jeudi 27 décembre 2018

Ric et rac ou le grand n’importe quoi.


Ric et rac ou le grand n’importe quoi.
Par Christian Fremaux avocat honoraire et élu local.

La justice va avoir du travail alors qu’elle manque de juges et de moyens en général et que la réforme conduite par la garde des sceaux est contestée de l’intérieur par tous, avocats surtout.  On a eu le rock avec  les héritiers de Johnny qui avait pour public beaucoup de gilets jaunes,  qui se battent devant les tribunaux pour des millions d’euros et pour échapper au fisc français ce qui devrait révolter tous les fans qui achètent  cher le dernier CD post mortem ce qui obère leur pouvoir d’achat .Nous avons désormais le ric (référendum d’initiative citoyenne)  qui fait beaucoup de bruit pour peu. Sans oublier la procédure judiciaire lancée sur les réseaux sociaux concernant le climat. A quand un procès pour faire condamner l’Etat qui ne produit pas que du bonheur ? Manque le rac (retour au calme) qui est indispensable pour que les discussions soient apaisées, et qu’un peu de raison remplace l’emballement et la crise de nerfs permanents. Examinons avec un peu de recul et de sang- froid  les péripéties qui vont reprendre certainement  dès janvier 2019-bonne année au passage à tous- par  la discussion générale (et non la foire d’empoigne   parfois comme dans les assemblées de copropriétaires ou des réunions de conseil municipal) qui doit avoir lieu  dans les mairies surtout à mon avis , puisque il  est acquis que les élus locaux ont regagné un peu de leur aura - y compris auprès du chef de l’Etat - et qu’ils sont les partenaires idoines pour faire passer les messages et faire tomber la température. En effet nous sommes partis dans tous les sens et il va falloir recadrer un peu le débat.
Il faut savoir terminer une grève disait Maurice Thorez l’ancien secrétaire général du parti communiste (PC ) quand celui- ci et sa courroie de transmission la CGT  tenaient la rue. C’est une époque révolue que l’on ne va pas regretter, sauf  que désormais la rue est libre et à la merci des blacks blocs, des casseurs de tout poil et de tous ceux qui regrettent la révolution, même sans savoir ce qu’ils veulent exactement. Chaque français estime être la voix du peuple, pense détenir la vérité à lui tout seul ou à quelques uns , comme M.Melenchon  affirme  être  la république.   Mais nous ne sommes pas dans une grève générale. Certains parlent d’insurrection, de quasi putsch comme l’avait craint en  avril 1961  Michel Debré alors premier ministre  qui  avait eu peur que des parachutistes inféodés aux généraux félons et à l’OAS sautent sur paris et prennent l’Elysée. M.Macron a des qualités et des défauts mais il n’est pas le général de gaulle et on ne décolonise pas la France. M.Griveaux porte parole du gouvernement devrait être plus réservé dans ses propos qui ajoutent de l’exagération et de la peur à ce qui est. Le nombre de participants  aux gilets jaunes  décroit- mais on verra  la réalité à la rentrée de janvier-et ce  n’est pas le plus important. C’est l’état d’esprit général qui compte car qui peut être contre une augmentation personnelle de son pouvoir d’achat, ou de payer moins de taxes et impôts (les riches approuvent aussi !), ou de ne pas aimer la façon condescendante  de gouverner de la technocratie que ne maîtrisent pas les politiques et qui sont donc responsables ? Personne, et pourtant la majorité des français ne va pas battre le trottoir  et ne veut pas casser du flic ou des magasins pour voler. Les violences sont toujours inacceptables quelqu’en soient les prétendues justifications ou seul moyen avancé et cynique car faux pour se faire entendre. Le gouvernement a cédé avec juste raison car rien , impôt ou taxe pour une transition écologique ou la  préservation des générations futures ou pour un motif quelconque, ne peut entrainer un conflit entre citoyens et l’Etat  qui défend l’intérêt général  ou  une agitation dangereuse qui peut dégénérer. Certes la facture finale va être lourde car après le  pouvoir d’achat  du secteur privé, vont  s’ajouter  les TPE et PME qui ont commencé à licencier et les commerçants qui ont subi des préjudices  et il n’y a pas de raison que l’Etat oublie ses propres travailleurs, les fonctionnaires.  Sauf qu’il va falloir trouver le financement des mesures annoncées et on peut craindre que ce soit  toujours les mêmes qui vont payer.   Mais comme nous avons des élites «  intelligentes et subtiles » attendons un miracle, après tout nous sommes dans la période de noël. Certes pour certains  on a annoncé des miettes et cela ne sera jamais assez. Mais quel est le prix d’un festin qui rassasie ?
