dimanche 9 décembre 2018

ACADÉMIE DES SCIENCES D’OUTRE-MER. Séance du vendredi 7 décembre 2018 : « La CPI et l’Afrique »


 ACADEMIE DES SCIENCES D’OUTRE-MER. Séance du vendredi 7 décembre 2018 : « La CPI et l’Afrique »
 par Me Christian FREMAUX avocat honoraire au barreau de paris.  
M. le président de l’académie des sciences d’outre mer,  
M. le secrétaire perpétuel ,
Mesdames et messieurs les académiciens,
Mesdames et  messieurs,
Nous allons évoquer  la justice pénale -celle qui sanctionne, punit, emprisonne ou …  acquitte un INDIVIDU et non un groupe, une entité ou un Etat (sauf pour les crimes d’agression depuis juillet 2018)-  , et en particulier  la justice pénale internationale  représentée par la COUR PENALE INTERNATIONALE qui siège à La Haye (Pays-Bas).
J’ai commencé à réfléchir au début de l’année 2018 au sujet  à savoir pourquoi des Etats d’Afrique voulait la quitter en pensant que l’ Afrique était particulièrement visée par les poursuites. Et que cela devenait injuste.  Mais ce stade est dépassé.
 J’ai dû progressivement revoir ma copie car l’actualité évolue chaque jour et  il y a eu au moins un coup de théâtre : M.J.P. Bemba de la  RCA qui avait été condamné à 18 ans de prison comme chef de guerre du Mouvement de libération du Congo et qui avait envoyé en 2002 ses troupes en Centrafrique a été… acquitté en juin  dernier sous les hourrahs pour les uns  et sifflets pour les autres , les victimes en particulier. On s’est interrogé sur les motivations de la cour…
Et s’y est ajouté le fait que depuis quelques semaines  divers Etats non africains- sont passés  aussi sous les fourches  caudines de la cour . Les USA ont « piqué » une colère noire- si j’ose dire- car la cour s’est intéressée à son cas parmi d’autres comme celui des anglais, des vénézueliens et désormais des combattants au Yémen. Jusqu’où et jusqu’à qui va-t-on aller ? Les chancelleries cherchent des parades.
La cour prend une importance considérable puisque divers Etats dont des puissants la critiquent. Voire menacent les juges ! Le sujet d’un peu théorique est  devenu  majeur car on touche à des hommes et femmes qui représentent des Etats établis, souvent donneurs de leçons. 


Nous allons donc  nous interroger pour savoir si la cour  est  vraiment utile- car elle est décriée comme toute justice - ; si elle est partiale comme certains pays d’Afrique le soutiennent  en voulant la quitter et  en la récusant ; si elle joue un rôle dans les relations internationales et dans la bonne gouvernance celle qui permet de prendre le pouvoir par le droit,  par les urnes et pas par les armes ; en un mot si cette justice est « crainte » et  est efficace  pour contribuer à la paix dans le monde en établissant des règles qui pourraient être universelles ou du moins respectées par les individus qui se battent pour parvenir au pouvoir. 
Nous parlerons implicitement politique c’est -à -dire  le gouvernement des hommes avec leurs forces et leurs faiblesses , et surtout les limites à ne pas dépasser pour arriver ou conserver le pouvoir. Ou pour y venir : je pense au cas de M.Jean- Pierre Bemba de R.D.C. qui a  la suite de son acquittement a voulu être candidat aux élections présidentielles dans quelques jours fin décembre 2018,  mais la commission électorale n’a pas retenu sa candidature…

J’ai  donc l’honneur de me présenter devant vous pour évoquer  la COUR PENALE INTERNATIONALE (C.P.I.)  dans ses relations avec les Etats africains et  avec ses dirigeants surtout passés et ses hauts cadres militaires -parfois toujours en place ou pas loin-qui ont participé à des actions qui leur sont reprochées.
Vous voudrez bien prendre mes propos pour ce qu’ils sont, c’est -à- dire certainement insuffisants car je n’entrerai pas dans les détails des cas que je vais citer ; partiaux  aussi parce que ce sont les propos d’un avocat  qui défend  un cas,  une thèse et à qui on ne demande pas de trouver LA vérité mais de s’en approcher le plus possible. L’avocat ne rend pas les jugements. C’est vous qui m’écoutez qui serez les juges et qui aurez une intime conviction  pour vous prononcer sur  l’existence de la cour pénale internationale ,sur son utilité et ses succès , ou sur ce qui lui manque. 

C’est un euphémisme de dire d’emblée  que justice internationale et dirigeants africains destitués et / ou poursuivis ne sont pas navigants ensemble sur un long fleuve tranquille et que les relations sont plutôt tendues .Mais il faut le reconnaitre :  toutes les procédures ouvertes depuis 2002 dans 8 Etats ont concerné l’Afrique .Certains n’aiment pas. Personne n’aime d’ailleurs de devoir rendre des comptes.
Mais quand il s’agit de chefs d’Etat ou de chef de guerre, ou de ceux qui prétendent arriver au pouvoir, ou qui y sont parvenus la menace judiciaire est impensable : c’est forcément un complot et on leur en veut pour des raisons incompréhensibles. Eux seuls peuvent guider le peuple pensent -ils et ils n’ont à rendre des comptes qu’à celui-ci. Mais les peuples ont évolué. Ils n’acceptent plus la fatalité, le déterminisme,  ont une conscience sensible, plus de connaissances,  sont avides de transparence,  et d’égalité quand il s’agit de s’expliquer : le règne de l’impunité est terminé.    
 
Avec les médias l’opinion publique a désormais sur le plan interne un poids considérable, et l’opinion internationale  existe , ne serait -ce qu’à travers les réseaux sociaux.
 Tout est grave sans hiérarchisation des priorités et sans mesure. On cède à la dictature de l’émotion et de la transparence. Vaste débat.
La justice n’échappe pas à cette remise en question  parce que l’on a besoin d’exemples et de valeurs auxquels croire, d’objectivité ce qui se construit,  et parce  que les jugements ou arrêts rendus ont une portée pour ceux qui ont vécu les drames, pour les pays qui les ont subis et pour les responsables politiques , militaires ou autres qui les ont commandés, justifiés, et parfois laissés faire . L’individu aussi existe et ne doit pas être pris pour une variable d’ajustement.
 Ce qui incite les successeurs ceux qui ont triomphé ou  n’ont pas perdu, à la prudence non pas toujours par conviction mais  au moins par raison au-delà de leurs croyances ou haines;  il est préférable de respecter un minimum de droit, de faire semblant d’écouter les conseils de modération et de sagesse démocratique plutôt que de comparaitre devant des juges et finir dans une cellule, voire dans des conditions plus brutales  et définitives.
 Il a fallu suppléer  à l’IMPUNITE portée comme un étendard par certains qui croyaient détenir la vérité avec le pouvoir absolu, s’étaient  résolus-volontairement  ou par «  inadvertance » ou faiblesse sous l’amicale pression de leurs partisans ? à  faire le mal  pour aboutir à leur bien, celui qu’ils avaient choisi en toute conscience, et qui ne s’estimaient pas responsables des effets  directs ou collatéraux  de leur politique, des ordres qu’ils avaient donnés ou reçus ou des exactions qu’ils avaient laissées faire ou théorisées.
 Nous devons balayer devant notre porte et ne pas infliger  en permanence  des leçons de gouvernance, de vivre ensemble , de droits de l’homme et de justice aux autres : nous devons d’abord donner l’exemple,  éduquer, faire savoir les principes en aidant  tous ceux qui nous le demandent ou qui en ont besoin. L’état de droit se construit, la démocratie aussi, et la justice est au centre des rapports sociaux et humains.
 
 Après ces modestes  considérations sur la justice en général et sa place dans la société avec ses principes, nous allons nous interroger sur la COUR PENALE INTERNATIONALE. C’est-à-dire parler  à  travers un ordre public international, de   responsabilité individuelle et d’un instrument qui permet  d’avancer vers la paix.

La C.P.I. est méconnue  par les particuliers en général,  est  approuvée par le plus grand nombre des Etats qui ont compris ses objectifs  et idéaux, mais décriée bien sûr pour des motifs que l’on va évoquer et surtout  par ceux qui comparaissent devant elle. On s’interroge sur les intentions de la C.P.I. : pourquoi s’est -elle intéressée à tel dirigeant plutôt qu’un autre ? pourquoi avoir choisi tel pays et telle région ? pourquoi qualifier d’inadmissibles telles ou telles actions alors qu’ils font pire à côté  ou sur d’autres continents ?
Si la C.P.I. n’existait pas est-ce que le monde irait mieux, est-ce que les conflits seraient moins barbares ? est -ce- qu’il y aurait la paix ?  est-ce-que l’Homme -ou la femme parité oblige-, serait plus raisonnable et fraternel sachant que l’homme est ce qu’il est .  L’humanisme doit triompher mais il faut l’aider à réussir.
Une juridiction internationale a des contradictions, prend des décisions qui parfois n’arrangent rien sur le terrain même si la justice a été rendue . Certaines parties furieuses de tels ou tels jugements veulent quitter la cour pénale internationale : mais pour aller où ? pour la remplacer par quoi ? Pour se juger entre soi  ce qui est la plus mauvaise des solutions .
Des principes doivent la guider.
Robert Jackson l’un de ceux qui représentaient le ministère public au procès de Nuremberg en 1945 a déclaré : «  Nous devons accomplir notre tâche avec détachement et intégrité intellectuelle  afin que ce procès représente pour la postérité la réalisation des aspirations humaines à la justice ».
Nous y sommes dans la postérité si l’on peut dire. La cour pénale internationale a été créée en 1998 soit 53 ans après la fin du procès de Nuremberg. De 1945 à 1998 il y a eu bien des conflits, bien des guerres, bien des crimes, bien des victimes.
 Avant de parler stricto sensu de la C.P.I. de ses avantages et défauts, des critiques qui lui sont adressées,  je dois  planter le décor et rappeler ce qui a existé , les grands principes universels,  les expériences locales qui se sont terminées, tout ceci pour comprendre pourquoi la CPI n’a pas été créée  ex-nihilo en 1998 et comment elle s’est appropriée des précédents. Cela expliquera déjà  ce qu’est la C.P.I. et ce qu’elle n’est pas. 
J’évoquerai d’où l’on est parti (Nuremberg), la création de la CPI et ses grands modes de fonctionnement, avec quels juges ; les autres juridictions internationales avec qui il ne faut pas la confondre ; les décisions rendues qui concernent des personnalités africaines et les procès en cours ;  et  les raisons qui conduisent  certains pays africains  notamment mais il y a d’autres Etats mécontents, à  être déçus au point de  vouloir l’abandonner. Est -ce la justice des vainqueurs  ou d’une entité supérieure la communauté internationale ? Des critiques sont justes mais ,il faut expliquer le fonctionnement difficile de la CPI.
I)Le précédent majeur : Nuremberg et les principes de base.
 Il y a eu certes des tentatives au 19ème siècle  avec la conférence  de la Haye en 1899 et 1907 pour tenter de codifier le droit international humanitaire en fixant les lois et coutumes de guerre et les modalités de règlement des conflits.  Il y a eu aussi les réflexions de la convention de Genève en 1864 et 1937  .Après la 1ère guerre mondiale le traité de Versailles  dans son article 227 prévoyait la création d’un tribunal international pour juger l’empereur  Guillaume II pour « offense suprême contre la morale internationale et l’autorité sacrée des traités ». Mais le tribunal ne vit pas le jour….
L’acte fondateur d’une véritable justice internationale vient de la seconde guerre mondiale.
Il y a eu le procès de Nuremberg -justice des vainqueurs-qui s’est tenu du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946 intenté par les vainqueurs contre 24 des principaux responsables du 3ème Reich.  Ce fut l’acte I. de la fin de l’impunité. Pour la première fois des responsables politiques et militaires ont comparu devant une juridiction pénale internationale pour répondre de leurs actes. Je ne développe pas ce procès que chacun d’entre vous connait. Je n’en souligne que les apports. 
On en retient  la première mise en application de la condamnation pour « crime contre l’humanité » dont la définition fut la suivante : « l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation et  tout acte inhumain  commis contre toutes les populations civiles avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux lorsque ces actes ou persécutions , qu’ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime entrant dans la compétence du tribunal ou en liaison avec ce crime ».[ Eric David. L’actualité juridique de Nuremberg. Collectif 1988 page 162].
Il a fallu créer un régime particulier de l’administration de la preuve et les articles 19 et 21 des accords de Londres du 8 août 1945 ont disposé :
-il y aura une procédure rapide et non formaliste ;
-les faits de notoriété publique seront tenus pour acquis ;
-les documents et rapports officiels des gouvernements des nations unies y compris ceux dressés par les commissions établies dans les divers pays alliés seront considérés comme des preuves authentiques. Comme on le sait il y a dans le monde deux principaux systèmes judiciaires : la «  common law  » dans les pays anglo-saxons  qui instaure une procédure accusatoire  et qui est un droit empirique, et la «  civil law  »c’est-à-dire  le système romano-germanique dont le droit est écrit et codifié dans les autres pays du monde dont la France et les pays francophones qui utilisent la  procédure  inquisitoire. Il fut décidé qu’à Nuremberg la procédure serait Accusatoire.  Dont les grandes lignes sont les suivantes :   
Après lecture intégrale de l’acte d’accusation,
-Chaque accusé doit déclarer s’il plaide coupable ou non ;
-l’accusation expose  en premier son point de vue ;
-L’accusation et la défense doivent présenter leurs  moyens de preuve ;
-les témoins sont entendus ;
-le rôle du président est  particulier : en common law  dans le système accusatoire il est arbitre, il contrôle les échanges « objection mon honneur entend -on » :l’instruction est orale.  .
-puis la défense expose ses moyens en premier avant l’accusation ; dans le système romano-germanique la défense plaide en dernier ;
-les accusés peuvent s’exprimer et faire une déclaration ; 
-Enfin le jury se prononce sur la culpabilité  et le président sur la peine ;  
La cour pénale internationale de La Haye juge selon le système anglo- saxon et  sur les grands principes définis lors du procès de Nuremberg  reconnus par l’assemblée générale  des nations unies le 11 décembre 1946.

