Parlons Europe, il est temps.
Par Christian Fremaux avocat
honoraire et élu local.
Ne nous
trompons pas de vote. Il ne nous est pas demandé pour l’instant notre avis pour des élections législatives
(sauf dissolution) qui influent sur le niveau de vie et la feuille de paie, ou municipales et départementales qui déterminent nos conditions de vie , ou
pour un référendum même d’initiative
citoyenne (qui n’existe pas encore) sur un sujet d’intérêt national. Je n’ai
jamais vu autant d’impatience à aller voter alors qu’un des grands problèmes
est l’abstention récurrente et le rejet des élus. Mais on n’est pas à une
contradiction près.
Pour l’instant dans le grand déballage
national où MM. Macron et Edouard
Philippe se font interpeller, et
mouillent la chemise sans donner de
vraies réponses ni promettre quoique ce soit ce sont les sondages qui font un
vote de fait. On nous demande si on est pour ou contre telle mesure même si je
n’ai pas été personnellement sondé car je ne dois pas faire partie d’un
échantillon représentatif ? On vote pour tout et rien mais je ne suis pas
sûr qu’à la fin du débat en mars , le président et le gouvernement choisiront
les bonnes questions à trancher. Attendons patiemment et « bavassons » puisque le citoyen veut dire
son mot sur un sujet personnel le plus souvent, ou plutôt puisque nous sommes
en démocratie débattons et surtout arrêtons la fièvre du samedi soir comme le
chantait John Travolta et la violence de la journée , on a compris.
Les
prochaines élections du 26 mai sont dédiées à l’élection des députés européens
qui seront au petit nombre de 79 pour 67 millions
d’habitants pour défendre les intérêts vitaux de la France - sur un total de 751
députés pour les 28 Etats moins la Grande Bretagne en plein brexit et surtout
avec des difficultés gigantesques : l’addition risque d’être très lourde
pour avoir voté le départ. Les politiques français qui plaident pour le frexit
ont l’exemple à ne pas suivre sous les
yeux et prennent une lourde responsabilité. Il ne faut pas les envoyer à
Bruxelles ou à Strasbourg. L’élection européenne est à un (1) tour ce qui veut dire qu’il faut
aller tout de suite voter et ne pas
attendre un deuxième tour avec des négociations, des regroupements, un choix
contraint : l’électeur a un fusil à un coup. Il choisit et élimine
l’adversaire. On ne peut rien rectifier le dimanche suivant. Il s’agit d’une
élection à la proportionnelle intégrale ce qui veut dire que chaque vote
compte : toutes les tendances mêmes
minoritaires peuvent être élues si suffisamment de citoyens le veulent,
des extrêmes au centre, des écologistes aux républicains, des socialistes de
toute nature aux communistes et enfin
des macronistes aux gilets jaunes ni de droite ni de gauche ni
d’ailleurs, s’ils arrivent à présenter une liste…unie ? Puis ces députés
français qui n’auront rien de commun (entre les insoumis et les républicains
par exemple sur la nature de l’Europe et la politique libérale ou non à suivre
) et qui n’ont pas la même philosophie, pas le même programme, pas les mêmes intentions, devront se serrer les coudes face aux euro-députés
d’autres pays eux
souvent anciens, expérimentés , formés, compétents et décidés à imposer
leur vision de l’Europe et défendre leurs valeurs qui ne sont pas forcément les
nôtres. Bonjour les débats !
Mais on
n’aborde pas les grands enjeux européens d’autant plus que nous ne sommes plus 6, mais une
ribambelle de nations, que les valeurs et les situations ont été bouleversées, que des contraintes
venues de l’extérieur ont changé la donne et que l’union européenne s’est agrandie, qu’il y a
eu des évolutions politiques, sociales ,culturelles , religieuses dans des Etats qui ont pris une nouvelle dimension. De
graves questions se posent : quelle Europe voulons- nous , réformée bien sûr pour plus de démocratie, plus de
représentativité mais dans un cadre
fédéral ou confédéral ou au contraire avec plus de souveraineté des Etats
membres ; avec un président élu au suffrage universel et un gouvernement
élu qui remplacerait la commission formée de technocrates qui aurait un simple
rôle de conseil et qui ne serait plus co-décisionnaire ? Quelle politique économique :
protectionniste ou libérale ? Faut-
il maintenir la règle de 3% de déficit qui étrangle des pays et peut conduire à
l’austérité ? Schengen doit -il être renforcé ? Avons -nous besoin d’une
justice européenne, d’une police et d’une défense communes pour affronter toutes
les menaces ? Qui sont nos alliés ? Quelle position sur l’immigration ?
Comment faire pour que l’Europe aide nos agriculteurs, nos industriels et que
l’ouvrier français voit sa paie augmenter grâce à des mesures sur la fiscalité, les charges sociales… on se
rappelle la polémique sur le plombier polonais et les travailleurs détachés.
Comment bâtir des coopérations entre les Etats
pour sortir un peu de l’axe
franco-allemand même s’il est fondamental.
Et la liste des questions essentielles est longue. Pourtant on ne parle
de rien. Nos partis politiques ont attendu le dernier moment pour annoncer les
têtes de listes qui n’ont aucun programme affiché ce jour sauf des grandes
lignes, et sans les leaders qui soit ne sont pas intéressés
par l’Europe soit ne veulent pas prendre une veste ce qui est courageux et
exemplaire ! soit au mieux sont
touchés par le non-cumul des
mandats (qui est une absurdité dans sa généralité pour moi) et préfèrent un
mandat de maire qui se voit, à un siège
très loin qui ne leur apporte ni notoriété ni influence dans le débat national.
