dimanche 12 février 2023

Et si c’était vrai

 

                                        Et si c’était vrai

               Par Christian Fremaux avocat honoraire

Seuls les masochistes aiment travailler plus longtemps pour gagner autant voire moins. On peut supposer que si on fait une réforme c’est qu’il y a un ou quelques motifs valables ? Il faudrait être fou pour un gouvernement de mettre beaucoup de monde  ulcéré dans la rue, uniquement pour enrichir des riches,  contrarier les salariés privilégiés, ou pour montrer qu’on est les meilleurs de la classe européenne, ou qu’on ne se soucie pas du peuple que sont les électeurs. Ceux qui peuvent vous dégager au prochain scrutin. Nos politiques de gauche comme de droite ne sont pas naïfs. S’agissant de conserver leurs sièges. 

Il semble que l’on s’accorde du bout des lèvres pour admettre que le système de retraite va être en déficit et qu’il faut trouver des solutions financières. En urgence selon l’exécutif et sans se presser selon les oppositions. En partant du même rapport celui du COR le conseil d’orientation des retraites que chacun lit avec ses lunettes pour en tirer des conclusions opposées. Mais on n’est plus dans le cadre strict d’une réforme des retraites puisque tous les acteurs sont d’accord pour préserver le système par répartition qui est solidaire. Tout ce qui est capitalisation sonne mal. Et qu’il ne faut pas baisser le niveau des pensions. En réalité le débat s’engage dans un autre contexte que celui qui  est purement comptable.

Le covid notamment qui a révélé le télétravail et l’évolution des esprits et de la société ont montré que désormais on s’interrogeait sur le sens de la vie, de la sienne en particulier, et de la valeur travail. Celui-ci aliénerait alors que d’autres pensent qu’il émancipe. Que l’effort est positif collectivement et que l’espérance de vie en bonne santé s’accroit. Chacun tire des conséquences. Faut-il produire toujours plus alors qu’il y a à portée de main des superdividendes qui ne demandent qu’à être taxés ? L’équilibre vie personnelle-vie professionnelle ne doit-il pas être revu en faveur de l’individu qui a droit à la paresse en partant à 60 ans en pleine forme, dans une nature menacée par le réchauffement climatique qui est le problème crucial ? En travaillant moins de 35 heures par semaine on partagerait le gâteau qui ne grandit pas certes mais on crée des cotisations et le déficit disparait ?

 Il ne peut avoir de réponse unique à ces questions car deux perceptions de la vie s’affrontent. Mais cela ne veut pas dire qu’il ne faut entamer aucune réforme car l’immobilisme ou le retour vers le futur conduirait à la régression. On entend divers arguments qui sont en fait des réquisitoires et des mises en cause de principe. Parfois ad hominem.  Indignes dans une démocratie. Et dans un Etat de droit républicain avec des valeurs notamment le questionnement public, la raison et la tolérance. On ne s’étonne plus des invectives dans la rue mais au parlement c’est inexcusable. Le bruit et la fureur ne sont pas du niveau attendu de ceux et celles qui me représentent même si je n'ai pas voté pour tel ou telle. 

Je n’aime pas entendre le vocabulaire outrancier des syndicalistes qui représentent moins de 10% des salariés et qui affirment d’un coup de menton « on va gagner, le gouvernement va retirer son projet car il est injuste ». Notion vague et générale surtout si elle concerne les régimes spéciaux, autonomes et dérogatoires actuels ! Ou qui jugent que l’exécutif est par nature menteur et va devoir en passer par leurs propositions. Car ils ne croient pas à son affichage de corriger des inégalités. Telles qu’elles viennent d’apparaitre au grand jour.

 Mais et si MM. Martinez et Berger se trompaient ? Et si leurs analyses  n’étaient pas en phase avec la réalité économique et financière ? Et si on suivait leurs volontés et qu’on entre dans le mur en klaxonnant ? Les prétendus gagnants deviendraient alors les perdants. Les syndicats auraient obtenu une victoire à la Pyrrhus. Le peuple en son entier paierait. Un syndicaliste n’a aucune responsabilité ni en droit ni électorale. Les chefs populistes restent en place. Ils ne rendent des comptes qu’à leurs adhérents !  

Il va de soi que je ne remets pas en cause la nécessité d’avoir des corps intermédiaires pour qu’il y ait un vrai dialogue social. Mais celui-ci ne peut être un ultimatum : vous cédez  ou on bloque tout.Il est inutile de se renvoyer les responsabilités : « on met le bazar car vous ne nous entendez pas. ». Personne n’est dupe ou sourd. Le dialogue n’est pas un combat par K.O. Sinon le débat public est inutile. Et la démocratie doit trouver des compromis concrets.

Et si le gouvernement n’avait pas tout faux, que les déficits réels sont préoccupants, qu’il faut trouver des solutions vite en fonction de la pyramide des âges qui n’est pas favorable ? Et que pour préserver les générations futures il faille progressivement augmenter l’âge légal de départ ce qui est la moins mauvaise des solutions. Sauf une autre excellente et réaliste non formulée qui rééquilibre les comptes pour le futur. Sans impôts ou prélèvements divers. En accentuant les facilités et les réductions justes pour la pénibilité, les femmes qui ont élevé des enfants, les seniors, et en faveur de ceux et celles que la vie n’a pas ménagé. La solidarité est là.

Il va de soi que le gouvernement comme les syndicats n’a pas la science infuse et que son projet peut et doit  être amendé au fur et mesure que l’on s’aperçoit qu’il y a des cas particuliers. C’est le rôle du parlement avec moins de 1000,00 députés et sénateurs. Qu’il y ait un débat grotesque sur le nombre de millions de marcheurs dans la rue selon les syndicats et l’estimation de la police ne m’intéresse pas. Sauf à conclure que le projet fait peur. Comme on ne gouverne pas contre le peuple il faudra peut- être en revenir à des élections. On a connu cela dans le passé. En général le résultat n’est pas celui qu’on attend et les syndicats qui penchent plutôt d’un côté de l’hémicycle risquent d’être surpris. Il est parfois contreproductif d’être excessif. Le citoyen de base comprend les enjeux. Il n’aime pas le désordre et la démagogie. Ni d’être accusé des pires maux. La démocratie n’est pas univoque il faut accepter de  vivre avec ceux dont on ne partage pas les idées. Qui sont nos égaux. 

Le citoyen fait roi dans son individualité doit réapprendre ce qu’est l’intérêt général. Ne rien faire est facile comme l’ont montré les rois fainéants, les mérovingiens bien sûr pas nos contemporains. Il y a de vraies tragédies comme le séisme en Turquie-Syrie, la guerre en Ukraine, en Arménie et ailleurs.  Nous sommes en France dans un psychodrame. On ne peut discuter à vie d’autant plus qu’on ne parle pas de la même chose. Tranchons donc vite et passons à d’autres sujets comme l’immigration, la délinquance et encore le niveau de vie qui mettront presque les mêmes dans la rue. Avec les bien -pensants le cœur en bandoulière.  

Et si c’était vrai que la réforme des retraites doit avoir lieu.

1 commentaire:

  1. Toujours la même pertinence, le Covid, l’éloignement du lieu de travail et le télétravail qui en est résulté ont donné une dimension à Internet que personne n’avait réellement prévu et dont les conséquences sont multiples à commencer par la notion d’accident du travail lorsque l’on est en télétravail. Comme il a été remarquablement dit, c’est la redécouverte que l’on doit donner à la vie, mieux à sa vie, dimension forcément plurielle qui remet en cause notamment l’exercice même du Pouvoir.

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