De la
transparence exigée à la vertu obligatoire.
Par
Christian Fremaux avocat honoraire .
M.Griveaux
jeune par l’âge donc vigoureux, ancien ministre désigné par le parti du président
de la république pour accéder à la mairie de paris a choisi le vendredi 14
février jour de la saint- valentin et fête de l’amour pour annoncer qu’il
n’était plus candidat à l’élection en raison d’un désordre amoureux
inapproprié. C’est paradoxal. Il semble qu’une vidéo volée de 2018 circule où
il apparait dans une posture sexuelle et prouve qu’il entretient des relations
avec une femme sauf que ce n’est pas la sienne. Faut-il en faire un drame pour
ce qui appartient à sa vie personnelle ? Le futur maire de paris doit- il être
abstinent pour tout ? On ne s’est pas vraiment interrogé sur celui (un
russe au passé trouble) qui est à l’origine de la publication et on ne connait
pas ses motivations et son intérêt dans cette mise au tapis d’un homme politique
proche de M.Macron qui n’avait pas besoin d’une péripétie ridicule négative de
plus. Le nouveau monde renvoie à
l’ancien.
Et ce serait le scandale en France la patrie
du libertinage, du romantisme et de la beauté des femmes ? « Couvrez ce sein
que je ne saurais voir » a déjà écrit dans Tartuffe (1664) Molière qui doit
bien rire d’où il est. La fille ainée de l’église (de quelle obédience
désormais ?) qu’est resté notre pays est devenue bien prude et elle exige
beaucoup des hommes et des femmes politiques, surtout dans leur vie
privée. M.Griveaux veut défendre surtout
sa famille qui est très malmenée et injuriée depuis sa candidature : il a
raison. S’y ajoute la pratique actuelle de notre démocratie dont il faut
parler. Car les grands gagnants de la campagne électorale sont pour l’instant
la rumeur malveillante, la haine, l’injure, la violence et tout ce qui rabaisse
l’homme. M.Griveaux s’est auto-puni alors que personne ne lui demandait rien.
C’est de plus en plus fort mais inquiétant.
Comme pour
M.Fillon M.Griveaux chute pour un
accident de parcours qui n’a rien à voir directement avec la politique. La
différence est que M.Fillon qui a été
mis en examen en vitesse supersonique comparait en correctionnelle bientôt,
tandis que M.Griveaux victime de délits sera partie civile dans un futur procès
si on retrouve les auteurs de la diffusion de la vidéo dérobée et s’ils sont
jugés, rien n’étant certain. Si tel est le cas j’espère que la justice
sera très sévère car il y a des textes répressifs qui s’appliquent et même si
M.Griveaux s’est piégé tout seul. Ce
n’est pas la première fois que le sexe ou autre habitude joue un rôle dans la
vie politique ou publique. La liste serait trop longue mais citons des
cas. On se rappelle le bon président
Félix Faure qui est mort dans les bras de sa maitresse à l’Elysée. Et le
Cardinal Daniélou qui est monté au ciel en pleine épectase. D.S.K - dont
M.Griveaux a été le collaborateur - a
perdu toutes ses chances de devenir président après ses péripéties à New-York
et à l’hôtel Carlton de Lille. Tandis que Winston Churchill buvait beaucoup,
fumait de gros cigares et avait de graves dépressions.
L’exemple de
M.Griveaux pose un problème de principe : que peut -on exiger
moralement d’un homme ou d’une femme
politique ? La démocratie est- elle l’ascèse et le renoncement à ce que
l’on est ?
Bientôt ne
pourrait se présenter à une élection significative qu’un célibataire ( homme ou
femme), blanc mais pas forcément , aux
tendances et pratiques sexuelles classiques et connues, sans amis, ne fumant même pas du cannabis, buvant de
l’eau, étant évidemment pauvre, n’ayant
eu aucun mauvais point ou colle de la maternelle à l’université, n’ayant
reçu aucun avertissement dans le monde du travail ni commis la moindre
infraction punie d’une contravention, totalement transparent pour toute chose
et naturellement incarnant la vertu. Son programme politique public devra
correspondre à sa vie privée et inversement.
