jeudi 2 mars 2017

Justice pour qui et pour quoi ?

Justice pour qui et pour quoi ?
Par Christian FREMAUX avocat honoraire et élu local
Chacun d’entre nous entend régulièrement des cris pour que la justice passe, pour théo, pour traoré , pour tel ou telle, évidemment victimes  lors d’un évènement grave, qui scandalise le public, soulève l’émotion avant la raison,  et qui nécessiterait une réponse judiciaire dans l’immédiat. On n’attend même pas que l’enquête ait lieu, qu’elle apporte des éléments avérés  puisque on a des images soit filmées par un passant ou un observateur quelconque a priori neutre ? soit par un participant des faits, et qui sont relayées en boucle par les médias qui sélectionnent les actes les plus frappants, si je puis dire ! On accuse sur le champ , on désigne le coupable et on somme la justice de se saisir et de sanctionner au plus vite car les faits ne seraient pas discutables. Lorsqu’il s’agit le plus souvent, d’arrestations par la police dans une cité, d’un contrôle d’identité qui tourne mal, on crie aussitôt à la bavure policière et pour faire encore plus pression sur les juges on organise des marches dites blanches alors même que les faits ne sont pas vérifiés, comme si la répétition de l’indignation et de l’émotion valait preuve. Bien sûr quand lesdits policiers sont victimes de tentative d’assassinat  ou d’agression, la compassion ne se fait pas entendre car après tout pour certains ce sont les risques du métier et un policier est forcément « coupable » de quelque chose ne serait ce que de porter l’uniforme donc de provoquer,  et faire respecter la loi. D’ailleurs au plus haut niveau de l’Etat on le voit : on rend visite à la victime  - citoyen par définition innocent, et on ignore les policiers  qui n’ont pas besoin d’être encouragés et protégés. Et après on ne comprend pas les mouvements d’humeur des policiers qui globalement se sentent délaissés et pas soutenus par les politiques, l’ensemble des citoyens et leur hiérarchie ! La balance aurait besoin d’être rééquilibrée, au moins sur le plan moral  car la responsabilité ne se découpe pas en parts inégales. Bien sûr quand il y a bavure avérée, ou abus de pouvoir flagrant, ou discrimination au faciès, les policiers doivent être poursuivis par les tribunaux et condamnés si leur culpabilité est reconnue. D’ailleurs l’inspection interne est sans complaisance et un policier suspecté  est immédiatement suspendu. Je compatis avec toutes les victimes réelles car rien ne justifie la violence, même si elle est  souvent réciproque  et qu’une interpellation se passe rarement dans le calme et la bonne volonté. La justice est donc au centre des débats et parfois on a des surprises : par exemple la victime est compromise avec sa famille dans un trafic, ou une infraction quelconque ,est  déjà poursuivie par ailleurs et n’est pas l’ange que l’on a décrit .Cela n’excuse pas la violence qu’il a subie, mais atténue l’image idyllique de l’individu  que l’on a encensé quelques jours plus tôt. Le rôle de la justice est donc essentiel car il ne faut jamais s’enflammer et il est préférable d’attendre un peu que les juges aient fait leur métier et aient donné des conclusions , avant de crier au scandale, à la bavure , et à  la  sanction forcément exemplaire  du  ou des coupables sur la place publique, et à la télévision transformée en salle d’audience permanente avec des procureurs auto-proclamés qui ne s’excusent pas et n’ont aucune responsabilité si le prétendu coupable ne l’est plus ou pas comme  il  avait été annoncé.   La présomption d’innocence semble être un mot grossier car on veut que le coupable désigné reconnaisse spontanément  les faits, s’excuse en public, et paie la corde qui servira à le pendre, je veux dire l’envoyer derrière les barreaux pour le moins. Quand la personne poursuivie avance des arguments de droit ou conteste les faits, donc se défend avec son avocat, ce qui dans un état de droit est le minimum  dont tout un chacun profite, on s’indigne ; comment ose- t -il  gagner du temps, comment ose -t -il nier ce que l’on a vu à la télé ; comment ose –t- il nuancer les faits, ou les expliquer, ou montrer qu’il n’y avait pas d’intention volontaire ?… Quand certains réclament justice, il faut donc entendre l’exigence de  la condamnation urgente de celui qui est poursuivi, sans même respecter les règles de procédure qui ne serviraient  à rien sauf à retarder l’échéance, ou vérifier que les éléments constitutifs de l’infraction sont réunis, ou démontrer que tel acte était volontaire ou non, sans tenir compte non plus de l’ambiance générale, du contexte, des menaces diverses ou autre  circonstance qui peut devenir atténuante .Pour les plus excités ou exigeants il s’agit de rendre une justice expéditive pour leur faire plaisir, prouver qu’ils ont raison en dénonçant un  racisme permanent[sic] d’Etat représenté par les forces de l’ordre, ou des discriminations qui les empêchent de réussir dans la vie, et déplorer des territoires oubliés par la république  –malgré les milliards de la politique de la ville –et  ainsi de justifier le sac des boutiques du quartier, leur pillage, la destruction d’immobilier public, violence inadmissible qui doit être fermement condamnée .La douleur ou le sentiment d’injustice ne peuvent légitimer toute réaction destructrice. Alors que d’autres pensent au bien comme ce jeune qui a sorti d’une voiture en flamme un enfant et l’a sauvé, ce qui mérite une récompense pour cet acte positif de courage et permet de ne pas douter de la nature humaine.
Mais la  justice n’est pas faite pour calmer les plus radicaux dans l’immédiateté  des faits  , dans les heures qui suivent.Il lui faut du temps pour ses enquêtes et   dire le droit et donc désigner les coupables que le tribunal va juger,  mais aussi reconnaître les innocents car le juge d’instruction instruit à charge et décharge ce qu’il ne faut pas oublier .La justice est rendue au nom du peuple français par des magistrats  dits du siège , (car ils sont assis)  qui sont indépendants de tout pouvoir notamment le pouvoir exécutif. Elle ne  se prononce pas pour donner raison à  tel ou tel groupe social ,telle communauté, telle fraction du peuple. Elle applique le droit c’est-à-dire les lois votées par les parlementaires  qui se déterminent en fonction de l’intérêt général. Dans une démocratie la place de la justice est fondamentale et il faut que l’on cesse de remettre en cause et son utilité et sa légitimité en fonction de nos choix partisans. Les magistrats qui sont des citoyens ont le droit d’avoir des convictions .Il leur est demandé seulement d’être impartiaux dans leurs décisions et de ne pas y introduire  des avis moraux ou politiques personnels. La justice ne  s’oppose pas au pouvoir politique et il ne doit pas y avoir la confrontation de deux légitimités : celle du suffrage universel et celle des juges. Ce débat dure depuis très longtemps et aucun parti politique de droite , de gauche, ou du centre, a voulu le régler. Le conflit justice-politique s’est exacerbé au fil du temps, et de la mise en examen  de plus en plus de responsables, des puissants comme pense le quidam. Certains  estiment que la justice est noyautée par des juges politisés à l’extrême-dits rouges-, qui prennent en otage la vie sociale,  les élections et veulent influer sur le pouvoir exécutif en imposant leur vision de la société et ce qui doit être le bien. C’est certainement  vrai pour une infime minorité des magistrats mais on doit faire confiance à tous les autres juges qui sont républicains, politiquement neutres,  appliquent  la loi, et ne cherchent pas à modifier le cours de la vie démocratique. Il ne peut y avoir compétition entre le pouvoir exécutif et l’autorité judiciaire, même si par  ses décisions elle peut faire de la politique comme M.Jourdain faisait de la prose sans le savoir . Le but de la justice est de faire respecter la loi et quand celle –ci  est peu claire ou qu’il y a un vide juridique de l’interpréter ou de combler les manques, par la jurisprudence qui peut être certes quelque peu orientée. Mais comment faire puisque les magistrats sont des hommes et des femmes qui ont une conscience, des responsabilités et réfléchissent ? L’application de la loi concerne tout le monde le citoyen de base comme l’élu et il ne peut y avoir deux poids et deux mesures. Le débat sur la suspension des poursuites ou non  pendant la campagne présidentielle  est significatif. Certes il n’y a pas de texte légal à ce sujet, mais  on s’était habitué à un  usage républicain selon lequel la justice suspend ses investigations  pendant le temps réservé au débat démocratique. Il semble qu’avec le dossier Fillon en accord avec l’opinion qui rejette toutes les élites et les privilèges, les juges ne soient plus d’accord  pour s’effacer et qu’ils considèrent  que la justice doit passer quelque soit le moment. Cela se discute  même si cette innovation correspond à un mouvement de fond selon moi, et la précipitation des juges d’instruction à vouloir, semble-t -il,  mettre en examen  M .Fillon ( peut être car ce n’est pas joué juridiquement d’avance le statut de témoin assisté existant ) , après une saisine ultra rapide du parquet financier national et une enquête flash,  ne parait pas être un gage de sérénité pour apprécier  des faits qui sont légaux, anciens, usuels au parlement, même si moralement M.Fillon a admis qu’il n’aurait pas du le faire. Le juge peut il apprécier le travail d’un assistant  qui relève pour moi uniquement de l’employeur. ? Pourra - t -on étendre ce genre d’enquête à des employeurs privés ( La patron de la revue des deux mondes est poursuivi pour abus de bien social) voire au niveau de rémunérations parfois extravagant de quelques grands patrons du CAC.40 . ce qui serait une immixtion dans l’entreprise et une nouveauté juridique inquiétante en matière de propriété  et de direction de sociétés? M.Fillon a déclaré qu’il se rendrait à la convocation des juges d’instruction. C’est normal dira-t-on car il est un justiciable comme un autre, mais  une fois n’est pas coutume tandis qu’une représentante d’un parti politique qui s’estime aux bords de la prise du pouvoir  refuse de se déplacer ne serait-ce qu’à la police. On  peut aussi se réjouir qu’un homme politique éminent prenne ses responsabilités sans faire état de son immunité parlementaire  et accepte de répondre aux questions des  juges dans une période décisive pour lui et  la démocratie pour faire reconnaitre qu’il n’a commis aucune infraction  .M.Fillon s’il est élu   président de la république , sera garant de l’indépendance des magistrats et des institutions dont la justice .Il vient de faire la preuve qu’il est  un homme d’Etat  renforcé par  l’épreuve  personnelle qu’il traverse puisqu’il se rendra à la convocation des magistrats instructeurs qui sont indépendants, ont lu le dossier avec une célérité dont il faut se féliciter, semble s’être tous les trois fait une opinion provisoire   et peuvent mettre M .Fillon ou non en examen ce qui ne veut pas dire culpabilité . On doit au moins  mettre ce courage à son crédit  qui est le respect de la justice bien qu’il conteste divers point fondamentaux de droit et toute irrégularité.
On ne pourra donc plus faire l’économie d’un grand débat sur la place de la justice dans les institutions et il faudra  revoir le schéma  sur la séparation des pouvoirs qui  date de 1958 : doit -elle devenir un  pouvoir, et ne plus être une simple autorité ? comment garantir l’indépendance des juges et leur impartialité ? qui contrôlera ou non les juges ? et  pour les magistrats du parquet (les procureurs) qui ne sont pas des magistrats comme leurs collègues du siège selon les rappels fréquents de la cour  européenne des droits de l’homme de Strasbourg,  quel statut leur donner pour couper le lien avec le garde des sceaux donc le pouvoir exécutif ? comment empêcher le conflit de légitimité avec les élus… ? Ceci nécessitera une réforme constitutionnelle  après des discussions  entre toutes les parties concernées, y compris les représentants du peuple premier concerné par la justice de tous les jours . Il faudra aussi donner plus  de moyens matériels et humains aux juges car le budget de la justice est notoirement insuffisant et indigne de la 6ème puissance du monde. Tout particulier qui a saisi la justice ou qui se défend a du déplorer les délais trop longs, la complexité, le coût…
En attendant la suite des feuilletons  judiciaires en cours, espérons que la campagne des idées , projet contre projet, ne soit pas éclipsée par le sort d’un candidat et que les médias ne se focalisent pas sur un dossier judiciaire parmi d’autres, beaucoup plus importants. Certes il y a une manœuvre évidente pour écarter un candidat mais Il n’y a pas de complot des juges selon moi : il y a des questions de droit à résoudre, d’ailleurs peut être en faveur de M.Fillon car  on n’est jamais à l’abri d’une  bonne surprise et d’une appréciation favorable. Il est inutile de  se mettre à la place des juges d’instruction  qui peuvent  après avoir entendu M.Fillon estimer qu’il n’y a pas lieu à poursuites ou mise en examen,  car les indices graves et concordants  exigés par les textes n’existent finalement pas ou ne sont pas suffisants en l’espèce .Et finalement plus tard, quand ils veulent,  prononcer un non lieu. Mais c’est la coïncidence entre le calendrier électoral  qui  obéit à un temps court qu’on ne peut modifier et le calendrier judiciaire qui peut être accéléré ou non selon la seule volonté des juges qui pose problèmes. Une candidature à l’élection majeure démocratique ne peut dépendre des juges qui ont décidé de raccourcir de façon inédite-même si c’est évidemment légal-les délais  de comparution, toutes  autres affaires cessantes  comme si il n’y avait pas de dossiers plus graves , contrairement  à la pratique journalière et faire ainsi une exception –défavorable- pour M. Fillon.  Le soupçon  de partialité et de vouloir peser sur la présidentielle ne peut ainsi pas être écarté , ce qui n’améliorera pas l’image de la justice.   Ce qui compte pour les 5 ans  qui viennent c’est  que l’élection présidentielle  de 2017 ne soit pas faussée, que le représentant de millions de citoyens qui veulent le changement puisse s’imposer en convaincant, et qu’il n’y ait pas un élu par défaut ou par rejet des  autres. On  doit élire un candidat par choix et conviction et non par désespoir. Il y aura ensuite les élections législatives et quelque soit le président élu il lui faudra une majorité solide s’il veut réussir par des réformes structurelles  et donc améliorer le destin  des français.  Car n’oublions pas qu’au-delà de la personnalité élue qui naturellement doit être légalement irréprochable, nous devons avoir un  président qui fait bien «  le job » sans être forcément un paragon de vertu –même si c’est cynique de l’écrire ainsi. On est déjà désabusé car on a eu un président « normal » et il y  a beaucoup à  dire. On veut un président qui annonce la couleur, applique son programme qui doit être pragmatique et ne pas essayer de réenchanter nos rêves,  qui assure la sécurité ce qui implique que la justice fonctionne parfaitement,  qui prend les mesures urgentes de redressement  économique et social et de remise générale  en ordre, y compris sur les valeurs républicaines classiques, dont la laïcité qui peut éviter le fractionnement de la nation en communautés. La justice passe toujours pour tracer les limites pour tous de ce qui est interdit ou non,  pour sanctionner ceux qui ne respectent pas la règle commune ou qui attentent aux intérêts supérieurs de la nation. Elle doit être aussi exemplaire et ne pas participer même en respectant ses pouvoirs à ce qui apparait comme un parti pris. S’il se faisait que l’élection présidentielle a été viciée par l’irruption provoquée  -je ne sais pas par qui - des juges , certains ne manqueraient pas de les accuser d’avoir «  manipulé » les électeurs. N’ajoutons pas à ce qui est la confusion politique actuelle, dans tous les camps d’ailleurs,  un désastre judiciaire. La justice comme la femme de césar doit être insoupçonnable. Nous sommes dans une crise de défiance généralisée. Il faut bâtir une société de confiance et de respect de l’autre.