Après Nuremberg il y a eu des créations de justice internationale
II) D’autres précédents  qu’il ne faut pas confondre avec d’autres juridictions :
Il va de soi  qu’après 1946 d’autres actes de guerre ont eu lieu dans différents pays , que des puissances ont mené des batailles, et que la barbarie n’a pas disparu par miracle. A l’ONU en 1968 les crimes contre l’humanité ont été déclarés imprescriptibles (pour rappel la prescription était de 20 ans en France et en Allemagne). En 1998 le traité de Rome a créé la cour pénale internationale , mais existaient avant cette date diverses juridictions  qu’il ne faut pas confondre avec la CPI ; je vais citer les principales.
A)-D’abord pour mémoire sur le plan européen, la cour de justice devenue de  l’Union européenne  créée en 1957 pour les 28 Etats membres  moins 1 désormais qui siège à Luxembourg ; et la Cour européenne des droits de l’homme en fonction depuis  1959 qui siège auprès du conseil de l’Europe à Strasbourg et qui regroupe actuellement 47 Etats dont la Russie, la Turquie, l’Ukraine, …et qui se prononce sur les libertés fondamentales  après que l’on ait épuisé tous les recours internes ;  
-Ensuite la Cour internationale de justice qui siège aussi à La Haye et qui est une émanation de l’ONU en l’article 92 de sa charte : c’est l’organe judiciaire principal des nations unies. C’est un TRIBUNAL MONDIAL  qui règle principalement les différends entre Etats (limites territoriales, frontières ; interprétation des traités internationaux ; coopération judiciaire… ) ;
-la cour inter-américaine des droits de l’homme basée à San José au Costa Rica créée en 1949 qui fait partie du système de protection des droits de l’homme de l’organisation des Etats américains (OEA) qui sert à défendre et promouvoir les droits fondamentaux  et les libertés individuelles dans les Amériques.
-La cour AFRICAINE des droits de l’homme et des peuples. Elle a pour mission de compléter le mandat de protection de la commission africaine des droits de l’homme  et des peuples. Elle a son siège permanent à Arusha en Tanzanie.Elle a été créée en 1998 au Burkina-faso et est entrée en fonction  en 2004 . Elle est présidée par le juge Sylvain ORE originaire de côte d’ivoire , ancien avocat membre depuis 2010 pour 6 ans et élu président en 2016 pour un mandat de deux ans. Sa vision est d’installer de façon pérenne la culture  des droits de l’homme. Il y a 11 juges. Actuellement  plus d’un vingtaine d’Etats sur les 54 Etats membres ont ratifié le protocole de création.  Elle a vocation à régler des problèmes internes. 
Le président ORÈ a déclaré  le 30 janvier 2017 que la cour africaine ne pouvait remplacer la CPI  car elle a un mandat pour les droits de l’homme exclusivement mais pas en matière criminelle.  Il a précisé « nous avons les mêmes compétences à valeur comparative que la cour européenne des droits de l’homme ».
- La Cédéao  communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest est née du traité de Lagos du 28 Mai 1975 : le 6 juillet 1991 a été créée la cour de justice des communautés qui  est entrée en vigueur le 5 novembre 1996.  Son siège est à Abuja au Nigéria mais elle peut se transformer en juridiction foraine. Elle n’est fonctionnelle  que depuis le 22 août 2002. Elle est composée de 7 juges indépendants désignés par l’autorité  des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO. Elle a pour objectifs notamment de promouvoir la coopération et l’intégration,  d’une union économique pour élever le niveau de vie des peuples et de contribuer au progrès et au développement du continent africain.
La cour peut être saisie par des requérants INDIVIDUELS. Sa compétence concerne la promotion et la protection des droits de l’homme selon la charte africaine de 1981. Elle doit prendre en compte aussi les TRADITIONS JURIDIQUES AFRICAINES pour assurer une conception extensive des droits de l’homme. Une des premières affaires concernait l’esclavage et la vente d’une jeune fille comme domestique, concubine et esclave sexuelle. Il faut épuiser les recours internes. (comme pour la CEDH).Elle a considéré que l’Etat nigérien n’avait pas pris toutes les législations nécessaires pour éradiquer l’esclavage et que sa responsabilité était engagée devant la CJCEDEAO. La victime a obtenu 10 millions de frs CFA.  
LE JUGE AFRICAIN EST DONC ENTRE DANS L’HISTOIRE par cet arrêt Mme Hadijatou Mani Koraou c/ le Niger. [lire l’article de Mme Delphine d’ALLIVY KELLY dans combats pour les droits de l’homme]
B) Enfin il ne faut pas confondre la CPI avec des juridictions pénales internationales AD HOC  qui ont été créées dans le cadre des Nations Unies à la suite de violations flagrantes du droit humanitaire à partie des années 1990 :
-Les tribunaux spéciaux  au timor oriental ou pour le Cambodge en 2006 pour juger les crimes des khmers rouges, ou pour la Sierra Leone en 2002 pour les crimes pendant la guerre civile ;  ou pour le Liban en 2009  après l’assassinat de Rafiq Hariri ;
Et deux juridictions plus connues :
1°-Le tribunal international pour l’ex-Yougoslavie (TPI .Y) a été créé par la résolution 827 en 1993, la Yougoslavie étant en plein conflit et les casques bleus ne pouvant pas intervenir : il a intéressé les européens notamment parce que les Balkans sont  proches. Il a examiné  les faits commis après le 1er janvier 1991. Il a fermé ses portes le 31 décembre 2017, après 24 ans d’existence. . Le TPI.Y fut le premier tribunal à inculper un chef d’Etat en exercice le serbe Slobodan Milosevic : arrêté en 2001 il est mort en détention . Il y eu des coups de théâtre dont des suicides : le dernier a eu lieu en direct devant les médias. Le 27 novembre 2017 le croate de Bosnie Slobodan Praljak a avalé une fiole de poison au moment où on lui annonçait qu’il était condamné à 20 ans de prison. Il est mort à l’hôpital. Le TPI.Y aura prononcé 161 inculpations et condamné 83 personnes . et prononcé 19 acquittements.
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2°-Le TPI.R. pour Rwanda, a été créé par la résolution 995 de l’ONU en  1995 à la suite du génocide de 1994 qui aurait fait au moins 800 000 victimes, et s’est tenu à Arusha en Tanzanie. Il a rendu son dernier jugement le 14 décembre 2015 contre l’ancienne ministre de la famille et de la promotion féminine Mme Pauline Nyiramasuhuko qui a été condamnée à 47 ans d’emprisonnement pour génocide.
   
Le TPI.R aura mis en accusation 93 personnes : 61 d’entre elles ont été condamnées et 14 ont été acquittées .Il a fermé ses portes  en décembre 2015.
Les 15 membres du conseil de sécurité ont reconnu « l’importante contribution du TPI. R au processus de réconciliation nationale , à la restauration de la paix et de la sécurité ainsi qu’à la lutte contre l’impunité et au développement d’une justice pénale internationale, en particulier en ce qui concerne  le crime de génocide ».Il faut savoir que pour les faits perpétrés au Rwanda  une autre juridiction interne s’est prononcée en parallèle : les Gaçaça ,juridictions populaires qui ont jugé des milliers de personnes pour les vols, les viols, les meurtres.
3) j’ajoute ce qui est dans l’ACTUALITE les chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens , compromis passé entre le gouvernement cambodgien et les nations unies pour juger des anciens dirigeants du régime Khmers rouges. Les toujours vivants  ont été jugés  pour génocide. « Douch » l’ancien chef du centre de rétention et de torture le camp 21 avait  été condamné en 2012 à la prison à vie. Nuon Chea 92 ans, ancien n°2 et Khieu Samphan 87 ans , ancien chef de l’Etat du kampuchéa démocratique  ont été condamnés le 18 novembre 2018 à la réclusion à perpétuité  pour génocide (de l’ethnie cham pour le premier, et de la minorité vietnamienne pour le second :  c’étaient des ennemis du peuple… ).

Une critique était  récurrente : celui qui gagne et est au pouvoir  essaie de conforter sa prise de pouvoir en discréditant l’adversaire, pour faire oublier ce que lui   n’a pas fait de bien. On ne le poursuit pas. C’est le cri fameux : « mort aux vaincus ».
Il fallait donc agir de façon plus large, ce qui a entrainé des choix pour commencer, donc ce qui a suscité aussitôt des protestations.
Certains Etats se  sont sentis « discriminés » pour prendre un mot à la mode dans tous les domaines,  ou « moins égaux » que d’autres devant la justice internationale : on va le voir dans le domaine criminel qui est de la compétence exclusive de la Cour pénale internationale ce qui  a entrainé le courroux voire la fureur de quelques Etats en particulier en Afrique.

III) La cour pénale internationale ou CPI.
  
A  ) La création
Il fallait cesser de créer des juridictions ad hoc à vocation locale ou régionale.
C’est un événement sans équivalent  dans l’histoire de l’humanité : une juridiction permanente à vocation universelle qui veut établir la paix par le droit.
Il s’agit de combattre l’IMMUNITE/IMPUNITE dans tous ses aspects.
C’est le résultat d’un conférence diplomatique, donc de l’élaboration d’un compromis.
Le traité de Rome a été signé le 17 juillet 1998. Il est entré en vigueur après sa ratification par 60 Etats le 1er juillet 2002. La compétence de la cour n’étant pas rétroactive, elle traite des crimes commis après le 1er juillet 2002.Son siège est à La Haye. Depuis le 4 mars 2016, 123 Etats sur les 193 Etats membres de l’ONU ont ratifié le statut de Rome et acceptent l’autorité de la cour. 

On est dans le cœur de l’horreur à savoir les CRIMES, individuels ou de masse, de toute nature, par tous moyens, quelqu’en soit la raison.
Les sanctions peuvent être très sévères : une peine maximale de 30 ans voire la prison à perpétuité « si l’extrême gravité du crime et la situation personnelle du condamné le justifient » dans une cellule  d’une prison se tenant dans un Etat désigné par la cour sur une liste de pays candidats.   Les condamnés sont condamnés à vivre et à méditer entre quatre murs  sur leurs actes .La justice ne doit jamais être la violence. La justice internationale encore moins : elle doit être juste, équilibrée, respectueuse  de la vie ,  et exemplaire pour les vivants et pour l’avenir. 

