Contribution au débat national :
faut- il acter la mort programmée des élus locaux ou leur renaissance ?
Par Christian Fremaux avocat
honoraire et élu local.
Je suis un
petit conseiller municipal, ancien maire adjoint élu pour la première fois à à
peine 23 ans-âge légal de l’élection en 1971- dans l’Oise c’est-à-dire la
province habitée par ceux qui « fument des clopes et roulent en
diesel » selon l’image flatteuse qu’a de nous le porte parole du
gouvernement le sémillant M.Griveaux, secrétaire d’Etat par la volonté du
prince qui nous gouverne, socialiste
d’origine, issu de HEC et de Sciences po.
donc l’élite et vivant avec une avocate à Paris. Je
l’admets : je ne fume pas, je n’ai plus 40 ans , j’utilise du fuel dans ma
chaudière et du diesel dans ma voiture puisqu’il y a quelques années les
pouvoirs publics nous avaient demandé d’acheter du diesel , j’ai de
l’expérience mais je ne donne aucune leçon de vie , bien qu’avocat à paris je vis aussi à la
campagne ce qui m’épargne d’être bobo et écologiste, mais je
n’ai pas eu la chance de fumer du
cannabis, d’accueillir des migrants chez moi ou de demander aux autres de le
faire, de rouler en vélo pour aller à mon travail en
étant suivi par la voiture électrique de
fonction et les gardes du corps, et je n’ai pas eu l’honneur d’avoir la porte de mon
ministère -n’ayant jamais été sollicité pour la tâche ingrate de secrétaire
d’Etat- défoncée par un outil de chantier conduit par un gilet jaune
certainement maladroit.
M.Macron
jusqu’à la crise n’aimait pas les élus locaux
qu’il considérait comme des dépensiers, des gens soumis à leurs électeurs ou sous leurs dépendances, et qui n’ont
aucunement le sens de l’Etat puisqu’ils pensent au bien - être de leurs concitoyens dans la proximité. Selon M.Macron qui est un haut
fonctionnaire ayant réussi un concours
certes difficile condition nécessaire mais pas suffisante pour bien penser et
faire on le sait , et qui était allé gagner un peu de sous chez Rothschild, seuls lui
et ses amis branchés peuvent incarner la nation, l’intérêt général et ont une
vision positive de l’avenir. « Circulez il n’y a rien à voir »
pour ceux de l’ancien monde comme aurait dit Coluche. Bien sûr quand on est
candidat à une élection présidentielle on ne promet rien , on ne discute pas
avec les groupes de pression tout en
sollicitant des financements , et on ne veut aucun soutien pour ne rien devoir à
personne : on est pur comme l’eau de roche
ou la seine qui coule sous les ponts de paris ! Hypocrisie quand tu
nous tiens. Mais l’histoire est cruelle
et le succès se mérite en ayant des
résultats et en évitant les crises. Après 18 mois vécus en lévitation, M.Macron a eu un été difficile avec MM. Benalla,
Colomb, Hulot et aucun profit de son action, ni pour le chômage, ni pour le
pouvoir d’achat et au contraire, comme
il l’a déploré lui même.Il ne suffit pas d’annoncer et de le vouloir. Ce
ne peut être la faute des autres et de tous les conservatismes supposés ou
réels puisqu’il a tous les pouvoirs, ou les faits qui résistent
honteusement. Dont
acte et il devrait ainsi que ses amis
faire profil un peu plus bas, même s’il doit incarner la cohésion sociale,
la grandeur du pays, l’autorité légitime
et le soutien aux forces de l’ordre, continuer les réformes car renoncer ou stagner
est en fait reculer, et faire droit
désormais aux demandes du peuple, ou à une minorité agissante dite des gilets
jaunes dont certaines revendications sont recevables , hors par la violence et les menaces ou la casse qui ne peuvent jamais, jamais pour aucun motif, être admises en démocratie.Le
président vient de découvrir par obligation que les élus locaux jouaient un rôle structurant et apaisant au
jour le jour dans les relations sociales. Que va-t-il se passer ?
Examinons le pire et le meilleur.
