mercredi 25 mai 2022

L’émotion, le droit et la politique.

 

                 L’émotion, le droit et la politique.

                       Par Christian Fremaux avocat honoraire.

L’indignation spontanée ou réfléchie met à mal des évidences et une société ne peut se permettre d’être à la merci de groupes de pressions, défendraient-ils des causes justes. La vérité n’est pas univoque et parfois elle se nourrit d’injonctions divergentes. Abordons le dossier de M. Abad nouveau ministre assis sur un siège éjectable qui n’a profité de la joie d’avoir atteint son graal gouvernemental que pendant quelques heures avant de redescendre de l’échelle plus vite qu’il n’y était monté. La roche tarpéienne est toujours proche du capitole. Pourtant son parcours avait été passé au tamis comme tout ministre.

Il faut tremper sa plume au moins 7 fois dans son encrier si l’on veut parler d’un sujet grave qui concerne les femmes victimes déclarées surtout quand on est un homme et qu’on ne veut pas changer de genre et ne pas passer pour un rétrograde patriarcal et un conservateur l’ennemi honni du progressisme tous azimuts. C’est la « tolérance » new- look. Heureusement la liberté d’expression permet de faire connaitre ses opinions. Même celles qui déplaisent à certaines car on ne peut nier des fondamentaux et s’en remettre à la subjectivité. Il faut respecter les  règles de droit et être prudent à tout stade des accusations.

L’émotion le droit et la politique s’excluent -ils ou forment-ils un trio improbable en repassant le même film ? On a connu le même débat il y a quelques mois à peine avec un ministre aux fonctions régaliennes que le président de la république a reconduit en gardant son poste essentiel en matière de sécurité.  Sauf erreur, car je commente comme beaucoup à partir de rumeurs des médias sans avoir accès au dossier ledit ministre avait été accusé d’agressions sexuelles sinon de viol(s) ? : il y avait eu un classement sans suite - qui n’est ni un acquittement ni un début de culpabilité - par le parquet (le procureur de la république) puis réouverture de l’enquête judiciaire et il semble que le juge d’instruction penche vers un non-lieu ou l’ait prononcé, sous réserve de recours ? Attendons que la justice décide définitivement.  En attendant bis repetita avec M. Abad.   

Le procureur auto -proclamé médiatique à savoir l’organe de presse Mediapart a porté le fer au nom de la transparence et l’absence d’impunité des puissants surtout politiques qui abusent de leurs fonctions, en indiquant qu’une jeune fille avait déposé plainte contre la nouvelle excellence pour des faits très anciens d’agressions sexuelles et de viols qui avaient fait l’objet de deux classements sans suite. Une potentielle autre victime se réserve pour une action ? Naturellement ceux qui voient  une  manœuvre dans le tempo de la révélation - à savoir la nomination de M. Abad comme ministre alors qu’il était déjà président du groupe parlementaire LR depuis un certain temps - ne sont que des défenseurs odieux de l’agresseur, car on savait aux plus hauts niveaux politiques et on s’est tu. Seul Mediapart est de bonne foi puisqu’il est dans le camp du bien et qu’il n’a aucune arrière -pensée politique. On le croit !

Désormais la haute autorité pour la transparence de la vie publique devra ajouter une enquête encore plus poussée sur la vie privée et notamment judiciaire des personnalités sachant qu’en l’absence de condamnation formelle le doute ne rend pas coupable. La juste libération de la parole des femmes blessées dans leurs corps et leurs vies de tous les jours ne peut cependant être illimitée et entrainer une présomption d’infractions abjectes avant toutes vérifications des faits et un début de commencement de preuve. Le ressenti discuté dans le cadre de faits vécus de façon contradictoire ne peut aboutir à du lynchage médiatique et transformer des évènements intimes entre deux personnes adultes consentantes ou non, en une vérité unilatérale. Rappelons les postulats car ils font polémiques.

Le premier est que certains estiment que les principes de droit doivent s’effacer devant l’émotion qui aurait valeur probatoire. Et est imprescriptible.  C’est un raisonnement dangereux. Les droits de la défense protègent et la victime et celui qui doit répondre de ses actes. On se rappelle la formule qui avait fait scandale à l’époque de M. Laignel éminent membre du parti socialiste : « vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaire ». Le fait d’être ministre de surcroit dans une possible future majorité présidentielle donc supposé « puissant ou protégé » est-il une circonstance aggravante ou une preuve sur titre contre soi ?

