Reprenons nos esprits.
Par Christian Fremaux avocat honoraire et élu
local.
Je n’ai pas
écrit depuis le 23 mars et mon article «
sur justice et politique »car je ne voulais pas prêcher dans le désert.
L’attention était ailleurs. En effet il y a eu d’abord le grand débat où M. Macron
a parlé, parlé, et j’ai attendu que le président de la république en tire les
conclusions et annonce des mesures avant de faire des commentaires sur mes
sujets classiques qui n’intéressent pas
le grand public. Il l’a fait même si chacun d’entre nous attendait la réponse
qui le concernait directement et nous avons été déçus que le président ne réponde pas à NOTRE sujet personnel de préoccupation, sachant qu’il y a
67 millions de citoyens sans compter les sujets de mécontentements. Les gilets jaunes ont considéré que le combat
doit continuer, car le président
n’aurait pas été à la hauteur,
qu’il avait concédé des miettes qui se montent
quand même au moins à 17 milliards d’euros et que les 45% de français qui paient
l’impôt vont devoir combler ! Mais l’influence réelle des gilets jaunes a
été mesurée par les élections européennes. Elle est dérisoire dans les urnes
qui sont les juges suprêmes avec une abstention moins forte que d’habitude pour
ce genre de scrutin, et si les gilets
jaunes étaient des pacifistes démocrates et responsables comme ils le clament en jetant des pavés et en cassant du flic et du matériel, ils devraient rentrer chez eux et se préparer à être candidats pour les prochaines élections
municipales de 2020. Le courage est de
se présenter avec ses défauts et qualités à une élection et montrer ce qu’il
faut faire. Et en répondre en cas d’échec ce qui limite le nombre des
courageux. Seule l’élection républicaine
donne la légitimité , tout le reste n’est que bavardage stérile, arrogance, violence gratuite et absence de volonté de
construire un avenir pour tous. On ne fait pas de révolution pour les
autres et personnellement je n’ai pas besoin d’avocat ni jaune ni marron pour
exprimer mes revendications.
Je n’ai pas
écrit non plus ensuite car il y a eu l’incendie de Notre -Dame, et n’est pas
Victor Hugo qui veut. L’émotion a prédominé. Si l’on est croyant catholique -conformément à
la tradition de la France -malgré la laïcité et d’autres religions qui ont
tordu un peu le nez, que l’on soit pratiquant ou non, on s’est ému des
dégradations de ce qui est l’un des emblèmes de Paris. Ce sont les étrangers
plus neutres et objectifs qui ont le mieux parlé du symbole qu’est Notre -Dame
qui a accompagné la France dans toute son histoire qu’elle soit joyeuse ou
dramatique. Il y a eu aussitôt et bien sûr des polémiques. Notamment parce que
des riches avaient fait des dons qui pouvaient être défiscalisés selon la loi.
C’est lamentable, que les pauvres paient donc et on verra si c’est plus
acceptable. J’espère que les chicayas se
calmeront et que Notre -Dame retrouvera avec son éclat sa force spirituelle,
que j’entends à titre religieux ou profane.
Je n’ai enfin
évidemment rien écrit pendant la campagne des élections européennes qui fut
confuse en raison du nombre invraisemblable des listes et de la foire
d’empoigne dans les arguments échangés -quand on les entendait-, et des opportunistes
qui en profitaient pour faire leur publicité pour les animaux qui ne parlent pas, eux, ou beaucoup plus
sérieusement pour les démocrates
musulmans qui se sont comptés, ce qui
est un point de départ à mon avis. Comme quoi une bonne vieille élection est utile, les gens
veulent se faire élire croyant que c’est
facile de décider et se servent de la
démocratie représentative à défaut d’un meilleur système, qui n’est pas une délibération permanente
débridée et des discussions tous les jours, car ce qui compte c’est la prise de décision
efficace après débats et mise en balance de diverses solutions. On ne peut
accepter qu’une poignée d’individus même
de bonne foi ou se trompant faute de vraies connaissances, guide l’action de la
majorité et exige d’avoir raison ou qu’on les flatte. La démocratie n’est pas
de satisfaire celui qui crie le plus
fort ou impose ses choix. On a peu parlé
de l’Europe, à quoi elle sert, comment la rendre plus démocratique et proche du
citoyen, pourquoi en faire un système qui protège, l’inutilité de se replier
sur soi - même face à un monde qui s’étend ne serait- ce qu’à travers les
GAFA, et d’élire des députés qui y
croient ? J’avais écrit il y a longtemps non aux hologrammistes (voir mon
blog du 8 juin 2018 ) c’est à dire de ne pas envoyer à Bruxelles et
Strasbourg des députés qui veulent abattre l’Europe de l’intérieur ou qui n’y
croient pas vraiment. Je n’ai pas été
entendu. Le résultat en France a placé en tête un parti qui rêvait il y a peu
du Franxit, et qui voyant l’exemple de la Grande- Bretagne a changé de stratégie pour faire des élections européennes un test de
politique interne, un référendum contre
M. Macron qui comme saint -Sébastien s’est offert en martyre pour faire barrage de son corps juvénile d’un homme de 40 ans à ce qu’il appelle les extrêmes, alors que l’objectif
était de faire gagner l’Europe et d’avoir
un maximum de votants, en jouant un jeu dangereux en défiant tout le monde. Il a fini
2ème c’est une défaite mais comme toujours en France quand l’équipe
a perdu mais a bien joué, c’est elle le vainqueur. Il va donc poursuivre son
action , ses réformes pour moi très nécessaires mais en les
corrigeant un peu on l’espère pour ceux qui n’ont pas voté pour lui et
qui sont à la peine. La droite
républicaine à mon grand regret mais non
sans bonnes raisons a été laminée , les polémiques de personnes vont
débuter, et les sociaux-démocrates ont disparu. La
république est au centre avec un extrême au moins populiste comme dans d’autres
pays européens, puisque M. Mélenchon
vient de se souvenir que la roche tarpéienne est toujours proche du capitole.
