jeudi 31 janvier 2019

Parlons Europe, il est temps.


Parlons Europe, il est temps.
Par Christian Fremaux avocat honoraire et élu local.
Ne nous trompons pas de vote. Il ne nous est pas demandé pour l’instant  notre avis pour des élections législatives (sauf dissolution) qui influent sur le niveau de vie et la feuille de paie,  ou municipales et  départementales  qui déterminent nos conditions de vie , ou pour  un référendum même d’initiative citoyenne (qui n’existe pas encore) sur un sujet d’intérêt national. Je n’ai jamais vu autant d’impatience à aller voter alors qu’un des grands problèmes est l’abstention récurrente et le rejet des élus. Mais on n’est pas à une contradiction près.
 Pour l’instant dans le grand déballage national  où MM. Macron et Edouard Philippe  se font interpeller, et mouillent  la chemise sans donner de vraies réponses ni promettre quoique ce soit ce sont les sondages qui font un vote de fait. On nous demande si on est pour ou contre telle mesure même si je n’ai pas été personnellement sondé car je ne dois pas faire partie d’un échantillon représentatif ? On vote pour tout et rien mais je ne suis pas sûr qu’à la fin du débat en mars , le président et le gouvernement choisiront les bonnes questions à trancher. Attendons patiemment et «   bavassons » puisque le citoyen veut dire son mot sur un sujet personnel le plus souvent, ou plutôt puisque nous sommes en démocratie débattons et surtout arrêtons la fièvre du samedi soir comme le chantait John Travolta et la violence de la journée , on a compris.
Les prochaines élections du 26 mai sont dédiées à l’élection des députés européens qui seront  au  petit nombre de 79 pour 67 millions d’habitants pour défendre les intérêts vitaux de la France - sur un total de 751 députés pour les 28 Etats moins la Grande Bretagne en plein brexit et surtout avec des difficultés gigantesques : l’addition risque d’être très lourde pour avoir voté le départ. Les politiques français qui plaident pour le frexit ont l’exemple  à ne pas suivre sous les yeux et prennent une lourde responsabilité. Il ne faut pas les envoyer à Bruxelles ou à Strasbourg. L’élection européenne  est à un (1) tour ce qui veut dire qu’il faut aller tout de suite voter et ne  pas attendre un deuxième tour avec des négociations, des regroupements, un choix contraint : l’électeur a un fusil à un coup. Il choisit et élimine l’adversaire. On ne peut rien rectifier le dimanche suivant. Il s’agit d’une élection à la proportionnelle intégrale ce qui veut dire que chaque vote compte : toutes les tendances mêmes  minoritaires peuvent être élues si suffisamment de citoyens le veulent, des extrêmes au centre, des écologistes aux républicains, des socialistes de toute nature aux communistes et enfin  des macronistes aux gilets jaunes ni de droite ni de gauche ni d’ailleurs, s’ils arrivent à présenter une liste…unie ? Puis ces députés français qui n’auront rien de commun (entre les insoumis et les républicains par exemple sur la nature de l’Europe et la politique libérale ou non à suivre ) et qui n’ont pas la même philosophie, pas  le même programme, pas  les mêmes intentions,  devront se serrer les coudes face aux euro-députés  d’autres pays  eux  souvent anciens, expérimentés , formés, compétents et décidés à imposer leur vision de l’Europe et défendre leurs valeurs qui ne sont pas forcément les nôtres. Bonjour les débats !
Mais on n’aborde pas les grands enjeux européens d’autant plus  que nous ne sommes plus 6, mais une ribambelle de nations, que les valeurs et les situations  ont été bouleversées, que des contraintes venues de l’extérieur ont changé la donne et que   l’union européenne s’est agrandie, qu’il y a eu des évolutions politiques, sociales ,culturelles , religieuses dans des Etats  qui ont pris une nouvelle dimension. De graves questions se posent : quelle Europe voulons- nous , réformée  bien sûr pour plus de démocratie, plus de représentativité mais  dans un cadre fédéral ou confédéral ou au contraire avec plus de souveraineté des Etats membres ; avec un président élu au suffrage universel et un gouvernement élu qui remplacerait la commission formée de technocrates qui aurait un simple rôle de conseil et qui ne serait plus co-décisionnaire ?  Quelle politique économique : protectionniste ou libérale ?  Faut- il maintenir la règle de 3% de déficit qui étrangle des pays et peut conduire à l’austérité ? Schengen doit -il être renforcé ? Avons -nous besoin d’une justice européenne, d’une police et d’une défense communes pour affronter toutes les menaces ? Qui sont nos alliés ? Quelle position sur l’immigration ? Comment faire pour que l’Europe aide nos agriculteurs, nos industriels et que l’ouvrier français voit sa paie augmenter grâce à des mesures  sur la fiscalité, les charges sociales… on se rappelle la polémique sur le plombier polonais et les travailleurs détachés. Comment bâtir des coopérations entre les Etats   pour sortir un peu  de l’axe franco-allemand même s’il est fondamental.  Et la liste des questions essentielles est longue. Pourtant on ne parle de rien. Nos partis politiques ont attendu le dernier moment pour annoncer les têtes de listes qui n’ont aucun programme affiché ce jour sauf des grandes lignes,   et sans les leaders qui soit ne sont pas intéressés par l’Europe soit ne veulent pas prendre une veste ce qui est courageux et exemplaire ! soit au mieux sont  touchés par le  non-cumul des mandats (qui est une absurdité dans sa généralité pour moi) et préfèrent un mandat de maire  qui se voit, à un siège très loin qui ne leur apporte ni notoriété ni influence dans le débat national. C’est consternant.
