lundi 22 août 2016

De la dignité et de la Hauteur

De la dignité et de la Hauteur
Par Christian FREMAUX avocat honoraire et élu local
Je n’ai pas aimé les polémiques à la suite de l’attentat de NICE du 14 juillet, horreur que les mots ne peuvent décrire car des victimes porteront dans leur chair des souffrances à vie, entre les responsables de la municipalité et  ceux de l’exécutif, dont la communication  et les initiatives n’ont  d’ailleurs pas été exemplaires(l’épisode concernant la  demande d’effacement des bandes de vidéo  est curieux?), voire avec l’opposition politique qui a rappelé à juste titre ses propositions,  mais qui est apparue opportuniste .S’il y a eu des fautes dans l’évaluation des risques il faut le reconnaitre simplement, mais je crois que personne n’avait imaginé ce qui s’est passé, et qu’un « niçois » aurait conduit un camion  bélier pour faire volontairement le plus de victimes possible. Que la police nationale et la police municipale s’accusent mutuellement, ne changera rien aux faits, mais discrédite et l’une et l’autre en apportant de la confusion au malheur et en ne rassurant aucun français qui s’estime menacé là où il est, dans son petit village voire son hameau. Les citoyens plus ou moins déjà sceptiques - à tort car nous avons des services de grande qualité- sur le pouvoir de l’Etat en matière de lutte antiterroriste, ont compté les points entre ceux qui mettent en doute la parole de l’ETAT et qui préfèrent croire  leurs élus de proximité, ou  leur camp politique, et les pouvoirs publics qui ne peuvent supporter que l’on doute de ce qu’ils font. C’est un raisonnement un peu court jeune homme –comme le disait Cyrano de bergerac- la vérité n’est pas unique et certaine car en matière de terrorisme il n’y a pas une règle préétablie et intangible, ce serait trop facile et l’on n’aurait pas tous ces drames .Ainsi l’assassinat du père jacques HAMEL  pendant la messe a été organisé sans infrastructure, avec un seul couteau et la détermination de deux jeunes qui se sont fait tuer à la sortie de l’église.
La seule certitude que nous ayons est que toute polémique fait le jeu  de DAECH dit l’ Etat islamique qui prend tout à son compte et prétend avoir suscité les attentats ; même si ce n’est pas vrai  il s’en glorifie dans sa stratégie de terreur et toute publicité macabre est bonne à prendre pour lui. Chacun a bien compris que tout peut arriver, à tout instant, à n’importe quel endroit, sur une initiative isolée ou préméditée de l’extérieur et que l’on doit agir à titre préventif plutôt que réagir après que le forfait ait eu lieu.
Il ne s’agit donc pas de choisir entre le maintien de l’Etat de droit  tel qu’il existe- qui serait contre nos garanties légales, y compris pour les coupables, contre nos lois débattues au parlement qui respectent les grands principes universels,  sous le contrôle des tribunaux et de l’opinion publique ?- avec des lois faites à la va-vite, qui seraient exceptionnelles pour répondre à un fait divers, et qui d’exceptionnelles deviendraient la norme : ce serait une escalade sans fin car personne ne peut prévoir ce qui va se passer ou sous quelle forme : la loi ne peut anticiper tous les cas de figure. On peut parfaitement concilier l’Etat de droit existant et le renforcement de notre législation : puisque nous sommes en guerre il me parait évident que l’on doit s’adapter aux défis qui nous menacent et prendre des mesures qui permettent aux professionnels d’agir, aux juges de sanctionner et au pouvoir exécutif  d’anticiper. Le droit n’est pas gravé dans le marbre et intangible. Déjà tous les jours la jurisprudence de la cour de cassation , du conseil d’Etat ou du conseil constitutionnel, fait évoluer la légalité : personne ne s’en offusque. Il est donc possible de légiférer ,pas à jet continu bien sûr et en respectant  nos valeurs pour ne pas tomber dans les travers que l’on reproche à la barbarie de DAECH, en ayant des débats en droit et non des arguties juridiques, qui sont dignes de ce que l’on est : des humanistes lucides , courageux, forts, et pragmatiques .Ce n’est pas une question de droite ou de gauche : c’est une évidence d’union car dans ce domaine il n’y aura pas un vainqueur politique. Tout le monde  aura contribué  pour le succès ou l’échec. Nous sommes tous collectivement responsables.Pour ma part je l’avoue, -quitte à passer pour un liberticide ou un ennemi des droits de l’homme- je préfère que l’on « discrimine » certains, avec des éléments de preuve tangibles, quelques dizaines ou centaines d’individus sous le contrôle des tribunaux au profit des millions de victimes potentielles et innocentes. Gouverner c’est faire preuve d’autorité  malgré les oppositions  et choisir entre les contradictions et deux maux.