Des  Etats  parfois jouent au chat et à la souris : ils ont signé le traité de Rome mais ne l’ont PAS RATIFIE : on peut citer les Etats-Unis, la Russie, la Chine et l’Inde.
B) Sur la compétence  et le fonctionnement :
UNE REGLE EST FONDAMENTALE : la CPI ne juge que des individus (alors que la cour internationale de justice ne juge que des Etats). Sauf désormais pour les crimes d’agression. On attend un futur cas ? De  ce point de vue elle a des similitudes avec la cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg qui est saisie par des individus, mais elle condamne les Etats.
Les faits doivent avoir été commis APRES le 1er juillet 2002.
LE TERRORISME n’est pas pour l’instant inclut dans la compétence de la cour .En 1998 il avait  été exclu car on ne s’est pas mis d’accord sur sa définition. Depuis 2014 on réfléchit à l’introduire dans les compétences de la cour à travers la notion de crime contre l’humanité.  De même pour les crimes écologiques, contre la nature…
La cour ne peut en principe exercer sa compétence  DE SA PROPRE INITIATIVE que dans trois cas :
1)-si la personne mise en accusation - est un national d’un Etat membre ou
2-) si le crime supposé est commis sur le territoire d’un Etat membre ;
ou qui accepte la compétence de la cour.
3)-ou si le dossier lui est transmis par une résolution du conseil de sécurité de l’ONU et qui a saisi le procureur en vertu du chapitre VII de la charte des nations unies (pas de limite dans ce cas de compétence rationae personae). Mais on connait l’existence …  du droit de veto.
Elle peut être SAISIE PAR UN ETAT MEMBRE qui lui défère une situation sur son territoire : par exemple l’Ouganda en 2004 a déféré au procureur le cas de l’armée de résistance du seigneur ; et la république démocratique du Congo l’a saisi du cas de M.Thomas Lubanga notamment pour enrôlement d’enfants…
La CPI est composée de 4 organes :
1-la présidence  avec un président et 2 vices présidents élus pour un mandat renouvelable de 3 ans ;
2- les chambres(3) composées de juges élus par les Etats parties pour un mandat de 3,6,ou 9 ans ;


*la chambre préliminaire qui étudie la validité des requêtes et autorise ou non le début d’une procédure d’enquête pouvant déboucher sur un procès.
*la chambre de première instance .
*la chambre d’appel.
3- le procureur élu pour 9 ans qui a un pouvoir discrétionnaire pour ouvrir une enquête  de son propre chef ou sur demande du conseil de sécurité de l’ONU ;mais après avoir été autorisé  par la chambre préliminaire.
4- le greffe surtout chargé de la gestion des preuves.   
Le procureur de la CPI doit obtenir une autorisation de la chambre préliminaire pour ouvrir une enquête.
Ce qui le distingue du procureur des TPI ad hoc qui décidait seul de l’opportunité d’ouvrir une enquête.
La cour juge de façon subsidiaire, en cas de défaillance de l’Etat compétent pour juger le criminel. En effet le pouvoir de juger est de la SOUVERAINETE des Etats.
La cour a un budget d’environ 147,5 millions de dollars, et actuellement des Etats voudraient réduire la voilure, tout en demandant à ce que la cour étende ses investigations et juge plus ! Chacun d’entre nous connait cette quadrature du cercle et la volonté d’économies partout et pour tout.
Il y a environ 800 personnels.
Depuis son élection pour 3 ans  le 11 mars 2018, le président actuel est M. Chile Eboe-Osugi qui vient du Nigéria.
Le juge thèque robert Fremr est 1er vice-président, et le juge français M.Marc Perrin de Brimchambault est 2ème vice président.
La procureure en fonction - après la célèbre  magistrate suisse Mme Carla  Del ponte qui a démissionné car l’enquête sur les crimes en  Syrie depuis 2011 ne débouchait pas sur des poursuites par manque de volonté politique à l’ONU - est Mme Fatou Bensouda ancienne avocate qui vient de Gambie.
La création de la CPI a été notamment une réponse judiciaire de la communauté internationale  à la loi belge du 16 juin 1993 qui avait donné « compétence universelle » à sa justice en matière de crimes internationaux et de crimes contre l’humanité et ce, QUELLE QUE SOIT LA NATIONALITE DE LA VICTIME OU DU CRIMINEL. Ce qui a posé quelques problèmes diplomatiques (comme la plainte contre Georges Bush). Prudemment la Belgique a abrogé sa loi sur la compétence universelle le 1er aout 2003.
La CPI est désormais seule compétente pour 4 catégories d’infraction qui constituent les crimes les plus graves à savoir :  
*Les crimes contre l’humanité ;
*Les crimes de guerre ;
*Les crimes d’agression ; ce sont les crimes commis par les personnes ou Etats ayant préparé, accompli ou promu un conflit armé visant à déstabiliser un ou plusieurs Etats souverains (invasion, occupation militaire, annexion par la force, blocus des ports ou des côtes…).
*Les génocides ;
Elle prononce aussi des dommages intérêts pour les victimes.

La cour ne peut intervenir que si le crime a été commis sur le territoire d’un Etat membre ayant signé la convention ou si le mis en cause est un ressortissant de l’un de ces Etats. ET  le conseil de sécurité  peut lui donner compétence, y compris de façon exceptionnelle lorsqu’un Etat qui n’a pas ratifié la convention commet des violations graves : exemple le Darfour en 2005.Ou encore  par un examen préliminaire ouvert le 18 septembre 2018,   sur les déportations de rohingyas en Birmanie, avec des meurtres, des violences sexuelles, des destructions, du pilage, des disparitions…. La Birmanie n’a pas signé le traité de Rome,  mais les déportations ont eu lieu par le Bangladesh qui  est signataire.
La cour possède 3 chambres de première instance qui jugent des affaires validées  par la chambre préliminaire saisie par le procureur,  et une chambre d’appel.
18  (dix huit) juges sont élus, comme les procureurs,  par l’assemblée des Etats parties  qui se réunit au moins une fois par an à La HAYE pour discuter du budget, de la procédure .Chaque  Etat partie dispose d’une (1) voix et on recherche le consensus.
Les candidats sont présentés par leur propre Etat et je laisse les diplomates présents  expliquer s’ils le veulent, comment se passent les candidatures, et l’élection. Chaque Etat cherche à faire nommer un juge car ces fonctions sont prestigieuses et honorent sa nation.

 Pour mémoire les anciens juges français ont été, en 2003 M. Claude Jorda , procureur général près la cour d’appel de paris et président honoraire de la cour nationale du droit d’asile, et en 2008 M.Bruno Cotte  désormais président honoraire de la chambre criminelle de la cour de cassation .  
Le fonctionnement de cette juridiction répond à ce que j’ai expliqué en matière de procédure : c’est la common law qui s’applique , le droit anglo-saxon et son aspect pragmatique, ce qui suscite évidemment quelques critiques.
Pour la cour il s’agit de participer à la LUTTE MONDIALE  visant à mettre un terme à l’impunité, à faire en sorte que chacun agisse de façon raisonnable et humaine, à faire condamner les criminels quelques soient leur niveau politique, militaire ou d’idéologie, d’éviter ainsi qu’il y a ait  encore  des crimes, ou que des actes répréhensibles  soient renouvelés, ou que l’on invente de nouveaux prétextes ou moyens pour faire souffrir les populations ou des êtres humains en général. Tout le monde est évidemment d’accord avec cette pétition de principe.
Il s’agit de bannir la violence sous toutes ses formes et de punir celui qui s’y livre personnellement ou donne des ordres.  
Le procès devant la cour répond à la notion d’équité ; de débats contradictoires ; d’une accusation indépendante ; les victimes sont entendues et les témoins protégés ; la cour interroge les communautés qui ont subi les crimes…
Il y a 6 bureaux extérieurs  qui permettent de relayer les informations, faire entendre les témoins, et permettre aux juges ce leur faciliter le travail sur le terrain :
-kinshasa et Bunia (république démocratique du congo ;
-kampala (ouganda) ;
-Bangui (république centrafricaine) ;
-Nairobi (kenya) ;
-Abidjan-cote d’ivoire) . 

C) Où en est-on ? Et pourquoi des pays africains sont- ils  mécontents ?

La cour a été saisie à ce jour  de 25 dossiers dont certains comportaient plus d’un suspect .31 mandats d’arrêt ont été délivrés   et grâce à la coopération des Etats 7 personnes sont  en détention au quartier pénitentiaire de la CPI à la Haye  dans la prison de Scheveningen à la date du 20 novembre 2018.
 Sont actuellement détenus  7 personnalités au 3 décembre 2018 :
-M.dominic Ongwen pour l’ouganda ;  il était commandant présumé de la brigade Sinia de l’Ars  pour des faits de 2003 et 2004 ;
-M Bosco Ntaganda pour la R.D.C. : il était ancien chef d’état major présumé des forces patriotiques pour le libération du congo,  et a utilisé des enfants soldats ;
-(M.jean pierre Bemba de la RDC a été libéré en juin dernier pour les crimes mais condamné pour … subornation de témoins );
-M.laurent Gbagbo ( qui a formé une demande de libération) et  charles Blé Goudé, de la Côte d’ivoire ;
- pour le Mali, M.Ahmad el faqi al mahdi -qui a plaidé coupable  de destruction de bâtiments à Tombouctou. Il a été condamné à 9ans.  Et Al hassan ag abdoul  suspecté de crimes de guerre et contre l’humanité à Tombouctou  en 2012 et 2013-
- et pour la Centrafique M.Alfred Yakaton Rhombot.
Il y a eu 9 citations à comparaitre qui ont toutes été respectées ( les 9 personnes se sont rendues devant la cour). Et 33 mandats d’arrêt délivrés avec  15 suspects en fuite.  Les juges avaient rendu  début 2018  ,9 condamnations et 1 acquittement. 26 affaires ont été ouvertes dont 6 sont actuellement au stade du procès , 1 au stade de l’appel,  3 en phase de réparations.

Parmi les dossiers ouverts on trouve  des enquêtes en Centrafrique ; au Kenya (violences post électorales de 2007-2008 ;  en Lybie ( pour des faits depuis le 15 Février 2011 ;  en Géorgie pour des crimes en Ossétie du sud ; au Burundi ; en Ouganda contre les responsables de l’armée de résistance du seigneur, qui sont en fuite…et désormais le Yemen (non signataire mais avec des mercenaires sur son territoire).
                               PRINCIPALES CRITIQUES CONTRE LA COUR.
*On reproche à la cour sa lenteur, ce qui est vrai,  mais qu’en serait-il si elle était expéditive ?
*On lui reproche aussi d’être  inefficace : c’est un reproche injuste car elle ne peut agir qu’avec la coopération des Etats et certains se hâtent lentement ;
*On lui reproche une procédure tatillonne   ce qui est la caractéristique de la procédure accusatoire  car on n’envoie pas aux galères un individu même odieux sur un coup de tête ou pour satisfaire quelques uns . Mais il y a  aussi des raisons techniques :  
 il y a des juges de culture juridique différente qui doivent s’adapter , car  la procédure anglo-saxonne    ne fait pas appel à un juge d’instruction , et  est accusatoire c’est-à-dire que tout se passe à l’audience avec des débats contradictoires : avec  des faits à vérifier sans pouvoir aller sur le terrain : ces lenteurs sont  cependant une protection contre l’arbitraire  pour les personnes poursuivies. Le respect de la procédure est une garantie pour un justiciable et conforte les droits de la défense ;
*on s’offusque de manœuvres : des Etats signataires ont amendé leurs codes pénaux pour s’assurer qu’aucun de leur ressortissant ne se retrouve dans le box des accusés car la cour n’intervient que si un Etat refuse de juger les auteurs de crimes définis par le traité de Rome ;
*On lui reproche d’être discriminatoire surtout avec les Etats africains :
c’est vrai  que dans les premières enquêtes le continent africain a été «  servi » : Ouganda, république démocratique du Congo, Centrafrique, Soudan, Kenya, Lybie , Côte d’ivoire et Mali. Mais s’il n’y avait pas de plaintes pour des faits avérés, si ces pays respectaient un minimum de règles de bonne gouvernance, si la grande délinquance ne se confondait pas parfois avec la constitution  de butins pour faire la  guerre, et arriver ou se maintenir au pouvoir,  si les problèmes religieux n’étaient  pas  au centre des débats, si les actes de guerre ne devenaient pas des massacres…… la CPI n’aurait pas à enquêter. Mais avec des si tout va bien.
 Et l’afrique n’est plus seule visée on  va le voir avec l’actualité récente ou moins récente. Par exemple des Etats proches du Vénezuela ont demandé une enquête sur le régime de M.Maduro…  
*On lui reproche ses difficultés de  coopération avec les Etats :
 Mais elle n’en est pas responsable. Les politiques doivent donner aux juges les moyens d’exercer leurs fonctions. 
Un exemple récent donne de l’espoir : la Centrafrique a remis à la CPI  le 20 novembre 2018 l’ex-chef de milices anti- balaka auto-proclamées d’autodéfense soupçonné d’avoir mené des campagnes d’exactions contre des populations musulmanes , d’avoir utilisé des enfants comme combattants et d’avoir commis des crimes de guerre, à partir de 2012. Il s’agit de M.alfred Yekatom Rombhot  simple caporal chef mais dit colonel « rambo» qui s’était fait élire député et  surtout  remarquer en tirant avec son arme dans l’hémicycle !. La centrafrique a fait droit au mandat d’arrêt émis par la Cpi.
*enfin le terrorisme même pris sous l’angle de crime contre l’humanité ne fait pas partie de ses compétences. On en discute.

D )Quels sont les pays qui mènent la fronde et pourquoi veulent ils se retirer de la CPI ?

