mardi 7 avril 2020

Billet d’humeur d’un confiné : que nous arrive-t-il ?


Billet d’humeur d’un confiné : que nous arrive-t-il ?
Par Christian Fremaux, dépourvu de tout titre utile.
J’écris dépourvu de tout titre utile, car être avocat honoraire, ancien élu local, diplômé de prestigieux instituts, ou décoré de ci et de ça n’a aucune portée dans les difficultés actuelles, sauf pour les soignants au sens large et les médecins à la condition qu’ils soient d’accord entre eux sinon leurs commentaires sont plus anxiogènes que rassurants .Et pardonnez- moi d’être futile et long par ces moments dramatiques, car si tous n’en mouraient pas tous étaient atteints je veux dire du n’importe quoi . C’est dû à l’air ambiant. Soyez indulgents on atténue son angoisse comme on peut. Et on écrit pour passer du temps.   
 Dès la fin de la pandémie chacun va vouloir faire croire qu’il le savait, qu’il aurait fallu prendre telle ou telle mesure et que les décideurs ont été en dessous de tout, qu’ils méritent d’être condamnés pour leur nullité qui a fait des morts. L’impudence n’a pas de scrupules. Il va y avoir aussi des remises en ordre, des égos qui vont s’effondrer, des prétendus experts qui vont être démasqués, des donneurs de leçons qui vont s’effacer toute honte bue, des certitudes qui vont voler en éclat et des exigences ou des comportements qui s’estimaient fondamentaux redevenir ce qu’ils sont :  de l’écume, du secondaire pour beau temps, du bidon.
 En revanche cette séquence qui dure oblige à réfléchir à ce que nous sommes individuellement et collectivement et à quoi nous servons, si nos valeurs de toujours plus, de libertés sans limite, de droits individuels sans fin, ont un sens et nous permettent de créer une société meilleure, plus sûre, plus ouverte, plus reconnaissante .Il va falloir changer de paradigme et remettre à leur vraie place c’est- à -dire le néant  tous ceux qui ne servent à rien mais qui croient être indispensables,  et valoriser  tous  ceux  qui construisent et font tourner la société les obscurs, les sans grades,  ou ceux qui réfléchissent et organisent  à partir de leurs compétences. Attention chaud devant comme on dit dans les restaurants quand ils réouvriront, il va y avoir du dégât. Du moins je l’espère, car si on fait comme avant pour rattraper ce qui n’a pas été produit comme richesses et qu’il faut à juste titre reconstruire mais pas seulement à l’identique, on n’aura rien compris. On fait une pause imposée ce qui est inespéré dans la course folle que nous menions, et il nous est donné d’expirer fort et de penser. Profitons- en . Ne marchons plus faisons du surplace.
 Nous nous essoufflons globalement derrière une société qui a pris comme credo la mondialisation le nouveau Leviathan-celui de thomas Hobbes qui voyait l’homme ennemi de l’homme- celle qui facilite voire encourage les échanges entre les personnes et les biens pour ceux qui savent bouger et en profiter, qui n’a plus de frontières, donc d’espace ni de temps puisque internet et les réseaux sociaux n’informent plus mais aboutissent à ce que chacun donne un avis, critique, démolit l’autre sans aucune responsabilité ni regret ni remord. Qui accepte n’importe quelle thèse y compris la plus dangereuse, qui a pour nouvelle idole comme veau d’or les finances alors que la bourse vacille au premier coup d’escopette, et l’économie qui flanche immédiatement puisque les industries y compris les vitales pour notre souveraineté ont été délocalisées, ce qui a vidé nos territoires et mis à l’arrêt forcé ceux qui veulent travailler tout simplement pour vivre sans exiger de faire fortune !  Ces prétendues avancées selon les élites qui en bénéficient sont -elles un bien, comme le serait le progrès technologique ou biologique dans tous les domaines qui conduit à modifier l’homme/la femme, pour l’augmenter ou lui permettre d’obtenir ce que la nature lui refuse ?
