samedi 11 janvier 2020

Dis moi d'où tu viens je te dirai si tu as raison

    Dis moi d’où tu viens je te dirai si tu as raison.
Par Christian Fremaux avocat honoraire, élu local, et citoyen saturé.


Au commencement était le verbe on le sait en tous les cas pour ceux qui connaissent l’origine chrétienne de la fille ainée de l’église, mais pas que car certains ne croient à rien et la religion quelle qu’elle soit n’est pas leur boussole. J’aime les débats et j’ai choisi d’être avocat car l’expression des idées ou arguments est pour moi fondamentale et elle permet d’expliquer et de trouver des solutions apaisantes souvent ? Mais trop c’est trop. Trop de discussions et de polémiques tue la réflexion et on ne sait plus où on en est à force d’entendre sur les médias en continu autant de versions et d’avis qu’il y a de personnes interrogées qui se piquent d’être des experts, auto-proclamés bien sûr. 
Je dois être un citoyen à part car personnellement aucun institut de sondage ne m’a jamais demandé mon avis même sur le prix de la carotte ou les 90 kms à heure, ou l’usage du plastique. Sur des sujets fondamentaux comme la démocratie, la justice sociale, la violence, la légitimité de M.Macron ou de M.Martinez ou sur les valeurs républicaines qui incluent les devoirs et le respect des autres, encore moins. On ne m’a pas interrogé non plus sur le projet de réforme de retraite universelle avec lequel je suis pour en corrigeant l’âge pivot pour le rendre plus acceptable bien qu’il soit indispensable, mais contre le fait que l’on touche à mon régime de caisse créditrice autonome du barreau dont je profite : c’est humain.
C’est le règne de l’à peu près et /ou des affirmations péremptoires qui se veulent être indépassables et définitives. Le doute a disparu des esprits et chacun estime détenir la vérité qu’il veut imposer à l’autre. Le principe est de passer en force comme on l’entend souvent c’est-à-dire de maintenir des avantages ou de légiférer avec l’aide d’une majorité docile, inféodée à je ne sais qui et quoi et ainsi contraindre le petit peuple qui ploie sous le joug. On serait presque selon des excités dans une dictature molle qui ne dit pas son nom ! Tout ce qui est excessif est insignifiant disait le prince de Talleyrand-Périgord.
 En réalité on est cru ou non selon le camp dans lequel les autres nous rangent et surtout caricaturent. Le camp du bien est défini par ceux qui s’opposent à tout ou proposent des solutions qui décoiffent ou veulent choquer le bourgeois et qui se proclament progressistes comme si le progrès était de tout bouleverser, de dire oui à toutes minorités, de ne pas mettre de limites, de ne pas être réalistes, et de renvoyer la responsabilité sur les autres. Le camp du mal qui est honni est composé de gens raisonnables qui réfléchissent au -delà de leurs intérêts personnels, ceux qui paient, assument des responsabilités diverses, respectent le verdict des élections même si le résultat ne leur convient pas, sont pour des valeurs traditionnelles qui assurent la cohésion sociale et récusent la force ou la menace dans les rapports sociaux.   
La parole des uns est ainsi sacralisée, présumée être la vérité révélée, et celle des autres est discréditée et suspectée d’arrières pensées et de mille maux. Les médias aiment les bons clients ceux qui gueulent, sont vindicatifs, ne « lâchent rien ou iront jusqu’au bout », ont découvert leurs vocations de contestataires professionnels, ne proposent rien de concret sauf la mort du capitalisme ou de l’ultra libéralisme pour faire court et démagogique mais ils croient « défendre le peuple » : pas moi par parenthèse je n’ai pas besoin d’avocat.
