mercredi 16 janvier 2019

Contribution au débat national : faut- il acter la mort programmée des élus locaux ou leur renaissance ?


Contribution au débat national : faut- il acter la mort programmée des élus locaux ou leur renaissance ?
Par Christian Fremaux avocat honoraire et élu local.
Je suis un petit conseiller municipal, ancien maire adjoint élu pour la première fois à à peine 23 ans-âge légal de l’élection en 1971- dans l’Oise c’est-à-dire la province habitée par ceux qui « fument des clopes et roulent en diesel » selon l’image flatteuse qu’a de nous le porte parole du gouvernement le sémillant M.Griveaux, secrétaire d’Etat par la volonté du prince qui nous gouverne,  socialiste d’origine, issu  de HEC et de Sciences po.  donc l’élite  et vivant avec une avocate à Paris. Je l’admets : je ne fume pas, je n’ai plus 40 ans , j’utilise du fuel dans ma chaudière et du diesel dans ma voiture puisqu’il y a quelques années les pouvoirs publics nous avaient demandé d’acheter du diesel , j’ai de l’expérience mais je ne donne aucune leçon de vie  , bien qu’avocat à paris je vis aussi à la campagne ce qui m’épargne d’être bobo et écologiste,  mais je  n’ai pas eu  la chance de fumer du cannabis, d’accueillir des migrants chez moi ou de demander aux autres de le faire,   de rouler en vélo pour aller à mon travail en étant suivi par la voiture électrique  de fonction et les gardes du corps, et   je n’ai pas eu l’honneur d’avoir la porte de mon ministère -n’ayant jamais été sollicité pour la tâche ingrate de secrétaire d’Etat- défoncée par un outil de chantier conduit par un gilet jaune certainement maladroit.
M.Macron jusqu’à la crise n’aimait pas les élus locaux  qu’il considérait comme des dépensiers, des gens  soumis à leurs électeurs  ou sous leurs dépendances, et qui n’ont aucunement le sens de l’Etat puisqu’ils pensent au bien - être  de leurs concitoyens dans la proximité.  Selon M.Macron qui est un haut fonctionnaire  ayant réussi un concours certes difficile condition nécessaire mais pas suffisante pour bien penser et faire on le sait , et qui était allé  gagner un peu de sous chez Rothschild, seuls lui et ses amis branchés peuvent incarner la nation, l’intérêt général et ont une vision positive de l’avenir. «  Circulez il n’y a rien à voir »  pour ceux de l’ancien monde comme aurait dit Coluche. Bien sûr quand on est candidat à une élection présidentielle on ne promet rien , on ne discute pas avec les groupes de pression  tout en sollicitant des financements , et on ne  veut aucun soutien pour ne rien devoir à personne : on est pur comme l’eau de roche  ou la seine qui coule sous les ponts de paris ! Hypocrisie quand tu nous tiens. Mais  l’histoire est cruelle et le succès se mérite  en ayant des résultats et en évitant les crises. Après 18 mois vécus en lévitation,  M.Macron a eu un été difficile avec MM. Benalla, Colomb, Hulot et aucun profit de son action, ni pour le chômage, ni pour le pouvoir d’achat et au contraire,  comme il l’a déploré lui même.Il ne suffit pas d’annoncer et de le vouloir. Ce ne peut être la faute des autres et de tous les conservatismes supposés ou réels puisqu’il a tous les pouvoirs, ou les faits qui résistent honteusement.    Dont acte et  il devrait ainsi que ses amis faire profil un peu plus bas, même s’il doit incarner la cohésion sociale, la grandeur du pays,  l’autorité légitime et le soutien aux forces de l’ordre,  continuer les réformes car renoncer ou stagner est en fait reculer, et faire droit  désormais aux demandes du peuple, ou à une minorité agissante dite des gilets jaunes dont certaines revendications sont  recevables , hors par  la violence et les menaces  ou la casse qui ne peuvent jamais,  jamais pour aucun motif, être admises en démocratie.Le président vient de découvrir par obligation que les élus locaux  jouaient un rôle structurant et apaisant au jour le jour dans les relations sociales. Que va-t-il se passer ? Examinons le pire et le meilleur.
