faire une affaire de principe sur le sort d’ un homme ou une femme déterminés.
Ce que je n’aime pas en revanche ce sont les cris de victoire ou de désespoir (j’ai entendu le terme assassinat ?) quand une juridiction se prononce.  Un avocat  a hurlé de joie en indiquant que c’était une « remontada » comme au football ! quand la cour d’appel dans sa dernière décision a donné instructions de ne pas cesser l’arrêt des soins,  et a  ordonné que M.Lambert soit de nouveau alimenté. Il semble qu’un pourvoi en cassation ait été inscrit et les juges devront dire si la cour d’appel a eu raison en droit  (la décision d’arrêter les soins est-elle une voie de fait ? ) ou si son arrêt  doit être cassé, c’est -à dire qu’il faut cesser de maintenir artificiellement en vie M. Lambert. Je ne voudrai pas être à la place des magistrats quelle que soit la décision qu’ils prennent.
A ce propos et c’est le sens de mes remarques, le public ébahi a pu vérifier qu’il y avait deux ordres de juridiction qui s’occupaient du « dossier » de M.  Lambert.   Quand le médecin qui dépend de l’hôpital public prend une décision on peut l’attaquer devant le tribunal administratif formés de juges venant souvent de la fonction publique, énarques en particulier,  (avec des référés procédures d’urgence possible) ; puis en appel devant la cour administrative d’appel et enfin en dernier ressort devant le Conseil d’Etat.  Dans d’autres cas, on peut saisir les tribunaux judiciaires (en référé aussi) formés de magistrats professionnels  à l’école de la magistrature de Bordeaux que le public connait bien, protecteurs  par la Constitution de 1958 des libertés individuelles, comme le droit ou l’atteinte à la vie, les voies de faits, la violation d’une liberté fondamentale, le non-respect d’un accord ou d’une volonté…avec un recours  devant la cour d’appel, puis en dernier ressort devant la Cour de cassation.
Ce n’est pas la grande qualité et la conscience des juges qu’ils soient  administratifs  ou judiciaires qui sont en cause. C’est la compétence attribuée à chacune des juridictions qui est différente et qui peut conduire à des divergences de jurisprudence qui peuvent indigner les justiciables et le public non averti.
Personnellement par expérience professionnelle je me bats avec d’autres depuis que je suis avocat (1974) pour qu’il n’y ait qu’un ordre de juridiction et que l’on simplifie les procédures. Soyons modernes, innovons avec une justice du XXIème siècle, et en moyens et surtout en personnel. Sinon on a une justice à bas coût ce que personne ne veut, politiques compris bien qu’ils aient l’impression qu’ils sont dans le collimateur.  Cela n’a pas marché mais il n’est pas nécessaire de réussir pour persévérer. Je pense que l’institution  judiciaire en général doit avoir une place plus grande dans nos institutions  qui on le voit sont remises en cause et contestées dans leurs légitimités, car ce qui remonte des protestations c’est plus de justice, sociale certes mais aussi pour la vie de tous les jours, sans plus égaux que d’autres et sans deux poids et deux mesures  et pour tous les conflits de toute nature. Comme à Roland-Garros où les champions de tennis s’affrontent  et jouent à guichets fermés , il faut des arbitres fermes et  impartiaux qui  ne se laissent pas déstabiliser par les cris ou l’exaspération  réelle ou feinte d’un joueur même l’un des  meilleurs du monde ( je pense à l’excellent braillard John Mac Enroe), et qui  vérifient si la balle est bonne ou out, si elle est tombée sur la ligne ou non , ce que la caméra électronique permet de contrôler. Si l’on est aussi pointilleux pour du sport, on doit l’être pour tout ce qui oppose les citoyens, et quand la vie est en jeu il faut une justice compréhensible par tous, assistés d’experts s’il le faut, qui tranche en fonction des textes , de la conscience des uns et des autres, des grands principes de la vie, des libertés, et de la souffrance de la victime, qui se répercute vers tout son entourage.
On a le droit de maudire ses juges, mais on ne doit pas les soupçonner par principe. Ils sont des hommes et des femmes qui ont une vie personnelle, une conscience, des opinions comme tout citoyen. Ils peuvent se tromper comme chacun d’entre nous, on ne peut leur demander l’impossible.  Ils appliquent le droit positif que nos parlementaires ont élaboré et voté. Leurs missions les dépassent. Ils jugent au nom du peuple français.  
Reprenons donc nos esprits , essayons de nous sortir des luttes partisanes ou  binaires qui ne mènent à rien. On n’a jamais raison seul . Raisonnons collectif car on ne peut gagner en humiliant l’adversaire et sans penser un peu à l’autre. Et sans faire le moindre effort qui parfois oblige à abandonner de nos exigences voire un peu de nos libertés, et je pense là au terrorisme ,  à la sécurité publique et à toutes les menaces quelles soient naturelles ou non.    

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