Billet
d’humeur d’un confiné : que nous arrive-t-il ?
Par
Christian Fremaux, dépourvu de tout titre utile.
J’écris
dépourvu de tout titre utile, car être avocat honoraire, ancien élu local, diplômé
de prestigieux instituts, ou décoré de ci et de ça n’a aucune portée dans les
difficultés actuelles, sauf pour les soignants au sens large et les médecins
à la condition qu’ils soient d’accord entre eux sinon leurs commentaires sont
plus anxiogènes que rassurants .Et pardonnez- moi d’être futile et long par ces
moments dramatiques, car si tous n’en mouraient pas tous étaient atteints je
veux dire du n’importe quoi . C’est dû à l’air ambiant. Soyez indulgents on
atténue son angoisse comme on peut. Et on écrit pour passer du temps.
Dès la fin de la pandémie chacun va
vouloir faire croire qu’il le savait, qu’il aurait fallu prendre telle ou
telle mesure et que les décideurs ont été en dessous de tout, qu’ils méritent
d’être condamnés pour leur nullité qui a fait des morts. L’impudence n’a pas de
scrupules. Il va y avoir aussi des remises en ordre, des égos qui vont
s’effondrer, des prétendus experts qui vont être démasqués, des donneurs de
leçons qui vont s’effacer toute honte bue, des certitudes qui vont voler en
éclat et des exigences ou des comportements qui s’estimaient fondamentaux
redevenir ce qu’ils sont : de
l’écume, du secondaire pour beau temps, du bidon.
En revanche cette séquence qui dure oblige à
réfléchir à ce que nous sommes individuellement et collectivement et à quoi
nous servons, si nos valeurs de toujours plus, de libertés sans limite, de
droits individuels sans fin, ont un sens et nous permettent de créer une
société meilleure, plus sûre, plus ouverte, plus reconnaissante .Il va falloir
changer de paradigme et remettre à leur vraie place c’est- à -dire le
néant tous ceux qui ne servent à rien
mais qui croient être indispensables, et
valoriser tous ceux
qui construisent et font tourner la société les obscurs, les sans
grades, ou ceux qui réfléchissent et
organisent à partir de leurs compétences.
Attention chaud devant comme on dit dans les restaurants quand ils réouvriront,
il va y avoir du dégât. Du moins je l’espère, car si on fait comme avant pour
rattraper ce qui n’a pas été produit comme richesses et qu’il faut à juste
titre reconstruire mais pas seulement à l’identique, on n’aura rien compris. On
fait une pause imposée ce qui est inespéré dans la course folle que nous
menions, et il nous est donné d’expirer fort et de penser. Profitons- en . Ne
marchons plus faisons du surplace.
Nous nous essoufflons globalement derrière une
société qui a pris comme credo la mondialisation le nouveau Leviathan-celui de
thomas Hobbes qui voyait l’homme ennemi de l’homme- celle qui facilite voire
encourage les échanges entre les personnes et les biens pour ceux qui savent
bouger et en profiter, qui n’a plus de frontières, donc d’espace ni de temps
puisque internet et les réseaux sociaux n’informent plus mais aboutissent à ce
que chacun donne un avis, critique, démolit l’autre sans aucune responsabilité
ni regret ni remord. Qui accepte n’importe quelle thèse y compris la plus
dangereuse, qui a pour nouvelle idole comme veau d’or les finances alors que la
bourse vacille au premier coup d’escopette, et l’économie qui flanche immédiatement
puisque les industries y compris les vitales pour notre souveraineté ont été
délocalisées, ce qui a vidé nos territoires et mis à l’arrêt forcé ceux qui
veulent travailler tout simplement pour vivre sans exiger de faire
fortune ! Ces prétendues avancées
selon les élites qui en bénéficient sont -elles un bien, comme le serait le
progrès technologique ou biologique dans tous les domaines qui conduit à modifier
l’homme/la femme, pour l’augmenter ou lui permettre d’obtenir ce que la nature
lui refuse ?