C’est Berthold Brecht qui a dit que quand le peuple vote contre le gouvernement
(-où ceux qui savent tout)-, il faut dissoudre le peuple.
Je n’avais
rien à écrire pendant ces semaines de campagne politique, car chacun est libre de se déterminer et de
prendre ses responsabilités puisque personne ne détient la vérité et j’en ai profité début mai pour faire un tour en Allemagne, puis en Tchéquie
(Prague est superbe) , puis à Cracovie, Torun dans l’est vers la Russie et à Varsovie en Pologne. J’ai regardé les
télévisions, j’ai parlé avec des gens et j’ai eu le sentiment que le populisme
( qui n’est pas de l’extrémisme ou le
rejet de tous les autres) allait faire
un bon score car les citoyens que j’ai rencontrés en ont assez d’ être
gouvernés par des technocrates et pris
pour des racistes, d’être accusés de refuser de tendre la main , de devoir
accueillir avec joie qui on leur impose
au nom de la solidarité voire de l’humanisme ce qui serait une chance non
démontrée pour les pays qui reçoivent malgré eux et doivent intégrer; d’être à
la merci des entreprises mondialisées et des réseaux sociaux ; et que
l’homme dans sa campagne hors des villes ne soit plus considéré ni dans son
identité ni dans ses croyances que l’on qualifie de ringardes, ni dans ses
habitudes de vie, alimentaires, culturelles ou autres. Le progressisme n’est
pas forcément de tout balayer, et le progrès technique, technologique
(l’intelligence artificielle par exemple) ou humain (la génétique) n’apporte
pas automatiquement le bien, comme l’écologie dans l’urgence n’est pas la
panacée même s’il faut tendre à prendre grand soin de la planète. Cessons de
vouloir tout punir : convainquons des bienfaits.
Je n’ai pas
écrit non plus sur d’autres sujets d’actualité car j’ai préparé des articles
pour l’Auditeur revue de l’association nationale des auditeurs de l’ANA-INHESJ (voir son site) et
j’ai été élu le 17 Mai 2019 à l’académie des Sciences d’outre-mer
qui siège à paris 16ème sous la direction de son secrétaire
perpétuel (voir son site sur sa composition , ses compétences de société
savante…) ce qui m’a pris du temps pour me présenter aux académiciens qui m’ont
accepté parmi eux comme correspondant de la 3ème section des
sciences juridiques, économiques et sociales, ce qui est un très grand honneur.
J’espère que je serai à leur hauteur.
Je reprends
donc mes esprits et je pense que vous allez reprendre les vôtres car la fin de
l’année 2019 et ses futures péripéties ne sont pas pour tout de suite mais les grandes vacances approchent , ce qui
est du sérieux pour qui n’est pas japonais !
Ce qui m’a
désolé c’est le cas de M.Vincent Lambert et la bagarre juridique qui va avec.
J’espère que M.Lambert que l’on décrit comme étant dans un état végétatif
irréversible n’entend et ne comprend
rien aux manoeuvres qui le concernent ,
et je pose comme principes que ses
parents, sa femme et toute la famille qui se déchirent dans des décisions
contradictoires veulent son bien naturellement . J’espère que de le maintenir en vie n’ajoute
pas de la souffrance à la souffrance. Je
ne juge personne qui serai- je pour cela ?
et pas les médecins qui décident d’arrêter les soins qu’ils estiment
déraisonnables et les magistrats de la cour d’appel qui ont décidé de poursuivre la vie jusqu’à
une fin naturelle. La loi Léonetti -Clays a permis de grandes avancées en
matière de fin de vie, avec des instructions éclairées. Mais la loi ne peut
répondre à tout et trancher les cas de conscience, et c’est tant mieux. Sinon
pourquoi ne pas s’en remettre aux dés ou à un robot doué d’intelligence
artificielle ? L’humain est irremplaçable et l’homme au sens large doit
prendre ses responsabilités c’est ce qui fait sa grandeur et sa spécificité. Tout
cas est particulier, et personne n’a le droit de s’immiscer ou de faire une affaire
de principe sur le sort d’ un homme ou une femme déterminés.