mercredi 8 février 2017

Et si on faisait du droit ?

Et si on faisait du droit ?
Par Christian Fremaux avocat honoraire et élu local.
Si l’on met de côté l’aspect moral de ce que l’on appelle l’affaire Fillon car chacun peut penser ce qu’il veut des conditions légales d’emploi et de rémunération de Mme Fillon il faut s’attacher à l’autre volet du dossier celui qui concerne le droit..En effet qui peut juger à part son patron ? N’ y -a -t -il pas du travail au noir, des revenus en espèces et pas déclarés, quelques triches avec les notes de frais, enfin tout ce qui fait le «  charme de l’existence » et qui ne nous parait pas être une fraude car les montants sont minimes .Certains sont maximalistes et je ne sais pas jusqu’où il faut aller. M.Bayrou dont le parcours sous des airs vertueux s’apparente à de l’opportunisme, est hypocrite car il a été député, ministre et a vécu de ses mandats, sauf erreur. Il est aussi sinueux –est-ce-bien moral de tromper ou d’abuser les électeurs -? une fois à droite en acceptant l’aide de M.Juppé pour conquérir la mairie de Pau ,puis une fois à gaucheen appelant à voter contre M.Sarkozy,  puis désormais  pour lui-même, et  accuse M.Fillon d’être sous domination des puissances d’argent pour avoir eu une société de conseil qui recevait  des honoraires, conseillait une compagnie d’assurance et des chefs d’entreprise riches. Tous les  consultants professions libérales, hommes d’affaire –y compris ceux qui  sont comme  M. Hollande , M.Montebourg, M.DSK  et d’autres tous avocats - doivent se retourner et bondir de leurs profonds fauteuils. Je ne parle même pas de M.Macron conseil en fusion- acquisition de la banque Rothschild. L’argument de M.Bayrou est nul et médiocre et peut être devrait il se regarder dans la glace lui qui est un professionnel de la politique qui pourrait détailler son patrimoine, composé a priori d’une maison, d’un tracteur et de bêtes ? Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre, sur celui qui profite de quelques occasions, légales de préférence bien sûr. Il serait naturellement  hautement souhaitable qu’un candidat à une  fonction publique  très importante, même pas celle de président de la république, prouve qu’il est sans tache -qu’il n’a pas hérité de fortune ou de biens suspects  par exemple- et que son parcours a été immaculé par des fréquentations exemplaires n’attendant aucun retour pendant des années. Il faudrait organiser les primaires de la vertu ! Car avant d’être candidat à la présidentielle il a fallu exister pendant des dizaines d’années, aller de victoires en défaites, beaucoup investir  politiquement donc dépenser, vivre professionnellement; assurer son avenir et celui de sa famille comme tout quidam. Faudrait- il n’avoir comme candidat qu’un « pauvre »,célibataire, sans enfant , sans animaux, sans logement, sans voiture avec fonction , sans diplôme qui lui permet d’avoir de confortables revenus, sans expérience parlementaire, étatique, de hauts fonctionnaires  ou d’entreprise, sans rien connaitre du pouvoir ou des pouvoirs qu’il doit dominer. Cela n’excuse évidemment   pas tout dérapage ou abus mais dès l’instant que c’est légal et que seules les conditions d’application sont moralement contestables-et encore faut il le démontrer  -il faut savoir ce que l’on veut ? Imagine- t- on que l’on aura des candidats députés ou sénateurs qui répondront à un zéro faute et à un examen d’innocence dans tous les domaines,  ou a l’absence de tout reproche possible, y compris sur les mœurs, l’origine, la religion, les idées : on ouvre la boite de pandore si tel est le cas .La démocratie est un régime fragile et  d’équilibre où l’éthique est au centre des débats mais où l’exagération et la démagogie devraient être bannis. Que l’on se rappelle que dans les pays où il y a une police de la pensée ou un ministère du vice et de la vertu, ou des interdictions diverses, c’est le totalitarisme qui règne  et les libertés de tous sont en cause. Je ne veux pas de big brother en France, ni de journalistes qui lavent plus blanc que blanc, en étant à l’abri de toutes poursuites avec  l’exigence de transparence qui conduit au lynchage ou à  la  lapidation  et à la dénonciation publique .La moralité est à géométrie variable  et elle est très personnelle. Ce que d’aucuns estiment être le mal , est le bien pour l’autre ou l’acceptable. On ne vicie pas une élection démocratique majeure à partir d’arguments filandreux qui ne correspondent d’ailleurs pas au droit qu’il va bien falloir aborder. Et on ne doit pas instrumentaliser la justice pour éliminer un candidat qui représente l’espoir de millions de français. L’erreur de M.Fillon et il s’en est excusé-même si cela peut sembler court- mais il ne va pas se pendre en direct à la télévision  alors qu’il sait avoir respecté la loi- est d’avoir cru que puisqu’il avait le droit d’employer ses proches (hautement diplômés ) le niveau de rémunération – certes élevé par rapport aux normes des travailleurs actuels- était de sa responsabilité, d’autant plus qu’il ne dépensait pas  toute l’enveloppe qu’il recevait comme les autres parlementaires. Bien sur chacun d’entre nous souhaiterait pouvoir employer son fils ou sa fille comme stagiaire en étant très bien payé ou sa femme comme collaboratrice avec un salaire conséquent. Certains peuvent le faire (par exemple dans leur entreprise) mais ce n’est pas une raison pour accabler M.Fillon  . La comparaison n’est pas un délit et regretter ce qui est légal non plus. En revanche si la loi est injuste et conduit à des excès il faut la changer , et peut être ne pas demander aux parlementaires d’être juges et parties. La cour des comptes qui vient encore de dénoncer diverses anomalies d’utilisation légale  de l’argent public,  pourrait être compétente à ce sujet ? Sortons donc du feuilleton (la méthode du canard enchainé consistant à publier du « nouveau » chaque semaine est- elle morale, alors que la justice devrait tout avoir ?) de l’indignation   , de l’émotion , de pseudos révélations qui n’ont qu’un but, empêcher M.Fillon d’être candidat à l’élection présidentielle et examinons le droit qui est neutre,  avec des règles objectives pour tous, sauf si des juges l’interprètent dans un sens orienté ce que je ne peux imaginer ! même s’il ne faut jamais être naïf. Faisons maintenant du droit.
Je suis conseiller prud’homme depuis des années  dans la section encadrement et je juge fréquemment des conséquences d’un licenciement c'est-à-dire la fin d’un contrat de travail de droit privé, ce qui est le cas pour Mme Fillon même si elle a été payée par des fonds publics. Puisqu’il n’y a pas de convention  collective nationale du travail à l’assemblée c’est le droit du travail qui s’applique : le salarié en fin de contrat ( un CDI par exemple ) sauf faute grave ou lourde a droit à des indemnités de préavis, congés payés, ancienneté qui sont variables en fonction du salaire. Plus celui-ci est élevé plus le total est lourd .C’est un calcul mathématique fait par l’employeur en l’espèce l’assemblée nationale. Il n’y a pas de triche,  c’est le droit. Quand il y a un  procès et que le conseil de prud’homme juge qu’il n’y a pas de cause réelle et sérieuse il accorde en plus des dommages intérêts qui peuvent être conséquents, (tous les employeurs le déplorent) même si le salarié a retrouvé un travail dès le lendemain de son licenciement y compris avec un nouveau travail mieux payé. C’est la jurisprudence de la cour de cassation. Que Mme Fillon ait reçu des indemnités de licenciement est la simple application du droit. Les journalistes qui bénéficient en matière de travail d’un statut favorable, et dérogatoire avec une clause de conscience (article L.7112-15 du code du travail) qui leur permet de démissionner en touchant des indemnités devraient être plus justes et modestes en rappelant ces faits. Que par ailleurs Mme Fillon ait «  cumulé  »parait –il quelques mois deux emplois est une question d’organisation, car le travail intellectuel et de conseil n’est pas la mine ou la chaine et de nombreuses personnalités comme des ministres y compris actuels le sont  à 100% jour et nuit  et y ajoutent leur présence dans leur circonscription dans la semaine et le week-end. Qui le leur reproche ? Imposer la durée maximale de 48 heures par semaine  ne correspond à rien dans certaines activités. Seul M.Hamon qui propose les 32 heures et le revenu universel pourrait émettre cette critique. Je plaisante  bien sûr s’il est permis de sourire tant les reproches contre M.Fillon sont détachés de toute réalité.
Après un moment de sidération où M.Fillon a été sonné par l’attaque  brutale du canard enchainé  et la curée médiatique, ce que l’on comprend ,et a répondu évasivement car il ne comprenait pas  le  procès en sorcellerie qui lui était intenté et la distinction entre le légal et la décence  c’est-à-dire le niveau des salaires versés dans un pays qui souffre du manque de travail et de salaires trop bas pour la plupart des travailleurs –travailleuses comme le disait Arlette Laguiller, ainsi que le rapport ambigu que les français ont avec l’argent des autres , M.Hollande ayant décrété que l’ennemi c’est la finance !, il a réagi  et ne s’est pas résigné car il a estimé que l’attaque était injuste.Il a décidé par ses brillants  avocats de s’intéresser à la compétence du parquet financier national qui avait été plus rapide que l’éclair à s’autosaisir à partir d’une simple  publication de presse, sans plainte de qui conque, sans que l’assemblée nationale ne réagisse, sans que le fisc prétende que les impôts sur salaires n’avaient pas été payés ou qu’on suggère que  les organismes sociaux avaient été floués .Il est possible que l’assemblée ou son bureau auraient dû être préalablement saisis pour une enquête interne, une décision de déposer plainte pour emploi fictif, et qu’ensuite et seulement ensuite le parquet national  financier soit saisi et ouvre une enquête ? Ce serait un cas de nullité de l’enquête .On peut envisager aussi que le délit de  détournement de fonds publics ne s’applique pas à un parlementaire, comme certains professeurs de droit pénal le soutiennent .On entend des détracteurs dirent que puisque M.Fillon commence  à « ergoter » en droit , sur la procédure et les éléments constitutifs des délits visés ,  c’est qu’il est coupable ! Et la présomption d’innocence ? C’est un comble car  chaque individu dans notre état de droit pour un litige banal,  peut contester devant les juridictions compétentes les incriminations qui lui sont faites et obtenir satisfaction : il ne suffit pas de prétendre, d’accuser, de fournir des éléments orientés pour avoir raison et de se laisser condamner pour faire profil bas. L’accusation doit prouver les délits c’est une règle de droit pénal de base, et le justiciable n’est pas là pour faire plaisir aux juges, même s’ils les respectent cela va sans dire. Le combat judiciaire commence donc  et sauf éléments que je ne connais pas –puisque comme beaucoup je commente sans avoir accès au dossier et je ne suis informé que par les déclarations des uns et des autres-  Je ne pense pas  que M.Fillon puisse être mis en examen avant l’élection présidentielle. D’abord il serait anti- démocrate  de saisir maintenant dans le contexte électoral un juge d’instruction qui se précipiterait pour mettre en examen M.Fillon pour l’éliminer d’office car il tiendrait sa parole ! Ce serait suspect et une véritable immixtion de l’autorité judiciaire dans un scrutin majeur démocratique. D’autant plus qu’il n’ y a aucune urgence puisque les faits sont anciens, voire prescrits, n’ont jamais été contestés par aucune autorité à ce jour, posent des problèmes de droit puisque la légalité a été respectée. M.Fillon pourrait exercer des recours en appel et en cassation on ne peut lui retirer les droits de la défense . Ensuite je crois qu’il doit y avoir un classement sans suite puisqu’il ne suffit pas non plus de «  démontrer » , comment d’ailleurs ? qu’il n’y a eu aucun travail tangible de Mme Fillon ; seul son employeur le sait et peut  s’en plaindre puisqu’il est le donneur d’ordre et   peut le prouver, et un travail auprès de M.Fillon qui est un homme politique  par son épouse et ses enfants ne se mesure pas comme pour un salarié classique. On l’a assez dit, surtout  ses collègues  parlementaires-y compris de gauche- qui ont utilisé la même méthode et les mêmes opportunités. S’il faut changer la loi faisons le mais que les parlementaires ne soient pas juges et parties. Qu’un corps, indépendant des assemblées vérifie les contrats , la réalité du travail et lève toute incertitude. Je ne doute pas que M.FILLON élu président s’attachera à cette réforme qui rassurera les français.
Se pose aussi le problème des médias. J’ai entendu sur BFM mardi 7 février  mon excellent  et talentueux confrère Dupond Moretti –qui n’est pas l’avocat de la famille Fillon- rappeler des évidences en droit, accuser des journalistes du Monde d’avoir reçu des PV de l’enquête pénale et s’interroger pour savoir qui les leur  avait remis ; les enquêteurs, le parquet , un fantôme, qui ? sachant qu’à ce stade de la procédure les avocats de M.Fillon ne possèdent pas de copies pénales. Certes les journalistes bénéficient de la protection des sources et peuvent attaquer ou dénoncer  ce qu’ils veulent selon leurs opinions  ou convictions en nouveaux justiciers ou procureurs que certains sont devenus, en toute impunité. Mais ils doivent être aussi irréprochables puisqu’ils font la leçon aux autres. Le parquet ouvrira peut être une information pour violation du secret de l’enquête et savoir d’où vient la fuite. Tout ceci ne crédibilise pas l’accusation.
Si on raisonne en droit il n’y a rien à voir ni à attendre. M.Fillon est le candidat légitime  de la droite républicaine qui triomphera en mai , je l’espère.