  L’inégalité des chances ne se résorbe pas forcément en jouant à l’apprenti sorcier et en démolissant ce qui existait ou ce qui avait fait ses preuves.  Une nation n’est pas une start-up qui n’a pas d’archives, qui invente des applications sans savoir si elle va satisfaire le plus grand nombre, et à quels prix tant matériellement que moralement.  Il y a des valeurs immatérielles qui ne supportent pas d’être passées à la moulinette du prétendu progrès. Il faut donc profiter de l’obligation d’être immobile, de rester chez soi, pour profiter du temps d’arrêt contraint et réfléchir pour après car il y en aura un à plus ou moins long terme.  De s’interroger soi -même, car nous sommes tous responsables d’avoir laissé la société divaguer comme cela, sur ce qui est fondamental, puis essentiel, puis important et ce qui relève de l’accessoire et de nos désirs. Et de quel genre de société nous voulons, de nos valeurs collectives qui doivent être coulées dans le marbre et non négociables, de notre socle commun qui permet à chacun de bâtir un avenir commun d’où qu’il vienne avec sa personnalité et sa culture, de nos libertés publiques et individuelles, de notre solidarité, de nos ambitions, de notre puissance, de notre exemple humaniste. Et j’ose le mot engagement spirituel -je ne veux pas dire drôle, mais de l’ordre de l’esprit, de l’âme pour certains sans croire en quiconque- surtout que la laïcité chez nous est une digue que dis- je après Edmond Rostand, un roc, un cap, une péninsule … je me réserve le pic quand celui de l’épidémie sera atteint !  
Le confinement doit nous permettre de faire  une sorte d’introspection individuelle et collective, pour pouvoir ensuite discuter démocratiquement de notre avenir, et de prévoir ce qui pourrait arriver de pire, le pire n’étant jamais certain , et surtout de vivre en bonne harmonie -je n’aime pas le terme vivre-ensemble qui pour moi n’a pas grande signification réelle dans une société individualiste où chacun a sa vérité et ses rejets on le voit avec l’interprétation personnelle du confinement-- sans exagération ou indignation  pour tout et rien .
 Sans crier au racisme, à la discrimination, au scandale pour tout sujet.  Notre classe politique et intellectuelle sans oublier le milieu artistique qui bien qu’intermittent du spectacle avec le régime social avantageux qui va avec est prompt à s’enflammer en robe de soirée surtout chez de prétendues stars,  devraient  apprendre à être plus mesurés, et que l’opposition soit constructive, car personne n’a LA solution efficace et indiscutable sur aucun dossier y compris et surtout médical, et on entend parfois des  déclarations saugrenues pour ne pas écrire irresponsables ou  carrément idiotes. La démocratie n’est pas le concours Lépine d’arguments éculés ou démagogiques ou de propositions belles sur le papier ou morales à géométrie variable qui éclatent en morceaux à l’épreuve de la réalité. Ceci vaut pour tous nos éminents élus ou représentants du peuple, peuple qui n’en demande pas tant.   
Quand on est confiné comme moi, et que l’on participe à la résolution du problème sanitaire en ne faisant rien et en me calfeutrant à domicile ce qui calme sur notre importance, on s’interroge pour savoir si en temps « ordinaire » on sert à quelque chose ?   On relativise car on sait que l’on ne sait rien comme l’a déjà dit le vieux Socrate mort d’avoir bu volontairement la cigüe et non pas d’un virus quelconque, mais qu’en plus personne n’est indispensable.
Revenons à l’actualité sécuritaire ou judicaire qui est mon domaine habituel. Car rien n’arrête ceux qui ont choisi de n’obéir à rien pas à la loi surtout, qui n’ont aucune conscience morale, et qui pensent jusqu’au bout de leur nez pour faire une «  ligne » et pas plus loin, même pas à la protection de leur voisin. Le temps s’est figé mais les coups de pied aux fesses sont en réserve, je veux dire la sanction par les tribunaux. Voyons le comportement de l’homme en temps de crise ce qui permettra de dessiller les yeux et de ne pas croire que tout le monde peut être bon, et que la société le pervertit comme l’a écrit Rousseau en se promenant dans les bois enchanteurs d’Ermenonville (Oise mon département de famille).Certes il faut donner sa chance à celui qui a fauté, mais certains ont moins besoin de chances que d’autres et la société a le droit de se protéger, dans le respect des droits de la défense , des droits de l’homme et des grands principes humanistes qui sont notre marque mondiale d’existence et de reconnaissance, qui peuvent néanmoins  être adaptés à des circonstances exceptionnelles. Comme le disait Clémenceau : « le gouvernement a pour mission de faire que les bons citoyens soient tranquilles, que les mauvais ne le soient pas » (discours de Verdun 14 juillet 1919) et il ajoutait : « il faut savoir ce que l’on veut ».   