Le Burundi,(dont le président pierre Nkurunziza est accusé personnellement  de violation des droits de l’homme) mais où il est impossible de mener une enquête sur des faits de violences avec le déplacement de plus de 400 000 personnes , la mort de plus de 1000 personnes et des détentions illégales commis pendant que ce pays était membre de 2004 à 2015.
 l’Afrique du sud (qui soutient que l’adhésion au traité de Rome est en contradiction avec ses engagements en terme d’immunité diplomatique : les autorités sud- africaines ont refusé d’arrêter le président soudanais  Omar el-bachir qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI pour génocide en rappelant que le Soudan n’est pas signataire du statut de Rome) ;
et la Gambie(qui demande à ce que les pays occidentaux soient poursuivis pour la mort de milliers de migrants)qui  avait  décidé de quitter la CPI et avait  engagé les formalités pour se retirer du statut de Rome. Avec son nouveau président le processus est suspendu. Rappelons que la procureure de CPI est gambienne !                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        
Au 20 septembre 2018 seuls 2 Etats ont mis leur menace à exécution : le Burundi et les Philippines (procédure de retrait en cours).  
 Les  dirigeants africains considèrent  cependant qu’il y a une sorte de persécution en ce qui les   concerne, et que la CPI a une attitude néocolonialiste. Ils ont même envisagé un retrait global, qui n’a pas eu lieu heureusement.
Mais il y a un vrai malaise. 
La CPI ne peut se prononcer que sur des cas qui correspondent à sa compétence. Des nations comme la Russie, la Chine, l’inde, les Etats-unis, la totalité des pays arabes et Israel  n’ont pas ratifié le traité. Ils n’ont donc pas à rendre des comptes. La CPI s’intéresse donc  actuellement aux Etats sur le territoire desquels elle a compétence dont…l’Afrique.
La CPI ne serait donc pas un tribunal à vocation universelle.
En réalité tous les pays africains ne mènent pas la fronde mais c’est le cas de certains dirigeants plus ou moins concernés par des poursuites personnelles . Il n’y a pas de « chasse raciale » comme le soutient un premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn ;  les victimes ne sont  en outre pas d’accord avec le retrait car comment vont-elles avoir justice ?
Une des critiques récurrentes est de soutenir que les africains possèdent des juridictions INTERNES qui leur permettent de juger les criminels de guerre ou les coupables de génocide voire de crimes contre l’humanité.
Est-ce une objection recevable mon honneur ? Examinons quelques exemples.
 IV) Les justices internes peuvent- elles suppléer la CPI ?

En Egypte le 27 décembre 2017 , 15 personnes ont été pendues pour des faits de terrorisme. C’est radical, et une justice expéditive. Faut-il l’imiter ?
En Côte d’ivoire l’ex-ministre de Laurent Gbagbo M.Hubert Oulaye a été condamné le 26 décembre 2017 à 20 ans de prison par la cour d’assises d’Abidjan pour l’assassinat de 18 personnes dont 7 casques bleus. AUCUN MANDAT DE DEPOT n’a été prononcé : il est donc resté libre. L’Etat de Côte d’ivoire qui réclamait 20 milliards de francs CFA  contre M.Oulaye et son co-accusé  l’ancien ministre Dano Djedje … a été débouté. La justice ivoirienne est passée.
Mme Simone Gbagbo a été acquittée par la cour d’assises pour crime contre l’humanité. Mais elle continuait de purger une peine de 20 ans prononcée en 2015 pour atteinte à la sûreté de l’Etat.. jusqu’à l’amnistie prononcée récemment  par le président Ouattara ! Elle est donc libre. Et la CPI  veut l’entendre !
Son mari  M.Laurent Gbagbo a été condamné le 18 janvier 2018  par la cour d’assises d’Abidjan à 20 ans de prison  pour le braquage de la banque centrale des Etats de l’afrique de l’Ouest, et à 15 ans pour complot  contre le régime du président Alassane Ouatarra. Sans mandat de dépôt mais en y ajoutant 329 millions de francs Cfa à payer à la  partie civile.

Notons qu’en Côte d’ivoire  les rivalités politiques ont repris et qu’à deux ans de la présidentielle (2020) où M.Alassane Ouatara ne doit pas  se présenter,  les élections locales  du 13 octobre 2018 ont été marquées par des violences (4 morts),  et un retour aux anciennes divisions et pratiques (fraudes).


Hissène Habré ancien président du Tchad de 1982 à 1990 a été arrêté en 1993 au Sénégal ; il a été condamné à Dakar en appel  en avril 2017 par un tribunal spécial  à la prison à perpétuité pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité, tortures et viols ,et à 82 milliards de francs CFA pour les victimes.
La CPI ne pouvait le juger car les faits reprochés étaient antérieurs à la création de la cour.
 Rappelons que le premier dirigeant africain à comparaitre devant une juridiction internationale fut Charles Taylor 22ème président de la république du Libéria qui a été condamné par le tribunal spécial pour la Sierra Leone  à 5 0 ans de prison. Il a fait appel.
Enfin d’autres anciens  dirigeants sont recherchés, poursuivis ou convoqués :inutile d’en  faire la liste…  La justice interne est nécessaire mais elle n’est pas suffisante. Elle ne règle pas les problèmes de fond et laisse parfois des goûts de revanche.
Cela n’est pas spécifique à l’Afrique bien sûr : la justice peut être instrumentalisée .
 N’est- ce pas le magistrat Antoine  Séguier alors  1er président de la cour d’appel de Paris qui déclara que la justice « rend des arrêts et non des services » ce qui contraria  fortement Charles X qui avait du mal à museler la presse en 1828. 

La justice a une fonction fondamentale,  structurante des démocraties et ne doit pas être suspectée, comme la femme de César. 
Elle participe à l’état de droit, qui est avec des élections libres et la séparation des pouvoirs cher à Montesquieu qui prône une gouvernance avec des contre- pouvoirs,  à l’exercice de la démocratie, à la protection des libertés individuelles et collectives ce qui implique la RESPONSABILITE de chacun quelque soit son niveau dans la société. Et quand on a le pouvoir , ce niveau d’EXIGENCE est encore plus affirmé. Le corollaire du pouvoir est de devoir rendre des comptes. L’impunité n’est plus acceptée ou tolérée.
La justice interne dépend de sa législation qui parfois date,  du moment, des circonstances, de la volonté d’oubli ou non, de la nécessaire réconciliation qui peut passer par de l’indulgence ou autre.
Elle ne suffit donc pas, et ne peut suppléer une justice internationale qui n’est évidemment pas la panacée.  

V )Les faiblesses de la CPI et les lueurs d’espoir ; LES PROTESTATIONS ;
[ lire oumarou NAREY agrégé de droit public à Niamey  dans Afrilex revue d’étude et de recherche sur le droit et l’administration dans les pays d’Afrique Université Montesquieu Bordeaux IV].

Je les ai énumérées. Son rendement  est faible :  En 2016 il y avait eu seulement  quatre jugements  dont 3 condamnations .
 6 suspects ont bénéficié d’un non-lieu. Les victimes sont peu considérées bien qu’elles peuvent participer  au procès  et la section d’aide aux victimes et témoins n’est pas très performante.
La CPI essaie d’ étendre son champ d’action :
 On lui suggère de s’intéresser aux troupes du président Ouatarra et d’aller voir ailleurs : en janvier 2016 elle a décidé d’ouvrir une enquête sur les crimes qui auraient été commis autour de l’Ossétie du sud, en Géorgie entre le 1er juillet et le 10 octobre 2008. Qu’en est- il de l’Irak et des soldats britanniques ? Que fait- on par exemple pour  Gaza et les prisonniers palestiniens la Palestine étant partie au statut. On a ajouté à sa compétence les crimes d’agression depuis juillet 2018.
A ce sujet la France a refusé de donner son accord car nous avons des troupes qui interviennent sur des terrains extérieurs et l’on n’a pas défini le crime d’agression.
La cour a entendu  les demandes  ce qui crée des polémiques actuellement :
*Concernant la Lybie le 15 août 2017 la CPI a délivré un mandat d’arrêt international contre le capitaine Mahmoud Al Warfalli pour des meurtres commis entre le 3 juin et le 27 juillet 2017 sur 33 personnes dont des prisonniers sur Benghazi. Ce militaire se battait aux côtés du Maréchal Haftar (reçu à l’Elysée  avec le 1er ministre lybien Al- sarraj.) ;
*Lundi 4 décembre 2017, la procureure de la CPI a fait savoir qu’il y avait une « base raisonnable » de croire que des soldats britanniques  en Irak ont commis des crimes de guerre après l’invasion américaine en 2002 .Mme Bensouda a ouvert en 2014 un examen préliminaire à une enquête ;

*En décembre 2017 encore la procureure a demandé aux juges l’autorisation d’ouvrir une enquête sur les crimes commis en Afghanistan y compris ceux des forces américaines et la CIA ; le conseiller à la sécurité nationale du président Donald Trump, M. John Bolton l’a très mal pris  et a menacé récemment  de sanctions judiciaires les juges et les procureurs de la CPI , et de leur interdire l’entrée sur le territoire des USA ,  si une enquête était menée contre les militaires américains . Les USA ne reconnaissent aucune autre autorité que… la constitution américaine a affirmé M.Bolton début septembre 2018 d’un ton martial… ; 
* elle veut enquêter aussi sur les crimes commis en Palestine après l’adhésion de l’Autorité palestinienne au traité de la cour début 2015.
*Enfin la CPI avait  ouvert une enquête préliminaire en 2014 en Ukraine  sur les crimes commis avant et pendant la chute de l’ancien président Viktor Ianoukovitch.
.

Bref que l’on cesse d’avoir les regards dirigés vers l’Afrique . 6 pays africains proposent la mise en place  d’un chambre pénale africaine des droits de l’homme [déclaration du juge Marc-perrin de Brichambault] . Et que l’on  évite  de viser des présidents en exercice ( comme M.Omar El bachir du Soudan, ou Le président Uhuru muigai kenyatta du Kenya pour lequel le procureur a retiré toutes les charges en 2014) ce qui déstabiliserait  les Etats concernés, sape leur souveraineté, et menace leur stabilité [déclaration de l’Union Africaine ] .
                                                       L’autre rôle de la cour :
 Il ne faut pas oublier  non plus que  la CPI a été considérée aussi  comme une « cour de sécurité » [Jens Ohilin Boston 2009] c’est-à-dire un tribunal qui ne remplit pas seulement une fonction judiciaire. Elle est également dotée d’une finalité pacificatrice. Les crimes qui justifient sa compétence  menacent la paix, la sécurité et le bien- être du monde [préambule du traité de Rome].
La CPI traduit une judiciarisation des relations internationales pour aboutir à la paix.


La cour évolue comme le démontre le procès intenté à Ahmad-al-Madhi ressortissant malien qui s’est livré à la destruction des mausolées à Tombouctou en 2012.C’est un atteinte majeure à des BIENS CULTURELS qui a été considérée comme crime de guerre. Il a été condamné à 9 ans d’emprisonnement. Il a plaidé coupable ce qui explique la rapidité de la procédure.
La justice internationale doit compter sur la coopération des Etats et la réalité de la politique internationale. Il n’y a pas encore de vraie  jurisprudence. . 
VI) Le casse tête de la création d’un corpus de principes : L’apport du droit interne au droit international.
Les juges réfléchissent avec leurs connaissances internes, qu’ils utilisent en les revisitant, avec les textes du statut de 1998 pour trouver des solutions juridiques innovantes. Cela conduit parfois à des insomnies…   
 A ce sujet de l’apport du droit interne  dans le droit international , je ne peux faire mieux que vous inviter à lire l’article de M. le professeur agrégé  de droit public de l’université de Bordeaux entre autres fonctions éminentes, et membre de l’académie des sciences d’outremer  M.Jean Du Bois de Gaudusson  que je me garderai de paraphraser et qui a écrit  sur le sujet suivant : « la justice en Afrique : nouveaux défis, nouveaux acteurs » [Afrique contemporaine 2014/2].
Il termine ainsi sa réflexion : « il est généralement admis que si les institutions judiciaires ont une grande part de responsabilité dans le déficit démocratique et économique en Afrique , elles n’en sont pas moins moins nécessaires à la transition et à la consolidation démocratique comme au développement économique et sur la nécessité d’accorder à la justice un rôle d’avant-garde afin qu’elle puisse jouer son rôle de régulation des rapports sociaux… Une bonne justice dépend aussi du dispositif institutionnel, politique et administratif… et de la culture politique démocratique du système dans lesquels [ les cours et tribunaux] s’insèrent ».