Cessons la chasse à l’homme qui devient indécente et retrouvons notre sérénité. Nous avons besoin d’un vrai débat d’idées, d’explications –je récuse le terme promesses qui ne sont pas souvent tenues ou alors pour notre malheur-pour bâtir une France qui gagne pour tous, pour sortir de cette défiance généralisée , pour unir tous ceux qui veulent s’en sortir, faire la grandeur de la France  et lui rendre sa fierté  , et ne pas laisser à nos enfants des dettes encore plus importantes. Abordons donc la politique, du choix entre les hommes et les programmes pour notre avenir commun qui n’est pas fictif. Seule cette exigence démocratique compte. Profitons en pour parler de la justice, de sa place , de ses moyens, pour qu’elle devienne insoupçonnable. Mais qu’elle  ne soit pas dans l’histoire, à partir d’un dossier monté de toutes pièces bancal et inconsistant en droit ,celle qui aura fait manquer son destin aux français. Son aura ne sortirait pas grandie. J’ai  confiance dans les juges qui sont républicains  et ont le sens de leur responsabilité. Il sera temps après l’élection si c’est nécessaire,  de revenir sur des règles devenues  obsolètes et qui ne sont plus acceptées. Mais que la morale pèse de ce qu’elle représente : une théorie de l’action humaine en tant qu’elle est soumise au devoir et a pour but le bien. Ce n’est pas un bulletin de vote stricto sensu, sinon on a  des surprises.

mercredi 1 février 2017

De la nécessité d’une justice insoupçonnable

De la nécessité d’une justice insoupçonnable
Par christian FREMAUX avocat honoraire et élu local.
Plus on parle de la justice et plus je me réjouis car il va bien falloir qu’un jour on engage un vaste débat de fond sur ses moyens, sa légitimité, et sa place dans un état de droit. On sait que la justice est en faillite , qu’elle est critiquée de toutes parts, qu’on la croie politisée à outrance, et qu’on ne lui fait pas confiance surtout si l’on a perdu un procès ou qu’un ami (politique ) est mis en cause. Mais on a la justice que l’on mérite et si on ne veut pas la réformer et lui donner des moyens modernes et conséquents de fonctionner il y aura toujours des insatisfactions  et toutes les lois que l’on vote si elles ne sont pas appliquées et arbitrées ne serviront à rien .Le dossier de M.Fillon illustre mon propos. C’est Guy Mardel qui chantait avec grand succès, jadis, « n’avoue jamais » ce que parfois les avocats conseillent à leurs clients. Mais faute avouée est à moitié pardonnée, parait-il, et je le confesse : je voterai en mai pour le candidat de la droite républicaine libérale et conservatrice ce qui est compatible (lire mon blog : fremauxchristian.blogspot.com du 4 /12/2016 : « to be or not to be libéral et conservateur »). Je suis donc partial et partisan. Cela n’empêche pas de réfléchir en morale comme en droit à ce qui est, aux procédures en cours, en toute objectivité, du moins je le pense. Je m’étais interrogé dans un article de mon blog du 5 septembre 2016, donc bien avant ce qui défraie la chronique pour savoir si « la justice pénale fait-[elle ]l’élection » donc du rapport entre la justice et la politique, ou l’opposition entre les juges et les citoyens (surtout les militants). J’avais conclu que « comme l’hirondelle la justice ne fera pas le printemps en mai 2017. Mais elle peut couvrir d’un manteau d’hiver divers postulants à la présidence de la république, ce qui  les entravera dans leurs envolées pour nous convaincre ». A l’époque j’avais réfléchi à partir des cas judiciaires de MM.Cahuzac  et Sarkozy. J’ai été rattrapé par l’actualité avec M.Fillon qui me paraissait être à l’abri de toute investigation des juges !  et ayant gagné haut la main la primaire de la droite avec un programme de réformes audacieux et la volonté de bousculer les acquis, les privilèges (tous y compris ceux des parlementaires) et les habitudes .Comme quoi on  peut se tromper sur les hommes même si j’espère que la dénonciation est calomnieuse et que M.Fillon sortira de cette épreuve encore plus fort, ce qui lui permettra de se pencher aussi sur le sort de la justice puisqu’il  en aura apprécié les fourches caudines .La réalité dépasse toujours la fiction, et  la présomption d’innocence est  piétinée par une information inattendue tirée d’un organe de presse, qui vaut « preuve » selon le tribunal de l’opinion - un journaliste n’ayant pas  à dévoiler ses sources ce qui est fondamental - presse qui est moins rapide à s’excuser et à réparer les dégâts lorsqu’il y a un non-lieu ou un classement sans suite. Personne n’est dupe de la manœuvre politique à trois mois de l’élection. Mais s’il n’y avait pas eu des faits même très anciens peut être prescrits d’ailleurs ? datant pour les premiers de 1988 d’après ce que je lis, la justice n’aurait pas réagi .Il n’y a pas de complot mais une volonté politique de ne pas faire élire le candidat désigné en lui renvoyant la monnaie de sa pièce : l’honnêteté concerne tout le monde et quand on parle de morale, il faut être irréprochable, ce dont –comme militant-je ne doute pas pour M.Fillon. N’accablons donc pas les juges(ceux du parquet seulement en l’espèce)de faire leur travail et examinons les questions en jeu à savoir : qu’est une enquête préliminaire, et peut on commettre une infraction ( le détournement de fonds publics par un travail fictif) alors que l’emploi d’un assistant parlementaire  est légalement  discrétionnaire, contrôlé par le parlementaire exclusivement et même pas par l’assemblée qui  est le payeur? .Si la loi est floue il n’y a pas forcément un loup, et des dizaines de parlementaires de toute tendance politique vont devoir se justifier. Quel séisme dans les familles et dans l’antre de la fabrication de la loi  et des « privilèges » des parlementaires, qu’il va falloir modifier … pour l’avenir. En lavant plus blanc que blanc , le linge devient -il gris ou incolore comme le disait à peu près Coluche pour les lessives ?.
Une enquête préliminaire est prévue aux articles 75 et suivants du code de procédure pénale. Elle résulte le plus souvent d’une dénonciation formelle, d’une plainte d’une victime qui prétend avoir subi un préjudice ou que l’on a voulu lui nuire ,ou elle est ouverte d’office par le parquet qui se trouve dans chaque TGI. sur le territoire. Elle est confiée à la police et a pour but d’éclairer le ministère public (les procureurs, magistrats chargés de faire respecter la loi au nom de la société) sur le bien fondé d’une poursuite, ou non. On est dans le soupçon. Chacun connait aussi le flagrant délit, ou le crime flagrant. Le délai de l’enquête doit être raisonnable : de 6 à 12 mois selon l’article 77-2 du code de procédure pénale. La garde à vue est possible, avec recours à un avocat dans ce cas. Mais  on a créé spécialement un parquet financier national pour les infractions d’envergure plutôt complexes , comme les affaires de corruption, de marchés publics frauduleux, de fraudes fiscales, de blanchiment et en l’occurrence de détournements d’argent public. Le parquet financier national n’a pas à justifier de ses saisines d’office, plusieurs dizaines d’enquête étant en cours actuellement .C’est Mme Éliane Houlette qui est la cheffe depuis 2014 du parquet national financier,  sous l’autorité du procureur  général de paris. Laissons donc faire la justice qui prendra ses responsabilités et qui, quelle que soit sa décision sera critiquée ; si elle classe sans suite le dossier de M.Fillon la droite exultera mais on accusera la justice de n‘être pas courageuse voire instrumentalisée ou  servile en réservant l’avenir. Si la justice estime qu’il y a des éléments permettant soit de renvoyer M.Fillon directement par citation directe devant un tribunal correctionnel,  soit de soumettre le dossier à un  juge d’instruction (donc avec un temps long et une possible mise en examen) la droite criera à la machination et au gouvernement des juges qui pèseront sur le résultat de la future élection. Les juges peuvent aussi  estimer que le détournement de fonds publics n’est pas démontré et donc exonérer M.Fillon,  et ne s’intéresser qu’au travail de Madame Fillon à la revue des deux mondes en estimant que M.Ladreit de la charrière son propriétaire ne peut utiliser son propre argent comme il le souhaite et que c’est un abus social de rémunérer cher, une dame qui collabore occasionnellement et donc de juger ce qu’un employeur doit faire… dans son entreprise ! Dans ce cas seuls le patron de la revue et sa collaboratrice Mme Fillon (pour recel) seraient  renvoyés devant le tribunal correctionnel. Que ferait M.Fillon ? Je ne doute pas que naturellement il défendrait sa femme puisque cette situation est de sa responsabilité, mais n’étant pas lui-même mis en examen il ne renierait pas sa parole et son honneur ne serait pas atteint. Je galège bien sûr, car le pire n’est jamais certain et les magistrats sont suffisamment juristes, diplomates et citoyens pour mesurer leur responsabilité et choisir la solution qui correspond au droit et à l’éthique. Les justiciables -citoyens ne comprendraient pas qu’il n’y ait pas égalité devant la loi et il ne faut pas ajouter à la confusion politique qui rejaillit sur la démocratie un  désastre judiciaire qui discréditerait la justice en plus. Mais le plus simple et le plus satisfaisant est que M .Fillon justifie du travail de son épouse que l’on n’est pas obligé de mesurer selon les critères classiques du temps passé, des courriels envoyés, des cérémonies, des réceptions diverses dans la sarthe, à l’assemblée ou ailleurs…  .Toute personne élue même à un  plus petit niveau localement  comme moi ( maire, conseiller départemental ou régional…) sait combien l’épouse ou la compagne voire les enfants jouent un rôle important  pour les concitoyens auprès des candidats, des élus , à toute heure, à la maison ou ailleurs, comme conseil , soutien moral ,familial, politique voire plus et sacrifient leur propre carrière .  Il est donc normal de les rémunérer.
L’opposition est coite et rase les murs  car les élus de gauche, extrême aussi ou du front national sont dans la même situation : à compétences égales voire supérieures, puis qu’il n’est pas formellement interdit d’employer un membre de la famille au sens large, un neveu ,un cousin, un ami, un copain d’un ami.. .pourquoi vouloir faire un cas particulier ?. Que pense- t- on des cadres autonomes qui ne font pas les 35 heures(mais beaucoup plus sans remarques) et n’ont pas à justifier de leur travail, dès l’instant que l’employeur est satisfait ; ou du télé-travail ;  ou de celui qui voyage  en avion ou dans les trains ou sur la route tout le temps, ou du haut fonctionnaire qui dépend seulement de son ministre ou de l’Etat même quand il se fait cirer les pompes à l’Elysée… …Ne commençons pas à être poujadiste et à accabler l’autre payé sur des fonds privés ou publics même si pour ce dernier cas il faut être encore plus  strict .Additionner  comme le fait le canard enchaîné les sommes reçues sur 20 ou 25 années  pour obtenir un total gigantesque et marquer faussement les esprits n’est pas pertinent et est d’une particulière mauvaise foi : si on cumule les salaires de chacun (notamment les cadres supérieurs) sur une période aussi longue cela fait des sommes considérables, toutes proportions gardées, mais ne correspond pas à un abus. On est dans le registre de la démagogie  et on dénonce les prétendus riches aux smicards. Ce n’est pas un argument de droit et de haute politique ! Attendons la fin de l’enquête avant de se féliciter ou de se désespérer et ayons confiance. M . Fillon vaincra. Si l’on voulait rire on ajouterait que M .Hamon par son revenu universel veut payer par fonds publics tous les citoyens du pauvre au milliardaire sans aucune obligation de travailler : serait ce une proposition de loi pour rendre le travail fictif légal et … encouragé ?
Le droit français permet de répondre à une autre question : comment ce qui est légal (faire rémunérer par le parlement un travail d’assistant, sans contrôle sur ledit travail de l’assemblée ou de la cour des comptes ou de tout organisme financier public) peut il se transformer en  ce qui serait une infraction pénale ? On a le droit ou non dit le quidam qui a du bon sens. En France on n’a pas de pétrole mais on a des idées et les juristes ont l’imagination fertile, surtout ceux qui travaillent à Bercy. En droit fiscal il y a la notion d’abus de droit que l’administration invoque quand la légalité a été respectée, mais qu’il y a eu des montages prouvant que l’on a voulu éluder le paiement de l’impôt. Avec M.Fillon cet argument ne tient pas. Il est de bonne foi : il a appliqué les règles et la pratique du parlement. Il est l’employeur et n’a évidemment rien à reprocher au travail de sa femme (avocate de formation  et spécialiste littéraire), mais surtout partageant tous ses combats et ses difficultés ou de ses enfants étudiants en droit (comme nombre d’assistants parlementaires  en fonction)  compétents puisque devenus avocats. Il n’y a donc pas eu d’abus de droit. Rappelons que l’on reproche à M.Fillon une infraction pénale. Le droit pénal est autonome et d’application stricte. Le doute profite à l’accusé ; ce sont des principes de base dont M.Fillon comme tout citoyen doit bénéficier. On peut être tenu pour responsable financièrement sur le plan civil sans que cela soit une infraction pénale. Et on peut être condamné pénalement sans avoir de sanction civile et devoir payer quoique ce soit. Ce sont des constantes de la loi et de la jurisprudence. Tout juriste sait cela. Tout avocat les invoque. Tout juge doit les appliquer .Quant à l’argument émotionnel consistant à dire que M.Fillon a fait le contraire de ce qu’il demande aux autres, chacun l’appréciera s’il est avéré qu’il est coupable, ce qui ne me parait pas être le cas. En droit civil encore il y a une disposition  qui dit qu’un texte dont la signification est confuse s’interprète contre celui qui l’a émis. En l’occurrence le parlement doit balayer devant sa porte : si ses règles appliquées par beaucoup de parlementaires sont obsolètes compte tenu de l’évolution des moeurs qui veut la transparence et que les puissants n’aient pas de privilèges et rendent des comptes, ce qui est légitime pour être exemplaires, il faut les changer et en voter d’autres, claires, courtes, précises surtout en matière répressive. Les régimes dits spéciaux (comme les diverses indemnités parlementaires à usage discrétionnaire)) doivent être supprimés… La réforme en tous ses états est donc indispensable.
A propos de changement je reviens  à mes propos d’origine sur la nécessité de rénover la maison justice,  civile comme pénale de fond en comble. Dire que les juges sont indépendants n’a plus de signification réelle .Par rapport à qui ou à quoi doivent -ils être indépendants ? Faut-il les élire comme aux USA ?. On se rassure et on veut y croire et ce n’est pas les juges qui sont en question mais le système. La cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg considère que les procureurs, les membres du parquet, ceux qui poursuivent, ceux qui enquêtent sur M.Fillon ne sont pas des magistrats au sens commun  du terme, puisque leur hiérarchie remonte jusqu’au ministre de la justice ? Pourquoi ne pas en faire un corps «  d’accusateurs  ou d’enquêteurs publics » ?  sous l’autorité d’une personnalité qui doit obtenir l’approbation des 3 /5 ème du parlement ? et qui transmettent les dossiers-après enquête non publique pour protéger la présomption d’innocence, que la presse doit respecter-seulement quand les faits sont établis aux magistrats du siège. Certes il n’y a plus actuellement d’instructions données dans les dossiers individuels mais on s’interroge toujours en ayant en outre le sentiment faux-mais parfois vérifié il faut l’admettre- que des juges syndiqués qui s’expriment publiquement  et politisés –dits rouges -pullulent dans les juridictions. Quelle est la vraie légitimité des juges qui ont passé jeunes un concours très difficile, qui sont payés par l’Etat et qui défendent l’intérêt général incarné par la loi. ? Indépendance ne veut pas dire impunité. L’intérêt général est aussi de la compétence du privé. Le justiciable ne sait pas  quoi penser et il s’imagine n’importe quoi. En quoi la légitimité d’un élu doit-elle s’effacer devant celle des juges, sauf infraction démontrée ce qui est un cas devenu  relativement moins rare. Le général de Gaulle a voulu dans la constitution de 1958 une simple autorité judiciaire face au pouvoir exécutif et au pouvoir législatif. N’est il pas temps de revenir vraiment  à Montesquieu et de créer un véritable pouvoir judiciaire, avec des garanties certes, des contrôles démocratiques pour éviter tout dérapage, sans pour autant constituer  un gouvernement des juges qui fait peur à beaucoup de monde ? L’indépendance des juges ceux qui sont assis, qui siègent en tranchant les litiges doit être confortée réellement en leur garantissant leur carrière , des traitements augmentés car ils ont  le sort d’individus entre leurs mains et doivent prendre des décisions graves concernant la société en tous les domaines ,  et peut être en pouvant engager leurs propres responsabilités en cas de fautes avérées , d’erreurs ayant de graves conséquences…L’égalité est pour tous. Enfin il ne faut pas « mégoter » et être pingre : la justice a besoin d’un vrai budget avec plus  de moyens matériels et humains (juges, greffiers, assistants…)  pour qu’elle puisse être  moderne et rapide dans la prise de décisions  et être un arbitre impartial des conflits puisqu’il est acquis que chacun veut  que l’on tranche ses litiges objectivement , sachant que celui qui  perd son procès maudira toujours son juge. C’est humain. Une justice forte obligera à l’exemplarité ce qui est  aussi le but recherché.