L’inégalité
des chances ne se résorbe pas forcément en jouant à l’apprenti sorcier et en
démolissant ce qui existait ou ce qui avait fait ses preuves. Une nation n’est pas une start-up qui n’a pas d’archives,
qui invente des applications sans savoir si elle va satisfaire le plus grand
nombre, et à quels prix tant matériellement que moralement. Il y a des valeurs immatérielles qui ne supportent
pas d’être passées à la moulinette du prétendu progrès. Il faut donc profiter
de l’obligation d’être immobile, de rester chez soi, pour profiter du temps
d’arrêt contraint et réfléchir pour après car il y en aura un à plus ou moins
long terme. De s’interroger soi -même,
car nous sommes tous responsables d’avoir laissé la société divaguer comme
cela, sur ce qui est fondamental, puis essentiel, puis important et ce qui
relève de l’accessoire et de nos désirs. Et de quel genre de société nous
voulons, de nos valeurs collectives qui doivent être coulées dans le marbre et
non négociables, de notre socle commun qui permet à chacun de bâtir un avenir
commun d’où qu’il vienne avec sa personnalité et sa culture, de nos libertés
publiques et individuelles, de notre solidarité, de nos ambitions, de notre
puissance, de notre exemple humaniste. Et j’ose le mot engagement spirituel -je
ne veux pas dire drôle, mais de l’ordre de l’esprit, de l’âme pour certains
sans croire en quiconque- surtout que la laïcité chez nous est une digue que
dis- je après Edmond Rostand, un roc, un cap, une péninsule … je me réserve le
pic quand celui de l’épidémie sera atteint !
Le
confinement doit nous permettre de faire une sorte d’introspection individuelle et
collective, pour pouvoir ensuite discuter démocratiquement de notre avenir, et
de prévoir ce qui pourrait arriver de pire, le pire n’étant jamais certain , et
surtout de vivre en bonne harmonie -je n’aime pas le terme vivre-ensemble qui
pour moi n’a pas grande signification réelle dans une société individualiste où
chacun a sa vérité et ses rejets on le voit avec l’interprétation personnelle
du confinement-- sans exagération ou indignation pour tout et rien .
Sans crier au racisme, à la discrimination, au
scandale pour tout sujet. Notre classe
politique et intellectuelle sans oublier le milieu artistique qui bien
qu’intermittent du spectacle avec le régime social avantageux qui va avec
est prompt à s’enflammer en robe de soirée surtout chez de prétendues stars, devraient apprendre à être plus mesurés, et que
l’opposition soit constructive, car personne n’a LA solution efficace et
indiscutable sur aucun dossier y compris et surtout médical, et on entend
parfois des déclarations saugrenues pour
ne pas écrire irresponsables ou
carrément idiotes. La démocratie n’est pas le concours Lépine
d’arguments éculés ou démagogiques ou de propositions belles sur le papier ou
morales à géométrie variable qui éclatent en morceaux à l’épreuve de la
réalité. Ceci vaut pour tous nos éminents élus ou représentants du peuple,
peuple qui n’en demande pas tant.
Quand on est
confiné comme moi, et que l’on participe à la résolution du problème sanitaire
en ne faisant rien et en me calfeutrant à domicile ce qui calme sur notre importance,
on s’interroge pour savoir si en temps « ordinaire » on sert à
quelque chose ? On relativise car on
sait que l’on ne sait rien comme l’a déjà dit le vieux Socrate mort d’avoir bu
volontairement la cigüe et non pas d’un virus quelconque, mais qu’en plus
personne n’est indispensable.
Revenons à
l’actualité sécuritaire ou judicaire qui est mon domaine habituel. Car rien
n’arrête ceux qui ont choisi de n’obéir à rien pas à la loi surtout, qui n’ont aucune
conscience morale, et qui pensent jusqu’au bout de leur nez pour faire une «
ligne » et pas plus loin, même pas à la protection de leur voisin. Le temps
s’est figé mais les coups de pied aux fesses sont en réserve, je veux dire la
sanction par les tribunaux. Voyons le comportement de l’homme en temps de crise
ce qui permettra de dessiller les yeux et de ne pas croire que tout le monde
peut être bon, et que la société le pervertit comme l’a écrit Rousseau en se
promenant dans les bois enchanteurs d’Ermenonville (Oise mon département de
famille).Certes il faut donner sa chance à celui qui a fauté, mais certains ont
moins besoin de chances que d’autres et la société a le droit de se protéger,
dans le respect des droits de la défense , des droits de l’homme et des grands
principes humanistes qui sont notre marque mondiale d’existence et de
reconnaissance, qui peuvent néanmoins
être adaptés à des circonstances exceptionnelles. Comme le disait Clémenceau :
« le gouvernement a pour mission de faire que les bons citoyens soient
tranquilles, que les mauvais ne le soient pas » (discours de Verdun 14
juillet 1919) et il ajoutait : « il faut savoir ce que l’on
veut ».