C’est la demande de ric (référendum d’initiative citoyenne ) qui me rend circonspect car  elle touche aux fondements de notre démocratie.  Par un coup de clic de dizaines de milliers voire centaines ou millions de  « clicp-tomanes » (celui qui n’est pas conscient du vol ou de l’énormité de l’exigence  en cliquant) -sans vérifier qui et où  ils sont- tout serait possible et on pourrait demander n’importe quoi, même de revoir le plus fondamental  comme  la constitution. Les réseaux sociaux seraient les nouvelles tables de la loi à la merci d’un mouvement d’humeur. On vient d’avoir un exemple qui touche au réchauffement  climatique. Forts de 1,8 millions de clics qui ont approuvé en quelques jours l’idée d’attaquer l’Etat en justice (l’affaire du siècle) des ONG notamment ont saisi le gouvernement d’une demande indemnitaire préalable obligatoire pour saisir la juridiction administrative. On ne connait pas encore  les arguments de droit. On peut imaginer que les requérants contestent l’inaction de l’Etat , le non respect de ses engagements internationaux dont ceux de la COP, le fait qu’il n’ait pas pris de mesures coercitives (il l’avait fait par la taxe carbone qui a déclenché le mouvement des gilets jaunes avec la hausse du prix des carburants- contradiction quand tu nous tiens)- son insuffisance à lutter contre la pollution ce qui entraine des préjudices pour le droit de vivre avec un air pur, et une santé parfaite ?...Les médias ont considéré que c’était acquis et que la justice trancherait  en condamnant financièrement  l’Etat qui est faut- il le rappeler, l’ensemble des français surtout les moins de 50 % qui paient l’impôt sur le revenu, dont ceux qui sont dans les ONG, les gilets jaunes et tous les autres. Ce n’est pas M.Macron qui paiera. Attendons la fin du procès pour apprécier : une annonce n’est pas un résultat  d’autant plus que le tribunal administratif est composé d’énarques ou assimilés  issus de la fonction publique, qui sont indépendants et doivent juger en droit et non pour faire plaisir au peuple, et qu’en dernier ressort le Conseil d’Etat doit se rappeler qu’il est en même temps aussi  conseil  juridique permanent du gouvernement .La juridiction administrative ne peut condamner l’Etat à faire passer telle loi ou lever tel impôt même pour un motif légitime. Enfin je ne crois pas que  demander au juge de se substituer à la représentation élue soit un progrès. La justice a suffisamment à faire avec son manque de magistrats en général (on a besoin de beaucoup plus de procureurs et substituts  en raison des nouvelles lois -que les avocats dénoncent avec raison  comme une atteinte aux libertés- pour lutter contre la délinquance et le terrorisme), avec  ses faibles ressources matérielles et son futur éloignement des justiciables, tout ce qui précède concernant l’autorité judiciaire, pour charger la justice administrative déjà lente de problèmes de société et de responsabilités qui reposent sur les élus, en premier lieu celui ou ceux du suffrage universel. Je pense que « l’affaire du siècle »  va se terminer en bide judiciaire et à la confusion de ceux qui ont pris le risque d’intégrer la justice qui peut sortir discréditée dans ce qui est une lutte politique.