 Le deuxième concerne le soupçon qui peut peser sur tous ceux ou toutes celles qui détiennent un pouvoir :  un chef d’entreprise ou un secrétaire général de syndicat ; un patron de presse ou un rédacteur en chef ; un supérieur de tout niveau ; un élu… la liste est sans fin outre la famille, le mari sinon l’épouse…

Le troisième est le plus important puisqu’il concerne la présomption d’innocence selon l’article 6 de la C.E.D.H. Toute personne est réputée innocente tant qu’elle n’a pas été reconnue coupable par un tribunal indépendant après des débats contradictoires publics où chacun s’exprime et où les magistrats se prononcent au vu des preuves fournies par les parties.  Il ne faut pas confondre les principes universels avec la morale ou la volonté de faire un exemple même pour faire progresser un combat vital. Il ne peut y avoir un ordre moral ou genré. Dans un procès il y a deux mécontents : la victime putative ou reconnue qui estime que la justice n’a pas été rendue ou avec faiblesse ; et l’accusé qui considère que le tribunal ne l’a pas compris ou a fait de lui une victime expiatoire. Ou l’a blanchi avec raison. Mais tardivement, le mal est fait.  

Chacun fait la même déclaration : « je fais confiance à la justice de mon pays ». Laissons faire les juges et appliquons l’apostrophe célèbre de mon confrère l’illustre Me Moro-Giafferi :« chassez l’opinion publique du prétoire, cette intruse, cette trainée ».  L’émotion et le droit sont compatibles y compris dans le monde politique qui doit donner l’exemple. Cette opposition ne peut mener qu’à une méfiance renforcée envers les élites en général. La nature humaine restera ce qu’elle est. Chacun agira avec sa conscience : les plaignantes, et le ministre s’il estime spontanément utile de démissionner pour mieux préparer sa défense selon l’hypocrisie consacrée. Ou si on lui demande gentiment de partir pour reprendre ses chères études ce qui n'est pas l’application d’un principe de précaution dévoyé. Soyons cynique : si M.Abad avait le bon goût d’être battu aux législatives il ne pourrait plus être ministre. Ce qui satisferait beaucoup de monde sauf l’intéressé qui se dit innocent.   

 

vendredi 13 mai 2022

Cet obscur objet du désir.

 

                           Cet obscur objet du désir.

                Par Christian Fremaux avocat honoraire.

C’est un film de Luis Bunüel qui raconte l’histoire d’un grand bourgeois pour une femme radieuse qui se dérobe à ses avances. On y comprend ses fantasmes, ses regrets, ce qu’il pense être le bien. Des responsables français adeptes du voile et du burkini devraient se rendre dans les salles obscures pour comprendre que les citoyennes françaises n’ont pas besoin de se dissimuler pour échapper à ce que leurs maris barbus craignent à tort pour elles : qu’on les regarde. Les talibans revenus au pouvoir en Afghanistan après la fuite en débandade des américains - les Ukrainiens feraient bien de s’interroger sur l’aide actuelle des USA - n’ont pas changé. Ils veulent un califat islamique avec une seule loi religieuse et civile : la charia.

Des démocrates occidentaux optimistes pensaient qu’après de nombreuses années de pratique des libertés où les femmes pouvaient s’instruire, conduire et avoir une vie normale en participant à la reconstruction de leurs pays avec ses traditions, une théocratie ouverte si cela existe ou une démocratie certes à l’afghane s’installerait. Ainsi les valeurs des droits de l’homme et de la femme seraient définitivement acquises. Il faut déchanter l’universalisme a du plomb dans l’aile. Le régime taliban a fait un retour vers le futur. Il se dit victime des étrangers qui ne leur donnent pas de sous ou conditionnent l’aide au respect des libertés notamment celles des fillettes, jeunes filles et adultes qui sont forcées de rester à la maison pour y accomplir les tâches ménagères sans pouvoir accéder aux nourritures spirituelles et éducatives. A Kaboul il est obligatoire de porter la burka et celles qui s’en affranchiraient risquent des sanctions corporelles voire la prison. Des femmes afghanes courageuses défilent dans la rue en risquant leurs peaux pour avoir le droit de ne pas se couvrir. En France des femmes émancipées, non menacées et nourries au lait de notre république demandent au nom des libertés publiques et de la laïcité qui n’interdit rien le droit de porter voile et burka. En toutes circonstances dans le sport comme le football, dans les piscines, comme accompagnatrices scolaires d’enfants, comme simples citoyennes…Cherchez l’erreur. Ce n’est pas un non -sujet comme des insolents inconscients le disent. 