Tout est dit , et ce qui vaut pour la qualité, la mission  et la place de la justice interne, s’applique aux juridictions internationales dont la cour pénale internationale.
En effet l’influence croisée des juridictions nationales comme internationales est désormais acquise.
Et parfois la jurisprudence s’illustre comme pour le cas d’un juge … qui s’était profondément endormi pendant l’audience (cas réel)… la procédure a pu être annulée en consultant les jurisprudences nationales car aucun texte du traité de Rome n’interdit à un juge d’être  d’être inattentif….  

La justice n’est pas qu’une organisation chargée de juger les hommes-ou des femmes parité oblige- au nom de victimes, de la conscience nationale ou internationale, ou pour établir des valeurs universelles. Elle combat aussi le « mal » celui qui n’est pas codifié, qui est parfois défini  en creux par des textes, mais pour autant elle n’érige pas un ordre moral. Elle doit aussi s’adapter : y aura-t-il des crimes touchant l’homme dans l’avenir par le biais des nouvelles technologies ? La cyber criminalité existe déjà.  
L’Afrique a essuyé les plâtres si l’on peut dire, et les Etats africains ont eu le sentiment qu’ils étaient moins privilégiés que d’autres face à la justice.  Mais ils ont tort : la justice internationale n’est pas responsable des crimes de toute nature qui sont perpétrés. La justice internationale n’est pas responsable de la mauvaise gouvernance,  de ceux qui veulent se maintenir au pouvoir à tout prix, y compris à celui de la vie humaine,  quitte à reformer les constitutions (qu’il faut toujours toucher comme pour les lois avec des mains tremblantes nous a appris Montesquieu).
La CPI n’aurait pas à se prononcer s’il n’y avait pas de criminels : il n’y aurait pas besoin de justice.
Et parmi les 18 juges,  plusieurs viennent de l’Afrique : le Nigéria, le Kenya ; le Bostwana ; la RDC et bientôt  le Bénin et l’Ouganda. Le président actuel vient du Nigeria.
 La procureure  en fonctions  vient  de  Gambie.
On ne peut donc pas dire qu’il y a une volonté de nuire à l’Afrique.
La culture africaine est prise en compte  ainsi que les traditions et les coutumes comme de s’adresser à un féticheur avant de faire quelque chose. (en RDC cité par M.B.COTTE). 
La CPI  tente de mettre fin  à l’impunité et d’obtenir la paix par des principes connus et acceptés par le plus grand nombre. Les africains sont entrés dans l’histoire puisque ils ont créé des justices internes qui fonctionnent, même si elles ne sont pas parfaites ,mais quelle justice l’est ?.  Il faut les soutenir, leur donner des moyens  de faire vivre réellement des démocraties qui ne soient pas de pâles copies de nos modèles occidentaux qui commencent à connaitre des difficultés. Je n’insiste pas c’est un autre débat.
L’humanisme ne se divise pas.
Dans ma bouche et bien qu’avocat, la sanction n’est pas un gros mot. Il faut des punitions et le mot est faible quand il s’agit des crimes les plus graves. L’homme, africain ou non, ne peut porter ce beau  titre que s’il est responsable de ses actes.
Les africains sont devenus des justiciables comme les autres. Ils sont désormais des citoyens justiciables puisqu’ils dépendent de la justice internationale comme tout le monde..
 L’Afrique devrait donc dire merci à la CPI et ne pas vouloir l’abandonner.


Telles sont mes explications en faveur de la CPI que je vous demande de ne pas condamner . La CPI a ses défauts et ses qualités, elle est en période d’apprentissage. Je vous demande de considérer  en votre âme et conscience comme on le demande devant la cour d’assises française, que le droit peut être une ARME DE PERSUASION MASSIVE, une ARME de DISSUASION  de choisir le fer au lieu des urnes ou le dialogue même difficile.

Je vous demande de faire mentir -si c’est possible-le grand Blaise Pascal qui a écrit « qu’au point de vue des faits, le bien et le mal est une question de latitude. En effet tel acte humain s’appelle crime ici , et bonne action là- bas, et réciproquement ».[Cité par Auguste de Villiers de l’Isle Adam dans ses contes cruels; Les demoiselles de bienfilâtre].
La CPI ne se préoccupe ni de latitude ni de longitude, elle a un GPS, modernisme oblige,  ni du noir ni du blanc.
Elle juge  et rétablit l’équilibre.
Elle exerce une INFLUENCE certaine et aide à prévenir des crimes. Bien sûr elle ne peut les empêcher ou dissuader des Etats à déclencher des guerres.
                                              EN GUISE DE CONCLUSION.
Je suis arrivé au terme de mes explications, et si vous le voulez bien puisque  tout désormais  est participatif  je vous demande  de bien vouloir  répondre à une unique question :
« La CPI est- elle utile voire nécessaire malgré ses imperfections ? ».
Si vous répondez  non , NON  car c’est une justice partiale, qui n’aime pas l’afrique,  qui n’apporte rien à la communauté internationale et qui n’a aucun effet, j’aurai alors échoué, j’aurai perdu mon procès et je vous aurais fait perdre du temps.  
Mais si vous répondez oui, OUI la CPI avec ses défauts et qualités est utile voire nécessaire pour que le comportement des hommes qui sont ou veulent être au pouvoir change, s’ils peuvent craindre d’être arrêtés et détenus, si la CPI peut par ses jugements établir des règles de droit  à vocation mondiales ou universelles qui renforcent l’humanité et le respect des autres, ou établissent un code de bonne conduite dans l’accession au pouvoir ou dans les conflits de  toute nature alors j’aurai gagné mon procès ou plutôt la CPI sortira grandie de cette mise en cause et poursuivra son chemin. 
Le message de la CPI est fort :
*la CPI se veut une justice MONDIALE qui juge un individu, et désormais un Etat ou un groupe pour les crimes d’agression  ce qui tombe bien puisque nous vivons dans un village global et que la mondialisation s’invite partout ; et aussi  parce que le relativisme et les droits personnels avec le communautarisme  au sens large l’emportent sur les devoirs collectifs et mettent à mal les valeurs qui étaient universelles ;
*il n’y a plus d’impunité, pour personne,  pour ceux qui se croient ou croyaient intouchables  en particulier,  nulle part dans le monde ;
*seule la bonne gouvernance celle qui conduit à la démocratie et au respect de l’homme est acceptée ;
*la dignité de l’homme doit être recherchée en toutes circonstances ;
*La violence engendre la violence en retour et  on ne peut l’excuser ou la justifier ;
*Le combat légitime pour le pouvoir, ou l’indépendance, ou la volonté de vivre ensemble, ne peut se traduire par des crimes ou des affrontements   physiques quelques en soient les motifs ou les prétendues justifications ;
* le mal  implique  d’ être responsable de ses  propres actes ou des directives  que l’on donne ;
*enfin la fin ne justifie jamais les moyens.
Sans la CPI il y aurait des quasi permis de tuer.
Or c’est de la vie dont nous sommes globalement comptables.

« il n’y a de richesse que d’homme » a écrit Jean Bodin (1529-1596 ) juge à Laon et philosophe ce qui n’est pas incompatible ! ce qu’un militaire-politique le général de Gaulle a traduit par : « il n’y a qu’une querelle qui vaille , celle de l’homme ».
Devant la cour d’assises en France quand il y a un drame passionnel on a coutume de dire : « quand on aime on a toujours 20 ans ».
On doit donc aimer  par raison la CPI qui est en fonction depuis 20 ans (1998-2018). Elle ne peut que devenir adulte et s’améliorer, aller plus vite, étendre ses missions à d’autres pays que l’Afrique, et les guerres en cours un peu partout lui apportent  malheureusement , des cas tous les jours. Elle doit  être déjà plus performante avec ce qui existe comme crimes divers  comme l’a déclaré M.Bruno Cotte ancien juge à la CPI lors d’un exposé sur les défis de la justice internationale à l’Ihedn à paris,  le 22 janvier dernier.
Il s’agit en réalité  de protéger l’homme (ou la femme) qu’il soit noir, blanc ou jaune, qu’il soit puissant ou misérable, dans l’intérêt de tous. Vaste programme !
Il faut que les Etats abandonnent un peu de leur pouvoir souverain qui est celui de juger. C’est difficile.
 M.Antonio Guttarès secrétaire général de l’ONU a déclaré à la rentrée de 2018  que la paix était « insaisissable » : mais il faut y croire .La CPI s’inscrit dans le progrès de l’humanité.
Mesdames et messieurs je vous demande de considérer que si la CPI n’existait pas il faudrait l’inventer, de dire qu’elle n’est coupable de rien donc de l’acquitter,  et ainsi de lui rendre justice.




               





                                           
                                                                                         





vendredi 9 novembre 2018

Atmosphère ! Atmosphère ! est ce que j’ai une gueule d’atmosphère ?


Atmosphère ! Atmosphère ! est ce que j’ai une gueule d’atmosphère ?
Par Christian Fremaux avocat honoraire et élu local.