Il fallait
bien que cela arrive car la crise sanitaire qui concentre nos attentions n’a
pas éliminé les autres sources de tracas. Il y a eu à Romans-sur-Isère un attentat au
couteau qui a fait deux morts et des blessés, commis par un soudanais. Je ne
sais pas s’il s’agit d’un migrant illégal, ou d’un réfugié politique qui à l’issue
d’un processus judiciaire a reçu la protection de la France, sa confiance et qui
reçoit des subsides et des droits. J’ai peu lu sur son cas dans la presse
qui est publiée au compte- goutte, mais il semblait vivre en foyer, et n’aurait
pas supporté le confinement, aurait ainsi été « aigri » (sic) mais se
serait quand même référé au classique Allahou Akbar qui doit être un cri de
détresse ou de joie puisque nous sommes en période des rameaux, même si le pape
abandonné provisoirement par les fidèles
au Vatican prononce la messe seul , ce qui montre son humilité . Le
parquet antiterroriste s’est saisi du cas de l’assassin déconfiné mais pas
décomplexé ou déradicalisé. Il a été arrêté vivant, et on va essayer de connaitre
ses motivations (même si on se doute de celles-ci) et je souhaite que son enfermement
en prison n’aille pas le perturber encore plus, pauvre victime indirecte du
covid-19 !
La sécurité
est d’autant plus importante que certains profitent de la situation pour
escroquer, voler, détruire, être violent. Les forces de l’ordre équipées comme
elles le peuvent tentent de maintenir l’ordre public et dans les familles où
les violences conjugales se multiplient. Seront-ils considérés aussi comme des
héros comme après les attentats contre Charlie Hebdo, l’avenir le dira.
Il parait
que des habitants dans certains quartiers ne peuvent observer le confinement
car ils vivent serrés dans de petits appartements ( ce fut mon cas jusque 20
ans y compris pendant mai 68 dans un
minuscule deux pièces à Asnières avec ma mère, mon frère, et mon père
d’1,88 m et 110 kg, policier de surcroît) et n’ont que des portables et de
grandes télévisions mais pas d’ordinateurs ou d’imprimantes, et qu’ainsi ils
sont discriminés, que les inégalités entre les territoires se dévoilent et s’il
y a de la haine, c’est par inadvertance, à leur insu de leur plein gré !
Bien sûr les forces de l ’ordre ou les pompiers et médecins continuent d’être
caillassés ce qui doit faire partie de l’activité sportive autorisée pendant le
confinement, quand ils osent se montrer. Une fillette a été blessée le 4 avril
lors d’un affrontement entre les dealers qui continuent leurs trafics en
renouvelant les modes de paiement et en livrant à domicile, et les
policiers. Malgré les efforts des exécutifs
qui se succèdent, va-t-on un jour réussir à éradiquer cette économie
souterraine et permettre aux habitants honnêtes de ces quartiers perdus, avec
leur aide de vivre comme tous les citoyens dans le calme et la légalité ?
Mais c’est faire preuve de racisme que de
vouloir critiquer. Alors cachons les faits sous le tapis (je ne veux pas écrire
qui vient d’orient) et je serai ainsi politiquement correct.
Je change de
cible car il en faut pour tout le monde y compris dans de beaux quartiers
où vivent des habitants belles âmes, cultivés et humanistes proclamés souvent à
condition que l’on mette ceux qui dérangent chez les autres, ne manquant de
rien, pas même d’espace ou d’affirmations je veux dire de culot, de certitudes
car eux ne doutent jamais. C’est à cela qu’on les reconnait disait Michel Audiard,
avec une autre catégorie très répandue. Certains
sont partis se confiner au vert : au moins ils ne manqueront pas d’air ce
qui est leur qualité première pour dénoncer l’injustice, l’inaction de l’Etat
en matière de climat et de santé publique ; et exiger la transition
énergétique sur le champ, celui qu’ils viennent de quitter. Sans oublier les
méfaits du libéralisme débridé voire le retour de l’Etat qui n’en peut
mais.