Où sont passées nos féministes qui se sont lancées dans le wokisme, la théorie du genre, la défense des racisées, et surtout dans la dénonciation - justifiée parfois mais en respectant la présomption d’innocence - de l’homme qui serait un prédateur ? Pourquoi ne protestent-elles pas ? La tradition religieuse et l’émotion seraient-elles supérieures à la loi et à nos coutumes ? Pierre Perret chante « le bonheur c’est toujours pour demain, hé fillette ne prends pas ma main… ». Faut- il remplacer bonheur par progrès et penser que le progressisme prétendu et indéfini conduit au nirvana et à l’harmonisation des rapports entre les individus tous égaux. Les talibans ont remis à l’ordre du jour le ministère de la promotion de la vertu et de la répression du vice. Je pense qu’avec le nouvel exécutif en France on va échapper à ce ministère !

Le Prince de Talleyrand-Périgord ancien ministre des relations extérieures de Napoléon et son collègue Joseph Fouché l’ancien redoutable ministre de la police qui avait voté la mort de Louis XVI étaient venus rendre visite de nuit à Louis XVIII. Ils voulaient revenir au gouvernement après avoir servi l’usurpateur, l’ogre. René de Chateaubriand qui trainait dans les couloirs pour faire sa cour au roi a eu cette formule : « J’ai vu le vice appuyé sur le bras du crime ».

Au nom des libertés et de notre état de droit, de notre humanisme, de notre volonté d’égalité et de non-discrimination on teste notre résistance à maintenir nos valeurs républicaines et notre identité. A quoi servirait-il d’imiter ce qui se fait de plus mauvais ailleurs pour satisfaire une minorité et l’adapter à notre pays où l’on vient en masse justement pour échapper au pire et parce que nous avons des principes. C’est le cynique Talleyrand qui disait : « appuyez- vous sur les principes…ils finissent toujours par céder ».

La vertu est la force morale avec laquelle l’être humain tend au bien. Son contraire est l’amoralité ou la dépravation. Un tissu n’en protège pas. Tout est une question d’engagement personnel et de morale intérieure.

Cet obscur objet du désir n’est pas de donner des libertés illimitées à tous et toutes sur n’importe quel sujet sans mettre en balance les devoirs collectifs et l’intérêt général. Notre manière de vivre nous oblige à la modération et à la discrétion dans l’espace public. Il ne s’agit pas de céder à toute tentation. L’Homme a la raison pour boussole. Il sait résister à ce qui ne le grandit pas même si l’histoire ancienne et malheureusement contemporaine nous confirme que le mal est dans les détails et parfois aussi en pleine lumière et barbarie guerrière avec des justifications curieuses.

Il ne faut donc pas jouer avec les libertés publiques en particulier et les tordre jusqu’au déni en les rendant contre productives. On peut croire avoir une bonne idée et être un grand seigneur élu généreux et moderne, malgré l’avis des autres. On peut se tromper de bonne foi. Et ne pas mesurer les conséquences de sa décision. Juste avant d’être guillotinée Mme Rolland s’est exclamée : « ô liberté que de crimes on commet en ton nom ».

Le poète Louis Aragon a écrit que « la femme est l’avenir de l’homme… elle voit plus loin que l’horizon… ».  Manifestement pas en Afghanistan ni dans les pays frères. Qu’au moins en France et en Europe sa vision ne soit pas altérée.    

lundi 9 mai 2022

Les bassins de la colère.

 

                                         Les bassins de la colère.

                Par Christian Fremaux avocat honoraire

La campagne électorale pour les législatives est à peine commencée avec les accords électoraux curieux à gauche sans oublier les problèmes d’alliance à droite et en macronie, qu’un problème quasi existentiel est soulevé : comment s’habiller ou non pour plonger dans une piscine municipale ? C’est l’urgence du moment !