Comme il a
mis de côté et discrédité les corps intermédiaires pour regarder les français
d’homme à homme droit dans les yeux ce
qui ne lui a pas réussi, il est
désormais isolé, et il vient de se rappeler que les élus locaux pour qui les
citoyens conservent leur confiance existaient et pourraient servir à son grand dessein celui d’avoir
raison d’abord et ensuite de transformer le pays qui a besoin
de remise en ordre, de mettre de
l’égalité là ou il y a des privilèges par exemple dans les domaines politiques,
ou dans les autorités administratives indépendantes avec des cumulards en
retraite et des traitements mirobolants,
ou dans des corporations avec
des avantages matériels. Il s’est attaqué avec juste raison à la Sncf : qu’il
continue le grand élagage. . Mais merci au patron pyromane d’appeler les
secours. Comme dans la pièce de théâtre
de Pierre Palmade – « ils se re-aiment » - M.Macron fait sa cour aux élus locaux qu’il a charmés mardi 15 janvier pendant 7 heures en normandie ( le président
est très bon dans cet exercice délicat
et il mouille sa chemise) et il leur demande
de tout faire pour que le grand débat national avec les 33 questions
qu’il a suggérées, soit un réel succès démocratique. C’est donc que les élus ont une utilité ou est-
ce une manœuvre qui se veut intelligente pour mieux les circonscrire, les
étouffer dans ses bras, les utiliser
puis en faire disparaitre une partie par des regroupements au profit de
structures plus larges comme pour les
parlementaires dont le nombre va être drastiquement réduit ce qui obligera le
citoyen à prendre une longue vue pour apercevoir son député ou son sénateur non
ancrés sur un territoire précis. Cela
doit être bigrement moderne et conforme à la mondialisation ? Essayons de
décrypter les intentions.
Décriés,
ignorés, accusés de tous les péchés les
élus locaux viennent ainsi de rentrer en
grâce surtout pour aider au succès du président Macron et éviter un vaste bide,
car eux n’ont rien à gagner, au contraire, dans le débat national. Ce ne sont
pas eux qui sont demandeurs, qui s’interrogent sur leurs propres missions
qu’ils connaissent et qui ont besoin qu’on leur dise ce qu’il faut faire :
ils le savent. S’ils pilotent le débat
national dans leur commune, ce que je ne
conseille pas, ils auront forcément en plus des questions nationales des demandes qui s’adressent au niveau local,
à eux , ce qui peut les déstabiliser dans leurs politiques, leurs stratégies,
leurs priorités, leurs investissements et ouvrir par inadvertance la voie à une opposition en 2020. Etre utile
oui, être naïf non, et masochiste encore
moins. Si le débat ne fonctionne pas, ils
pourront aussi être accusés de l’avoir
saboté , de n’avoir pas réussi à mobiliser
suffisamment leurs électeurs ,d’avoir mal orienté les réponses aux
questions posées par le président, ou d’avoir laisser s’exprimer n’importe qui, et si par la suite
l’exécutif ne répond pas aux attentes de ceux qui ont rempli et signé les
cahiers de doléances des frustrations auront lieu et ils risquent de porter une partie du chapeau.
Si le débat est un succès ce sera grâce à l’initiative du président et à sa
grande intelligence. Les élus locaux
doivent donc être prudents dans leur action tout en participant car ils sont
les premiers à toujours assumer les responsabilités. Il sera en outre difficile
d’échapper à des demandes que M.Macron n’a pas prévu ou a écarté par avance. Ce
qui est un chiffon rouge agité devant le nez des plus excités. Les gaulois
réfractaires ont souvent le sens de la provocation ou de la désobéissance, sans
compter les militants politiques ou idéologiques qui vont essayer d’imposer leurs lubies ou thèmes
et les groupes de pression sur tel ou tel sujet. Les élus locaux ne doivent pas
s’en mêler car ils peuvent être perdants quoiqu’il arrive.
Mais c’est
une annonce spécifique qui m’inquiète. Il serait envisagé que pour toute
décision publique il y aurait des citoyens tirés au sort, qui donneraient leurs
avis, ce qui serait le signe majeur d’une saine démocratie participative. Je
suis contre cette fausse bonne idée .