J’aborde un
autre sujet sans aucun rapport avec ce qui précède. Ceux qui dénoncent de façon anonyme leurs
voisins qui prennent leurs aises avec les consignes officielles n’ont pas
raison. Ce n’est évidemment pas civique de prendre un risque -sauf s’il l’est
pour le bien commun - et ainsi d’en faire supporter un aux autres, mais la
dénonciation rappelle de mauvais souvenirs et n’est pas à la hauteur des
principes qu’il faut respecter. Ces deux attitudes nous obligeront à
réfléchir sur le sens de la loi, notre rapport moral au prochain, ce que l’on
peut tolérer et ce que l’on rejette, le respect de la règle, le droit des
minorités, celui de la majorité même silencieuse, des devoirs collectifs et à
revoir notre adhésion personnelle à ce qui a été décidé dans l’intérêt de tous.
On ne peut
approuver ceux qui demandent à des soignants d’aller habiter ailleurs pour ne
pas les mettre en danger, par le simple fait qu’ils sont au contact de malades.
Ces angoissés n’honorent pas la république et je les plains d’avoir peur qui
est toujours mauvaise conseillère. Ils sont
ou seront contents comme les habitants des quartiers que j’ai cités ci- dessus,
de trouver du personnel soignant pour les accueillir si besoin dans les hôpitaux
et seront les premiers à exiger tout ce que la thérapeutique moderne permet,
qu’ils soient assurés sociaux ou non, qu’ils paient des impôts ou non, qu’ils
aient des ressources ou non.
Comme
d’habitude en période de crise, les individus se révèlent et si on applaudit
les héros à 20 heures, il y a des zéros pointés plus nombreux qu’on ne le pense.
On le vit depuis des années avec les
donneurs de leçons, les spécialistes du bon et du bien, de leur morale, les
détenteurs de la vérité scientifique ou humaine voire de la nature, du ciel et
de la terre, les dénonciateurs de ce qui ne leur apparait pas comme moderne ou
tendance…
Tout cela
au-delà du règlement de la crise sanitaire, va nous obliger à repenser les
priorités de notre société, à revitaliser les valeurs de la république, à
déboulonner les fausses idoles et les grands prêtres autoproclamés du progrès ,
à reconsidérer ce que sont nos intérêts vitaux, à reconstruire une industrie essentielle relocalisée dans
nos territoires, irrigués par les commerces, les artisans, les services publics
de proximité, avec des citoyens qui veulent être vivants sur place et
protégés, produire , participer et être
considérés en ayant voté pour choisir leurs dirigeants locaux, ceux qui
partagent avec eux les bons moments
comme les mauvais. L’heure de la vraie décentralisation est arrivée.
Il faudra aussi revoir nos systèmes de solidarité
et de redistribution, ne pas calmer des exigences particulières sous le chantage
d’émeutes ou du droit à la différence par du saupoudrage financier, ou au
prétexte de discrimination structurelle. L’Etat providence vient de jouer son
rôle, mais il ne doit pas être gérant. Il doit permettre à chacun de se prendre
en mains et d’avoir les mêmes chances. L’Etat doit être garant, et l’état
de droit sert à sanctionner toute fraude, toute inégalité causée
volontairement, et le non -respect de la loi votée démocratiquement au parlement,
qu’elle nous convienne ou non.
N’ayant aucune responsabilité, je viens de
beaucoup critiquer l’Etat et le pouvoir exécutif sur sa gestion de la crise,
son impréparation, ses doctrines contradictoires qui masquent des carences
et des hésitations même s’il s’agit d’une pandémie qu’aucun dirigeant le plus
avisé n’avait anticipé. C’est vrai mais
la priorité ne me semble pas de trainer en justice tous ceux qui sont
responsables et/ou qui ont fauté. On pourra s’en occuper à loisir quand tout
sera rentré dans l’ordre car personne n’échappe à sa responsabilité politique, morale,
judiciaire, y compris ceux qui n’ayant aucun pouvoir jugent décontractés, ou
ceux qui ayant quelque influence ont préféré se mettre aux abonnés absents
voire se confiner là où ils pensent que le virus ne les trouvera pas, ou font supporter
leurs décisions sur les autres.