Touché, coulé ! je n’évoque pas la perte du navire-amiral de la flotte russe détruit par les ukrainiens dans la mer noire ce qui est un vrai symbole et signifie beaucoup. Je pense à la ville de Grenoble qui prend l’eau sur l’initiative de son maire écologiste M. Piolle qui a décidé d’autoriser le port du burkini dans les piscines publiques. Le président de la région M. Wauquiez en colère froide s’est offusqué et a promis de couper l’alimentation en subventions sonnantes et trébuchantes qui ne sont pas versées pour encourager l’islamisme radical, si le maire persistait. Celui-ci a répondu vertement de façon un peu insolente et détachée que M. Wauquiez était un raciste car le port du burkini s’inscrivait dans un progrès social de nature universaliste et qu’il choisissait pour sa part le camp des libertés. Il a indiqué qu’au nom de ces mêmes principes et pour éviter toute inégalité les baigneuses aux seins nus étaient aussi bienvenues. Il va falloir réserver sa place dans les piscines de Grenoble car il est certain qu’il y aura des spectateurs qui n’aiment pas l’eau mais qui y barboteront !

 Le maire soutient que sa décision ne repose pas sur un risque d’ordre public ou sanitaire et de tension entre populations en opposant les unes et les autres pour des raisons contraires : les couvertes contre les moins habillées. Il parle d’un accès égalitaire aux services publics. Que fait-il alors du principe de neutralité dans lesdits services publics ? J’évoque pour la clarté des débats le combat pour la promotion de l’égalité et celui de l’émancipation des femmes qui ne me parait pas être exemplaire et progressiste avec le burkini pour une petite minorité qui veut faire d’un choix personnel de vie ou de croyance religieuse une règle à l’égale de la loi pour tous. C’est plutôt discriminatoire en faveur d’un petit clan.

M. Piolle veut que le corps de la femme soit considéré comme celui des hommes- aucune allusion ou pensée coupable n’y sont attachées - qui peuvent venir sans avoir la poitrine couverte mais à la condition qu’ils portent un slip de bain ou un short large, le court, le moulant ou le string étant prohibés ? M. Piolle doit être partisan de la théorie du genre.  Avec le pantalon qui permet à la femme d’être un homme comme un autre ? Peut -être au nom de la liberté de son accoutrement et de la non- distinction hommes /femmes va-t-il autoriser les hommes à se baigner en djellabahs et babouches ? Et que fait-on avec un visiteur écossais en kilt, ou une bretonne avec sa coiffe bigoudène, ou un juif qui porte la kippa comme bonnet de bain, ou un turc ou un persan avec son turban ?

La querelle n’est pas dérisoire. Elle est en réalité très sérieuse puisqu’elle remet en cause les fondements de notre république et la laïcité. Les hommes et femmes politiques verts devenus LFI/PC/et partiellement PS compatibles vont désormais prêcher tout ce qu’ils ont combattu. L’électeur tranchera. On avait essayé de nous habituer avec Mme Rousseau féministe de pointe à la déconstruction de l’homme en particulier et de la société patriarcale en général, puis à des interdictions multiples notamment du tour de France au sapin de noël et de tout ce qui rapproche les gens et font leurs plaisirs. Le vert n’aime pas la joie et la bonne franquette. Ni la mixité. C’est une attaque directe mais insidieuse contre la laïcité en se parant de celle-ci à contre-sens.  Si chaque maire qui représente aussi l’Etat et ceux qui n’ont pas voté pour lui dans sa commune édicte des consignes spécifiques où va-t-on avec l’unité du pays et le respect des devoirs collectifs ?

Je suis hostile à ce qu’il faille légiférer pour ce qui concerne le vêtir en général sauf provocation manifeste ou les comportements privés et les modes de vie. Mais pour tout ce qui touche au public, à l’espace partagé, au bien commun il faut une règle ferme qui protège les libertés certes mais ne permet pas le prosélytisme ou des exceptions à la norme objective. Dura Lex Sed Lex car il n’y aura jamais consensus ou unanimité.  Sinon on divisera et on fracturera le pacte républicain dans notre pays qui vient de loin avec ses traditions, un art de vivre, une culture propre. Les migrants ukrainiens qui fuient la menace nucléaire ou d’autres nationalités de confession musulmane comme à Kaboul voire chrétienne qui veulent échapper aux persécutions et se battent pour leurs survies, doivent ouvrir des yeux ronds en voyant ce qui se passe dans nos piscines. Le pays des droits de l’homme se noie dans un verre d’eau. C’est la honte. Un maire participe à son insu de son plein gré au repli communautaire sur soi et à la régression humaine au pays des lumières.    