Comme aurait dit Ducros « à quoi ça sert que les élus locaux se décarcassent » si n’importe quel inconnu quasiment venu du
diable vauvert – qui peut ne jamais voter, ne participe à rien dans la
commune , paie peu ou pas d’ impôts ,
n’est pas légitime , mais est inscrit sur les listes électorales
– puisse être désigné pour donner son
opinion dans une décision à l’égal d’un parlementaire élu ou d’une personnalité
experte ou représentative, et que sa voix compte autant que celle du maire ou
d’un conseiller municipal ( il y a en 2018 environ 550. 000 élus
locaux qui n’ont aucun statut légal ce qui favorisent ceux qui viennent de la
fonction publique ou les retraités, et 35 256 communes), sachant qu’il n’aura à subir
aucune conséquence s’il se trompe, ou sabote un projet mûrement réfléchi ?
Etre élu local ne s’improvise pas. ll faut le vouloir d’abord c’est-à-dire
avoir le sens de l’intérêt général et ne pas défendre ses propres intérêts ou
convictions partisanes ; puis se former et organiser sa vie professionnelle
et familiale ; accepter de passer des heures de travail et de réunions de
façon bénévole car les « salaires » du maire et des adjoints sont ridicules ramenés au temps
passé et à leurs responsabilités ne serait- ce que judiciaires, et face au contrôle
du préfet et des administrations. Sans
oublier les milliers de conseillers municipaux qui ne touchent pas un centime. Ce n’est pas un métier mais un dévouement
volontaire et choisi et l’apprentissage
de la chose publique est nécessaire. Il faut de l’expérience d’autant plus que
le dialogue voire les reproches avec les citoyens sont permanents et qu’il faut
constamment ajuster les décisions au terrain et au concret. Etre élu local c’est avoir la satisfaction de
voir ce qu’on a décidé et se réjouir du travail accompli dont ensuite on rend
compte. Qu’un tiré au sort venant de nulle part puisse perturber cette harmonie,
personnellement je suis contre car pour moi la démocratie c’est l’élection
d’abord, puis le débat contradictoire
entre responsables élus, et la prise de décision collective et refléchie par le vote. Puisqu’on est dans le gag, pourquoi ne pas
désigner les citoyens aux dés, à pic et pic et colégram, à la bataille, ou aux
fléchettes ? Ce serait plus ludique ! En quoi un tiré au sort
aurait-il un avis intéressant , pertinent ou plus avisé qu’un élu ?
Sera-t- -on en démocratie participative
ou démagogique ? Mais on veut aller plus loin pour pouvoir remettre en
cause quand on le juge utile les décisions, et si c’est accepté de renvoyer
les élus comme de vulgaires PDG révocables ad nutum, ce que je conteste vivement.
Les gilets jaunes qui sont des salariés pour la plupart accepteraient ils que
leur patron les licencie d’un seul coup ,sans motif ni procédure. ? J’en
doute et les prud’hommes dont je fais partie sont déjà débordés. Je parle du ric le référendum d’initiative
citoyenne qui est réclamé à cor et à cris et qui est une arme fatale : car
que se passe- t -il quand la majorité dit non à la minorité qui pose la
question ? Que fera le maire face à des demandes curieuses ou purement politiques ou non
démocratiques, ou qu’il ne peut
satisfaire ? Même question au gouvernement ? Le ric doit donc
être examiné à la loupe, et s’il fallait l’instaurer par démagogie que l’on
appelle faire plaisir au peuple et surtout
à celui qui ne va pas voter pour qu’il puisse s’exprimer et soulager sa colère,
il faudra l’encadrer très précisément et strictement. Mais commençons par le
vote obligatoire pour voir, et la prise en compte du vote blanc. Quand on veut
être entendu il faut commencer par participer.