Il fallait bien que cela arrive car la crise sanitaire qui concentre nos attentions n’a pas éliminé les autres sources de tracas.  Il y a eu à Romans-sur-Isère un attentat au couteau qui a fait deux morts et des blessés, commis par un soudanais. Je ne sais pas s’il s’agit d’un migrant illégal, ou d’un réfugié politique qui à l’issue d’un processus judiciaire a reçu la protection de la France, sa confiance et qui reçoit des subsides et des droits. J’ai peu lu sur son cas dans la presse qui est publiée au compte- goutte, mais il semblait vivre en foyer, et n’aurait pas supporté le confinement, aurait ainsi été « aigri » (sic) mais se serait quand même référé au classique Allahou Akbar qui doit être un cri de détresse ou de joie puisque nous sommes en période des rameaux, même si le pape abandonné provisoirement  par les fidèles au Vatican prononce la messe seul , ce qui montre son humilité . Le parquet antiterroriste s’est saisi du cas de l’assassin déconfiné mais pas décomplexé ou déradicalisé. Il a été arrêté vivant, et on va essayer de connaitre ses motivations (même si on se doute de celles-ci) et je souhaite que son enfermement en prison n’aille pas le perturber encore plus, pauvre victime indirecte du covid-19 !  
La sécurité est d’autant plus importante que certains profitent de la situation pour escroquer, voler, détruire, être violent. Les forces de l’ordre équipées comme elles le peuvent tentent de maintenir l’ordre public et dans les familles où les violences conjugales se multiplient. Seront-ils considérés aussi comme des héros comme après les attentats contre Charlie Hebdo, l’avenir le dira.
Il parait que des habitants dans certains quartiers ne peuvent observer le confinement car ils vivent serrés dans de petits appartements ( ce fut mon cas jusque 20 ans y compris pendant mai 68 dans un  minuscule deux pièces à Asnières avec ma mère, mon frère, et mon père d’1,88 m et 110 kg, policier de surcroît) et n’ont que des portables et de grandes télévisions mais pas d’ordinateurs ou d’imprimantes, et qu’ainsi ils sont discriminés, que les inégalités entre les territoires se dévoilent et s’il y a de la haine, c’est par inadvertance, à leur insu de leur plein gré ! Bien sûr les forces de l ’ordre ou les pompiers et médecins continuent d’être caillassés ce qui doit faire partie de l’activité sportive autorisée pendant le confinement, quand ils osent se montrer. Une fillette a été blessée le 4 avril lors d’un affrontement entre les dealers qui continuent leurs trafics en renouvelant les modes de paiement et en livrant à domicile, et les policiers.  Malgré les efforts des exécutifs qui se succèdent, va-t-on un jour réussir à éradiquer cette économie souterraine et permettre aux habitants honnêtes de ces quartiers perdus, avec leur aide de vivre comme tous les citoyens dans le calme et la légalité ?  
 Mais c’est faire preuve de racisme que de vouloir critiquer. Alors cachons les faits sous le tapis (je ne veux pas écrire qui vient d’orient) et je serai ainsi politiquement correct. 
Je change de cible car il en faut pour tout le monde y compris dans de beaux quartiers où vivent des habitants belles âmes, cultivés et humanistes proclamés souvent à condition que l’on mette ceux qui dérangent chez les autres, ne manquant de rien, pas même d’espace ou d’affirmations je veux dire de culot, de certitudes car eux ne doutent jamais. C’est à cela qu’on les reconnait disait Michel Audiard, avec une autre catégorie très répandue.  Certains sont partis se confiner au vert : au moins ils ne manqueront pas d’air ce qui est leur qualité première pour dénoncer l’injustice, l’inaction de l’Etat en matière de climat et de santé publique ; et exiger la transition énergétique sur le champ, celui qu’ils viennent de quitter. Sans oublier les méfaits du libéralisme débridé voire le retour de l’Etat qui n’en peut mais.      