Celui qui a le malheur-car il est moderne de dire que les « élites » ne représentent rien et qu’on n’a pas fait d’études car on n’en avait pas les moyens ce qui est parfois vrai d’ailleurs- d’avoir des diplômes après avoir un peu sacrifier de sa jeunesse, d’exercer une profession reconnue  avec des horaires improbables, qui ont des revenus conséquents (comme ceux de M.Martinez bien payé et on s’en réjouit) qui excédent la moyenne de ceux  de la majorité des travailleurs, n’a à être ni entendu ni écouté car il défendrait son intérêt de classe ce qui est suspect.  On n’évoque jamais le terme intérêt général, on préfère statuts qui datent de Mathusalem, ou régimes avec des spécificités qui justifient des privilèges. Bientôt chaque métier aura une pénibilité revendiquée ne serait- ce que celle de devoir travailler. Et on se moque ou on passe aux pertes ceux qui sont restés sur le carreau puisqu’il ne faudrait rien changer. Bonjour la solidarité avec les plus faibles.
  Le philosophe Michel Onfray que je lis et que j’admire généralement car il réfléchit librement sur la société et distribue ses coups à droite comme à gauche, dans son dernier livre « grandeur du petit peuple » s’est laissé aller à illustrer cette tendance d’être partial. Il rappelle que ses parents ont été ouvrier agricole et femme de ménage et que sa famille actuelle exerce des métiers de base pour faire l’éloge des gilets jaunes qui pensent -ce dont personne ne doute- et dont quelques-uns ont défendu le symbole de l’arc de triomphe et de la stèle du maréchal Juin- ce dont on les félicite. Il y a des gens biens dans tous les camps.
 En revanche il ne se gêne pas pour critiquer les bobos parisiens et on partage partiellement son analyse car ces derniers ne sont pas coupables de tout et je ne les fréquente pas. Le quidam individualiste a aussi des exigences qu’il faut satisfaire.  M.Onfray fait sincèrement l’éloge du peuple et critique vertement les élites dont il fait d’ailleurs partie : il est un exemple du mérite républicain puisque vivant en province dans un milieu défavorisé il a réussi à devenir docteur d’Etat en philosophie, à animer une université populaire, à être une grande vedette des médias, et à vendre des centaines de milliers de livres brillants. Il est lui -même un contre- exemple de ce qu’il dénonce. Comme quoi être binaire et vouloir trop démontrer ne sert à rien. Il faut la base sur laquelle s’appuie ceux qui doivent prendre les décisions pour faire grandir tout le monde.
Michel Onfray écrit : «… car les révolutions ne sont jamais que des girations(mouvements circulaires) qui reconduisent les plus modestes à leur point de départ. Une fois qu’elles ont eu lieu (les révolutions) elles remplacent une tyrannie par une autre. Elles abolissent le dictateur pour faire place à son semblable : il porte juste d’autres vêtements ».  Michel Onfray a raison et qu’on en prenne de la graine, ou du grain à moudre comme on dit en matière de conflits sociaux.
On peut cependant faire la synthèse. J’habite souvent à la campagne dans une commune rurale de 600 habitants qui est le berceau de ma famille où je suis élu ; et je vis aussi à Paris où j’exerce ma profession d’avocat et diverses activités (bénévoles). Je suis donc un rat (ou plutôt un souriceau) des champs et de ville. Comment donc me classer et comment apprécier ce que j’écris ou me critiquer en fonction de là d’où je viens.
Le mieux est donc d’écouter dans le calme et sans s’invectiver ceux qui s’expriment avec modération et raison en posant comme principe qu’ils sont de bonne foi.  Et en confrontant les arguments pour retenir ceux qui sont fondés ou peuvent s’améliorer et ceux qui sont toujours négatifs quoiqu’on dise. Ceux qui viennent aux négociations pour dire qu’il n’y a rien à négocier et qu’il faut retirer tout projet ont une conception sectaire du débat, social notamment car celui-ci ne peut qu’être le fruit de compromis. Les défilés et les blocages n’honorent pas notre pays.  Je ne dois pas être le seul à être fatigué par les dialogues de sourds. Nous devons tendre vers la tolérance, le rassemblement, la concession même si nous ne pouvons tous être d’accord. C’est de cette démocratie là que je viens.    

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