Comme il a mis de côté et discrédité les corps intermédiaires pour regarder les français d’homme à  homme droit dans les yeux ce qui ne lui a pas réussi,   il est désormais isolé, et il vient de se rappeler que les élus locaux pour qui les citoyens conservent leur confiance existaient et pourraient  servir à son grand dessein celui d’avoir raison d’abord  et  ensuite de transformer le pays qui a besoin de remise en ordre,  de mettre de l’égalité là ou il y a des privilèges par exemple dans les domaines politiques, ou dans les autorités administratives indépendantes avec des cumulards en retraite et des traitements mirobolants,  ou dans des corporations avec des avantages matériels. Il s’est attaqué avec juste raison à la Sncf : qu’il continue  le grand élagage. . Mais  merci au patron pyromane d’appeler les secours.  Comme dans la pièce de théâtre de Pierre Palmade – «  ils se re-aiment » - M.Macron fait sa cour aux  élus locaux  qu’il a charmés mardi 15 janvier  pendant 7 heures en normandie ( le président est très bon dans cet exercice  délicat et il mouille sa chemise) et il leur demande  de tout faire pour que le grand débat national avec les 33 questions qu’il a suggérées, soit un réel succès démocratique.  C’est donc que les élus ont une utilité ou est- ce une manœuvre qui se veut intelligente pour mieux les circonscrire, les étouffer dans ses bras,  les utiliser puis en faire disparaitre une partie par des regroupements au profit de structures plus larges  comme pour les parlementaires dont le nombre va être drastiquement réduit ce qui obligera le citoyen à prendre une longue vue pour apercevoir son député ou son sénateur non ancrés sur un territoire précis.  Cela doit être bigrement moderne et conforme à la mondialisation ? Essayons de décrypter les intentions.
Décriés, ignorés, accusés de tous  les péchés les élus locaux viennent  ainsi de rentrer en grâce surtout pour aider au succès du président Macron et éviter un vaste bide, car eux n’ont rien à gagner, au contraire, dans le débat national. Ce ne sont pas eux qui sont demandeurs, qui s’interrogent sur leurs propres missions qu’ils connaissent et qui ont besoin qu’on leur dise ce qu’il faut faire : ils le savent. S’ils  pilotent le débat national  dans leur commune, ce que je ne conseille pas, ils auront forcément en plus des questions nationales  des demandes qui s’adressent au niveau local, à eux , ce qui peut les déstabiliser dans leurs politiques, leurs stratégies, leurs priorités, leurs investissements et ouvrir par inadvertance  la voie à une opposition en 2020. Etre utile oui, être  naïf non, et masochiste encore moins.  Si le débat ne fonctionne pas, ils pourront aussi  être accusés de l’avoir saboté , de n’avoir pas réussi à mobiliser  suffisamment leurs électeurs ,d’avoir mal  orienté les réponses aux questions posées par le président, ou d’avoir laisser  s’exprimer n’importe qui, et si par la suite l’exécutif ne répond pas aux attentes de ceux qui ont rempli et signé les cahiers de doléances des frustrations auront lieu et  ils risquent de porter une partie du chapeau. Si le débat est un succès ce sera grâce à l’initiative du président et à sa grande intelligence.  Les élus locaux doivent donc être prudents dans leur action tout en participant car ils sont les premiers à toujours assumer les responsabilités. Il sera en outre difficile d’échapper à des demandes que M.Macron n’a pas prévu ou a écarté par avance. Ce qui est un chiffon rouge agité devant le nez des plus excités. Les gaulois réfractaires ont souvent le sens de la provocation ou de la désobéissance, sans compter les militants politiques ou idéologiques  qui vont essayer d’imposer leurs lubies ou thèmes et les groupes de pression sur tel ou tel sujet. Les élus locaux ne doivent pas s’en mêler car ils peuvent être perdants quoiqu’il arrive.  