Nous sommes
tous un peu responsables non pas du virus, mais des institutions que nous avons
voulu par nos votes , de la lourdeur de nos administrations qui sont cependant
notre colonne vertébrale, de notre recherche des économies dans tous les
secteurs, d’avoir cru que plus rien de grave n’arriverait puisqu’il n’y avait
plus de guerre en Europe depuis 1945 avec une sorte d’entente cordiale et que
nous gérions au mieux les conséquences des trente glorieuses, avec le danger de
crises financières qui avec le réchauffement climatique étaient l’ennemi. C’est
tout. On s’est leurré et on ne s’est pas méfié. Nos dirigeants nous ont suivi
puisque ce sont les chefs. Et nos polémiques ont porté sur des sujets
subalternes souvent minables. La violence endémique y compris dans les débats
publics et les réclamations de tout ordre nous ont caché l’essentiel. Il faut
donc payer la facture après avoir pansé les plaies et aider à rebondir. Ce n’est pas la faute de quelqu’un, ou d’une
catégorie sociale ou d’un monstre froid et caché en particulier. Il ne faut pas
voir des comploteurs partout. Il va
falloir se rassembler de nouveau et rebâtir de façon différente en profitant
d’avoir compris ce qui n’allait pas, comment aider et protéger, qui étaient
essentiels à la vie de la société et qui n’étaient pas vitaux, qui sont des
fausses gloires.
C’est une bonne nouvelle. C’est un projet de
société exaltant. Ordo ab chao disent les philosophes. Ce qui permet de
construire une nouvelle organisation plus efficace, plus soucieuse d’égalité,
plus protectrice, plus rassembleuse, porteuse d’un projet commun, et qui
fonctionne démocratiquement chacun y ayant sa place à son niveau. On dit que des périodes de crise majeure
peuvent engendrer des bénéfices nouveaux et donc un progrès général. Certains
se dépassent, se révèlent dans le mieux et l’abnégation le plus grand nombre
heureusement. D’autres sont petits, intolérants, égoïstes et ne participent à
rien. C’est désolant mais c’est la nature humaine qu’il faut essayer
d’améliorer comme Sisyphe remontait inlassablement son rocher.
J’accepte l’augure que du mal sortira le bien.
Mais je ne
me berce pas d’illusions ce n’est pas le moindre de mes défauts. Dès la sortie
de la crise, ceux que l’on ne voient plus -car ils n’ont aucune légitimité pour
agir- ou qui se taisent à l’abri puisqu’ ils sont confinés et respectent les
consignes, en dispensant ici et là des critiques voilées ou sévères car eux
savaient ce qu’il aurait fallu faire, vont réapparaitre sur les écrans et
devant les micros. Ils vont dénoncer avec des mots forts ce scandale qui vient d’avoir lieu, cette
atteinte inouïe aux libertés qu’on leur
a fait voter voire avaler de façon
abusive, ces mesures liberticides, ces restrictions
ou extensions pour le patronat jamais
vues au droit du travail, les inégalités qui ont surgi entre ceux qui pouvaient
aller se réfugier en province et ceux qui restaient confinés dans leur cellule
familiale… et ils demanderont sérieusement que des têtes tombent comme du temps
de Robespierre pour les ennemis du peuple,
et si on n’a pas glissé vers un
régime autoritaire que l’on voudrait poursuivre, l’état d’urgence permettant au
pouvoir exécutif de gouverner par ordonnances, donc sans un vrai contrôle du parlement. La tentation
totalitaire résultant du covid-19 me parait être un fantasme et le virus peut
être dans les têtes même de porteurs sains. Le président Macron n’a pas tenté
de gouverner avec l’article 16 de la constitution et les ordonnances suite aux
lois votées sont limitées dans le temps et l’espace.
J’espère
avoir tout faux et imaginer des déclarations d’intentions. Attendons pour voir.
Comme la démocratie doit vivre, on parlera des
élections municipales car il y a eu plus
de 30.000 maires élus au premier tour le 15 mars et autant de communes qui ont
un conseil municipal qui va pourvoir s’activer aussitôt .Mais les plus grandes
ou les moyennes villes celles qui permettent
aux exégètes politiques de dire si tel parti a gagné ou non le scrutin et
de tirer des plans sur la comète pour l’avenir, n’ont eu qu’un tour non décisif
pour la plupart, et il faudra soit organiser
seulement le 2ème tour, soit tout
recommencer les professeurs de droit constitutionnel ayant chacun une théorie. Puis on
discutera d’un plan de relance pour l’économie comme celui du plan Marshall
après la 2ème guerre mondiale comment sauver commerces et
entreprises, sans oublier les professions libérales. Sauf qu’il faudra que
ledit plan soit de préférence européen, voire mondial pour éviter qu’un pays
fasse main basse sur les autres. Suivez mon regard vers l’ouest s’il le peut,
ou l’orient qui a donné le signal de départ de la pandémie. Et le mieux serait
que l’on trouve en nous les ressources morales et financières nécessaires ce
qui serait le renforcement de notre souveraineté. Mais cela veut dire des efforts
et de savoir qui paiera ? Les
syndicats voudront avoir la récompense du travail de ceux qui ont préservé l’essentiel.