Pour l’instant on a fait du dégagisme et du jeunisme car à plus de 20- 30/40 ans  tu n’es plus rien , tu ne vaux pas la peine qu’on se décarcasse pour toi. Les têtes de liste ont des joues de bébé , et si elles n’ont pas vraiment de métier, peu de références politiques ou professionnelles c’est mieux. Ils peuvent apprendre.  Démagogie quand tu nous tiens. Ce sont les gilets jaunes qui veulent avoir des députés européens  et qui ont annoncé  le plus fort : aucune légitimité , aucune expérience, pas de connaissances particulières surtout en relations internationales car l’école et les titres universitaires doivent  être contre productifs ? , mais le titre envié  d’être de la base  donc en étant présumé honnête et de bonne foi et c’est le recrutement idéal !   Certes nos élites, nos politiciens professionnels de gauche et de droite n’ont pas forcément fait des étincelles  depuis des décennies mais   j’espère que nous ne tomberons pas de Charybde en Scylla.
En attendant de vagues programmes, car en réalité on va  demander aux électeurs de voter pour ou contre le président de la république donc de faire pression pour des nouvelles élections ,  silence radio sur les enjeux européens qui ont pourtant une répercussion sur notre vie interne. On ne va pas combattre le terrorisme seul ; on ne va pas faire payer des impôts aux multinationales seul ;  on ne va pas maîtriser l’euro seul ; on ne va pas claquer « tout le pognon »  comme dit M.Macron  au profit des catégories sociales qui en ont besoin  seul, sans accord de l’union européenne et sans respecter les règles que l’on impose aux autres  sauf à sortir comme les anglais ; on ne va pas déchirer les traités internationaux que nous avons signés alors qu’ il faut  les réviser; on ne va pas protéger nos filières nationales et interdire  à celles qui sont étrangères de nous faire de la concurrence qui serait déloyale…Je ne continue pas la liste.
Il faut que nous parlions de ces enjeux , que nous en débattions et que nous envoyons au parlement européen des députés qui ont une feuille de route et connaissent  les priorités à défendre, non pas en fonction de leurs seules convictions ou idéologies, mais selon la volonté générale des électeurs. C’est cela l’innovation politique majeure de 2019 : l’élu n’a certes pas un mandat impératif  mais il lui est demandé de prendre en compte les intérêts vitaux des français avant son propre combat . Il ne s’agit pas seulement de défendre qui  l’écologie,  qui l’entreprise, qui la redistribution voire la révolution fiscale ou autre et  faire payer les riches, ou encore exiger  que l’on augmente le smic.  Ou que l’on chasse les étrangers. L’élu national donc européen doit avoir une vision plus large, plus ouverte , plus bénéfique à tous et doit sortir sans ses ornières , même si ses propres idées  ou celles pour lesquelles il s’est fait élire sont   naturellement acceptables dans une démocratie. Et ne pas siéger ou ne travailler  à Bruxelles et Strasbourg  seulement  pour que  son parti arrive au pouvoir…en France ! On n’a pas besoin de politique politicienne. Il faut que nos 79 représentants soient la France chacun et ensemble.
La politique de l’union européenne détermine notre avenir et ce qu’il est possible de faire chez nous, même si nous montrons nos biceps, critiquons certains  voisins et donnons des leçons ? La France des droits de l’homme doit aussi se regarder dans la glace et elle y verra peut- être son pire ennemi, celui des droits acquis, des conservatismes de toute nature, des petits privilèges , de l’absence de réformes structurelles alors que l’on connait les blocages, et parfois du statu quo ou de la procrastination.   L’Europe peut nous obliger à agir , à bouger. Alors parlons- en et vite cela nous changera du débat franco-français qui finit par lasser.  
Enfin dernière remarque. J’avais écrit sur mon blog : fremauxchristian.blogspot. com le 8 juin 2018  l’article suivant : « voter en 2019 pour l’Europe oui mais pas pour des hologrammistes ». Je faisais référence au populisme qui s’étend pour savoir s’il est compatible avec une vraie démocratie,  et  à M.Mélenchon - qui n’est pas candidat le parlement français lui donnant une excellente tribune - qui a pratiqué l’hologramme  et qui veut faire élire en 2019 des clones  comme députés européens. Je persiste et signe. Les partis qui sont contre l’Europe ne sont pas légitimes à faire élire des députés européens. C’est un effet d’aubaine pour récupérer des sous et des moyens matériels pour mener leur combat interne. Quand on n’aime pas quelqu’un on ne le fréquente pas, c’est du bon sens. Non aussi à ceux qui confondent l’Europe et les ronds -points : il ne s’agit pas de tourner en rond ou de guider l’électeur vers une voie sans issue qui n’améliorera pas son panier dans un grand magasin. Soyons sérieux. J’attends donc les listes complètes et surtout les programmes pour voter, car j’irai faire mon devoir électoral  comme toujours. Que ceux qui réclament une démocratie participative permanente commencent par le début : aller mettre un bulletin dans l’urne. Je pense que les gilets jaunes ne s’y opposeront pas.
Saint Just disait que le bonheur était une idée neuve en Europe. Faisons en sorte que l’idée se transforme en réalité, et apporte paix, justice et prospérité, dans une démocratie apaisée. Car le bonheur dépend de soi d’abord. 

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