J’aborde un autre sujet sans aucun rapport avec ce qui précède.  Ceux qui dénoncent de façon anonyme leurs voisins qui prennent leurs aises avec les consignes officielles n’ont pas raison. Ce n’est évidemment pas civique de prendre un risque -sauf s’il l’est pour le bien commun - et ainsi d’en faire supporter un aux autres, mais la dénonciation rappelle de mauvais souvenirs et n’est pas à la hauteur des principes qu’il faut respecter. Ces deux attitudes nous obligeront à réfléchir sur le sens de la loi, notre rapport moral au prochain, ce que l’on peut tolérer et ce que l’on rejette, le respect de la règle, le droit des minorités, celui de la majorité même silencieuse, des devoirs collectifs et à revoir notre adhésion personnelle à ce qui a été décidé dans l’intérêt de tous.
On ne peut approuver ceux qui demandent à des soignants d’aller habiter ailleurs pour ne pas les mettre en danger, par le simple fait qu’ils sont au contact de malades. Ces angoissés n’honorent pas la république et je les plains d’avoir peur qui est toujours mauvaise conseillère.  Ils sont ou seront contents comme les habitants des quartiers que j’ai cités ci- dessus, de trouver du personnel soignant pour les accueillir si besoin dans les hôpitaux et seront les premiers à exiger tout ce que la thérapeutique moderne permet, qu’ils soient assurés sociaux ou non, qu’ils paient des impôts ou non, qu’ils aient des ressources ou non.  
Comme d’habitude en période de crise, les individus se révèlent et si on applaudit les héros à 20 heures, il y a des zéros pointés plus nombreux qu’on ne le pense.  On le vit depuis des années avec les donneurs de leçons, les spécialistes du bon et du bien, de leur morale, les détenteurs de la vérité scientifique ou humaine voire de la nature, du ciel et de la terre, les dénonciateurs de ce qui ne leur apparait pas comme moderne ou tendance…  
Tout cela au-delà du règlement de la crise sanitaire, va nous obliger à repenser les priorités de notre société, à revitaliser les valeurs de la république, à déboulonner les fausses idoles et les grands prêtres autoproclamés du progrès , à reconsidérer ce que sont nos intérêts vitaux, à reconstruire  une industrie essentielle relocalisée dans nos territoires, irrigués par les commerces, les artisans, les services publics de proximité,  avec des citoyens  qui veulent être vivants sur place et protégés,  produire , participer et être considérés en ayant voté pour choisir leurs dirigeants locaux, ceux qui partagent avec eux  les bons moments comme les mauvais. L’heure de la vraie décentralisation est arrivée.
  Il faudra aussi revoir nos systèmes de solidarité et de redistribution, ne pas calmer des exigences particulières sous le chantage d’émeutes ou du droit à la différence par du saupoudrage financier, ou au prétexte de discrimination structurelle. L’Etat providence vient de jouer son rôle, mais il ne doit pas être gérant. Il doit permettre à chacun de se prendre en mains et d’avoir les mêmes chances.  L’Etat doit être garant, et l’état de droit sert à sanctionner toute fraude, toute inégalité causée volontairement, et le non -respect de la loi votée démocratiquement au parlement, qu’elle nous convienne ou non.
 N’ayant aucune responsabilité, je viens de beaucoup critiquer l’Etat et le pouvoir exécutif sur sa gestion de la crise, son impréparation, ses doctrines contradictoires qui masquent des carences et des hésitations même s’il s’agit d’une pandémie qu’aucun dirigeant le plus avisé n’avait anticipé.  C’est vrai mais la priorité ne me semble pas de trainer en justice tous ceux qui sont responsables et/ou qui ont fauté. On pourra s’en occuper à loisir quand tout sera rentré dans l’ordre car personne n’échappe à sa responsabilité politique, morale, judiciaire, y compris ceux qui n’ayant aucun pouvoir jugent décontractés, ou ceux qui ayant quelque influence ont préféré se mettre aux abonnés absents voire se confiner là où ils pensent que le virus ne les trouvera pas, ou font supporter leurs décisions sur les autres.