J’ai profité des vacances pour lire la biographie de CLEMENCEAU par M.Michel WINOCK( grand livre au demeurant ) qui a exercé des responsabilités politiques de la Commune de Paris en 187O jusque après la fin de la première guerre mondiale. C’était un farouche républicain garant des valeurs universelles, de  celles de gauche aussi, défenseur du capitaine DREYFUS, mais qui a su devenir le tigre, un ministre de l’intérieur fort, partisan de l’ordre public, et qui a été artisan de la loi de 1905 sur la séparation de l’ETAT et des églises. On a combattu le clergé catholique et ses représentants, pas la religion. Il doit en être actuellement de même avec l’islam – l’islam salafiste  avant tout-que l’on dénonce à tort et à travers. Le gouvernement agit avec  prudence car on ne peut stigmatiser des français à raison de leur religion. Ce n’est pas seulement  avec des lois que l’on règlera le problème . Il faut expliquer ce qu’est la laïcité qui autorise d’exercer sa religion dans la sphère privée, mais qui interdit au nom d’une religion d’avoir un régime à part ou de s’écarter de la règle commune.  La laïcité est une liberté  et non une entrave. Elle permet d’unir au lieu de diviser. Elle favorise le rapprochement tout en conservant  ses propres croyances. Mais on ne peut rien exiger qui soit contraire aux valeurs traditionnelles, celles qui ont construites la France et en ont fait une nation une et indivisible. Pour rappeler  un incident de l’été, citons le burkini qui n’est pas contraire à la loi ni favorable au terrorisme ,il ne faut rien exagérer, mais qui parait une sorte de provocation et surtout une atteinte à la dignité de la femme et à nos valeurs qui prônent l’égalité hommes-femmes, la responsabilité de la gent  féminine dans tous les domaines en particulier dans l’éducation, son accession à tous les postes les plus prestigieux de la république…
Nous allons aborder ce que tout le monde attend comme si c’était un  spectacle ou un match, à savoir les campagnes pour la présidentielle et les législatives .Je crains qu’il y ait peu de retenue et que les anathèmes volent bas, et comme l’avait écrit IBSEN il ne soit pas possible de regarder la plaine du haut des montagnes où l’air est plus pur. Attendons pour voir. C’est le Général de Gaulle-« moi ou le chaos »- qui avait prédit qu’après son départ il n’y aurait pas de vide, mais plutôt un trop plein. Nous y sommes .Il est impossible à cet instant, de faire le compte de tous les candidats à une primaire de la gauche, de la droite, des écologistes ou de ceux  qui sont directement candidats auprès du peuple, conformément à la tradition où l’élection présidentielle n’est pas l’affaire d’un parti politique,  mais la rencontre d’un homme et d’une femme et du peuple. Imposture bien sûr car comment se passer d’un structure qui apporte troupes et argent, médias, répercussion de la parole miraculeuse de l’impétrant…Mais on va nous le dire surtout de la part des candidats sélectionnés qui  ont un égo surdimensionné exactement inverse à leurs chances infimes voire inexistantes d’être élus.  Ils auront eu l’impression d’exister, d’avoir eu  leur quart d’heure de gloire, comme le disait Andy Warhol. Certes nous les électeurs de base, sommes flattés d’être tant aimés par tous ces candidats désintéressés qui ne veulent que notre bonheur, qui savent critiquer le passé, même quand ils ont participé aux gouvernements sortants,  et qui ont tous des idées formidables, innovantes et applicables, selon eux, qu’ils n’ont pu mettre en place quand ils étaient aux responsabilités  en raison de la mauvaise volonté de leurs camarades et de l’hostilité