Ric et rac ou le grand n’importe
quoi.
Par Christian Fremaux avocat
honoraire et élu local.
La justice
va avoir du travail alors qu’elle manque de juges et de moyens en général et
que la réforme conduite par la garde des sceaux est contestée de l’intérieur
par tous, avocats surtout. On a eu le
rock avec les héritiers de Johnny qui
avait pour public beaucoup de gilets jaunes,
qui se battent devant les tribunaux pour des millions d’euros et pour
échapper au fisc français ce qui devrait révolter tous les fans qui achètent cher le dernier CD post mortem ce qui obère
leur pouvoir d’achat .Nous avons désormais le ric (référendum d’initiative
citoyenne) qui fait beaucoup de bruit
pour peu. Sans oublier la procédure judiciaire lancée sur les réseaux sociaux
concernant le climat. A quand un procès pour faire condamner l’Etat qui ne
produit pas que du bonheur ? Manque le rac (retour au calme) qui est
indispensable pour que les discussions soient apaisées, et qu’un peu de raison remplace
l’emballement et la crise de nerfs permanents. Examinons avec un peu de recul
et de sang- froid les péripéties qui
vont reprendre certainement dès janvier
2019-bonne année au passage à tous- par la discussion générale (et non la foire
d’empoigne parfois comme dans les
assemblées de copropriétaires ou des réunions de conseil municipal) qui doit
avoir lieu dans les mairies surtout à
mon avis , puisque il est acquis que les
élus locaux ont regagné un peu de leur aura - y compris auprès du chef de
l’Etat - et qu’ils sont les partenaires idoines pour faire passer les messages
et faire tomber la température. En effet nous sommes partis dans tous les sens
et il va falloir recadrer un peu le débat.
Il faut
savoir terminer une grève disait Maurice Thorez l’ancien secrétaire général du
parti communiste (PC ) quand celui- ci et sa courroie de transmission la
CGT tenaient la rue. C’est une époque révolue
que l’on ne va pas regretter, sauf que
désormais la rue est libre et à la merci des blacks blocs, des casseurs de tout
poil et de tous ceux qui regrettent la révolution, même sans savoir ce qu’ils
veulent exactement. Chaque français estime être la voix du peuple, pense
détenir la vérité à lui tout seul ou à quelques uns , comme M.Melenchon affirme
être la république. Mais
nous ne sommes pas dans une grève générale. Certains parlent d’insurrection, de
quasi putsch comme l’avait craint en
avril 1961 Michel Debré alors premier
ministre qui avait eu peur que des parachutistes inféodés
aux généraux félons et à l’OAS sautent sur paris et prennent l’Elysée. M.Macron
a des qualités et des défauts mais il n’est pas le général de gaulle et on ne
décolonise pas la France. M.Griveaux porte parole du gouvernement devrait être
plus réservé dans ses propos qui ajoutent de l’exagération et de la peur à ce
qui est. Le nombre de participants aux
gilets jaunes décroit- mais on
verra la réalité à la rentrée de
janvier-et ce n’est pas le plus
important. C’est l’état d’esprit général qui compte car qui peut être contre
une augmentation personnelle de son pouvoir d’achat, ou de payer moins de taxes
et impôts (les riches approuvent aussi !), ou de ne pas aimer la façon
condescendante de gouverner de la technocratie
que ne maîtrisent pas les politiques et qui sont donc responsables ?