Et peut- être évoqueront- ils la grève, symbole de l’ancien monde et de l’avant
crise ? Je ne sais pas quelle autre
question sera posée la première, si les réformes qui ont tant plombé le 1er
trimestre 2020 comme celle des retraites auront encore un sens, et si les
gilets jaunes reprendront leur combat. La vraie bonne nouvelle quand il y aura
reprise c’est que le virus aura disparu et que nous reprendrons le cours
ordinaire de notre vie.
Albert Camus
que l’on a beaucoup relu ces temps- ci et il faut s’en féliciter déclarait à
Stockholm en 1957 au moment de la remise du prix Nobel de littérature dont il était
le lauréat : « chaque génération sans doute se croit vouée à refaire
le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est
peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse ».
Je crois que c’est aussi le défi qui nous attend désormais. Bien que nous
soyons dans un village global et que la planète est à feu et à sang.
Nous voulions protéger les générations futures
lors de la discussion sur la réforme des retraites. Si ces générations futures
ne constatent pas que nous avons réfréné nos envies, si nous avons maintenu nos
acquis, si on n’a voulu rien changer alors nous les aurons sacrifiées. La crise
sanitaire n’aura pas eu de sens : nous serons restés sur nos positions
irréductibles ce qui est consternant et nous aurons préféré couler debout
plutôt que d’écoper ou de céder en lançant des chaloupes à la mer pour sauver
ce qui peut l’être. Il ne doit y avoir que des gagnants.
L’utopie
est belle et nécessaire mais elle ne peut prospérer que s’il y a des fondements
solides à la société, et s’il y a des projets communs, un destin d’hommes
et de femmes qui poursuivent le même but tout en pouvant emprunter des chemins
de traverse, au service d’une ambition globale.
Je pense que
cette crise nous a permis de nous immobiliser pour faire le point. Il faut en
profiter pour inventer un nouvel art de vivre, de rénover nos principes de
gouvernance, avec plus de transparence, de participation et d’écouter les gens
plutôt que de suivre pour toute chose les experts ou prétendus sachants qui ont un rôle naturellement à jouer mais ne
sont pas les décideurs ; de
consolider nos valeurs en les explicitant pour qu’elles soient bien comprises ;
de renforcer la république qui rassemble et de concentrer l’Etat sur ses fonctions
régaliennes ; de libérer les initiatives et les énergies avec une administration plus
agile comme on le dit actuellement ; de faire confiance aux élus de
proximité ; et de ne voter que des lois utiles, générales et non destinées
à une infime minorité, non bavardes,
claires que la justice fondamentale dans un état de droit doit protéger et
interpréter si nécessaire. On ne doit plus tout attendre de l’Etat sauf
crise majeure et qu’il soutienne les plus faibles en réduisant les inégalités
ou les discriminations et en favorisant l’émergence d’une société plus juste,
sans qu’il y ait de boucs-émissaires car chacun est un anneau de la
chaine. Et en entretenant des relations diplomatiques, commerciales,
économiques et sociales, linguistiques et culturelles, donnant l’espoir à ceux
qui en ont besoin, ouvertes et fraternelles car tout n’a pas un coût, avec les
autres pays et leurs peuples surtout ceux qui sont très mal au point et
souffrent, car il y a toujours plus mal loti que soi. La vocation universelle de la France ne se marchande
pas et le repli sur soi n’est jamais positif.
Que nous arrive-t-il ?
D’être lucides sire car c’est une révolution pacifique des esprits qui se
prépare et elle débouchera sur une société française pacifiée et active. A ceux
qui demandaient au duc de Talleyrand -Périgord ce qu’il avait fait pendant la
révolution où les têtes tombaient comme les corps à Gravelotte (bataille de
1870), Maurice répondait : « j’ai vécu » et pour justifier son
rôle à Vienne pour préserver après l’échec de Napoléon la place de la France
dans le concert des grandes puissances il disait « j’ai boité ».
L’espérance c’est
la vie.