Le ric c’est la volonté de vouloir dire son mot, de pouvoir s’exprimer entre deux échéances électorales .Mais la démocratie représentative -  que je soutiens et qui exige que les parlementaires élus aient une dimension  personnelle  suffisante, et une vraie présence car  être députés ou sénateurs n’est pas une  fonction d’intermittent  de la politique que l’on exerce sans avoir un lien avec le terrain, sans savoir ce qu’est un électeur, et sans avoir un minimum de hauteur et de réflexion au -delà de soutenir une majorité, qualités qui n’apparaissent pas aveuglantes dans le débat actuel - ne peut être un forum permanent et devenir plus qu’une démocratie participative une démocratie directe ? Entre qui et qui ? Cela n’existe dans aucun pays qui a une tradition républicaine car l’intérêt général ne se divise pas en clans et intérêts minuscules. Il est le bien commun . Que l’on discute dans les assemblées nationales élues qui existent ; que l’on réforme le conseil économique, social et environnemental place d’Iéna à paris, en l’ouvrant aux forces vives encore plus et qui ne serve pas à recaser des copains ou des gloires anciennes ; que l’on active les  régions  et leurs conseils  économiques régionaux, bravo .Qu’on leur associe les assemblées de proximité comme les conseils départementaux et les mairies c’est encore mieux. Que la loi impose des rapports qui doivent être suivis d’effets dans les mois qui suivent et ce sera du concret. Et que l’on puisse personnaliser selon les territoires quitte à faire des expérimentations  contrôlées .  Mais que l’on ne crée pas des usines à gag qui polluent pour rien,  des machins biologiques  nouveaux avec des citoyens tirés au sort qui ne sortiront que par la force des baïonnettes .La démagogie n’a jamais rien fait avancer. Il y a déjà  suffisamment de lieux  officiels publics donc sous le contrôle du peuple,  pour s’écouter ,à défaut de s’entendre . Cela évitera les discussions de café du commerce (bien que je sois pour  la présence obligatoire d’un bistrot dans chaque commune  ce qui crée du lien et permet de voir et de discuter avec son semblable ou des autorités locales).  En exigeant et obtenant le ric les gilets jaunes se tireraient une balle dans le pied car il y aurait une majorité silencieuse  qui n’approuve ni leurs manières de faire  ni leurs souhaits ou rêves, qui se réveillerait pour leur donner tort : ils seraient ainsi encore plus frustrés . Il ne suffit pas d’être de bonne foi et d’avoir raison pour gagner . 42 ans de barreau et de fréquentation de la justice me l’ont appris. La démocratie représentative de la 5 ème république  a 60 ans (1958-2018). Elle a besoin d’être rajeunie mais pas d’être mise au rebut au profit de ce que l’on ne connait pas : l’essai dans ce genre de domaine peut finir mal, et conduire à un besoin d’ordre avec limitation des libertés individuelles et  publiques . Chacun sait que dans la famille  tout le monde dont  le petit dernier doivent  s’exprimer quand ils grandissent  mais ils  ne peuvent  remplacer l’acquis et l’autorité  des parents . A la maison   la démocratie exige un minimum de respect  , de représentation, et de considération. Collectivement c’est pareil . On a besoin d’un cadre institutionnel fort, stable qui permet de profiter de toutes les libertés dont celle de n’être pas d’accord et de manifester et d’un Etat  pérenne dont le périmètre doit être revu car il ne peut s’occuper de tout, de la sécurité, des entreprises, des salariés, de l’air, des élus, des mœurs, de notre voiture… donc de notre bien être. Mais on a aussi le droit de vouloir la paix sociale et civile, le respect des autres et de la loi,  et la concorde. L’Etat est là pour assurer la redistribution et la cohésion sociale de la ville à la campagne en passant par les banlieues étrangement  silencieuses dans la pagaille  ambiante. J’espère que la nuit du 31 décembre traditionnellement  chaude ne me démentira pas.
Le demande liée à la création du ric doit être examinée avec prudence  car toute décision qui viendrait d’une démocratie directe serait acceptée de justesse , donc ric-rac.


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