L’atmosphère est chargée d’électricité. Dans son voyage entre les tombes le président n’a pas entendu que le silence assourdissant des morts au champ d’honneur. La polémique née de l’affirmation  du président Macron parfaitement exacte sur le fond et non provocatrice car l’histoire ne se divise pas, m’a paru inopportune car elle concerne un débat sans conclusion sur la double personnalité du maréchal Pétain  soldat héros des poilus en 1917, puis plus de 20 ans plus tard politique honni et d’ailleurs condamné pour sa politique collaborationniste et antisémite , parole  qui  a été  peut être maladroite  dans sa formulation  pour ceux qui cherchent à tout prix à en découdre sur tout sujet surtout s’il est sensible .Nous sommes dans le recueillement  et la glorification de ceux qui se sont sacrifiés en 14-18 pour que nous puissions dans la paix  vivre libres et capables d’exprimer toute opinion y compris des avis divergents sur les hommes et les évènements passés  et je m’étonne que l’on ne puisse le faire objectivement sans être taxés de je ne sais quoi mais  forcément négatif ou de défendre l’indéfendable.   Tout le monde n’a pas la vérité révélée et le dogme qui satisfait à l’unanimité! Il est permis de douter, pas de tout  bien sûr et surtout pas de ce qui avéré comme tragique, et  de nuancer tout en  respectant  ceux qui ont été victimes ou qui sont des héritiers de victimes,   d’avoir des propos ou des pensées  qui ne sont pas ceux de la bien pensance ou  issus de la langue de bois. Soyons adultes surtout face aux plus jeunes qui  connaissent le terrorisme mais  qui  n’ont connu aucune guerre , même dans leur famille,  qui  se demandent -sauf les élites  étudiantes ou qui ont des parents qui témoignent et éduquent quelques soient leurs origines et confessions soit dit en passant car il s’agit du roman national  qui doit toucher tous ceux qui vivent en France - qui a été Pétain 1 et  Pétain 2 , presque qui a été De Gaulle le héros de la résistance  en 1945, celui bousculé  de la décolonisation,  et le chef de L’État qui a renoncé au pouvoir en 1969 après avoir perdu un  référendum. Soyons modestes et ne mettons pas de l’huile sur le feu qui couve toujours : discutons  des faits et des hommes de l’histoire que l’on ne peut supprimer comme les communistes jadis effaçaient  des photographies officielles  les dirigeants qui ne convenaient plus à l’air du temps et qui avaient en réalité été des bourreaux.  Envisageons un avenir plus apaisé  pour les générations dites «  bof  » ou « j’ai le droit » qui sont là et vont prendre les commandes dans la future Europe. Souvenons nous que les hommes  et les femmes  et les jeunes d’y il y a cent ans ont souffert et le mot est faible, et tirons en les enseignements.  L’itinérance mémorielle du président  doit être approuvée et il ne faut pas se tromper d’objectifs. Certes la hausse du carburant tombe mal et l’on ne peut y souscrire même si on souhaite la transition énergétique.  Si le président payait de sa poche le diesel utilisé par la flotte de véhicules qui le suit, il serait certainement plus conscient que le train de vie des retraités qui l’interpellent et des autres français actifs baisse, et qu’un ( trop )plein… de taxes ne permet plus d’aller très loin ! Rien ne vaut  le terrain et le dialogue parfois abrupt avec les gens pour mieux appréhender ce qui les préoccupe et actuellement  ce sont les revenus et les charges, le chômage et les fermetures d’usine voire l’insécurité et les migrations  qui  l’emportent sur la mémoire.L'itinérance était faite pour parler surtout des hommes, et des femmes d'hier  des gueules cassées, des foyers détruits,  des séquelles psychologiques innommables en un mot de la boucherie de 14-18 sans accabler personne et sans désigner encore des coupables ,mais sans rien oublier pour que cela n’arrive plus . Donc pour  évoquer  la guerre et  la paix ,les relations internationales, les motifs sérieux ou non qui déclenchent les conflits et leurs conséquences, le coté obscur de l'homme, le mal qu'il sert , pour qu’on en soit conscient en 2018, qu'on dissèque  la force  qui tue et toute idéologie  qui arme, de la nécessaire coopération des démocraties... L’ordinaire des problèmes à résoudre en urgence  va reprendre ses droits rapidement et les querelles classiques  vont  resurgir dès la fin des cérémonies du 11 novembre  ce qui est normal car on attend des résultats et le passé doit céder sa place au présent. . . 
Le rappel de Pétain m’a remis en mémoire un mot de la célèbre actrice  Arletty - d’où le titre de cet article - qui disait que  son coté face où battait son cœur était français, mais que son coté pile en bas du dos était international : elle avait été poursuivie à la libération pour avoir fréquenté un ou des  allemands. C’est l’anecdote pour détendre l’atmosphère car je vais encore la plomber en parlant de populisme, ou de «  lèpre  » nationaliste selon une autre sortie du président Macron adepte des formules chocs.
Le terme populiste qui devient un vilain défaut ne veut pas dire grand chose  sauf pour dénigrer  les dirigeants polonais , hongrois ou autres dont le nombre augmente ce qui est un message , ceux qui ne veulent pas respecter ce qu’ils considèrent comme des diktats de l’union européenne.  Ils estiment avoir été  élus régulièrement  dans des démocraties , exprimer l’avis de leurs concitoyens et avoir le droit  de contrôler plus ou moins les médias ce qui serait compatible avec la liberté d’expression , de se méfier des juges qu’ils veulent nommer selon leur bon vouloir pour éviter un gouvernement desdits juges, de refuser les migrants  sauf ceux qu’ils veulent  choisir dans le respect de leurs frontières et ne pas partager la pensée mondialiste qui prône l’ouverture en général et  le multilatéralisme et qui ne correspondrait pas à leurs coutumes et usages outre leur manière de vivre. L’Europe n’est donc pas leur tasse de thé, comme les anglais qui ont choisi le brexit. Mais les pays  populistes veulent rester au sein de l’Europe car ils aiment  les aides européennes.
 Le populisme serait donc le mal pour ceux qui se définissent comme progressistes  ce qui n’est pas plus précis que populistes car le progrès pour l’un ne l’est pas pour l’autre, c’est-à-dire ceux  qui sont partisans de plus d’Europe sans aller vers un vrai fédéralisme ; qui croient en la réalité de  la mondialisation et de  la nécessité de faire face ; qui voient l’obligation pour les européens de faire masse et  bloc face aux hégémonies de la Chine, des USA, voire de la Russie et de l’Inde ; qui pensent que les menaces de toutes natures qu’elles soient terroristes, économiques, migratoires, environnementales obligent à se protéger mutuellement et avoir des politiques  communes et concertées aussi  en matière de sécurité et défense, propriétés intellectuelles, services,  droit social  pour tous les travailleurs y compris détachés, fiscalité, justice…  Contrairement aux populistes les progressistes sont convaincus   que le repli sur soi est néfaste, ne peut conduire à des progrès  matériels et humanistes pour tous dans la spécificité de chacun, et qu’il faut plus d’Europe même s’ils sont lucides que celle-ci doit se réformer, que la technostructure à Bruxelles  doit être reprise en main, qu’il appartient aux dirigeants élus de faire entendre la voix et les désirs de leurs peuples, et que la politique doit commander, sans se laisser imposer des décisions futiles qui indisposent la grande majorité des citoyens européens. Les progressistes pensent que toute innovation est un bien , et que toute demande de droits supplémentaires pour une minorité est positive. Cela se discute car à force de créer des droits individuels on peut fracturer l’ensemble qui se contente de devoirs. Les conservateurs sont plus circonspects : ils préfèrent un progressisme à petit pas, qui ne pose pas des questions métaphysiques et qui est compréhensible  puisqu’il s’appuie sur ce qui a été, vérifié, expérimenté.  Ils aiment aussi le respect des devoirs collectifs, la nation , la patrie et ce qui a fait la grandeur de la France. Ils ne trient pas les héros à l’aune des temps modernes.
Comme le chantait Jean Ferrat « c’est un joli nom camarade…» avant qu’il ne se rende compte de la réalité du régime soviétique, ou cubain , ou chinois, et s’il était vivant vénézuelien  ou des dictatures diverses dont celles qui sont religieuses ,qui se disent représenter le peuple et vouloir  son bonheur en le décrétant . Attention danger. La liste de ce qu’il faut ne pas faire n’est pas exhaustive...  Le mot populiste devrait être positif puisqu’il veut dire ce qui vient du peuple. Sauf à être un grand naïf et oublier les leçons de l’histoire ,et sauf exception d’un dirigeant atypique on ne connait pas un peuple même celui  de l’extravagant  dirigeant de la  Corée du nord ! qui voudrait officiellement  du mal  à son voisin, et qui n’approuve pas tout ce qui lui est bénéfique. Les droits de l’homme sont revendiqués par tous bien que non appliqués la plupart du temps. C’est donc en théorie un joli nom populiste sauf qu’il est assimilé  à l’ennemi des libertés publiques, au rejet de l’étranger, et à un formidable égoïsme adepte des solutions apparemment faciles, de la répression s’il la faut et de l’ordre , de la fermeture d’esprit, et refusant presque  toutes les avancées de l’humanisme en général pour l’homme  et la femme,  et les minorités quel-qu’elles soient. Comme on dit dans les cérémonies militaires ce qui est d’actualité, fermez le ban. Chacun d’entre nous connait pourtant un populiste déclaré ou qui s’ignore et qui est un bon citoyen payant ses impôts et taxes en maudissant le gouvernement, n’ayant pas de procès car il respecte la loi, votant régulièrement , ne détestant personne sauf celui qui lui pique sa place ou qui a des privilèges,  qui est soucieux des libertés y compris de celles qui ne lui conviennent pas, et qui fait son devoir en toutes circonstances. Il n’aime pas vraiment  l’Europe telle qu’elle est car elle ne lui apporte rien , ne le protège pas et est lointaine. C’est cependant un citoyen qui se respecte et il en faudra qui ira voter lors des élections européennes de 2019. Il nous faudra des populistes pour garder les pieds sur terre et en même temps des progressistes qui  feront avancer l’harmonisation et qui remettront de l’ordre en proposant des solutions concrètes et proches du peuple.
 Qu’est ce qu’elle a ma gueule de populiste, regarde la tienne  espèce de conservateur ou de progressiste utopique.
   
En réalité le débat aura lieu entre les nationalistes que l’on dit belliqueux et d’extrême droite ce qui rappelle de mauvais souvenirs  et qui sont des populistes « aggravés » ou "dévoyés"et supposés  dangereux  qui haïssent l’Europe,  et les progressistes alliés aux conservateurs ouverts . Depuis Renan on sait ce qu’est la nation : c’est une âme, un principe spirituel avec la possession en commun d’un riche legs de souvenirs, le désir de vivre ensemble et la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis . On a le droit et le devoir d’aimer la nation. Mais elle n’est pas faite pour s’en servir comme repoussoir et donc la diviser ou l’opposer à ce qui n’est  pas comme nous.  La commémoration de 14-18 a montré que nos soldats s’étaient battus  comme des lions, qu’ils soient venus de nos campagnes et villes métropolitaines, ou de l’extérieur comme les tirailleurs sénégalais composés en pratique de combattants de multiples origines. Il se sont sacrifiés pour le drapeau français et ses valeurs,  et sont enterrés ou ont disparu à des milliers de kilomètres de leurs villages, de leurs lieux de naissance.  La nation doit intégrer avec des conditions s’il le faut et ne pas rejeter par principe.  Il est  prouvé que l’on peut actuellement avoir un destin commun tout en gardant ses qualités originelles. Mais ceux que l’on qualifie péjorativement de nationalistes veulent rester entre eux, éliminer ce qu’ils ne tolèrent pas, se barricader derrière des murs ou des barbelés, ne vouloir rien partager  même pas les miettes. Ils s’opposent à l’Europe tout en demandant à ce qu’ils aient des députés européens car la "soupe" est  bonne , et veulent saboter de l’intérieur ce qu’il leur parait néfaste pour la France. Ils émettent parfois des idées justes mais leurs solutions sont soient irréalistes soit contraires  aux valeurs que la France soutient dans sa vocation universelle et sa volonté de rassembler. Car le danger est de faire se confronter les communautés alors que le but est pour chacun de s’efforcer  de renforcer la cohésion nationale dans le cadre de la laïcité ,concept et pratique  mal connus et mal  ressentis  par ignorance et malentendus d’ailleurs chez nous, et  encore plus dans les autres pays de l’Europe  .
Dans cette atmosphère il va falloir convaincre ceux qui votent pour les nationalistes que leur politique est une impasse,  et encourager les électeurs  par des arguments solides, innovants, sonnants et trébuchants si l’on peut dire, à ne pas leur donner leurs votes. Je ne sais pas si le nationalisme tel que M.Macron le pense est une lèpre. Mais on a déjà donné et on connait les ravages du mépris des autres, de la volonté de revanche ou de puissance avec la certitude qu’une minorité a raison. L’histoire doit nous éviter de renouveler les erreurs du passé. On a raté la paix en 1919 et il a fallu attendre la fin de la deuxième guerre mondiale pour se décider à construire la paix. En Europe c’est le traité de Rome de 1957 qui a posé les bases de la réconciliation franco-allemande, et qui a permis une coopération réelle entre les nations. Le nationalisme ne soude pas. Il faut s’en rappeler pour préserver un espace de paix  et de libertés au profit de centaines de millions de citoyens, même si tout n’est pas parfait on le sait.
Il n’y a pas un ancien monde qui a  échoué et qui est à jeter avec l’eau du bain, et un nouveau monde avec un président jeune et magicien devant lequel on devrait être béat d’admiration en attendant que le succès arrive… ou non ! Un  président qui vient d’apparaitre de nulle part, entouré de quadragénaires qui ont des connaissances livresques mais peu d’expérience de terrain. Le jeunisme n’est pas une politique en soi. On en a vu d’autres et les promesses n’engagent que ceux qui y croient.  Personne  ne détient  la vérité, et il arrive comme on l’a vu avec l’affaire Benalla  protégé du prince,  que parfois on commet des erreurs de bonne foi, à l’insu de son plein gré.  Il y a  le monde dans lequel on vit , avant de se projeter dans les années lumière qu’il convient naturellement de préparer. Cela ne sert à rien de mourir guéri.  Un progressiste n’est pas le contraire d’un conservateur qui aime ce qui a fait ses preuves, qui peut vérifier ce qu’on lui propose  et ce qui correspond  à sa philosophie et à  ce qu’il souhaite. On aura besoin et des progressistes et  des conservateurs  voire des populistes éclairés pour que l’ Europe  trouve un équilibre efficace et ne soit plus un bateau à la dérive ,qu’elle retrouve ses fondamentaux quitte à avoir un premier cercle de pays de même niveau et qui partage les mêmes valeurs, dans un cadre démocratique certain. L’Europe qui a une compétence subsidiaire doit s’incliner devant la volonté des États qui n’ont de compte à rendre qu’à leurs peuples.
 Ainsi aurons -nous une gueule d’européen convaincu et l’atmosphère sera-t-elle meilleure.