C’est consternant.
Pour
l’instant on a fait du dégagisme et du jeunisme car à plus de 20- 30/40
ans tu n’es plus rien , tu ne vaux pas
la peine qu’on se décarcasse pour toi. Les têtes de liste ont des joues de bébé
, et si elles n’ont pas vraiment de métier, peu de références politiques ou
professionnelles c’est mieux. Ils peuvent apprendre. Démagogie quand tu nous tiens. Ce sont les
gilets jaunes qui veulent avoir des députés européens et qui ont annoncé le plus fort : aucune légitimité , aucune
expérience, pas de connaissances particulières surtout en relations
internationales car l’école et les titres universitaires doivent être contre productifs ? , mais le titre
envié d’être de la base donc en étant présumé honnête et de bonne foi
et c’est le recrutement idéal ! Certes
nos élites, nos politiciens professionnels de gauche et de droite n’ont pas
forcément fait des étincelles depuis des
décennies mais j’espère que nous ne
tomberons pas de Charybde en Scylla.
En attendant
de vagues programmes, car en réalité on va demander aux électeurs de voter pour ou contre
le président de la république donc de faire pression pour des nouvelles
élections , silence radio sur les enjeux
européens qui ont pourtant une répercussion sur notre vie interne. On ne va pas
combattre le terrorisme seul ; on ne va pas faire payer des impôts aux
multinationales seul ; on ne va pas
maîtriser l’euro seul ; on ne va pas claquer « tout le
pognon » comme dit M.Macron
au profit des catégories sociales qui en ont besoin seul, sans
accord de l’union européenne et sans respecter les règles que l’on impose aux
autres sauf à sortir comme les
anglais ; on ne va pas déchirer les traités internationaux que nous avons
signés alors qu’ il faut les réviser; on
ne va pas protéger nos filières nationales et interdire à celles qui sont étrangères de nous faire de
la concurrence qui serait déloyale…Je ne continue pas la liste.
Il faut que
nous parlions de ces enjeux , que nous en débattions et que nous envoyons au parlement
européen des députés qui ont une feuille de route et connaissent les priorités à défendre, non pas en fonction
de leurs seules convictions ou idéologies, mais selon la volonté générale des
électeurs. C’est cela l’innovation politique majeure de 2019 : l’élu n’a
certes pas un mandat impératif mais
il lui est demandé de prendre en compte les intérêts vitaux des français
avant son propre combat . Il ne s’agit pas seulement de défendre qui l’écologie,
qui l’entreprise, qui la redistribution voire la révolution fiscale ou
autre et faire payer les riches, ou
encore exiger que l’on augmente le smic.
Ou que l’on chasse les étrangers. L’élu
national donc européen doit avoir une vision plus large, plus ouverte , plus
bénéfique à tous et doit sortir sans ses ornières , même si ses propres idées ou celles pour lesquelles il s’est fait élire sont naturellement acceptables dans une démocratie.
Et ne pas siéger ou ne travailler à
Bruxelles et Strasbourg seulement pour que son parti arrive au pouvoir…en France ! On
n’a pas besoin de politique politicienne. Il faut que nos 79 représentants
soient la France chacun et ensemble.
La politique
de l’union européenne détermine notre avenir et ce qu’il est possible de faire
chez nous, même si nous montrons nos biceps, critiquons certains voisins et donnons des leçons ? La France des
droits de l’homme doit aussi se regarder dans la glace et elle y verra peut-
être son pire ennemi, celui des droits acquis, des conservatismes de toute
nature, des petits privilèges , de l’absence de réformes structurelles alors
que l’on connait les blocages, et parfois du statu quo ou de la
procrastination. L’Europe peut nous
obliger à agir , à bouger. Alors parlons- en et vite cela nous changera du
débat franco-français qui finit par lasser.
Enfin
dernière remarque. J’avais écrit sur mon blog : fremauxchristian.blogspot.
com le 8 juin 2018 l’article
suivant : « voter en 2019 pour l’Europe oui mais pas pour des
hologrammistes ». Je faisais référence au populisme qui s’étend pour savoir
s’il est compatible avec une vraie démocratie,
et à M.Mélenchon - qui n’est pas
candidat le parlement français lui donnant une excellente tribune - qui a
pratiqué l’hologramme et qui veut faire
élire en 2019 des clones comme députés
européens. Je persiste et signe. Les partis qui sont contre l’Europe ne sont
pas légitimes à faire élire des députés européens. C’est un effet d’aubaine
pour récupérer des sous et des moyens matériels pour mener leur combat interne.
Quand on n’aime pas quelqu’un on ne le fréquente pas, c’est du bon sens. Non
aussi à ceux qui confondent l’Europe et les ronds -points : il ne s’agit
pas de tourner en rond ou de guider l’électeur vers une voie sans issue qui
n’améliorera pas son panier dans un grand magasin. Soyons sérieux. J’attends
donc les listes complètes et surtout les programmes pour voter, car j’irai
faire mon devoir électoral comme
toujours. Que ceux qui réclament une démocratie participative permanente commencent
par le début : aller mettre un bulletin dans l’urne. Je pense que les
gilets jaunes ne s’y opposeront pas.
Saint Just
disait que le bonheur était une idée neuve en Europe. Faisons en sorte que
l’idée se transforme en réalité, et apporte paix, justice et prospérité, dans
une démocratie apaisée. Car le bonheur dépend de soi d’abord.
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