Comme la femme de César la justice et les magistrats doivent être insoupçonnables : ils ne doivent rouler pour personne, et ne servir que la loi (qui est objective et neutre) qui quand elle se confond avec la morale (qui est subjective) satisfait les citoyens.  Le premier président Séguier, déclarait il y a longtemps, que  la justice rend des arrêts et pas des services. Justice et politique ne sont pas des adversaires. Il faut cesser de les opposer.  Chacun doit rester dans son domaine et collaborer dans l’intérêt supérieur de la nation donc des citoyens. 

mardi 10 janvier 2017

Une justice à géométrie variable en raison de la grâce présidentielle

Une justice à géométrie variable en raison de la grâce présidentielle
Par Christian FREMAUX avocat honoraire au barreau de paris et élu local.
On se réjouit toujours quand une décision de justice pénale reconnait l’aspect humain du cas qui lui est soumis car un dossier n’est pas qu’un ensemble de faits auxquels on adapte  des règles de droit  et en matière de délits ou crimes  en individualisant la peine qui tient compte des circonstances, atténuantes ou aggravantes. L’homme, la femme, n’est pas qu’un justiciable qui répond de ses actes face à un tribunal-correctionnel ou cour d’assises- et les juges qu’ils soient uniquement  professionnels ou accompagnés de citoyens qui forment le jury, ne sont pas indifférents aux sentiments, à la compassion et comprennent ce que peuvent être des circonstances exceptionnelles : ils en tiennent normalement compte dans leurs décisions avec l’équité qui joue un rôle, où il ne s’agit pas d’appliquer aveuglément un « tarif », de faire œuvre de vengeance ou de réparation ou réhabilitation  au nom de la société, de prononcer des sanctions sévères à titre d’exemple, même si les décisions pénales ont aussi pour objet de protéger à titre préventif les citoyens et de décourager  ceux qui voudraient se risquer à ne pas respecter la loi et ainsi enfreindre le pacte social . La plupart du temps l’opinion publique critique les magistrats en estimant qu’ils ne sont pas assez stricts, qu’ils sont plus ou moins laxistes, qu’ils prennent en considération des excuses souvent sociales, mais plutôt fumeuses, et qu’ils semblent préférer le délinquant  aux policiers ou gendarmes qui font leur métier ; ou qu’ils choisissent l’agresseur contre le patron (voir la chemise arrachée du DRH de Roissy) ; ou qu’ils ne supportent pas que l’individu cambriolé alors qu’il est chez lui se soit défendu et ait tiré sur le cambrioleur… En un mot le citoyen considère que les magistrats sont trop « mous » avec ceux que l’on n’aime pas ,  et qu’ils ne condamnent pas assez, bien sûr sauf quand c’est pour soi car nous avons tous un cas  particulier  et quand nous comparaissons en justice nous attendons compréhension et mansuétude. C’est humain , même si c’est contradictoire avec notre opinion générale sur la justice pénale que l’on voudrait très sévère sinon excessive dans des cas qui heurtent notre sensibilité. La justice est faite pour nous donner satisfaction, à nous à titre personnel que ce soit quand nous commettons une infraction ou que nous avons un litige avec notre voisin, ou immobilier, ou social ou que nous divorçons. Le juge est bon s’il fait droit à nos demandes : on le maudit dans le cas contraire car il n’a rien compris et a fait droit aux demandes adverses qui sont farfelues et pas justes. Et la justice est moins que rien quand elle rend une décision que l’on estime inique  ( par exemple une libération anticipée avec récidive ensuite du libéré),  et l’indépendance des juges est remise en question : au nom de quoi en effet un juge serait il indépendant et ne rend de comptes à personne, même s ’il commet des erreurs .Pourquoi n’est il pas jugé en cas de faute avérée, s’interroge le citoyen de base qui ne connait la justice-souvent anglo-saxonne- qu’à travers les feuilletons à la télévision , ou des films au cinéma, l’avocat grimpant sur les toits  et faisant des courses poursuites en voiture, en  étant seul contre tous, et le juge faisant ses propres enquêtes au mépris de sa hiérarchie et du droit. Vieux débat qui témoigne d’une méconnaissance profonde de la justice où le juge doit faire le grand écart : indulgent pour soi, et méchants avec les autres.De même tout le monde se gargarise du terme indépendance de la justice mais qu’entendons-nous en pratique par ce concept ? En France il va bien falloir qu’un jour nous mettions la justice qui est en faillite à « plat » pour l’ausculter faire des diagnostics  et savoir comment on peut la réparer ou la reconstruire et en faire une institution performante, non touchée par le doute ,reconnue dans son utilité sociale puisque qu’elle conjugue le droit et l’éthique, et jouant un  rôle d’arbitre impartial  avec des juges mieux payés car ils ont une  responsabilité considérable avec l’avenir d’un justiciable entre leurs mains,  se consacrant aux affaires essentielles et de principes  pour simplifier le droit que nul n’est censé ignorer ce qui apportera au moins une sécurité juridique, sur le plan des domaines civil, social, administratif, en étant débarrassé de contentieux de masse qui lui prend tout son temps, et en ne détachant pas des magistrats un peu partout dans des autorités indépendantes, dans les ministères… la fonction du juge étant d’être dans les tribunaux à  l’audience pour rendre des jugements et arrêts dans un temps rapide (ce qui va obliger les avocats à être aussi plus diligents avec des calendriers de procédure où le renvoi devient exceptionnel) ; et en leur donnant les moyens modernes de travailler (du matériel y compris numérique, des assistants, des greffiers…) ce qui veut dire un budget de la justice qui soit d’ampleur et non pas une variable d’ajustement. Et peut être en développant la responsabilité personnelle du magistrat, avec des barrières pour éviter les mises en cause intempestives ce qui est la contrepartie d’une indépendance revendiquée. L’indépendance de la magistrature-sauf pour les magistrats du parquet qui dépendent du ministère de la justice(la cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg nous demande de revoir leur statut)-est un serpent de mer qui resurgit à chaque incident et la polémique qui s’en suit. Qu’entend- t- on par indépendance ? Il est acquis que les magistrats ne reçoivent plus d’instructions dans les dossiers  individuels et qu’ils jugent en leur âme et conscience en respectant le droit. On entend aussi parfois que des magistrats refusent d’appliquer telle ou telle loi votée par le parlement en vertu de la majorité au pouvoir, en prétextant qu’elle est liberticide ou contraire aux grands principes de droit ou contre-productive .Ce sont des avis engagés ce qui ne devrait pas exister, même si le juge est un citoyen et qu’il a le droit d’avoir des convictions personnelles. . Le justiciable est choqué d’entendre  un magistrat syndicaliste venir s’exprimer dans les étranges  lucarnes pour dire que lui gardien de la loi ne l’appliquera pas ou pas comme elle est écrite. Je ne parle que pour mémoire de la jurisprudence qui consiste à interpréter la loi ou en combler le vide, qui est parfois orientée par des considérations plus idéologiques que juridiques. Le citoyen a donc le sentiment que le juge est un électron libre, et que le procès peut avoir un résultat aléatoire.
Voici pour la justice au quotidien mais quand survient une affaire qui mobilise l’opinion publique, ou que les médias ont choisi un thème pour faire campagne, le citoyen est encore plus étonné : il ne comprend pas  par exemple dans le cas de Mme jacqueline Sauvage qui a tué son mari  par des coups de fusil dans le dos, comment le président de la république a pu la gracier, en niant le travail  d’études et de réflexion des juges  avec leurs doutes et leurs certitudes, ceux des citoyens jurés qui pendant deux audiences  d’assises dont un appel et ce sont des heures, avaient étudié le dossier pour se forger une intime conviction .Les juges de Mme Sauvage doivent être amers .Ils n’ont pu se tromper.  Ecarter  leur décision c’est leur faire  passer comme message qu’ils n’ont rien compris, mais que le chef de l’Etat a lui, dans sa tour ,solitaire et avec sa science infuse en ne s’occupant que du cas de Mme Sauvage qui est coupable,  une qualité de plus : celle de connaitre le droit et l’âme humaine. Ce n’est pas comme cela que la justice retrouvera un lustre et fera l’admiration du peuple qui n’a pas pour elle beaucoup de considération !