Ce serait en outre 300 000 personnes voire même un peu plus ce qui est très faible
par rapport à 45,5 millions d’électeurs en 2018 qui imposeraient cette disposition si
le gouvernement cédait. Je préfère ne pas y penser. A partir d’ un ric national on viendrait naturellement vers le ric
local (donc avec peu de demandeurs) car qui peut le plus peut le moins. Et qu’il n’est pas interdit d’organiser un
référendum local (comme pour la ZAD de notre -dame-des champs où le résultat favorable
à l’aéroport a été balayé pour satisfaire les opposants). Et si un ric imposait
aux élus locaux un projet dont ils ne veulent pas que se passerait -
il ? Faudra-t-il dissoudre le
conseil municipal qui sera à la merci d’un individu ou d’un groupe qui veulent
imposer leurs idées sans être élus. La démocratie directe est une hérésie qui
réserve des surprises. Certes je m’enflamme car le ric local n’est pas demandé
explicitement mais attendons pour voir puisque on vise la vie quotidienne.
Si tel est
le cas c’est la mort programmée des élus locaux surtout s’ils ont participé au
débat national, et de la démocratie locale. M. Macron aurait réussi d’une
pierre deux coups : donner satisfaction aux gilets jaunes qui refusent
hiérarchie et pouvoir même local qui n’est pas le leur, et en même temps
réduire l’influence des élus locaux. J’espère que je ne suis qu’un oiseau
de mauvais augure car il n’est pas possible sauf pour Machiavel ou des anciens
de l’ENA que le président de la
république raisonne ainsi et prépare même inconsciemment un piège. Il est
républicain on ne peut en douter et attaché à la démocratie .Il conviendra d’être vigilant. Puis les 5 sages non tirés au sort car il ne faut
pas trop exiger, mais désignés par les présidents de nos institutions vont synthétiser les demandes, analyser et
nous dire les priorités, faisables ou non , car nous n’avons plus de sous. C’est
l’exécutif et M .Macron qui auront la décision finale mais je ne sais pas si
c’est opportun politiquement et malin
sans être accusé d’être juge et partie ?.
Il y a
cependant une autre hypothèse que j’appelle de mes vœux pour 2019. Je crois en
la raison et au bon sens. M. Macron devra forcément retenir de la consultation
quelques idées et demandes .Il faut calmer le peuple .On verra comment financer
plus tard, par la réduction drastique bien ciblée des dépenses publiques je l’espère et en revoyant le périmètre de
l’Etat qui doit devenir moins providence et plus garant des fonctions
régaliennes en encourageant le travail et les initiatives et en ne se
préoccupant que de l’essentiel. L’Etat
doit commencer par sa propre mutation. C’est ce que les gilets jaunes vont découvrir
ou avoir confirmation : ce que l’on donne d’une main , l’autre le reprend.
Je souhaite qu’il décide d’une nouvelle phase de décentralisation au plus près
de l’habitant donc en donnant du vrai pouvoir aux élus locaux, en allégeant les
contraintes administratives et en permettant aux communes de gérer
librement notamment leurs budgets ce qui
est d’ailleurs prévu par la constitution.
Et dans la réforme du mille feuille institutionnel -dont la question est
posée-de conserver le département qui a la maîtrise des services publics, le conseiller général par canton non agrandi
comme aujourd’hui ayant eu du sens, et
internet ne remplaçant pas la présence humaine. Il faudra donner un autre rôle
aux régions désormais gigantesques et très loin du citoyen , dont la gestion et
les compétences sont plus proches des questions débattues par le conseil économique , social ,et
environnemental à paris dont le rôle et les nominations (souvent on recycle de vieilles gloires ou des battus) doivent être revus sauf à le supprimer. Le
sénat doit rester le grand conseil des communes de France et l’interlocuteur
naturel des élus locaux .Ce serait donc une renaissance pour les élus locaux
dans la considération et l’efficacité, en faisant des économies puisque le
périmètre d’action de chacun sera bien
défini. En même temps comme le dit M. Macron cela permettra de
juguler la crise qui affecte les élus locaux
dont beaucoup ne veulent plus se représenter, et les vocations des
jeunes se font rares.
En
attendant je prépare mon pot de départ pour 2020 et mon testament électoral.
J’espère que tous les élus locaux retrouveront dans le cadre d’une vraie
décentralisation avec des moyens la place qu’ils méritent sur le territoire (comme
le demandent les gilets jaunes pour eux ) et auprès des pouvoirs exécutif et
législatif car ils le valent bien. Le
pire n’est jamais sûr, alors espérons.
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