L’insoumis M. Corbière est venu au secours de son nouveau camarade vert : il estime lui que c’est simplement un problème d’hygiène. Mais où va se nicher ce qui est « sale ou impur » sur le corps qui n’est pas un objet identitaire des femmes dévêtues ou recouvertes ? Je n’ose répondre. C’est une conception sexiste. N’y a-t-il pas plus d’insécurité si l’ordre public est troublé et si les participant(e)s s’écharpent à coup de serviettes de bains ? C ’est bien en réalité une difficulté de liberté publique dont on teste la résistance puisqu’il s’agit de la laïcité qui est une liberté avec des limites et non pas une interdiction. M. Piolle veut lever tous les interdits. Quel libérateur et surtout maitre-nageur hors pair ! En sa qualité de vert il devrait s’occuper de la nature et de la transition écologique et ne pas vouloir faire le bonheur des gens et le vivre ensemble malgré eux. Si on ne fait rien il va falloir que les tribunaux s’en mêlent ce que je ne souhaite pas car il appartient aux politiques de prendre leurs responsabilités. Si le droit est flou qu’on l’éclaircisse. S’il est tordu qu’on le redresse.

Qu’est un progrès social sinon une mesure qui améliore la situation de tous les citoyen(ne)s. Elle devient universelle si elle peut s’appliquer dans tous les pays du monde. M.Piolle ne réunit pas ces critères. La liberté n’est pas illimitée et elle s’arrête là où commence le droit pour les autres de ne pas être choqués. M. Piolle a donc tout faux. Il a voulu provoquer et discriminer à l’envers celles qui sont adeptes du simple maillot de bain d’une ou deux pièces. Il s’est planté. Il devrait se rappeler la devise de la ville de paris : « Fluctuat nec mergitur ». Elle est battue par les flots mais ne sombre pas. Quand on mélange le vert écologiste et le rouge insoumis on n’obtient jamais du bleu républicain.        

lundi 2 mai 2022

L’avenir est- il derrière nous ?

 

                            L’avenir est- il derrière nous ?

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Va-t-on dans le mur ? Voulons -nous revivre une cohabitation comme jadis qui conduira à du surplace ou souhaitons -nous avancer ? Depuis la réélection comme président de M. Macron aucun problème sérieux sur fond de guerre n’est évidemment réglé mais un nouveau psychodrame se met en place : y aura-t-il une majorité à l’assemblée permettant de réaliser des réformes ? Ou comment faire en sorte que le chef de l’Etat renouvelé ne fasse pas ce qu’il a annoncé et mener une offensive législative d’obstruction pour l’obliger à prendre des mesures auxquelles il n’aurait pas pensé - ou qui ne lui plaisent pas. Décisions qui doivent sauver la France selon les candidats battus mais satisfaits de leurs hauts scores. Ils estiment que leurs défaites sont des victoires et considèrent avoir gagnés de fait.

M. Macron a reconnu que sur les 58,55 % d’électeurs qui ont voté pour lui une partie venant des partis battus n’approuvait pas son action passée ni ses projets de candidat, mais étant le président de tous et toutes il tiendrait compte des critiques, colères et attentes. Cela ne veut pas dire qu’il va appliquer les programmes de Mme Le Pen, M. Mélenchon, celui des verts ou les demandes de M. Lassalle, y compris celles du parti communiste qui prône à juste titre la bonne chère, la viande et le vin. Sur les 58,55 % il y a eu des électeurs convaincus par M. Macron qui l’ont élu par adhésion et non pour faire barrage, et pour qu’il agisse encore plus sans oublier ce qui a fait défaut selon moi, le régalien c’est-à- dire la sécurité, la justice, les valeurs en général. Avec une réflexion sérieuse sur le voile ou la tenue communautaire au nom de sa liberté individuelle face à la neutralité dans l’espace public. Sont-ils compatibles avec une société laïque par essence collective ? Notre laïcité est- elle toujours universelle ou purement française avec ses traditions, ses mœurs, ses principes ? Il va falloir lever les malentendus après concertation avec les intéressés dans le cadre républicain pour que l’on trouve un modus vivendi. Et que l’on parle de la France. Chacun a ses lubies et une vision de sa société idéale.

