vendredi 26 septembre 2025

L’implosion de la justice pénale

 

                               L’implosion de la justice pénale

                        Par Christian Fremaux avocat honoraire

Tous ceux qui par besoin ont saisi la justice dans tous ses états sur le plan civil, social ou administratif qui sont l’essentiel des litiges du quotidien, ont compris que c’était un monument en péril et que l’aléa judiciaire n’était pas un vain mot. Les délais de jugement n’ont plus de fin, les juges se disent débordés avec un manque chronique de moyens et les appels sont lointains. L’exécution des jugements quand le greffe a envoyé la décision ce qui prend du temps, est devenu un combat. Bien sûr ce n’est la faute de personne ni des juges qui travaillent sur leurs ordinateurs et aux audiences de façon inhumaine, énormément, ni du greffe où les fonctionnaires ne se ménagent pas, ni de l’organisation judicaire ! Que des innocents. L’Etat anonyme est forcément responsable et c’est l’effronterie du justiciable qui a eu le toupet de saisir un service public à l’agonie, qui est la raison du désastre. Sur l’indice de satisfaction on est proche du zéro sur une échelle qui va de 1 à 10. La Justice est en redressement judiciaire proche de la faillite. Ceux qui veulent engager une procédure après avoir écouté les explications de leur avocat, prennent la fuite sauf nécessité absolue.

En revanche la presse et le grand public s’intéressent prioritairement à la justice pénale qui représente quelques pourcentages du contentieux général, aux affaires criminelles ou correctionnelles surtout s’il y a un mystère ou une personnalité politique qui est impliquée. Sans rien connaitre du dossier et des pièces accusatoires ou non, on prend position pour ou contre. On aime le sang surtout celui des autres et on se compare moralement : moi je suis bien car je n’aurai jamais fait ceci ou cela, ou telle personne connue a une attitude honteuse. En toute impunité et bonne conscience on crie mort aux vaincus et on se réjouit de la chute de celui qui tenait le haut du pavé ou donnait des leçons ou ne pensait pas comme vous. En direct parfois dans les médias qui comme on le sait ne rapportent que des faits et sont neutres !

 Les grands principes comme celui de la présomption d’innocence ou la liberté comme principe et la prison l’exception sont à géométrie variable et ne sont réservés qu’à ceux qui sont catalogués comme victimes par genre ou statut social. Si vous avez le malheur d’être représentatif et d’avoir quelque peu réussi vous partez avec un handicap. L’égalité réclamé à cor et à cris et la justice sont du domaine et de l’apanage d’une minorité qui est rangée par de prétendues élites ou des partisans dans le camp du bien appelé aussi l’arc républicain en politique. Il faut savoir plaire et vivre à plat ventre en adorant les idoles que l’on vous désigne. C’est de la démocratie sélectionnée. Tous les autres étant à éliminer et devant subir le sort tragique qu’ils méritent. Même si les principes ont été malmenés. La fin justifie les moyens.  C’est la justice pénale augmentée par le fait qu’elle est parfois orientée avec les magistrats du syndicat de la magistrature et ceux qui ont bâti le mur des cons, mais c’était pour la bonne cause ont-ils dit ! S’y ajoute la justice d’atmosphère qui fait de la moraline : il faut que les puissants paient judiciairement et qu’ils soient des exemples. Peu importe la loi qui s’interprète. Ou le manque de preuves.  Le juge pense être l’incarnation physique de ce que l’opinion publique est supposée vouloir quand elle est conforme à la subjectivité du magistrat. La justice se transforme en justicière. Elle se prend pour un pouvoir alors qu’elle est une autorité. Sans légitimité autre qu’un concours. L’état de droit s’en trouve affecté. Les juges ne rendent de comptes à personne et toute critique est considérée comme une agression. Une remise en cause par des tentatives de réformes consensuelles devient une blessure inadmissible de son pré-carré, de sa dignité et de son rôle. On s’attaque à l’organisation et à la procédure mais pas à ceux et celles qui sont les auteurs. Ne pourrait-on revoir leurs statuts et missions en leur donnant peut- être plus de moyens matériels ce qui est une question de budget. Mais qu’ils changent d’état d’esprit et d’idéologies et sortent de leur entre soi. Entend- on parler de sanctions pour des juges qui se trompent, qui remettent en liberté des délinquants avérés qui récidivent ou qui rendent des jugements manifestement aberrants et excessifs ou qui font connaitre publiquement leurs opinons politiques ou qui refusent d’appliquer une loi qui serait liberticide selon eux ? Le peuple au nom de qui des juges se prononcent s’en aperçoit et le malaise grandit comme la perte de confiance.

Mais ce qui compte pour le public c’est quand la cour d’assises ou le tribunal correctionnel se prononcent sur une affaire médiatique. On bave devant le spectacle. On a eu l’exécution provisoire du jugement contre Mme Le Pen. Ce qui m’a choqué qu’elle soit coupable ou non. Les juges ont appliqué le droit de façon extensive selon moi, avec arrière-pensées. En plusieurs décennies de barreau et ayant plaidé dans des affaires sensibles, j’ai rarement vu en matière pénale l’exécution provisoire être prononcée et ainsi entacher la présomption d’innocence et l’appel. La justice creuse sa tombe en voulant être un parangon de vertu et de transparence en s’alliant avec des lanceurs d’alerte bidons et intéressés. Qui peuvent produire des faux documents. Elle descend de son piédestal d’arbitres impartiaux.

Le jugement contre M. Sarkozy m’a consterné. Qu’on aime cette personnalité ou non. Il a fallu 400 pages de motivation pour tous les prévenus dans une très vieille affaire pour relaxer M. Sarkozy de trois délits sur quatre poursuivis dont celui de détournement de fonds publics et absence de corruption, et ne retenir que le délit d’association de malfaiteurs pour le condamner à 5 ans de prison ferme avec mandat de dépôt différé. Quel risque existait ? Heureusement on a supprimé le bagne de Cayenne. Ce qui est sinon une revanche corporatiste au moins une humiliation voulue. Dans un dossier où d’après les comptes rendus il n’y a qu’un faisceau d’indices. Je croyais qu’au pénal le doute profitait à l’accusé ?  L’individu Sarkozy n’est pas au- dessus des lois mais je supporte mal comme citoyen qu’un ancien président de la République soit considéré comme un vulgaire malfaiteur. Attention à l’effet boomerang pour les ricaneurs qui se réjouissent. La justice n’est pas gagnante même si sa cible est atteinte.

 Le tribunal en outre a reproché à M. Sarkozy de se défendre et de nier les faits ce qui devient une circonstance aggravante. Les arguments ou les négations de la défense deviennent des griefs et peuvent plomber la cause : on l’a vu dans le dossier Depardieu. L’avocat que je suis est révolté. Si la justice pénale persiste dans ces voies elle implosera.           

1 commentaire:

  1. Quand l'autorité judiciaire s'arroge le droit de devenir un pouvoir judiciaire acceptant de se faire l'outil de l'arbitraire...
    Quand l'Etat de droit recule au profit de la loi des arènes que délivre réseaux sociaux et médias...
    Quand l'absence de recul laisse place à des slogans vidant d'expression toute réflexion construite et pondérée...

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