Je ne connais  naturellement  officiellement rien de ce dossier que j’ai suivi à travers la presse qui faisait campagne pour défendre les femmes battues, les violences conjugales ce qui est une cause qui mérite d’être soutenue. La presse fait son métier mais par expérience professionnelle je sais que parfois elle ne relate que ce qui l’intéresse et que ses comptes rendus sont loin de ce qui se dit à l’audience à partir du dossier qu’examinent les juges.  IL faut donc être prudent. J’ai compris que Mme Sauvage se disait être une femme battue depuis des dizaines d’années, avoir supporté un époux violent, tyrannique et alcoolique, ayant abusé de sa femme et de ses filles ce qui est atroce et inhumain,  et que brutalement elle n’a pas pu surmonter d’autres coups et remontrances, a pris un fusil et a tiré dans le dos de son mari, trois fois et l’a tué : c’est un meurtre. Devant la cour d’assises composée de juges professionnels et de simples citoyens –qui comprennent plus les sentiments que le droit a priori- Mme Sauvage a été condamnée. Ses avocates si j’ai bien compris avaient plaidé la légitime défense (ce qui fut une erreur car les conditions de droit n’étaient pas réunies) quitte à en élargir les conditions à une légitime défense « préventive » ou  acceptable et justificative en cas de violences conjugales? Mais si tel  avait été le cas il aurait d’abord fallu que la loi soit changée. La cour d’assises a condamné deux fois, et n’a pas acquitté. On peut donc supposer qu’il y avait dans le dossier suffisamment de faits avérés pour entrainer une condamnation. Les juges (y compris les citoyens du jury) ont fait leur travail , en refusant d’accorder l’absolution à ce qu’ils ont considéré être un geste extrême, violent , volontaire ; ils ont «  modéré » (tout est relatif) la peine en la fixant à 10 ans  et en sachant qu’il y avait des remises de peine possible et la libération conditionnelle,  ce qui veut dire qu’ils ont pris en compte le calvaire de la vie de Mme Sauvage et de ses enfants, par des circonstances atténuantes ce qui me parait légitime. Puis le comité de soutien et la presse se sont déchainés et ont fait pression notamment sur le président de la république .Celui-ci a hésité d’abord (le dossier ne l’avait donc pas convaincu ? en accordant une grâce partielle (qui est un droit personnel n’ayant pas à être motivé alors que le plus petit jugement doit comporter des motifs) pour permettre  à Mme Sauvage de présenter une demande de libération conditionnelle. L’article 17 de la constitution de 1958 indique que le président de la république « a droit de faire grâce à titre individuel ». La grâce doit être demandée par l’intéressé ou son représentant. En application de l’article 19 de la constitution  le décret de grâce doit être signé par la premier ministre et le garde des sceaux. Cette grâce partielle n’a pas permis à Mme Sauvage d’être libérée car le juge d’application des peines a considéré  qu’elle restait dans une posture victimaire  et qu’elle n’avait pas suffisamment conscience de la gravité de son acte .Les bonnes consciences  et les militantes du féminisme  qui se battent contre les violences faites aux femmes (aux hommes aussi ?) ont hurlé au déni de justice et on a vu des flots de larmes envahir les écrans. Comment ne pas être touché et s’apitoyer ? On a dénoncé une justice impitoyable, inhumaine, un droit désuet, des juges aveugles et sourds. Et la fameuse indépendance de la justice qu’en fait-on ? Varie-t-elle selon les circonstances et le cas à défendre ? . On n’avait pas entendu de mêmes bonnes âmes s’indigner des violences faites aux policiers et aux gendarmes par de jeunes « sauvageons » qui veulent tuer du flic, et l’impossibilité pour celui-ci d’évoquer la légitime défense  et de se défendre à armes égales ( un projet de loi améliorant la situation juridique est en cours d’examen  heureusement).  M.Hollande a alors fait acte d’autorité - ce dont il faut se féliciter pour une fois, mais à mauvais escient car le cas concerné n’est pas exemplaire de mon point de vue)- en prononçant une grâce totale. Je pense que le fait qu’il ne soit pas candidat au renouvellement de son mandat présidentiel y est pour quelque chose, car je ne crois pas  qu’il aurait fait acte d’une telle « autorité »contre les magistrats  s’il avait été de nouveau candidat en mai pour incarner la fonction régalienne où il faut incarner la force de la loi et l’autorité de la chose jugée : mais c’est un soupçon personnel et peut être que je médis ?. Qu’en est-il de l’indépendance des magistrats puisque le président efface la peine, donc Mme Sauvage ne fait plus de prison , mais elle reste condamnée ce qui veut dire qu’elle n’est pas innocente. Les magistrats sont vent debout contre la décision du président qui consiste à annuler-sans motifs de droit ou de fait  avérés à part de l’humanisme ce qui est déjà beaucoup- la décision du juge de l’application des peines. Cela rejoint ce que le président avait déclaré aux deux journalistes du Monde qui ont écrit « un président ne devrait pas dire ça. » en estimant que la magistrature était une institution de « lâcheté », de « planqués », de « faux vertueux. »[sic]. Le public ou certains qui ont pris fait et cause pour Mme Sauvage , avec curieusement une partie plutôt démagogique de la classe politique-pourquoi elle d’ailleurs  qui n’a pas dénoncée la condamnation par la cour de justice de la république de Mme Lagarde dans le dossier  du scandaleux M.Tapie qui garde d’ailleurs les sous faramineux qu’il a reçus ?-,  considèrent que le président a bien fait de prononcer une grâce totale et  a allié la justice à l’humanisme ( ce qui ne serait donc pas le cas dans les autres dossiers), tandis que d’autres dénoncent le mépris de l’indépendance des juges  et le permis de se faire justice à soi-même, porte ouverte à n’importe quoi, par la grâce.  Le meurtre peut ainsi être excusé si la « cause » est bonne ou dans l’air du temps et légitimée par une campagne de presse. Nicolas Sarkozy voulait supprimer ce pouvoir de grâce, mais il n’a pas eu le temps de le faire, comme il l’a réalisé pour l’amnistie. Si nous voulons une justice forte, insoupçonnable, libre de dire le droit positif, il ne faut pas que le pouvoir exécutif et en particulier le chef de l’Etat garant des institutions et de l’indépendance de la justice et donc des libertés individuelles,  s’immiscent dans le processus judiciaire  et se substituent aux juges surtout comme pour la cour d’assises quand ce sont des particuliers tirés au sort qui prennent leur rôle avec conscience et responsabilité. Le peuple des assises qui a rendu la justice est ainsi désavoué, au-delà des magistrats.. La justice ne peut être à géométrie variable. Elle doit juger les puissants comme les misérables de la même façon , ceux qui ont un comité de soutien avec la presse comme ceux qui sont seuls, et comprendre tous ceux qui comparaissent en alliant le droit et l’équité. La compassion n’est pas encore un mode de juger et la subjectivité est à écarter. Le droit de grâce doit être supprimé ou en tous les cas limité  pour des causes humainement et objectivement injustes. Sinon chacun estimera que son cas mérite l’absolution et les tribunaux ne serviront à rien. Quelque soit  l’appréciation du chef de l’Etat du bien et du mal, il n’a pas le monopole du cœur  et la maîtrise de ce qui est juste ou non.  Le droit de grâce  qui relève de sa seule décision n’est pas fait pour contourner la justice ou faire comprendre aux juges que leur indépendance est relative puisqu’il y a à l’Elysée un juge suprême. Notre démocratie a besoin d’égalité, et la justice participe à cette nécessité. La fraternité s’impose à tous, juges professionnels ou occasionnels. La liberté des citoyens est de croire en la justice : ne les décevons pas. 

mercredi 28 décembre 2016

MON DERNIER RÊVE DE 2016 SERA POUR VOUS

« Mon dernier rêve (de 2016) sera pour vous »( titre  de Jean d’Ormesson à propos de Chateaubriand).Par Christian FREMAUX président d’honneur de l’ANA-INHESJ.Avertissement : cet article a été rédigé pour L’AUDITEUR le bulletin de liaison de l’association nationale des auditeurs de l’INHESJ  et paraîtra en début 2017.