Mais c’est une annonce spécifique qui m’inquiète. Il serait envisagé que pour toute décision publique il y aurait des citoyens tirés au sort, qui donneraient leurs avis, ce qui serait le signe majeur d’une saine démocratie participative. Je suis contre cette fausse bonne idée .  Comme aurait dit Ducros «  à quoi ça sert  que les élus locaux se décarcassent  » si  n’importe quel inconnu quasiment venu du diable vauvert – qui peut  ne  jamais voter, ne participe à rien dans la commune , paie peu ou pas d’ impôts  , n’est pas  légitime  , mais est inscrit sur les listes électorales –  puisse être désigné pour donner son opinion dans une décision à l’égal d’un parlementaire élu ou d’une personnalité experte ou représentative, et que sa voix compte autant que celle du maire ou d’un conseiller municipal ( il y a en 2018 environ 550. 000 élus locaux qui n’ont aucun statut légal ce qui favorisent ceux qui viennent de la fonction publique ou les retraités, et 35 256  communes), sachant qu’il n’aura à subir aucune conséquence s’il se trompe, ou sabote un projet mûrement réfléchi ? Etre élu local ne s’improvise pas. ll faut le vouloir d’abord c’est-à-dire avoir le sens de l’intérêt général et ne pas défendre ses propres intérêts ou convictions partisanes  ; puis se former et organiser sa vie professionnelle et familiale ; accepter de passer des heures de travail et de réunions de façon bénévole car les « salaires » du maire et des adjoints sont ridicules  ramenés   au temps passé et à leurs responsabilités ne serait- ce que judiciaires, et face au contrôle du préfet et  des administrations. Sans oublier les milliers de conseillers municipaux qui ne touchent pas un centime.  Ce n’est pas un métier mais un dévouement volontaire et choisi et  l’apprentissage de la chose publique est nécessaire. Il faut de l’expérience d’autant plus que le dialogue voire les reproches avec les citoyens sont permanents et qu’il faut constamment ajuster les décisions au terrain et au concret.  Etre élu local c’est avoir la satisfaction de voir ce qu’on a décidé et se réjouir du travail accompli dont ensuite on rend compte. Qu’un tiré au sort venant de nulle part puisse perturber cette harmonie, personnellement je suis contre car pour moi la démocratie c’est l’élection d’abord, puis  le débat contradictoire entre responsables élus, et la prise de décision  collective et refléchie par le vote.   Puisqu’on est dans le gag, pourquoi ne pas désigner les citoyens aux dés, à pic et pic et colégram, à la bataille, ou aux fléchettes ? Ce serait plus ludique ! En quoi un tiré au sort aurait-il un avis intéressant , pertinent ou plus avisé qu’un élu ? Sera-t- -on  en démocratie participative ou démagogique ? Mais on veut aller plus loin pour pouvoir remettre en cause quand on le juge utile les décisions, et si c’est accepté  de renvoyer  les élus comme de vulgaires PDG révocables ad nutum, ce que je conteste vivement. Les gilets jaunes qui sont des salariés pour la plupart accepteraient ils que leur patron les licencie d’un seul coup ,sans motif ni procédure. ? J’en doute et les prud’hommes dont je fais partie sont déjà débordés.  Je parle du ric le référendum d’initiative citoyenne qui est réclamé à cor et à cris et qui est une arme fatale : car que se passe- t -il quand la majorité dit non à la minorité qui pose la question ? Que fera le maire face à des demandes  curieuses ou purement politiques ou non démocratiques,   ou qu’il ne peut satisfaire ?  Même question au gouvernement ? Le ric doit donc être examiné à la loupe, et s’il fallait l’instaurer par démagogie que l’on appelle  faire plaisir au peuple et surtout à celui qui ne va pas voter pour qu’il puisse s’exprimer et soulager sa colère, il faudra l’encadrer très précisément et strictement. Mais commençons par le vote obligatoire pour voir, et la prise en compte du vote blanc. Quand on veut être entendu il faut commencer par participer. 