Ce que je
n’aime pas en revanche ce sont les cris de victoire ou de désespoir (j’ai
entendu le terme assassinat ?) quand une juridiction se prononce. Un
avocat a hurlé de joie en indiquant que
c’était une « remontada » comme au football ! quand la cour
d’appel dans sa dernière décision a donné instructions de ne pas cesser l’arrêt
des soins, et a ordonné que M.Lambert soit de nouveau
alimenté. Il semble qu’un pourvoi en cassation ait été inscrit et les
juges devront dire si la cour d’appel a eu raison en droit (la décision d’arrêter les soins est-elle une
voie de fait ? ) ou si son arrêt
doit être cassé, c’est -à dire qu’il faut cesser de maintenir
artificiellement en vie M. Lambert. Je ne voudrai pas être à la place des
magistrats quelle que soit la décision qu’ils prennent.
A ce propos
et c’est le sens de mes remarques, le public ébahi a pu vérifier qu’il y avait
deux ordres de juridiction qui s’occupaient du « dossier » de M. Lambert. Quand le médecin qui dépend de l’hôpital
public prend une décision on peut l’attaquer devant le tribunal administratif
formés de juges venant souvent de la fonction publique, énarques en
particulier, (avec des référés
procédures d’urgence possible) ; puis en appel devant la cour
administrative d’appel et enfin en dernier ressort devant le Conseil d’Etat. Dans d’autres cas, on peut saisir les
tribunaux judiciaires (en référé aussi) formés de magistrats professionnels à l’école de la magistrature de Bordeaux que
le public connait bien, protecteurs
par la Constitution de 1958 des libertés individuelles, comme le droit
ou l’atteinte à la vie, les voies de faits, la violation d’une liberté
fondamentale, le non-respect d’un accord ou d’une volonté…avec un recours devant la cour d’appel, puis en dernier
ressort devant la Cour de cassation.
Ce n’est pas
la grande qualité et la conscience des juges qu’ils soient administratifs ou judiciaires qui sont en cause. C’est la
compétence attribuée à chacune des juridictions qui est différente et qui peut
conduire à des divergences de jurisprudence qui peuvent indigner les
justiciables et le public non averti.
Personnellement
par expérience professionnelle je me bats avec d’autres depuis que je suis
avocat (1974) pour qu’il n’y ait qu’un ordre de juridiction et que l’on
simplifie les procédures. Soyons modernes, innovons avec une justice du XXIème
siècle, et en moyens et surtout en personnel. Sinon on a une justice à bas coût
ce que personne ne veut, politiques compris bien qu’ils aient l’impression
qu’ils sont dans le collimateur. Cela
n’a pas marché mais il n’est pas nécessaire de réussir pour persévérer. Je pense
que l’institution judiciaire en général
doit avoir une place plus grande dans nos institutions qui on le voit sont remises en cause et
contestées dans leurs légitimités, car ce qui remonte des protestations c’est
plus de justice, sociale certes mais aussi pour la vie de tous les jours, sans
plus égaux que d’autres et sans deux poids et deux mesures et pour tous les conflits de toute nature.
Comme à Roland-Garros où les champions de tennis s’affrontent et jouent à guichets fermés , il faut
des arbitres fermes et impartiaux qui ne se laissent pas déstabiliser par les cris
ou l’exaspération réelle ou feinte d’un
joueur même l’un des meilleurs du monde
( je pense à l’excellent braillard John Mac Enroe), et qui vérifient si la balle est bonne ou out, si elle
est tombée sur la ligne ou non , ce que la caméra électronique permet de contrôler.
Si l’on est aussi pointilleux pour du sport, on doit l’être pour tout ce qui
oppose les citoyens, et quand la vie est en jeu il faut une justice
compréhensible par tous, assistés d’experts s’il le faut, qui tranche en
fonction des textes , de la conscience des uns et des autres, des grands
principes de la vie, des libertés, et de la souffrance de la victime, qui se répercute
vers tout son entourage.
On a le
droit de maudire ses juges, mais on ne doit pas les soupçonner par principe. Ils
sont des hommes et des femmes qui ont une vie personnelle, une conscience, des
opinions comme tout citoyen. Ils peuvent se tromper comme chacun d’entre nous,
on ne peut leur demander l’impossible. Ils
appliquent le droit positif que nos parlementaires ont élaboré et voté. Leurs
missions les dépassent. Ils jugent au nom du peuple français.
Reprenons
donc nos esprits , essayons de nous sortir des luttes partisanes ou binaires qui ne mènent à rien. On n’a jamais
raison seul . Raisonnons collectif car on ne peut gagner en humiliant
l’adversaire et sans penser un peu à l’autre. Et sans faire le moindre effort
qui parfois oblige à abandonner de nos exigences voire un peu de nos libertés,
et je pense là au terrorisme , à la
sécurité publique et à toutes les menaces quelles soient naturelles ou
non.
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