Enfin nous y sommes. L’élu(e ?) que nous attendions non pas comme le messie laïcité oblige mais comme celui ou celle qui porte tous nos espoirs sera choisi comme président de la république, ou sur le point de l’être, quand vous lirez ces lignes écrites fin décembre 2016 avant les primaires de la gauche, et bien sûr avant le résultat du 7 mai 2017. Les prévisions sont aléatoires surtout si elles concernent l’avenir, comme les sondages. Certains se réjouiront car leur favori aura réussi –et ils le savaient avec  certitude !-, d’autres se consoleront en attendant la suite, et les derniers maudiront le peuple qui n’a rien compris. C’est la loi du suffrage universel. Nous entrerons alors dans la campagne des législatives  car un chef de l’Etat sans vraie majorité  offensive, qui le soutient sans faille, est soudée et décidée à réformer, n’est presque rien. Le pouvoir exécutif a besoin du législatif dans les institutions de la Vème république où tout a été pesé au trébuchet, où l’équilibre entre les pouvoirs  a été pensé avec le poids de l’expérience de jadis où l’immobilisme la tractation et l’instabilité régnaient  , où par exemple l’article 49.3 que certains veulent supprimer  a été  beaucoup utilisé par les premiers ministres y compris l’avant dernier, et a un sens  puisqu’il permet d’engager la responsabilité du gouvernement ce qui est une respiration démocratique bienvenue. Avec les lois et encore plus pour la constitution il ne faut  réformer qu’avec des mains tremblantes, car comme pour les dominos ou l’effet papillon une petite modification peut bouleverser l’ensemble :on sait ce que l’on a et comment cela fonctionne et on ne peut se lancer dans l’aventure  expérimentale à partir  d’idées généreuses ou apparemment séduisantes  en perturbant  l’harmonie même s’il est permis d’améliorer et d’adapter les textes qui ne sont pas sacrés ou coulés dans le bronze à l’évolution  d’une démocratie moderne .Le retour vers le futur qui ressemblerait à une IVème république me parait à proscrire même s’il faut trouver de nouvelles  formes d’expression des citoyens entre deux scrutins et faire en sorte que l’individu  participe plus et régulièrement à son destin et aux grandes décisions prises en son nom. Les réformes constitutionnelles lancées à la volée (réduction du nombre des parlementaires, création à la place du sénat et/ou du conseil économique, social, environnemental d’un conseil de citoyens tirés au sort, passage à une VIème république plus « démocratique »avec un parlement revisité) sont à étudier mais elles ne me paraissent pas la priorité des français. Ce que veulent ces derniers  c’est un président de la république qui ait surtout du bon sens  et non une idéologie qui renferme et veut plier les faits à la théorie, qui a choisi après réflexion et études d’impact un cap ,qui assure la protection contre toutes les menaces et préserve les libertés,  qui gouverne avec  pragmatisme et qui tient compte de l’expérience  surtout pour résorber le chômage et faire repartir vraiment la croissance ; qui a de l’autorité pour l’expliquer et le faire admettre à partir du mandat clair qu’il a reçu par l’élection ;des projets concrets  de réforme qui vont peut-être bouleverser nos habitudes et nos célèbres droits acquis (qui deviennent parfois des privilèges dont tout à chacun veut le maintien ce qui est humain, en s’indignant de ce dont profite l’autre) ou conservatismes personnels ; un président avec du caractère (ni mauvais  ou rigoriste ni normal c'est-à-dire hésitant) sans être droit dans ses bottes et sachant trancher  sans vouloir faire plaisir à tout le monde et sans attendre que la situation s’arrange toute seule, selon l’ancien exemple de M.Queuille.Qui allie donc tradition et modernité  avec audace pour que la France retrouve sa place dans le concert des grandes nations  en portant ses valeurs universelles, et que les français tirent profit de leurs efforts, après la cure d’austérité  dont ils auraient «  bénéficié » ou « été victimes »,ce qui est relatif pour certains. On rêve d’un  progressisme réaliste débarrassé de prétendues certitudes qui ne décrète pas le bien et qui s’incarnerait dans l’intérêt général qui n’est pas selon la formule connue, la somme des intérêts particuliers, ou l’avantage d’un camp contre un autre, privé comme public. L’égalité est une partie de la devise de la république. Enfin qui rassemble  les citoyens de toute confession, y compris ceux qui ne croient qu’en l’homme en n’encourageant pas les communautarismes au nom de la diversité, en proposant des défis exaltants dans un avenir commun en rappelant les caractéristiques de ce qui fait  notre nation  avec son passé, ses échecs, ses succès, sans repentance pour tout et rien, et ses principes républicains. On a cru que l’on était sorti  des grandes hécatombes, des conflits, que l’ONU  réglerait les problèmes du monde qu’il n’y aurait « plus jamais cela ». On s’est trompé. Francis Fukuyuma avait prévu la fin de l’histoire  à tort : la démocratie à l’occidentale  ne rayonne pas partout, l’insécurité est permanente, les puissances se défient , le droit de veto paralyse le conseil de sécurité à New York ; Alep et ses habitants ont quasiment été rayés de la carte, le terrorisme frappe partout, et les peuples se rebellent  en ne votant plus comme on le souhaite pour les partis traditionnels et les élites qui se cooptent entre elles. Il y a des phénomènes nouveaux (la mondialisation , la cyber criminalité, les migrants de masse poussés par la peur ou la nécessité pensant trouver l’eldorado ailleurs que chez eux...) que personne n’a anticipé, ou le réveil des peuples comme les printemps arabes qui ont apporté plus de chaos que de bonheur pour l’instant. Il faut en tenir compte et trouver des solutions car l’être humain est essentiel  et on ne peut se barricader dans un camp retranché  et repousser ce que certains estiment être des assaillants. Certes on a le droit  et le devoir de défendre nos propres intérêts et valeurs, mais on ne doit pas être indifférents aux autres. C’est facile à écrire, encore faut-il trouver un consensus  et agir car si la compassion ne règle rien par elle-même, l’humanité doit se conjuguer avec l’économie, le social et la sécurité.
Des vagues de populisme portent au pouvoir des dirigeants improbables sinon imprévisibles (dont il faudra cependant s’accommoder).Et pourtant le populisme ne devrait pas faire peur : c’est une idéologie  qui se réfère au peuple pour l’opposer à l’élite des gouvernants ou aux privilégiés qui ont accaparé le pouvoir .C’est un mouvement politique né à la fin du 19ème siècle  en Russie pour  lutter contre le tsarisme. De nos jours populisme rime avec fascisme, ou autoritarisme voire ultra conservateur pour accabler certains par avance,  et est donc  un pouvoir dangereux  qui menacerait  les libertés et les citoyens. Dans d’autres pays le pouvoir théocratique est en place : la religion gouverne, les «  ayatollahs  » de toute nature  dirigent  en imposant leur croyance avec une main de fer .Il faut donc être très vigilant  car en France en particulier nous savons ce qu’est combattre des dogmes  qui veulent  participer à l’exercice du pouvoir : notre loi de 1905  de séparation de l’Etat et des églises doit être confortée et mieux explicitée. L’Europe  et ses institutions technocratiques  se cherchent  une voie démocratique  moderne et des gouvernances qui permettent aux Etats souverains de le rester, tout en participant  à l’histoire de tous. Tout le monde se méfie de tout  et cela ne peut conduire qu’à des impasses.
Il faut donc revenir à une société de confiance comme l’avait décrite M .Alain Peyrefitte ministre du général De Gaulle, en 1995.Il s’intéressait après Adam Smith, Max Weber et Fernand Braudel à ce « qu’est le développement, qu’est- ce qui permet la modernité, le progrès et la croissance ? ». A nous  en 2017 de répondre à ces questions si nous voulons entrer dans un avenir un peu plus radieux.
La fin de l’automne 2016 a été meurtrière dans le microcosme politique international et national. De grandes figures ont été poussées à la retraite et doivent chercher un nouveau job en urgence ! Aux U.S.A. Mme Hillary Clinton est rentrée à la maison, auprès de Bill. La favorite des médias et élites français qui ne supportent pas M.Trump élu par un plus grand  nombre de grands électeurs et battu par le nombre de voix, mais c’est le système électoral américain,  a chuté, car il y a eu un ras –le –bol du « cow-boy » de base. Est-ce un signe  pour nous ? Il va falloir s’adapter à M.Trump qui a nommé des ministres de choc, sans que nous donnions des leçons de morale qui est souvent notre travers, et sans tout accepter car notre vieil allié sait surtout préserver ses propres intérêts, et le dollar le mène .Mais on ne peut douter que les USA resteront une démocratie  avec un nouveau président populiste ou … simplement réaliste.
Les référendums  n’ont pas porté chance à deux jeunes : le Brexit a emporté le fringant David Cameron,  et le dynamique M. Matteo Renzi a quitté le pouvoir. Ni les succès économiques ni les perspectives de réussite n’ont sauvé ces dirigeants. Ailleurs ce fut limite. M.Rajoy en Espagne a enfin obtenu la queue et les oreilles de l’opposition : il a repris le pouvoir un peu flageolant .Mme Merkel en Allemagne, après un double salto arrière s’est rétablie et semble glisser vers un nouveau mandat de chancelière. L’attentat de Berlin  du soir du 19 décembre, revendiqué par Daech, sur le marché de noël  ne va pas cependant lui faciliter la tâche. En France ce fut un jeu de massacre. A l’issue de  la primaire de la droite-par ailleurs très réussie et qui a désigné très largement son champion, -MM. Juppé et Sarkozy ont été libérés de leur engagements avec les français .De même Mme  Duflot a dû avaler un O.G.M. qui n’est pas passé. Quant à M. Hollande il a préféré le renoncement à l’humiliation par une décision digne et courageuse humainement, même s’il l’a motivée par l’intérêt de la France et des français ce qui est le moindre des devoirs d’un chef de l’Etat.IL a nommé M. Cazeneuve qui fut un bon ministre de l’intérieur et a dû affronter des situations très difficiles, comme premier ministre avec un C.D.D. court non renouvelable. Comme  quoi le code du travail s’applique à tous.
Pendant ces mois la vie a continué avec ses hauts et ses bas, ses péripéties , ses malheurs, les sondages permanents erratiques et les commentateurs qui supputent dans le vide.  Il faut  rappeler les principaux faits.
Nous sommes toujours dans l’état d’urgence  qui a été reconduit avec juste raison jusqu’en juillet 2017.Ceux qui de bonne foi le critiquaient au nom de la préservation des libertés, de la vie privée, de la liberté d’aller et venir ou de conscience, ou de travail, et  sa prétendue inutilité puisque les terroristes peuvent quand même agir( le prêtre égorgé en juillet ; les policiers assassinés à Magnanville), n’ont pu donner aucun exemple concret permettant de se dispenser de cette protection élémentaire. Bien que non concerné par des mesures de contrainte (si tel était le cas j’aurais certainement un avis différent)  je préfère une précaution  à l’inconscience débridée. Entre de potentielles victimes  et quelques virtuels agresseurs simplement soupçonnés à tort ce que je déplore, j’opte pour les devoirs  ce qui nous change de l’individualisme échevelé, même si comme avocat, c’ est mon métier que j’exerce avec enthousiasme et conviction , je  défends tous ceux qui le méritent pour faire reconnaitre leurs droits, et estiment avoir affaire à une injustice. Mais comme citoyen je me fonds dans le modèle républicain  qui nous rappelle que nous avons aussi des obligations collectives. Certes on n’a pas pu non plus  empêcher l’attentat de masse du 14 juillet à Nice. Je m’incline devant les victimes. En revanche je n’ai pas apprécié la polémique  entre les responsables de la sécurité de la ville, et ceux de la police nationale, et les plaintes ou procédures en cours pour déterminer qui n’a pas fait quoi   . Les victimes  qui essaient de se reconstruire et d’être indemnisées  par la solidarité nationale au plus vite sans arguties juridiques,  n’ont pas pour objectif principal  –sauf erreur de ma part- de savoir qui a fauté ou n’a pas pris la bonne décision. Ce qui compte c’est que l’on détermine ce qui s’est passé, comment en tirer des leçons et être plus performant pour le cas où. A propos de bonne ou mauvaise décision publique, il faut désormais tenir compte du jugement  de la Cour de Justice de la république –juridiction d’exception créée  en 1993  pour juger exclusivement  les crimes et les délits des ministres  dans l’exercice de leurs fonctions- qui s’est prononcée  le 19 décembre  2016 dans le cas de Mme Lagarde ancienne ministre des finances et actuelle dirigeante du FMI. Elle était poursuivie pour négligences  ayant permis le détournement de fonds publics, à savoir notamment  de ne pas avoir exercé un recours en annulation  contre la sentence arbitrale (privée) ayant accordé des dommages  intérêts  extravagants  dont un  préjudice moral explosant toutes les normes  jurisprudentielles à l’inoxydable M.Tapie.  Devant cette cour outre trois juges professionnels, Mme Ract-Madoux est  membre de la cour de cassation  et présidait,   les  autres juges sont  des parlementaires. Est-ce  bien adapté à notre époque où le sentiment du quidam est de considérer-à tort mais la croyance est tenace- que les puissants sont protégés en justice et que les politiques ne se font pas la guerre ? Mme Lagarde a été reconnue coupable mais a été dispensée de peine, ce que j’approuve d’ailleurs compte tenu des circonstances de ce dossier atypique ( ce qui est conforme à la loi et dont profitent  d’autres prévenus non célèbres). Après l’inoubliable  «  responsable mais pas coupable » de  l’ancienne ministre Mme Georgina Dufoix dans le dossier du sang contaminé, on a désormais « coupable  sans sanction donc pas responsable ». La jurisprudence innove. Qu’en pensera le justiciable de base ?. M. Tapie lui continue à parader bien que mis en examen, car les sous il les garde pour l’instant. Tout ceci est-il bien juste? En tous les cas cette décision sonne comme un avertissement à tous les décideurs publics, dont je suis à un très petit niveau comme conseiller municipal : si on ne prend pas la bonne mesure politique- après avoir écouté les avis contradictoires d’éminents spécialistes-  qui se révèle mauvaise des années plus tard, à la suite d’une enquête difficile, peut on être poursuivi et condamné ? Si tel est le cas les vocations vont être moins nombreuses pour les fonctions électives bénévoles. Mais on est rassuré : les hauts fonctionnaires qui conseillaient Mme Lagarde  sont passés à travers les gouttes…