incompréhensible et de mauvaise foi  de l’opposition qui ne comprend jamais rien .Beaucoup vont être les apôtres de « faut qu’on ; y a qu’à ; il suffit de… » et nous expliquer ce qu’il aurait fallu faire ; que c’est la faute des autres ;  qu’il suffit de faire le contraire de ce que l’on a essayé ; de changer les institutions ;  qu’être normal c’est insuffisant ; que seule l’autorité paie ; que le travail se partage ; qu’il faut prendre aux riches ; que l’Europe doit être refondée ; que les migrants sont responsables de nos maux  et pompent nos acquis sociaux ; que la France est aux français( ce dont on ne doute pas) avec nos traditions et valeurs (ce qui est vrai !)…La liste est infinie selon l’imagination de nos perles rares .Toutes les  propositions vont être crédibles, sur le papier.
Il  va falloir de la hauteur, dans les arguments et leur application possible et donc du pragmatisme. Les grandes théories ont fait la preuve de leurs insuffisances et rigidités : le socialisme et le libéralisme ; plus ou moins d’Etat ; les libertés ou l’ordre public face au terrorisme et aux diverses menaces ; l’économie dirigée, co-gérée , libérée ? Même si certaines politiques sont plus désastreuses que d’autres. Il va falloir faire du sur-mesure ; annoncer la couleur – pour que l’on ne crie pas à la trahison ensuite- ; expliquer qu’il faudra peut être revoir les promesses –qui n’engagent que ceux qui y croient comme le disait Raymond Barre-en raison des conjonctures, car personne , aucun expert, ne peut s ‘engager formellement sur un quinquennat voire sur quelques mois en raison de la situation économique, sociale, environnementale, démographique, la paix ou les guerres  dans l’avenir…A défaut les populistes, ceux qui parient sur l’échec et s’en repaissent ou les extrêmes qui veulent tout changer sans en mesurer les conséquences, ceux qui de toutes façons seront contre tout, et exigent l’impossible, seront entendus  et on ne maîtrisera plus rien. Il ne faut donc pas des votes d’élimination, de résignation : CLEMENCEAU au moment d’une élection présidentielle  à l’époque faite par les parlementaires aurait dit «  je vote pour le plus bête » pour éliminer des concurrents. Ce n’est pas ce qu’il nous faut. Nous devons voter pour celui ou celle qui a la plus d’expérience au plus haut niveau, de réussite, de volonté et de courage sans aucun intérêt personnel.
Je suggère que l’on ne se contente pas des débats économiques et sociaux ou de la sécurité qui seront évidemment prioritaires, mais que l’on débatte aussi de nos valeurs, de la république, de la nation,  de la mission de la France dans le monde, de l’égalité ( plus de régimes spéciaux)  de la redistribution qui ne pénalise pas ceux qui travaillent et produisent de la richesse, et comment faire l’union, rassembler tous les citoyens français qui respectent le pacte républicain avec ses droits et ses devoirs ,l’aide aux moins favorisés, et la patrie (au sens classique du terme) qui permet à chacun de se dépasser…
Notre classe politique a du talent , est combative, dans tous les camps , même s’il est de bon ton de la dénigrer. Une nouvelle génération va venir aux affaires et il faut lui donner les moyens d’agir efficacement. Les élus, présidentiel ou parlementaires devront concilier leur éthique de conviction et leur éthique de responsabilité qui les obligent à avoir des résultats et à privilégier l’intérêt général, avant leur carrière.
Dignité dans les débats, de la hauteur dans les propositions, et surtout des solutions de bon sens pour réussir : c’est ce que je souhaite aux candidats futurs.


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