Personne, et pourtant la majorité des français ne va pas battre le trottoir et ne veut pas casser du flic ou des magasins
pour voler. Les violences sont toujours inacceptables quelqu’en soient les
prétendues justifications ou seul moyen avancé et cynique car faux pour se
faire entendre. Le gouvernement a cédé avec juste raison car rien , impôt ou
taxe pour une transition écologique ou la
préservation des générations futures ou pour un motif quelconque, ne
peut entrainer un conflit entre citoyens et l’Etat qui défend l’intérêt général ou une
agitation dangereuse qui peut dégénérer. Certes la facture finale va être
lourde car après le pouvoir d’achat du secteur privé, vont s’ajouter
les TPE et PME qui ont commencé à licencier et les commerçants qui ont
subi des préjudices et il n’y a pas de
raison que l’Etat oublie ses propres travailleurs, les fonctionnaires. Sauf qu’il va falloir trouver le financement
des mesures annoncées et on peut craindre que ce soit toujours les mêmes qui vont payer. Mais
comme nous avons des élites « intelligentes et subtiles »
attendons un miracle, après tout nous sommes dans la période de noël. Certes
pour certains on a annoncé des miettes
et cela ne sera jamais assez. Mais quel est le prix d’un festin qui rassasie ?
C’est la
demande de ric (référendum d’initiative citoyenne ) qui me rend circonspect car elle touche aux fondements de notre
démocratie. Par un coup de clic de
dizaines de milliers voire centaines ou millions de « clicp-tomanes »
(celui qui n’est pas conscient du vol ou de l’énormité de l’exigence en cliquant) -sans vérifier qui et où ils sont- tout serait possible et on pourrait
demander n’importe quoi, même de revoir le plus fondamental comme la constitution. Les réseaux sociaux seraient
les nouvelles tables de la loi à la merci d’un mouvement d’humeur. On vient
d’avoir un exemple qui touche au réchauffement
climatique. Forts de 1,8 millions de clics qui ont approuvé en quelques
jours l’idée d’attaquer l’Etat en justice (l’affaire du siècle) des ONG
notamment ont saisi le gouvernement d’une demande indemnitaire préalable
obligatoire pour saisir la juridiction administrative. On ne connait pas encore
les arguments de droit. On peut imaginer
que les requérants contestent l’inaction de l’Etat , le non respect de ses
engagements internationaux dont ceux de la COP, le fait qu’il n’ait pas pris de
mesures coercitives (il l’avait fait par la taxe carbone qui a déclenché le
mouvement des gilets jaunes avec la hausse du prix des carburants-
contradiction quand tu nous tiens)- son insuffisance à lutter contre la
pollution ce qui entraine des préjudices pour le droit de vivre avec un air
pur, et une santé parfaite ?...Les médias ont considéré que c’était acquis
et que la justice trancherait en condamnant financièrement l’Etat qui est faut- il le rappeler,
l’ensemble des français surtout les moins de 50 % qui paient l’impôt sur le
revenu, dont ceux qui sont dans les ONG, les gilets jaunes et tous les autres.
Ce n’est pas M.Macron qui paiera. Attendons la fin du procès pour apprécier :
une annonce n’est pas un résultat d’autant plus que le tribunal administratif
est composé d’énarques ou assimilés
issus de la fonction publique, qui sont indépendants et doivent juger en
droit et non pour faire plaisir au peuple, et qu’en dernier ressort le Conseil
d’Etat doit se rappeler qu’il est en même temps aussi conseil
juridique permanent du gouvernement .La juridiction administrative ne
peut condamner l’Etat à faire passer telle loi ou lever tel impôt même pour un
motif légitime. Enfin je ne crois pas que
demander au juge de se substituer à la représentation élue soit un
progrès. La justice a suffisamment à faire avec son manque de magistrats en général
(on a besoin de beaucoup plus de procureurs et substituts en raison des nouvelles lois -que les avocats
dénoncent avec raison comme une atteinte
aux libertés- pour lutter contre la délinquance et le terrorisme), avec ses faibles ressources matérielles et son
futur éloignement des justiciables, tout ce qui précède concernant l’autorité
judiciaire, pour charger la justice administrative déjà lente de problèmes de société
et de responsabilités qui reposent sur les élus, en premier lieu celui ou ceux
du suffrage universel. Je pense que « l’affaire du siècle » va
se terminer en bide judiciaire et à la confusion de ceux qui ont pris le risque
d’intégrer la justice qui peut sortir discréditée dans ce qui est une lutte
politique.