Revenons  à la sécurité et aux décisions prises après l’attentat de Nice. M. François  Heisbourg  qui a reçu jadis  le prix Akropolis de l’ANA-INHESJ conseiller spécial à la fondation sur la recherche stratégique,  auteur de « comment perdre la guerre contre le terrorisme » Ed. Stock, a protesté : « les mesures prises sont inefficaces et dérisoires »[Le monde du 19 juillet 2016 page 9] et a demandé : «il n’est pas trop tard pour s’engager  dans la voie du redressement (mais) nos responsables en sont-ils capables ? ». La charge est rude mais l’importance de l’attentat mérite que l’on pose des objections dans l’intérêt de tous. Prenons l’habitude de ne pas ignorer les questions qui fâchent. Un consensus mou ou taisant n’apporte rien.  Et  de ne pas faire l’autruche parfois, dans beaucoup de domaines. M. Boualem Sansal  qui a écrit « 2084 la fin du monde » Gallimard 2016, a décrit l’Abistan empire qui tire son nom du prophète Abi, « délégué » de Yolah sur terre. Son système est fondé sur l’amnésie  et la soumission au dieu unique... Cela nous rappelle une certaine actualité. Nous avons donc un travail de réflexion de fond à mener pour décider d’actions,  et consolider nos valeurs car la guerre se gagne aussi et peut être avant tout sur le terrain des idées. De son côté et inlassablement depuis des années  après avoir été elle-même victime du terrorisme à Paris, Mme Françoise Rudetzki-aussi  auditrice de l’INHESJ- fondatrice de SOS attentats se bat pour faire progresser la prise en charge des victimes avec des notions nouvelles : perte de chance, reconstitution de carrière, préjudice d’angoisse ou d’inquiétude, résilience… Nous avons le devoir collectivement de faire aboutir au plus vite ces dossiers. M. Pierre Nora éminent historien et académicien a réfléchi sur les rapports que nous avons avec l’histoire et la mémoire après les attentats de 2015 et 2016 :  « ces tueries ont changé  la situation de la France, la conscience de soi nationale, les clivages de la vie politique ,les fractures sociales. Pour autant ils n’empêchent pas  la majorité des français de vivre à peu près comme avant…Notre situation  ne correspond ni au déni ni à la résignation ni au catastrophisme. Chacun ressent une très profonde inquiétude et un immense besoin d’essayer de comprendre »[le figaro 13 novembre 2016 page14].Il conclut : « le roman national (celui d’Ernest Lavisse  et Renan) est mort. C’est devenu une romance… ».Mais «  vous n’aurez pas ma haine »comme l’écrit Antoine Leiris éd. fayard 2016, mari d’une victime au bataclan. Ce cri d’amour réconforte et force l’admiration.
Heureusement si je puis m’exprimer ainsi, dans l’actualité on traite d’autres sujets  qui peuvent paraitre secondaires mais qui touchent à notre identité et nos traditions. J’avais commenté le contentieux sur l’installation des crèches dans les espaces publics dans l’auditeur n° 44 de janvier 2016, où je demandais au Conseil d’Etat d’unifier la jurisprudence contradictoire. Après le burkini c’est fait, le conseil d’Etat par arrêt du 9 novembre 2016 a autorisé les crèches mais sous conditions. Les  juges administratifs attribuent aux crèches « une pluralité de significations » et estiment qu’elles sont aussi des « éléments de décoration profane ».Une crèche peut être autorisée avec une installation précaire en fin d’année, en présentant un caractère culturel , artistique ou festif ; ne pas exprimer « la reconnaissance d’un culte ou une préférence revisitée ».La crèche doit éviter tout prosélytisme religieux , correspondre à des usages locaux et ne pas être installée dans des bâtiments publics. Il y a feu vert pour les parvis de mairie, les accès aux bâtiments publics, les marchés de noël . Il appartient aux élus locaux  de comprendre et appliquer l’arrêt. Le mieux est aussi que les crèches soient installées dans ou près des églises ce qui est leur place naturelle et éviterait toute polémique. Mais il ne faut pas oublier le poids des ans et les usages. La laïcité –notion typiquement française et difficile à expliquer et exporter- est toujours un combat et il faut  se pénétrer de sa portée ![lire Caroline Fourest «  le génie de la laïcité ». Grasset 2016 ].Mme Caroline Cayeux maire de Beauvais (avec sa magnifique cathédrale et le choeur le plus haut du monde ) et sénatrice de l’Oise a déclaré : « je serais surprise si de nouvelles polémiques surgissaient au niveau national .Le Conseil d’Etat a trouvé le moyen de sortir de cette affaire par le haut »[ le figaro 2 décembre 2016 page 15]. De son côté « nous serons vigilants » a assuré M. Christophe Habas nouveau grand maître du Grand Orient de France, car il estime la jurisprudence du Conseil d’Etat comme « illégitime «  et affirme que «  ce ne sont pas les crèches qui vont nous préserver de la montée de l’islamisme ». C’est vrai mais ce ne sont pas non plus les mosquées ou l’absence de tout symbole  qui sont un  rempart contre l’islamisme et l’on s’étonne qu’une personnalité aussi  hautement républicaine que M.Habas n’estime pas que le Conseil d’Etat a dit le droit, légalement et légitimement. On peut ne pas être d’accord avec des magistrats y compris au nom de la laïcité dont personne n’a le monopole de l’interprétation et qui ne doit pas être un prétexte pour rouvrir des polémiques, mais il faut l’être avec modération. Que la paix  et la sérénité soient avec tous. Match nul 1 partout et faisons confiance au sens des responsabilités  des élus locaux.
                           La crise de la police
Le nouveau ministre de l’intérieur M. Bruno Le Roux est un auditeur de l’INHESJ : il connait donc les problématiques de la sécurité. On s’en réjouit.
Depuis des semaines les policiers arpentent le bitume  de nuit comme de jour, pour faire état de leur exaspération, en débordant leurs organisations syndicales. C’est inédit. Ils protestent contre leurs mauvaises conditions de travail matérielles, ce que personne ne conteste  ; les heures qu’ils passent en mission pas toutes rémunérées ;  l’absence de considération du public (qui les encensait après les attentats de janvier 2015)  et d’un soutien « mou » de leur hiérarchie ; du fait que selon eux la justice pénale serait laxiste (ce qui n’est pas démontré sauf quelques erreurs spectaculaires en matière de remise en liberté ou de condamnation) et un maillon faible dans la chaîne de la sécurité ; que la délinquance des jeunes en particulier est de plus en plus violente et dangereuse pour eux, et qu’ils ne disposent pas des moyens y compris de droit pour se défendre et faire face ; qu’enfin les spécificités de leur métier ne sont pas prises en compte et qu’ils n’ont pas plus ni moins de droits qu’un citoyen lambda. Ils ne le supportent plus alors même qu’on les agresse, les provoque ou que l’on cherche à les tuer. Le problème délicat en droit et en fait de la légitime défense a été enfin abordé. J’avais écrit sur mon blog(fremauxchristian.blogspot.com ou.fr « à propos de légitime défense » en date du 8 novembre 2016) qu’il fallait écarter la présomption de légitime défense et essayer d’harmoniser  avec les conditions imposées aux gendarmes .La réflexion a été confiée  par le premier ministre à L’INHESJ dont  la nouvelle directrice est Mme Hélène Cazaux-Charles magistrat du parquet de métier  qui en un temps record après de nombreuses séances de jour comme de nuit et audition de spécialistes et de praticiens, a remis son rapport au gouvernement. Un projet de loi a été adopté au conseil des ministres du 21 décembre, qui aligne semble-t-il pour les policiers  les règles de tir après sommations sur celles des gendarmes. Le tout encadré par le principe de proportionnalité et d’absolue nécessité selon les critères de la cour de cassation et de la cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg. Attendons le texte voté par les parlementaires pour être fixé. Ce ne sera pas un « permis de tuer  » comme en bénéficie le célèbre agent 007 : ce que veulent les policiers-comme les gendarmes- c’est un permis de vivre, celui de pouvoir exécuter leurs missions dans une plus grande sérénité, de se défendre à « armes »égales, d’être compris encore mieux par les magistrats et… les médias qui parlent de bavures à tort et à travers, et d’être reconnus au service de la population et de ceux qui ne commettent pas d’infractions. Mais la crise de la police est surtout humaine comme l’a écrit le professeur Olivier Gohin directeur du M2 sécurité et défense de Paris II : « il y a une inadéquation entre la nouvelle sociologie policière et les autorités publiques dépassées ».Après mai 2017 il appartiendra au nouveau gouvernement d’agir pour la chaine pénale y compris la pénitentiaire,  sans  se contenter de rassurer et poser des rustines. Il me semble que les français dans ce domaine sont prêts à faire l’effort nécessaire car la sécurité, la lutte contre la délinquance et le terrorisme, conditionnent notre manière de vivre  et permettent de progresser sur des territoires oubliés ou désertés, y compris en zones rurales où les services publics souvent ont pris la fuite !
                         La magistrature et la justice
Les magistrats qu’ils soient debout comme membres du parquet, ou assis comme juges du siège, se sont cabrés  et comme un seul homme/une seule femme  ont protesté d’un cri perçant : « basta » comme on dit  aussi en corse où la justice a eu divers contentieux. A ce propos je mentionne que M.Yvan Colonna  qui a été jugé par la cour d’assises spéciale anti-terroriste de Paris et condamné  pour l’assassinat du Préfet Claude Erignac  et l’attaque de la gendarmerie de Pietrosella (  comme avocat j’étais partie civile dans tous les procès du commando et de M.Colonna pour un gendarme  pris en otage puis relâché) , a vu son recours devant la cour européenne des droits de l’homme  de Strasbourg rejeté  le 8 décembre 2016 pour irrecevabilité (il n’avait pas épuisé tous les recours internes sur divers sujets dont il se plaignait).M. Colonna  n’aura pas une nouvelle « chance »de faire reconnaitre sa prétendue « innocence » et il doit accomplir la peine de prison à perpétuité avec une peine de sûreté de 22 ans qui lui a été infligée . Revenons à la colère-mesurée comme il sied- des magistrats. Les rapports entre la justice, autorité judiciaire selon les termes de la constitution de 1958, et le pouvoir exécutif n’ont jamais été un long fleuve tranquille, un lit de roses. Le président de la république Nicolas Sarkozy avait évoqué «   des petits pois sans saveur » à une rentrée solennelle ce qui avait le mérite d’une franchise publique. Cette métaphore légumière n’avait pas plu, on s’en doute, aux robes noires, rouges avec simarres et fourrures blanches. Le président de la république  M.François Hollande garant de l’indépendance judiciaire et du respect dû aux magistrats a fait plus fort, et croyait-il plus discret, dans les propos qui lui sont prêtés par deux journalistes dans le livre « un président ne devrait pas dire ça... » : il parle « d’institution de lâcheté », de « planqués », où «  l’on joue les vertueux. » (j’espère pour M .Hollande redevenu simple citoyen après mai 2017 , n’ayant plus l’immunité pénale attachée au chef de l’Etat, qu’une affaire judiciaire même banale ne le rattrapera pas et qu’il ne devra pas  s’expliquer devant des juges). Les plus hauts magistrats, prenant connaissance de ces  déclarations  , toutes affaires cessantes ont sollicité et obtenu un rendez-vous d’explications de texte avec M.Hollande qui les a apaisés, a évoqué un malentendu,  mais ne semble pas avoir démenti au fond. Sic transit gloria mundi.
Déjà les magistrats  n’avaient pas apprécié le rapport de la chancellerie  du 28 juin 2016 sur leur protection , évoquant les tentatives de déstabilisation des juges d’instruction par la défense c’est –à- dire les avocats (sic).Ceux-ci ont été offusqués, à juste titre même si  je suis corporatiste  mais connais le terrain, car leur métier est de s’opposer  aux juges non pas par principe ou méchanceté mais  s’ils l’estiment utile pour la défense de leur client, et n’ont pas à s’incliner devant le  rouleau compresseur de l’Etat  et les difficultés de la procédure pénale que dénoncent pour d’autres raisons les policiers [ lire le Figaro  du 13 juillet 2016 page 8]. Dans un état de droit  les droits de la défense sont une garantie contre l’arbitraire et le désir refoulé de sacrifier l’individu s’il le faut face aux diktats de l’opinion publique  . Ces deux légitimités doivent cohabiter .Les magistrats de l’ordre judiciaire ont constaté amers, que la justice administrative leur était préférée dans l’état d’urgence et ils ont  accusé le coup du décret du 5 décembre 2016 qui permet à l’inspection générale  du ministère de la justice (qui dépend du gouvernement) de contrôler aussi, la cour de cassation. Le malaise persiste….Il faudra bien qu’un jour puisque la justice est en faillite comme l’affirme avec raison M.Urvoas garde des sceaux  et est globalement incomprise, que l’on fasse un grand débat de fond sur la place, les rôles et les moyens de la justice dans une démocratie, avec peut être l’instauration d’un pouvoir judiciaire qui n’est pas un gouvernement des juges ; sur le besoin impératif d’arbitres impartiaux et responsables de leurs décisions avec des précautions pour éviter des mises en cause personnelles intempestives ;  de la nécessité d’alléger le travail des magistrats professionnels en les recentrant vers la politique pénale et les difficultés en droit essentielles de la vie quotidienne ; en les déchargeant de contentieux de masse qui leur prennent beaucoup de temps ; du rôle des juridictions administratives  qui devraient intégrer le système judiciaire ; de l’existence des autorités administratives indépendantes, de la non –création de comités Théodule; de la force de la loi et du droit et de l’autorité de la  chose jugée ; de la jurisprudence qui ne peut remplacer le législateur ou avoir des interprétations orientées …tout ceci avec un budget digne d’un état moderne et performant.  La justice civile est au bord de l’implosion. Mme Dominique  Lottin 1ère  présidente de la cour d’appel de Versailles explique  que les délais sont trop importants qu’il y a dix juges  en France pour 100.000 habitants alors que la moyenne européenne est de 21, et que l’on manque de greffiers, d’assistants  et de moyens matériels ...[le figaro du 7 octobre 2016 page 8].  Le justiciable explose aussi  car il pense que son dossier est négligé. M. Michael Janas  président du TGI de Grasse constate et déplore que le « juge est un artisan alors qu’il faudrait passer à l’ère industrielle ». Des spécialistes ont des propositions [ lire louis Vogel professeur et avocat : « Justice année zéro. 20 propositions pour la justice » préface de D. Perben ancien garde des sceaux .Ed. Ramsay 2016]. Mais c’est une question de priorité et il semble que la justice n’intéresse pas vraiment les politiques, qui s’en méfient quelque peu .Le gouvernement de M.Valls  a essayé d’améliorer la situation  avec la loi du 12 octobre 2016 sur la justice du XXI ème siècle qui a établie notamment la suppression des tribunaux pour mineurs ; le divorce sans juge ; l’abandon de la collégialité de l’instruction, un statut pour le juge des libertés ; l’action de groupe ; le regroupement du contentieux social (TAS ; tribunal de l’incapacité) devant les TGI… On s’intéresse aussi et enfin  à l’enfermement et à la prison qui n’est plus un sujet tabou,-  les prévenus radicalisés obligent à ouvrir les yeux-, et on  découvre  que  celle-ci n’est pas incompatible avec la dignité de l’homme détenu. On s’accorde pour construire de nouveaux établissements et  protéger aussi le personnel pénitentiaire qui doit faire face aux mutineries, aux agressions, aux trafics,  au prosélytisme religieux. On a créé une sous direction de la sécurité pénitentiaire. La droite a approuvé et on ne peut que penser qu’elle continuera sur cette voie si elle arrive au pouvoir. La loi du 3 juin 2016 a renforcé la lutte contre le crime organisé  et le terrorisme ,mais a aggravé, selon les policiers, la « paperasse » administrative. « Paperasse »peut être, mais il faut des garanties légales objectives .La transposition de la directive européenne  sur les droits de la défense  bouscule certes la chaine pénale (garde à vue avec attente de l’avocat ou d’un tiers), avec les difficultés liées aux écoutes téléphoniques. Mais la procédure protège de la tentation de faire trop vite. Enfin une proposition de loi de M. François-noël Buffet sénateur du Rhône et vice-président de la commission des lois prévoit de supprimer la contrainte pénale (mesure emblématique de Mme Taubira!) et d’établir un tribunal de l’application des peines. Pourquoi pas, mais il serait bon que le législateur ne balaie pas systématiquement tout ce que le prédécesseur a fait –sauf si c’est franchement et objectivement pernicieux- et qu’il y ait une stabilité des lois  qui devraient être  moins fourre-tout et bavardes,   au moins pour le temps d’une législature ce qui rassurerait le quidam qui a besoin de sécurité en droit et savoir à moyen terme ce qu’il peut faire ou non, dans tous les domaines (fiscal, administratif, public, social…).Mais c’est une autre histoire.