jeudi 25 octobre 2018

A propos de laïcité : la paille et la poutre


              A propos de laïcité : la paille et la poutre.
          Par Christian FREMAUX avocat honoraire et élu local .
Le comité  des droits de l’homme de L’Onu vient d’ émettre pour la deuxième fois en quelques mois, un avis qui critique des décisions de justice de notre cour de cassation sur le port du voile dans l’entreprise ou  le niqab dans la rue,  en demandant à ce que les plaignantes soient indemnisées dans les 180 jours,  et que … l’on révise la loi. Certes cet avis n’a aucune obligation juridique mais il procède de l’intervention d’un comité «  Théodule » -avec tout le respect que l’on doit  à  l’Onu dont le rôle dans les relations internationales et le maintien de la paix  est fondamental- mais qui est  aussi   ce « machin » aurait dit le général de Gaulle. C’est une atteinte à notre souveraineté juridique et judiciaire,  à notre principe constitutionnel  de laïcité qui n’est manifestement pas compris par tout le monde, et à la nécessité de légiférer en France pour tenter de régler des problèmes pratiques, dans les écoles, à la cantine, à la piscine,  dans les entreprises, et dans l’espace public, pour éviter que cela ne dégénère. En France on ne commente pas -sauf les professeurs de droit- une décision de justice. Le comité des experts de l’Onu l’a fait. Examinons  les faits et le droit et rappelons d’abord  le contexte.
La laïcité et le respect des valeurs  de la  république sont un combat  permanent. Tout le monde n’habite pas dans des quartiers où rien de grave sur le plan des libertés ou délictuel ou criminel  ne se passe, où le vivre ensemble est un plaisir et le dialogue avec l’autre un enrichissement. L’actualité nous montre qu’il y a des quartiers perdus dans notre république que d’ailleurs le gouvernement actuel veut reconquérir, enfin. Pourvu que les déclarations d’intention se transforment en acte. M. Georges Bensoussan qui a écrit avec des professeurs un livre sur ce sujet dès 2002 a connu quelques déboires judiciaires pour l’avoir exposé publiquement, et un livre d’investigation  qui  vient d’être publié  d’élèves journalistes sous l’impulsion de  deux journalistes réputés MM.Davet et Lhomme prouve qu’il y a une islamisation galopante et inquiétante ne serait- ce qu’en Seine- saint Denis. La laïcité est donc en danger.   Certains s’offusqueront de cette affirmation comme si constater  ce qui ne va pas y compris en matière religieuse était un péché et que je sois un apostat.  Mon propos n’est pas de dénoncer quoique ce soit, ou d’essayer de comprendre pourquoi on en arrive à cette situation,  des spécialistes le font très bien, mais de prendre acte que l’islam sous des formes radicales et revendicatives pose problème même si nous vivons dans le cadre de la liberté religieuse, de l’interdiction de toute discrimination, et des droits particuliers de chacun  avec la liberté de conscience, de croire ou non , de vivre sa foi.  Pour les devoirs collectifs dans le cadre d’une nation c’est un autre combat que nous devons obligatoirement aussi mener et vite d’ailleurs,  car le communautarisme quel qu ‘il  soit  ou la tyrannie des minorités  le tout  au nom des droits de l’homme, ne doivent  pas triompher, sinon c’est la cohésion sociale, notre identité et notre  destin qui sont  remis en cause .La démocratie peut mourir d’être fracturée en faisant droit à toute demande.  C’est mon avis et je le partage car il n’engage que moi puisque je n’ai aucune responsabilité ou légitimité pour donner des leçons ou faire la morale et je revendique la liberté d’expression celle qui n’est pas réservée aux autres et qui se partage dans un dialogue républicain .
Dans notre république nous avons un pouvoir législatif , les députés et sénateurs qui votent la loi  représentent l’intérêt général,  la loi qui est motivée et a fait l’objet d’un débat public. Nos lois tiennent compte de certaines particularités, de notre histoire et  de nos traditions, de notre mode de vie,  du destin que nous avons choisi  ,et  ne rétrécissent jamais -sauf  par exception quand nous sommes menacés en matière de sécurité publique  et autre domaines vitaux – les libertés en général. Les tribunaux de l’ordre judiciaire protègent les libertés individuelles,  et ceux de l’ordre administratif renforcent les libertés publiques. Dans le domaine de la liberté religieuse c’est la loi de 1905  qui a consacré la séparation des églises (le des est important) et de l’Etat-donc du pouvoir politique- et a fondé la laïcité à la française. La république est neutre et garantit la liberté de rendre hommage à dieu comme on l’entend (dans le respect de l’ordre public)  ,proclame la liberté de conscience et consacre l’égalité : « la république ne reconnait , ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». La loi  s’est adaptée à l’évolution des mœurs, et à des revendications de plus en plus fortes de nos compatriotes musulmans pour pratiquer leur religion.  C’est leur droit, et ce n’est pas parce que l’on ne croit pas ou que l’on pratique une autre religion que l’on va leur dénier une liberté fondamentale. Mais on est passé progressivement à des exigences qui se discutent dans beaucoup de domaines et qui remettent en cause nos principes, ceux qui ont permis de bâtir une république soudée, unanime et déterminée à avoir des objectifs communs. Le débat s’est durci entre ceux qui veulent  toujours plus sans contrôle, sans critique possible  et même en leur donnant les moyens,  et ceux qui estiment qu’il ne faut pas aller trop loin qu’il y a des limites à ne pas franchir, que la société doit maitriser l’exercice de cette liberté pour qu’elle ne dérape pas ou se transforme en abus,   que le droit  de croire et d’exercer une telle  liberté doit être compatible avec des règles neutres destinées à combattre  tout différend  potentiel qui porte en germe de la violence ou la remise en cause de principes et qui peut conduire à des affrontements.   
C’est ce que l’on appelle la laïcité à la française qui caractérise notre personnalité  nationale à l’extérieur, s’appuie sur des valeurs universelles, est copiée plus ou moins bien par beaucoup de démocraties et qui fait notre grandeur.
Il y a eu deux procès en France sur la base de ces principes.  D’abord l’affaire de la crèche privée dite baby loup qui avait licenciée une de ses salariées qui souhaitait porter le voile à l’intérieur de l’établissement. Mme Afif la salariée concernée était soutenue  dans sa cause et la polémique fit rage sur fond de laïcité. Finalement la cour de cassation en assemblée plénière -ce qui démontre que la procédure ne fut pas un long fleuve tranquille- en 2014 a confirmé le licenciement pour faute grave , la salariée ayant refusé d’enlever son voile. Cet arrêt a mis en lumière le principe de laïcité dans des entreprises privées .Ce ne fut pas  à l’époque du goût de tout le monde en France, inutile de le préciser ou de donner des noms. La cour de cassation en entendit des vertes et des pas mûres.
La salariée Madame Fatima Afif  saisit ensuite  le comité  des droits de l’homme de l’ONU. Il ne faut  pas confondre ce comité  composé de 18 juristes indépendants  qui est chargé de suivre l’application du pacte international relatif aux droits civils et politiques de l’Onu  signé en 1966, avec le conseil des droits de l’homme  composé des représentants de 47 Etats où l’on trouve  notamment l’Afghanistan,  le Mexique, la république du Congo,  le Venézuela,  l’Albanie… qui ne sont pas des paragons de vertu et des modèles en matière d’application des droits de l’homme !
Nous parlons donc de ce comité de juristes qui le 10 août 2018 avait considéré que notre cour de cassation  dans l’affaire Baby loup s’était fourvoyée, que l’obligation imposée à Mme Afif de retirer son foulard à son travail  dans la crèche constituait « une restriction portant atteinte à la liberté de religion  et avait considéré que le licenciement «  ne reposait pas sur un critère raisonnable ».Le comité  a considéré que la France  « n’a pas apporté de justification suffisante qui permette de conclure que le port d’un foulard par une éducatrice de la crèche  porte atteinte aux libertés et droits fondamentaux des enfants et des parents la fréquentant ».C’est une appréciation  qui ne correspond pas à notre culture et en plus à notre droit.
Alors que nous sommes champion du monde de football, c‘était un but à zéro pour l’ONU ou son comité de juristes  contre la France qui n’a rien changé,  pour l’instant à ma connaissance car il n’y avait pas d’arbitre dans le match qui n’était qu’amical et pas officiel en droit, sans sanction . Ce qui me réjouis car les faubourgs de  New -York sont loin même si le droit international signé par les Etats  a vocation à s’appliquer partout y compris dans les pays dont sont issus les éminents juristes. Que la France ne prend pas de réglementation à la légère surtout en matière de libertés. Et qu’enfin nos juridictions ne font pas de politique, ne suivent pas l’opinion publique  et respectent les lois y compris internationales  et  interprètent les textes s’il y a un vide juridique.  Il n’appartient qu’au législateur de modifier la loi s’il y a lieu. Je ne doute pas que les illustres juristes de New-York connaissent Montesquieu et la séparation des pouvoirs ce qui est un principe que nos donneurs de leçons de droit et d’éthique doivent exiger partout.
Ensuite on s'attaqua à l'espace public et bis repetita. Ledit comité des juristes de l’ONU  , le comité des droits de l’homme  présidé par un israélien vient de récidiver mardi 23 octobre 2018. Saisi par deux musulmanes qui portaient dans la rue à Nantes  le voile intégral, le niqab, et qui avaient été verbalisées,  il a condamné la France  en estimant que « l’interdiction du niqab viole la liberté de religion  et les droits humains », pas moins  !Remarquons la détermination des plaignantes passées du tribunal de police en France et d’une condamnation à une simple amende, à New-York et à un avis international. Chacun méditera sur cette volonté de vouloir établir une jurisprudence. Le droit n’est pas toujours neutre et peut servir à mener un combat.   
La loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010 interdit la dissimulation du visage dans l’espace public (rues, commerces, transports, mairies...) .On ne peut porter une tenue destinée à dissimuler le visage  sous peine d’une amende pouvant aller jusqu’à 150 euros. Cette loi a été validée en 2014 par la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg. Elle complète la loi de 2004 sur le port de signes ou de tenues dans les collèges et lycées, par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse, ce qui est interdit.
Il faut donc croire que la  connaissance et l’interprétation  des droits de l’homme ne sont plus universalistes et  qu’elles fluctuent selon la latitude ou la longitude et celui qui doit l’apprécier à  l’aune de des propres croyances religieuses ou non,   et de ses pratiques philosophiques, juridiques et  démocratiques. Ce n’est pas un progrès  de ne pas avoir des interprétations homogènes, de devoir confronter des jurisprudences contraires,  et cela peut conduire à des difficultés sérieuses. Puisque le comité des droits de l’homme a vocation à ne  donner que des avis sur des interprétations de textes, qu’il s’en tienne là. Qu’il n’émette pas des injonctions de faire, des quasi menaces qui de toutes façons seront sans effet contraignant, par exemple  de devoir indemniser de prétendues victimes qui ne font preuve d’aucun préjudice ( c’est la jurisprudence en droit social en France) ou qui soutiennent gratuitement qu’elles ne peuvent exercer des libertés fondamentales ce qui serait une faute lourde de l’Etat et justifierait des dommages-intérêts. On est dans l’absurde et un excès de prétendu pouvoir par ces « juges autoproclamés »
Cela n’empêche pas de discuter du fond par exemple des droits du salarié dans l’entreprise privée. La loi n°2016-1088 de Mme El Khomry dite loi travail   a introduit le principe de neutralité au sein du règlement intérieur de chaque entreprise. La loi stipule : « le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions  des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres  libertés ou droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise si elles sont proportionnées au but recherché ».C’est clair c’est notre droit et je ne pense pas que le comité des juristes de l’ONU trouvera une critique à formuler  sauf à s’immiscer dans notre démocratie ? .Il faut aussi tenir compte  de ceux qui dirigent l’entreprise et la fréquentent. C’est pareil  dans l’entreprise publique qui n’appartient à personne mais qui est la propriété de tous et qui doit rester neutre .
Cette législation globale  résulte  du droit de la société de prendre des précautions et de savoir toujours à qui on a affaire, ses droits et devoirs surtout dans le contexte d’insécurité,  de menaces diverses, d’attentats et de délinquance. Elle est faite aussi pour que chacun ne soit pas choqué par le comportement de l’autre. En conséquence   il peut y avoir un conflit de droits, ou un affrontement entre les libertés individuelles et le devoir de protection générale. Les droits de l’homme ne doivent pas être instrumentalisés. Il faut déjà les appliquer dans un consensus difficile à obtenir, les faire comprendre pour les conforter pour qu’ils redeviennent conquérants et exemplaires. Et l'Onu n'a pas la même interprétation que la Cour européenne des droits de l'homme: qui a raison?
Avant de voir la paille de la laïcité qui indispose chez l’autre il faut balayer devant sa porte. Cela évite de prendre des poutres de l’intolérance qui  favorise l’individu exclusivement sans tenir compte de ceux avec qui on vit, en pleine figure.  

lundi 22 octobre 2018

Un pays d’où l’on revient


                    Un pays d’où l’on revient.
           Par Christian Fremaux avocat honoraire et élu local.