Ce serait  en outre 300 000 personnes  voire même un peu plus ce qui est très faible par rapport à  45,5 millions d’électeurs  en 2018 qui imposeraient cette disposition si le gouvernement cédait. Je préfère ne pas y penser. A partir d’ un ric  national on viendrait naturellement vers le ric local (donc avec peu de demandeurs) car qui peut le plus peut le moins.  Et qu’il n’est pas interdit d’organiser un référendum local (comme pour la ZAD de notre -dame-des champs où le résultat favorable à l’aéroport a été balayé pour satisfaire les opposants). Et si un ric imposait aux élus locaux un projet dont ils ne veulent pas que se passerait - il ? Faudra-t-il  dissoudre le conseil municipal qui sera à la merci d’un individu ou d’un groupe qui veulent imposer leurs idées sans être élus. La démocratie directe est une hérésie qui réserve des surprises. Certes je m’enflamme car le ric local n’est pas demandé explicitement mais attendons pour voir puisque on vise la vie quotidienne.
Si tel est le cas c’est la mort programmée des élus locaux surtout s’ils ont participé au débat national, et de la démocratie locale. M. Macron aurait réussi d’une pierre deux coups : donner satisfaction aux gilets jaunes qui refusent hiérarchie et pouvoir même local qui n’est pas le leur, et en même temps réduire l’influence des élus locaux.  J’espère que je ne suis qu’un oiseau de mauvais augure car il n’est pas possible sauf pour Machiavel ou des anciens de l’ENA  que le président de la république raisonne ainsi et prépare même inconsciemment un piège. Il est républicain on ne peut en douter et attaché à la démocratie  .Il conviendra d’être vigilant. Puis  les 5 sages non tirés au sort car il ne faut pas trop exiger, mais désignés par les présidents de nos institutions  vont synthétiser les demandes, analyser et nous dire les priorités, faisables ou non , car nous n’avons plus de sous. C’est l’exécutif et M .Macron qui auront la décision finale mais je ne sais pas si c’est opportun politiquement  et malin sans être accusé d’être juge et partie ?.
Il y a cependant une autre hypothèse que j’appelle de mes vœux pour 2019. Je crois en la raison et au bon sens. M. Macron devra forcément retenir de la consultation quelques idées et demandes .Il faut calmer le peuple .On verra comment financer plus tard, par la réduction drastique bien ciblée  des dépenses publiques  je l’espère et en revoyant le périmètre de l’Etat qui doit devenir moins providence et plus garant des fonctions régaliennes en encourageant le travail et les initiatives et en ne se préoccupant  que de l’essentiel. L’Etat doit commencer par sa propre mutation.  C’est ce que les gilets jaunes vont découvrir ou avoir confirmation : ce que l’on donne d’une main , l’autre le reprend. Je souhaite qu’il décide d’une nouvelle phase de décentralisation au plus près de l’habitant donc en donnant du vrai pouvoir aux élus locaux, en allégeant les contraintes administratives et en permettant aux communes de gérer librement  notamment leurs budgets ce qui est d’ailleurs prévu par la constitution.  Et dans la réforme du mille feuille institutionnel -dont la question est posée-de conserver le département qui a la maîtrise des services publics,  le conseiller général par canton non agrandi comme aujourd’hui ayant eu  du sens, et internet ne remplaçant pas la présence humaine. Il faudra donner un autre rôle aux régions désormais gigantesques et très loin du citoyen , dont la gestion et les compétences sont plus proches des questions débattues par le  conseil économique , social ,et environnemental à paris dont le rôle et les nominations (souvent on recycle de vieilles gloires ou des battus) doivent être revus sauf à le supprimer. Le sénat doit rester le grand conseil des communes de France et l’interlocuteur naturel des élus locaux .Ce serait donc une renaissance pour les élus locaux dans la considération et l’efficacité, en faisant des économies puisque le périmètre d’action de  chacun sera bien défini. En même temps comme le dit M. Macron cela permettra de juguler la crise qui affecte les élus locaux  dont beaucoup ne veulent plus se représenter, et les vocations des jeunes se font rares.       
  En attendant je prépare mon pot de départ pour 2020 et mon testament électoral. J’espère que tous les élus locaux retrouveront dans le cadre d’une vraie décentralisation avec des moyens la place qu’ils méritent sur le territoire (comme le demandent les gilets jaunes pour eux ) et auprès des pouvoirs exécutif et législatif car ils le valent bien.  Le pire n’est jamais sûr, alors espérons.   

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