 Alors qu’il y aura tant de domaines à réformer, l’année 2017 sera-elle le point de départ  de la reconstruction de la  justice qui est un monument en péril , de sa modernisation ou de l’édification d’une œuvre innovante pour satisfaire le justiciable et son avocat ; les magistrats ; le pouvoir exécutif qui a la responsabilité de l’ordre public ; voire…  le délinquant qui saura précisément quels sont les risques  et les conséquences de son périlleux métier. C’est un vœu qui ne doit pas rester pieux. De mon point de vue l’homme /la femme a besoin de croire  en ce qui le dépasse sans pour autant que cela ressortisse au religieux ou au spirituel et sauf pour celui qui ne croit qu’en lui. La justice, organisation matérielle et vertu est un idéal atteignable.
                                Le terrorisme fléau récurrent
Les pouvoirs publics ne cessent de nous prévenir ; il faut apprendre à vivre avec toutes les menaces et d’éventuels attentats qui peuvent survenir n’importe où et n’importe quand. Dont acte, mais ce n’est pas vraiment rassurant même si l’on sait que les responsables font le maximum, déjouent des préparatifs , arrêtent de présumés acteurs et essaient d’anticiper. Berlin a été frappé sur le marché de noël qui est un symbole comme l’était le 14 juillet à Nice .L’Allemagne est en deuil et on s’incline devant la douleur des victimes et des familles. On est solidaire, de loin certes, mais de tout cœur d’autant plus que le modus operandi avec le camion nous rappelle de mauvais souvenirs. Notre ami Alain Juillet (ancien directeur du renseignement, auditeur de l’IHESI/INHESJ première promotion) a expliqué dans l’émission C .dans l’air le 23 décembre 2016  a propos du présumé terroriste tunisien de l’attentat de berlin qui a été tué à milan après être passé par la France semble t il, que l’on ne pouvait tout contrôler, qu’il fallait harmoniser les législations européennes,  et que les frontières de l’Europe ne devaient pas être des passoires. On souhaite que l’Union Européenne accélère la mise en place de ses dispositifs de lutte.
Lors du sommet de Bratislava  en septembre 2016 après la création en août d’un poste de commissaire à la sécurité  et à la lutte contre le terrorisme confié au britannique Julien King (le gardera-t-il après le Brexit ?) a été affichée une volonté  d’agir avec la directive anti-terroriste qui durcit le cadre juridique  en criminalisant toute forme de participation directe ou indirecte à des activités d’endoctrinement et de terrorisme. L’UE veut aussi renforcer les contrôles de citoyens  y compris européens rentrant dans l’espace Schengen .Elle veut aussi contraindre les opérateurs télécoms à collaborer dans les enquêtes pénales et pousser les acteurs d’internet à s’investir  et coopérer, enfin restreindre le champ des armes accessibles aux particuliers détenant une licence. L’union européenne a aussi lancé une agence européenne  de gardes -frontières et de gardes –côtes qui se situe à Kapitan-Andreevo point de passage entre la Bulgarie et la Turquie. Son directeur est un français M. Fabrice Leggeri, énarque, ancien responsable de la lutte contre l’immigration illégale. La France fournira environ 170 hommes et femmes soit 10% des troupes, pour la réserve opérationnelle. C’est un mandat de police  confié à un corps  placé sous commandement européen qui va au-delà des compétences et pouvoirs de Frontex. En France la première loi anti-terroriste date de 1986 et la dernière du 3 juin 2016 qui a renforcé la lutte contre le crime organisé et le terrorisme et a créé le renseignement pénitentiaire .Des mesures nouvelles sont en préparation à la suite du rapport de M .le député G.Fenech avec un rôle accru de la D.G.R.I , et  la création  d’une agence nationale de  lutte contre le terrorisme pour intensifier la coordination . Un nouveau plan «  vigipirate plus »a été validé  mercredi 30 novembre 2016 par un conseil de défense avec un système à trois niveaux : vigilance ; sécurité renforcée/risque d’attentats ; urgence attentats, le plus élevé ,avec l’aide de drones  et des mesures contre les cyber-attaques. Le S.G.D.S.N. souligne son secrétaire général M. louis Gautier  est d’une grande réactivité  et est chargé de préparer vigipirate (consulter www.gouvernement.fr/vigipirate).  Il faut développer la culture de la vigilance : chaque citoyen à sa place, avec ses moyens, doit être un acteur de la sécurité qui est l’affaire de tous, comme l’INHESJ l’enseigne depuis des années.  Ce n’est pas de la « délation » mais un devoir citoyen. Il faut donner aussi à la justice anti-terroriste  les moyens de rendre des décisions rapidement, tout en préservant les garanties de la défense. Une justice expéditive quelles qu’en soient les (bonnes ou mauvaises ) raisons n’est pas tolérable, car c’est faire le jeu de nos ennemis. Au TGI de paris il y a près de 183 enquêtes préliminaires ; 141 informations judiciaires et 982 individus concernés. [le figaro du 3 octobre 2016]. Ces chiffres ne cessent d’augmenter, malheureusement. Les cours spéciales d’assises anti-terroristes sont saturées d’autant plus qu’il a été décidé de criminaliser encore plus les peines. D’où des besoins en matériel et personnel outre une spécialisation accrue des juges qui doivent être protégés. Il faut savoir ce que l’on veut et se donner les moyens d’être efficaces. Sinon on a  la justice que l’on mérite, et les incantations ne servent à rien .Naturellement  la lutte contre le terrorisme dépend aussi du combat contre l’Etat islamique : de la guerre en Syrie et de la fin des carnages  ; des puissances impliquées et des alliances entre Etats parfois de circonstances ; des nouveaux élus comme M.Trump aux USA, et en Europe ; de la politique extérieure de la Russie avec qui il faut dialoguer (la diplomatie  c’est l’art du mouvement, faire bouger les lignes ,ne pas moraliser, condamner ou vouloir punir dit D.de Villepin ), ce qui ne veut pas dire approuver  aveuglément ; de l’influence des pays théocratiques (l’ANA-INHESJ a fait un voyage d’études en Iran en novembre 2016) et de la concurrence chiites/sunnites qui se répercute  sur notre territoire où notre conception de la laïcité  qui est une liberté est comprise par certains comme une interdiction de l’islam ou une restriction à la liberté de conscience. Ce genre d’incompréhension  est dangereux.
Il faut donc que nous soyons ferme sur nos principes et valeurs, et que tous quelques soient nos choix partisans, nous sortions de nos schémas binaires pour essayer de bâtir un consensus républicain.
                          Etre ferme sur les principes.
 Le philosophe Régis Debray (qui a soutenu Castro et Che Guevara puis s’est assagi) cité par Caroline Fourest,a répondu à la question « êtes-vous démocrate ou républicain » ?[le nouvel observateur 30 novembre 1989], comme suit : « la république c’est la liberté plus la raison. L’état de droit plus la justice.  La tolérance plus la volonté. La démocratie dirons-nous, c’est ce qui reste d’une  république quand on a éteint les lumières ». Le débat qui concerne l’état de droit en France  me parait aberrant car on n’a pas à choisir entre son abolition et « les effarantes promenades de santé des djihadistes avec bracelets » comme le note Natacha Polony. Il ne s’agit pas d’adapter au jour le jour le droit à la menace car nous serons toujours en retard mais on doit inventer des règles de droit qui répondent  à la situation exceptionnelle. Mme Chantal Delsol ,philosophe,  souligne la difficulté des démocraties à trouver un juste milieu entre le maximum de sécurité et le maximum de respect des droits.[ le figaro du 22 septembre 2016 page 16].L’ancien vice-bâtonnier  de l’ordre des avocats à la cour de Paris et pénaliste réputé Me Jean-Yves Leborgne rappelle une évidence : « n’est il pas tout aussi étrange de connaitre ceux qui demain vont poser des bombes et de devoir attendre qu’ils allument la mèche pour intervenir peut être trop tard… le devoir d’un homme politique n’est pas d’enfermer le  peuple dans un monde rassurant, mais de parler vrai et de faire face. L’humanisme est une valeur fondatrice de notre société… l’arbitrage entre la liberté et la sécurité  relève de l’art de gouverner… qu’on ne peut confier qu’à des responsables d’exception capables de maintenir l’état de droit, en affrontant l’état de guerre ».[le figaro du 22 septembre 2016 page 16].
Mme Mireille Delmas-Marty, professeure  agrégée de droit privé et de sciences criminelles membre de l’institut et du collège de France vient de publier au Seuil un « petit guide de navigation sur l’océan de la mondialisation. Aux quatre coins du monde ».Elle s’interroge sur les thèmes qui seront au centre de la campagne présidentielle et  des législatives : guerre contre le terrorisme, état d’urgence, immigration. … Sur la couverture de son essai est représentée une rose des vents avec le nord de la liberté ; le sud de la sécurité ; l’ouest de la compétition ; l’est de la coopération. Elle constate que « un état de guerre sans frontières  ni droit cela s’appelle la guerre civile mondiale permanente ».Daech veut obtenir le statut d’Etat et il faut l’empêcher absolument. Selon elle , il faut poursuivre le terrorisme comme un crime et dans les cas les plus graves comme un crime contre l’humanité relevant de la cour pénale internationale de La Haye. « La démocratie ça devrait être quoi ? » s’est interrogée la rédaction de  Philosophie magazine de novembre 2016 (dossier pages 43 et suivantes).Il s’agit de donner le pouvoir au peuple, ce qui est plus difficile qu’à Athènes comme aux temps anciens, l’agora contemporaine étant trop petite pour accueillir les 66 millions de français, outre les sujets de mécontentement. Mais c’est ce que réclament les partis qui se qualifient  de populistes, avant de se transformer par l’exercice du pouvoir comme des partis traditionnels, avec les mêmes travers ou deviennent autoritaires si le peuple ne les suit pas. Comment faire et éviter les débordements ? .Déjà en 1762 dans le contrat social ,Jean-Jacques Rousseau alertait : « on ne peut imaginer que le peuple reste incessamment assemblé pour vaquer  aux affaires politiques et l’on voit aisément qu’il ne saurait établir pour cela des commissions sans que la forme de l’administration change ».Ceux qui en 2016/2017 prônent la démocratie participative  mais ne sont qu’une minuscule minorité qui se prétend le phare de l’humanité et qui veut tout changer («  pour que rien ne change » comme l’écrivait  Giuseppe Tomasi  prince de Lampedusa  dans le  guépard ) sans avoir la moindre légitimité tels les membres de nuit debout ou divers zadistes et les anonymes des réseaux sociaux, qui ne  représentent qu’eux, autoproclamés veilleurs ou démocrates «  avancés », sont plus des adeptes de l’utopie qui n’a pas réussi au chancelier anglais Thomas more, que des réalistes concrets qui participent au progrès. Le progrès n’est pas d’ailleurs de nier l’expérience, la prudence et le bon sens y compris pour les institutions. Et de ne choisir que ce qui choque ou sort des règles. La politique est une chose trop sérieuse qui détermine le futur de tous pour la confier à n’importe qui,  celui qui  a une ou des illuminations et se prétend porteur d’un  projet formidable, y compris à moi citoyen de base. Cela n’empêche pas qu’il faut trouver des solutions pour réduire la fracture entre les représentants élus et les élites, terme pris dans un sens général, car des élites il en faut.  Pas forcément celles résultant d’une réussite à un concours très difficile dans sa jeunesse –ce dont je les félicite-  et qui prétendent ensuite tout savoir et être compétents à vie,  ou d’un statut privilégié qui protège de tout accident professionnel et permet d’être exigeant avec les autres. Ou pas nécessairement non plus les donneurs de leçons, au chaud sans responsabilité particulière .C’est un débat ancien et Montesquieu déjà, « de son temps » était pour la représentation au mérite. Pierre Rosanvallon  professeur au collège de France estime que les citoyens ont désormais besoin  d’une expression qui ait une dimension délibérative, car ils veulent peser sur les décisions qui engagent leur avenir. Après la démocratie d’autorisation il y a « l’attente d’une démocratie d’exercice ». A nous de l’inventer .Espérons dans les débats d’idées qui vont  « égayer » les mois de campagne électorale. Tout n’est pas que symbole. Il faut donner du corps à la pensée et du concret à la parole. L’homme est ce qu’il fait , pas ce qu’il promet. La sécurité et la justice l’aident à se trouver : « deviens qui tu es » est le slogan (de Nietzsche) à la mode. Dans cette fin d’année 2016 mon dernier rêve sera pour vous, pour nous, pour tous. Dans ce monde de «  brutes » et d’urgence où tout  parait se valoir sans hiérarchie,  où la violence matérielle, physique, intellectuelle, morale, psychologique semble dominer, faisons le pari d’un monde meilleur et plus éclairé et essayons par nous même de le construire en étant modéré  dans nos revendications et en jouant collectif. Soyons tout simplement humain.
Christian FREMAUX avocat honoraire, promotion 1991 de l’IHESI/INHESJ.