Le ric c’est
la volonté de vouloir dire son mot, de pouvoir s’exprimer entre deux échéances
électorales .Mais la démocratie représentative - que je soutiens et qui exige que les
parlementaires élus aient une dimension
personnelle suffisante, et une
vraie présence car être députés ou
sénateurs n’est pas une fonction
d’intermittent de la politique que l’on
exerce sans avoir un lien avec le terrain, sans savoir ce qu’est un électeur,
et sans avoir un minimum de hauteur et de réflexion au -delà de soutenir une
majorité, qualités qui n’apparaissent pas aveuglantes dans le débat actuel - ne
peut être un forum permanent et devenir plus qu’une démocratie participative
une démocratie directe ? Entre qui et qui ? Cela n’existe dans aucun
pays qui a une tradition républicaine car l’intérêt général ne se divise pas en
clans et intérêts minuscules. Il est le bien commun . Que l’on discute
dans les assemblées nationales élues qui existent ; que l’on réforme le
conseil économique, social et environnemental place d’Iéna à paris, en
l’ouvrant aux forces vives encore plus et qui ne serve pas à recaser des
copains ou des gloires anciennes ; que l’on active les régions et leurs conseils économiques régionaux, bravo .Qu’on leur
associe les assemblées de proximité comme les conseils départementaux et les
mairies c’est encore mieux. Que la loi impose des rapports qui doivent être
suivis d’effets dans les mois qui suivent et ce sera du concret. Et que l’on
puisse personnaliser selon les territoires quitte à faire des expérimentations contrôlées . Mais que l’on ne crée pas des usines à gag
qui polluent pour rien, des machins
biologiques nouveaux avec des citoyens tirés
au sort qui ne sortiront que par la force des baïonnettes .La démagogie
n’a jamais rien fait avancer. Il y a déjà
suffisamment de lieux officiels publics
donc sous le contrôle du peuple, pour
s’écouter ,à défaut de s’entendre . Cela évitera les discussions de café
du commerce (bien que je sois pour la
présence obligatoire d’un bistrot dans chaque commune ce qui crée du lien et permet de voir et de
discuter avec son semblable ou des autorités locales). En exigeant et obtenant le ric les gilets
jaunes se tireraient une balle dans le pied car il y aurait une majorité
silencieuse qui n’approuve ni leurs
manières de faire ni leurs souhaits ou
rêves, qui se réveillerait pour leur donner tort : ils seraient ainsi
encore plus frustrés . Il ne suffit pas d’être de bonne foi et d’avoir raison
pour gagner . 42 ans de barreau et de fréquentation de la justice me l’ont
appris. La démocratie représentative de la 5 ème république a 60 ans (1958-2018). Elle a besoin d’être
rajeunie mais pas d’être mise au rebut au profit de ce que l’on ne connait
pas : l’essai dans ce genre de domaine peut finir mal, et conduire à un
besoin d’ordre avec limitation des libertés individuelles et publiques . Chacun sait que dans la famille
tout le monde dont le petit dernier doivent s’exprimer quand ils grandissent mais ils ne peuvent remplacer l’acquis et l’autorité des parents . A la maison la
démocratie exige un minimum de respect ,
de représentation, et de considération. Collectivement c’est pareil . On a
besoin d’un cadre institutionnel fort, stable qui permet de profiter de toutes
les libertés dont celle de n’être pas d’accord et de manifester et d’un Etat pérenne dont le périmètre doit être revu car
il ne peut s’occuper de tout, de la sécurité, des entreprises, des salariés, de
l’air, des élus, des mœurs, de notre voiture… donc de notre bien être. Mais on
a aussi le droit de vouloir la paix sociale et civile, le respect des autres et
de la loi, et la concorde. L’Etat est là
pour assurer la redistribution et la cohésion sociale de la ville à la campagne
en passant par les banlieues étrangement
silencieuses dans la pagaille ambiante. J’espère que la nuit du 31
décembre traditionnellement chaude ne me
démentira pas.
Le demande
liée à la création du ric doit être examinée avec prudence car toute décision qui viendrait d’une
démocratie directe serait acceptée de justesse , donc ric-rac.
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