Nous sommes tous un peu responsables non pas du virus, mais des institutions que nous avons voulu par nos votes , de la lourdeur de nos administrations qui sont cependant notre colonne vertébrale, de notre recherche des économies dans tous les secteurs, d’avoir cru que plus rien de grave n’arriverait puisqu’il n’y avait plus de guerre en Europe depuis 1945 avec une sorte d’entente cordiale et que nous gérions au mieux les conséquences des trente glorieuses, avec le danger de crises financières qui avec le réchauffement climatique étaient l’ennemi. C’est tout. On s’est leurré et on ne s’est pas méfié. Nos dirigeants nous ont suivi puisque ce sont les chefs. Et nos polémiques ont porté sur des sujets subalternes souvent minables. La violence endémique y compris dans les débats publics et les réclamations de tout ordre nous ont caché l’essentiel. Il faut donc payer la facture après avoir pansé les plaies et aider à rebondir.  Ce n’est pas la faute de quelqu’un, ou d’une catégorie sociale ou d’un monstre froid et caché en particulier. Il ne faut pas voir des comploteurs partout.  Il va falloir se rassembler de nouveau et rebâtir de façon différente en profitant d’avoir compris ce qui n’allait pas, comment aider et protéger, qui étaient essentiels à la vie de la société et qui n’étaient pas vitaux, qui sont des fausses gloires.   
 C’est une bonne nouvelle. C’est un projet de société exaltant. Ordo ab chao disent les philosophes. Ce qui permet de construire une nouvelle organisation plus efficace, plus soucieuse d’égalité, plus protectrice, plus rassembleuse, porteuse d’un projet commun, et qui fonctionne démocratiquement chacun y ayant sa place à son niveau.  On dit que des périodes de crise majeure peuvent engendrer des bénéfices nouveaux et donc un progrès général. Certains se dépassent, se révèlent dans le mieux et l’abnégation le plus grand nombre heureusement. D’autres sont petits, intolérants, égoïstes et ne participent à rien. C’est désolant mais c’est la nature humaine qu’il faut essayer d’améliorer comme Sisyphe remontait inlassablement son rocher. 
 J’accepte l’augure que du mal sortira le bien.
Mais je ne me berce pas d’illusions ce n’est pas le moindre de mes défauts. Dès la sortie de la crise, ceux que l’on ne voient plus -car ils n’ont aucune légitimité pour agir- ou qui se taisent à l’abri puisqu’ ils sont confinés et respectent les consignes, en dispensant ici et là des critiques voilées ou sévères car eux savaient ce qu’il aurait fallu faire, vont réapparaitre sur les écrans et devant les micros. Ils vont dénoncer avec des mots forts  ce scandale qui vient d’avoir lieu, cette atteinte inouïe  aux libertés qu’on leur a fait voter voire avaler  de façon abusive,  ces mesures liberticides, ces restrictions ou extensions pour le patronat  jamais vues au droit du travail, les inégalités qui ont surgi entre ceux qui pouvaient aller se réfugier en province et ceux qui restaient confinés dans leur cellule familiale… et  ils demanderont  sérieusement que des têtes tombent comme du temps de Robespierre pour les ennemis du peuple,  et  si on n’a pas glissé vers un régime autoritaire que l’on voudrait poursuivre, l’état d’urgence permettant au pouvoir exécutif de gouverner par ordonnances, donc sans  un vrai contrôle du parlement. La tentation totalitaire résultant du covid-19 me parait être un fantasme et le virus peut être dans les têtes même de porteurs sains. Le président Macron n’a pas tenté de gouverner avec l’article 16 de la constitution et les ordonnances suite aux lois votées sont limitées dans le temps et l’espace.
J’espère avoir tout faux et imaginer des déclarations d’intentions. Attendons pour voir.