L’opinion
publique ou plus précisément ceux qui la manipulent en toute impunité sur les
réseaux sociaux notamment ce qui prouve qu’il faut légiférer pour réguler et
interdire les débordements avec des donneurs de leçons adeptes des ligues de
vertu, exigerait que l’on soit conforme à ce que l’on prêche, demanderait que
l’on lave toujours plus blanc et qu’il ne puisse y avoir ni doute ni soupçon
dans la vie publique ce que j’approuve , et aussi dans la vie privée et là je m’insurge. On en
fait beaucoup dire à l’opinion publique ! Le voyeurisme ne passera pas.
On ne peut
pas imposer à un responsable politique d’avoir une vie privée sans ses goûts et
ses couleurs, avec ses défauts et qualités, comme elle serait définie par on ne
sait qui à partir de critères et valeurs subjectives. Que celui qui n’a jamais
péché jette la première pierre. Qui peut prétendre être parfait ? Les
dénonciateurs qui se prennent pour des justiciers sont-ils de bonne foi ? Connaissent-ils
la parabole de la paille et de la poutre ?
L’homme ou
la femme politique ne sont que des humains avec leurs faiblesses et ce qui
compte ce sont leurs engagements publics, leurs promesses, qu’ils disent leur
vérité, et qu’ils accomplissent le programme sur lequel ils se sont fait élire,
en écoutant la voix du peuple surtout s’il se plaint ou renâcle. La vie
publique c’est de mettre le plus possible ses actes en conformité avec ses
paroles, s’expliquer sur ses intentions, d’être honnête dans tous les sens du
terme, et de faire le maximum pour l’ensemble de la nation en la tirant vers le
haut et en la protégeant dans un rassemblement y compris de ses
emportements.
Un homme ou
une femme politique doit être exemplaire dans ses décisions publiques et les
valeurs républicaines mais on ne lui demande pas d’étaler sa vie privée et de
nous dire si elle est conforme, d’ailleurs à quoi ? Comme le disaient les
inconnus jouant les journalistes dans un sketch : « [… on
divulgue ce qui est confidentiel…] mais cela ne nous regarde pas ! ».
M.Griveaux vient de mettre à mal sa
carrière : je lui souhaite d’être heureux dans sa famille et de prendre
les plaisirs qu’il souhaite car on ne tape pas sur un homme à genoux. D’autant
plus que je n’aurai pas voté pour lui puisque je suis électeur dans ma petite
commune de l’Oise où je termine mon mandat après 37 ans de fonctions d’élu.
L’ancien
ministre a donc décidé de se retirer -si je puis m’exprimer ainsi sans
ambiguïté- de la course à la mairie. Dont acte. Comme la nature politique a
aussi horreur du vide on va lui trouver vite un ou une remplaçante. M.Griveaux
avait placé sa campagne sous les signes de la sécurité et de la propreté. Qu’il
soit entendu dans toutes les significations des mots en y accolant le respect
et la dignité outre un programme pour la ville-capitale qui convienne aux
citoyens au-delà des parisiens.
Je crains un
monde de transparence imposée tous azimuts d’abord pour les politiques puis
ensuite pour tout le monde. On sait
que cela conduit à l’arbitraire et à l’autoritaire. L’information ne justifie
pas tout. La liberté d’expression ne doit pas nuire et franchir la porte de
l’alcôve ou du domicile en faisant du mal à femme et enfants. La politique
n’est pas le tir à vue : elle est faite pour être positive. Le citoyen
mérite le mieux. Je détesterai la norme élaborée par une minorité haineuse, et
la vertu obligatoire. Que la jurisprudence Griveaux serve au moins à rétablir
la confiance et la fraternité entre nous.