L’élection des députés en juin prochain n’est pas un 3ème tour de l’élection présidentielle : deux ont suffi et la loi n’en évoque pas d’autre. C’est une facilité sinon un abus de langage de faire croire que les députés ont le pouvoir de remettre en cause la légitimité de l’élu présidentiel même si le large taux d’abstention inquiète. La démocratie est la loi de la majorité serait-elle composite avec des contre-pouvoirs pour que la minorité existe. Ce ne sont pas quelques excités, les politiques désavoués, les réseaux sociaux composés d’anonymes et les non -votants partis à la pêche qui d’un seul coup sont décideurs et imposent leurs points de vue. Pourquoi pas un 4ème tour social et un 5ème dans la rue !

Les députés ont un rôle fondamental. Ils font la loi et le citoyen a intérêt à élire une personnalité qui a un lien étroit avec son territoire, qui travaille avec les élus locaux, les aide dans leurs dossiers, qui est de proximité, avec qui on peut discuter, et qui a le souci des rapports humains. Un parachuté ne peut que se crasher. Un député ne sera bon législateur que s’il connait la réalité de la vie quotidienne, s’il a parcouru le terrain, et s’il ne se contente pas d’être un idéologue investi avec mission principale de faire triompher des idées et rapporter des sous dans la caisse du parti. Voire de prôner la table rase.  

Le président de la république pour être fort a besoin d’une majorité parlementaire solide et efficace, d’hommes et de femmes qui remontent à Paris des informations sur l’état d’esprit et les besoins de ceux qui vivent en ruralité isolée ou en province avec des spécificités, des élus qui placent l’intérêt des français et de la France au-delà de considérations politiciennes. Comme l’a dit Martin Luther King (auquel je ne me compare pas) je fais un rêve : que pour le 2ème mandat de M. Macron qu’on aime ou pas sa manière d’être et qui à la fin rentrera chez lui à Amiens en Picardie, il puisse réciter le poème de Du Bellay « heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage… et puis est retourné… » et qu’en attendant on trouve des projets qui font consensus, sans rancœurs, qui tirent vers le haut, qui rassemblent. Et donnent de l’espoir.

 Mais il va falloir d’abord élire les députés dont on a besoin aussi si le président veut lancer un ou des référendums puisque selon l’article 89 de la constitution le texte doit préalablement être voté en termes semblables par les députés et les sénateurs. Le sénat grand conseil des sages est déjà là avec sa majorité constructive et raisonnable et il ne faudrait pas une opposition de plus entre les deux institutions. On a parlé d’introduire une dose de proportionnelle pour l’élection des députés. Ce qui ravit les insoumis et le rassemblement national. Mais ce n’est pas pour le scrutin de Juin 2022 qui reste au scrutin majoritaire uninominal à deux tours sauf manœuvre à la Majax. Les déçus non représentés fin juin vont râler « grave » ! surtout s’ils partaient à la reconquête.

Quel choix avons-nous pour juin ? Soit de voter pour les candidats de M. Macron en bloc selon l’usage ancien et la logique présidentielle mais qui ne seront peut- être pas immuables car les français veulent de l’équilibre et pas d’hégémonie. Soit d’élire aussi une opposition responsable, des républicains – ceux de droite et du centre- qui complèteront la majorité au fur et à mesure sur des objectifs définis en commun. Soit voter insoumis et consorts unis après s’être combattus et qui pour un plat de lentilles sont allés à Canossa ou au diable vauvert dans le but de perturber le pouvoir et pour que M. Mélenchon déjà candidat annoncé soit 1er ministre ! Soit avoir un groupe majoritaire du rassemblement national qui va vouloir imposer ses thèmes et va provoquer peut -être des polémiques.  Soit… ce que je ne peux deviner car rien n’est à exclure. Le choix n’est ni dans le progrès forcené ni dans le repli. Ni dans le statu quo. Voyons loin.

Il appartient donc à l’électeur de prendre ses responsabilités en votant. Tout est sur la table. Il faut choisir entre ce qui nourrira et renforcera la nation et ce qui fait plaisir mais sera difficile à digérer. Dans un état de droit le rôle du parlement est fondamental : ne le rabaissons pas et donnons-nous des députés qui sont à la hauteur. Ne jouons pas notre futur à la roulette russe ce qui est toujours risqué et en ce moment est inacceptable. Elle donne le désastre que l’on voit sur les écrans et dans l’exil de millions de pauvres personnes. Elle peut nous conduire au chaos. Nous avons la chance d’être en paix, ne créons pas des querelles stériles et un imbroglio politique qui ne réussira à personne.