 Comme la démocratie doit vivre, on parlera des élections municipales car  il y a eu plus de 30.000 maires élus au premier tour le 15 mars et autant de communes qui ont un conseil municipal qui va pourvoir s’activer aussitôt .Mais les plus grandes ou les moyennes villes  celles qui permettent aux exégètes politiques de dire si tel parti a gagné ou non le scrutin et de tirer des plans sur la comète pour l’avenir, n’ont eu qu’un tour non décisif  pour  la plupart, et il faudra soit organiser seulement  le 2ème tour, soit tout recommencer les professeurs de droit constitutionnel ayant chacun une théorie.   Puis on discutera d’un plan de relance pour l’économie comme celui du plan Marshall après la 2ème guerre mondiale comment sauver commerces et entreprises, sans oublier les professions libérales. Sauf qu’il faudra que ledit plan soit de préférence européen, voire mondial pour éviter qu’un pays fasse main basse sur les autres. Suivez mon regard vers l’ouest s’il le peut, ou l’orient qui a donné le signal de départ de la pandémie. Et le mieux serait que l’on trouve en nous les ressources morales et financières nécessaires ce qui serait le renforcement de notre souveraineté. Mais cela veut dire des efforts et de savoir qui paiera ?  Les syndicats voudront avoir la récompense du travail de ceux qui ont préservé l’essentiel. Et peut- être évoqueront- ils la grève, symbole de l’ancien monde et de l’avant crise ?  Je ne sais pas quelle autre question sera posée la première, si les réformes qui ont tant plombé le 1er trimestre 2020 comme celle des retraites auront encore un sens, et si les gilets jaunes reprendront leur combat. La vraie bonne nouvelle quand il y aura reprise c’est que le virus aura disparu et que nous reprendrons le cours ordinaire de notre vie. 
Albert Camus que l’on a beaucoup relu ces temps- ci et il faut s’en féliciter déclarait à Stockholm en 1957 au moment de la remise du prix Nobel de littérature dont il était le lauréat : « chaque génération sans doute se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse ». Je crois que c’est aussi le défi qui nous attend désormais. Bien que nous soyons dans un village global et que la planète est à feu et à sang.
 Nous voulions protéger les générations futures lors de la discussion sur la réforme des retraites. Si ces générations futures ne constatent pas que nous avons réfréné nos envies, si nous avons maintenu nos acquis, si on n’a voulu rien changer alors nous les aurons sacrifiées. La crise sanitaire n’aura pas eu de sens : nous serons restés sur nos positions irréductibles ce qui est consternant et nous aurons préféré couler debout plutôt que d’écoper ou de céder en lançant des chaloupes à la mer pour sauver ce qui peut l’être. Il ne doit y avoir que des gagnants.
 L’utopie est belle et nécessaire mais elle ne peut prospérer que s’il y a des fondements solides à la société, et s’il y a des projets communs, un destin d’hommes et de femmes qui poursuivent le même but tout en pouvant emprunter des chemins de traverse, au service d’une ambition globale.  
Je pense que cette crise nous a permis de nous immobiliser pour faire le point. Il faut en profiter pour inventer un nouvel art de vivre, de rénover nos principes de gouvernance, avec plus de transparence, de participation et d’écouter les gens plutôt que de suivre pour toute chose  les experts ou prétendus sachants  qui ont un rôle naturellement à jouer mais ne sont pas les décideurs ;  de consolider nos valeurs en les explicitant pour qu’elles soient bien comprises ; de renforcer la république qui rassemble  et de concentrer l’Etat sur ses fonctions régaliennes ; de libérer les initiatives  et les énergies avec une administration plus agile comme on le dit actuellement ; de faire confiance aux élus de proximité ; et de ne voter que des lois utiles, générales et non destinées à une infime minorité,  non bavardes, claires que la justice fondamentale dans un état de droit doit protéger et interpréter si nécessaire.   On ne doit plus tout attendre de l’Etat sauf crise majeure et qu’il soutienne les plus faibles en réduisant les inégalités ou les discriminations et en favorisant l’émergence d’une société plus juste, sans qu’il y ait de boucs-émissaires car chacun est un anneau de la chaine. Et en entretenant des relations diplomatiques, commerciales, économiques et sociales, linguistiques et culturelles, donnant l’espoir à ceux qui en ont besoin, ouvertes et fraternelles car tout n’a pas un coût, avec les autres pays et leurs peuples surtout ceux qui sont très mal au point et souffrent, car il y a toujours plus mal loti que soi.  La vocation universelle de la France ne se marchande pas et le repli sur soi n’est jamais positif.
Que nous arrive-t-il ? D’être lucides sire car c’est une révolution pacifique des esprits qui se prépare et elle débouchera sur une société française pacifiée et active. A ceux qui demandaient au duc de Talleyrand -Périgord ce qu’il avait fait pendant la révolution où les têtes tombaient comme les corps à Gravelotte (bataille de 1870), Maurice répondait : « j’ai vécu » et pour justifier son rôle à Vienne pour préserver après l’échec de Napoléon la place de la France dans le concert des grandes puissances il disait « j’ai boité ».
L’espérance c’est la vie.  

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