Je reviens de nulle part .
Il faut pourtant prendre un vol d’Air Ethiopian qui dure 7h30 la nuit à partir de Roissy Charles-de-gaulle, puis arrivé au très petit matin à Addis-Abeba capitale de l’Ethiopie remonter dans un avion  qui nous transporte quelques centaines de kilomètres plus loin en une heure de vol jusqu’à un territoire indépendant qui  part de Djibouti   avec  une frontière commune  avec  l’Ethiopie au sud,  puis  qui longe sur 750 kilomètres le golfe d’Aden et les débuts de l’océan indien .La façade maritime dans cette région menacée et en conflit  de tout côté est donc importante. On se situe par 8° et 11’30 de latitude, et par 42°45’ et 49° de longitude, en tendant vers l’équateur. Nous sommes en plein dans la corne de l’Afrique, celle de l’est. En face c’est le Yémen, Oman et les émirats arabes avec Dubaï  qui investit, et le poids lourd l’Arabie Saoudite. C’est dire si la région est stratégique et combien les puissances régionales comme certaines plus lointaines s’intéressent au pays, à ses ports, à son emplacement , à ses ressources naturelles qui émergent, à sa place dans la région et à ses ambitions légitimes comme pour tout peuple, dans un contexte diplomatique difficile résultant de ce que les anciens pays colonisateurs ont laissé comme tracés et comme nécessités organisationnelles et administratives en général , avec l’Union Africaine qui se hâte lentement dans l’examen des revendications  de puissance publique et étatique et le différend désormais ancien et  récurrent qui concerne la Somalie celle qui a pour capitale Mogadiscio.
Ce pays couvre environ 137.000 kilomètres carrés, a une population de près de 4 millions de citoyens  donc plus  nombreuse que dans certains pays voisins du continent connus et reconnus , souvent agriculteurs, éleveurs de chèvres et de bestiaux divers qui vivent  dans un rude désert de pierres . Sa capitale Hargeisa a environ 1 million d’habitants, où les constructions nouvelles en dur qu’il a fallu édifier - car en raison de la guerre 90% de la ville avaient été ravagés  outre les pertes humaines dramatiques -,  côtoient des habitats  anciens plus précaires faits de bric et de broc. Les routes bétonnées ou en bon état sont rares -on y voit des carcasses de voitures ou de matériel abandonnées – mais ce sont  plutôt des chemins ou pistes même en ville en terre qui dominent, et à la saison sèche  c’est la poussière qui vole, qui recouvre tout , personnes, animaux, arbres, maisons , mosquées, outils, matériaux et  qui se mélange avec les détritus  plastique qui jonchent tout, tous  et partout et colorent l’environnement. Les écologistes donneurs de leçons en occident  ont du pain sur la planche !. Les petits commerces de toute nature florissent . La nourriture est à base de riz et de pâtes (importées), de viandes diverses (nos végans s’étrangleraient de rage) , et de fruits. On boit de l’eau minérale en abondance jamais le moindre alcool croyance oblige -bien qu’une eau de robinet potable existe -, et le soir l’éclairage public est fort. Malgré l’agitation  globale car il y a beaucoup de monde dans les rues, des femmes  qui portent le voile ou la burka, les enfants des écoles qui vont et viennent, les hommes qui s’affairent, les chèvres  sans trop bêler  voire les dromadaires faméliques et déblatérants  qui circulent librement ,  le calme relatif surprend , et je n’écris pas l’ordre règne à Hargeisa car j’ai vu peu de policiers dans la rue  mais je suis peut être naïf ou inattentif , avec  une circulation  intense de grosses voitures 4/4 en très bon état  de fabrication japonaise . Bref à Hargeisa on vit comme partout ailleurs, le plus paisiblement possible (la délinquance est marginale selon les autorités ?) avec un niveau de vie adapté aux possibilités financières même s’il est naturellement  insuffisant (  le pays ne reçoit aucune aide internationale)  et que certains restent sur le bas- côté dans la pauvreté. On y entend chanter le muezzin régulièrement , mais on ne voit pas les fidèles prier dans la rue,  et le soleil se couche vers 18 heures du moins quand j’y étais avec une nuit très noire qui s’installe….
J’avais été invité comme connaisseur de l’ordre public international notamment, des organisations internationales, et de ce que l’on appelle un Etat, à participer les 11 et 12 octobre 2018 à Hargeisa, à une conférence cruciale pour le pays qui s’intitulait : « achievements and challenges ahead 27 years later ».J’ai passé près d’une semaine sur place en bougeant.  27 ans après la proclamation unilatérale de leur indépendance en 1991,  les autorités voulaient démontrer à la communauté internationale que leur  pays a atteint un niveau de démocratie et de fonctionnement qui lui permet d’être reconnu comme un autre Etat , même si tout n’est pas parfait, mais quel Etat peut se vanter de n’avoir pas de points faibles dans sa pratique quotidienne, ses valeurs, et en comparaison d’autres Etats. On peut toujours faire mieux.  M.joel Broquet grand spécialiste des diasporas africaines en France (qui jouent un grand rôle dans notre propre démocratie par exemple dans les banlieues)  et  président du partenariat eurafricain qui était aussi à l’origine de la mission , était le deuxième délégué qui venait de France.   Nous avions été  mandatés  pour observer et donner nos avis par le représentant du pays en France M.Ismael Ali Hassan : on ne peut dire ambassadeur car il ne peut présenter des lettres de créance officielles de son pays qui n’est pas -encore  -formellement un Etat mais il  exerce des fonctions similaires et gère aussi  la diaspora de ce coin  spécifique de l’Afrique . Participaient  à ce colloque des délégués venant d’Afrique, d’Asie,  d’Europe et du  reste du monde. C’est dire le sérieux du constat et des propositions. Il y eut deux jours pendant lesquels des personnalités du pays expliquèrent les politiques publiques, les réussites comme les échecs, les défis à relever, les demandes d’aide et de coopération. Chacun put apporter sa pierre à la construction de solutions réalistes pour améliorer la situation, critiquer cependant des initiatives ne paraissant pas pertinentes , en attendant que le pays devienne un Etat de fait établi comme de droit  classique aux yeux de la communauté internationale, dans la paix et surtout le rapprochement avec les frères de la Somalie voisine.  Nous avons eu l’honneur mon collègue et moi d’être reçus par le président de la république du pays, accompagné de son ministre des affaires étrangères qui avait organisé la conférence, et de discuter plusieurs heures en visitant avec de nombreux ministres et parlementaires , dont des députés venant de Djibouti parlant… français.
Il faut connaitre l’histoire de ce pays pour comprendre   ce qu’il veut obtenir depuis sa naissance il y a 27 ans.
Historiquement la Somalie dont le territoire s’étend  principalement le long de l’océan indien en partant de l’extrême est de la corne de l’Afrique, jusqu’aux frontières avec le Kenya et l’Ethiopie  du sud vient  du protectorat britannique sur la partie nord- ouest  (celle où j’étais) et du protectorat  italien pour le reste  avec sa capitale Mogadiscio , bien connue pour diverses raisons parfois mauvaises et reconnue par la communauté internationale. C’est une république fédérale.  En 1960 la Somalie gagna son indépendance sur le plan extérieur, mais sur le plan interne des conflits subsistèrent. La guerre civile éclata entre frères qui conduisit à une séparation de fait entre le pays à partir de 1991 et la Somalie « officielle » avec  des tentatives pour essayer de trouver une solution diplomatique et pacifique après une guerre violente  qui fut dévastatrice en hommes et infrastructures. Le 18 Mai 1991 fut actée l’existence de deux entités distinctes, dotées chacune d’un territoire délimité, de pouvoirs politiques, d’habitants, avec en commun l’islam comme religion. Le pays d’où je viens mit en place une gouvernance, et créa progressivement   un proto -Etat.
Je n’insiste pas sur les difficultés que rencontre la Somalie de Mogadiscio, qui eut des gouvernements erratiques, voir plus d’Etat, subit la pression islamique des shebabs liés à Al- qaida, le terrorisme et la piraterie maritime… Les Nations-Unies durent envoyer des casques bleus entre 1992 et 1995 :  ce fut la mise en pratique d’un droit d’ingérence humanitaire d’ailleurs non prévu par les textes, mais il fallait préserver l’essentiel, y compris pour la communauté internationale car cette Somalie bénéficiait et cela continue d’un siège à l’ONU,  et également à l’organisation de l’union africaine et à la ligue arabe notamment. En 2018 le pays connait toujours une crise sécuritaire très grave. Le quai d’Orsay déconseille d’y aller…
Depuis 1991 à Hargeisa- où j’étais -le pays est réel, visible, tangible,  mais il  n’existe pas en droit international puisque on ne lui reconnait pas le statut d’Etat. D’où ses espoirs pour l’être en montrant qu’il en remplit les conditions.
C’est la convention de Montevidéo de 1933  sur les droits et les devoirs des Etats qui a fixé 4 critères pour caractériser  un Etat  souverain. Il faut :
*être peuplé en permanence ;
*contrôler un territoire défini ;
*être doté d’un gouvernement ;
*être apte à entretenir des relations étatiques.
Le pays d’où je reviens entretient déjà des relations  commerciales avec de nombreux Etats ou leurs entreprises. C’est bien mais pas suffisant. Il prouve qu’il répond en outre aux 4 critères :
1-il y a régulièrement des élections .Le président actuel  est M.Musa Bihi Abdi élu pour 4 ans au scrutin majoritaire unilatéral à deux tours, mandat renouvelable une fois. Les observateurs internationaux n’ont formulé aucune remarque négative sur son élection. Le régime est présidentiel avec un vice-président et sans 1er ministre. Les 82 députés sont aussi élus, et il y a une chambre des anciens (une sorte de sénat ou chambre des lords) qui sont nommés. Des élections locales ont lieu. Il y a trois partis politiques officiels ;
2-Il y a une constitution officielle votée en 2000 qui allie la charia et les droits de l’homme, ce qui est  compatible selon les interlocuteurs rencontrés qui n’ignorent pas que l’on doute du respect  effectif des droits de l’homme. Ils répondent que cela s’apprend comme la démocratie et qu’il faut un haut niveau de vie économique et culturelle pour que l’on accepte certaines valeurs et pratiques ; leur droit s’appuie certes sur la charia mais aussi sur les coutumes, la loi du parlement, que le système judiciaire applique. La presse y est libre.
3- le pays est peuplé en permanence  dans les villes et villages, et il y a des nomades. On y parle d’abord le somali, puis l’arabe, et enfin l’anglais ou l’italien. Il y aurait 7-8% de francophones.  Il y a  un budget (les impôts rentrent bien m’a-t-on affirmé ?) ,une monnaie bien que l’opérateur Télésom ait créé un service de monnaie virtuelle (ziad) via le téléphone portable pour suppléer la faiblesse du secteur bancaire. Chacun respecte la religion d’Etat qui est l’islam toute autre religion étant interdite . Enfin on développe les richesses culturelles notamment  avec le magnifique site archéologique de Las-geel  fouillé par les spécialistes de l’université de Montpellier III ;
4- le territoire est bien délimité  et suit les frontières de l’ex-protectorat,  protégé par une armée organisée et bien équipée  en raison des menaces diverses. Il y a un différend larvé avec le Puntland au nord-est qui revendique sa place, mais c’est un statu quo. Le principal port Berbera  qui est proche de Djibouti joue un rôle grandissant. Il a une base navale et aérienne  qui a été concédée depuis février 2017 aux Emirats arabes unis pour 25 ans. Dubaï y a mobilisé des fonds importants pour prolonger le quai de plusieurs centaines de mètres.  L’Ethiopie a pris un accord pour un accès.
Le pays entretient  des relations étatiques, y compris avec la Somalie même si dans ce cas on avance peu, on fait plutôt du surplace !.
Les autorités estiment que leur pays qui est une démocratie selon elles, doit devenir un Etat et entrer dans le concert des nations. Elles ne sous -estiment pas les difficultés qui sont juridiques, diplomatiques , humaines et comprennent que les intérêts des autres ne  coïncident  pas avec les leurs, que la Somalie rechigne et  que la communauté internationale en particulier l’union africaine ne veut pas provoquer un appel d’air en faisant droit à leurs revendications. Mais elles pensent que l’on ne peut ignorer durablement  un peuple  qui a les mêmes droits  humains que les autres, qui ne doit pas être pénalisé par des prétextes de droit ou politiques au sens des puissances souveraines, et que l’histoire va dans leur sens. Les conditions de la naissance de ce pays peuvent être discutées, mais il y a des précédents similaires dans le monde, et ce pays ne cherche pas à s’étendre par la force, ou priver ses voisins d’un bout de territoire. Il a repris ce qui existait…

Je n’ai pas à donner de conseils car je n’ai aucune légitimité et je ne représente que moi. Je suis venu dans ce pays, j’ai vu, j’ai été convaincu qu’il y avait une gouvernance, une puissance publique, les attributs d’un Etat, même si je ne connais pas le dessous des cartes,  et que je sais que la vie internationale  n’est pas un long fleuve tranquille, que les enjeux sont stratégiques et qu’il faut être réaliste. Mais  rappelons nous la formule classique « ils ne savaient pas que c’était  impossible, ils l’ont donc fait ».
Quand un individu appelle au secours on l’aide sans arrière- pensée. Quand un peuple est uni et veut vivre ensemble  avec un destin commun cela devient une nation de fait  et on l’encourage. Quand la nation de fait  veut devenir un Etat en droit  reconnu par la communauté internationale on ne peut pas prendre le risque de la marginaliser ce qui est un échec  et un danger  pour tout le monde car on peut la jeter dans l’inconnu où tout est possible.
Si le commerce ne suffit pas,- car on ne peut tout privatiser-, si les accords bilatéraux ne peuvent rien, si la diplomatie ne trouve pas un compromis,  restent la justice internationale et le droit. Ce justiciable pourra ainsi réussir à s’imposer. Il devra respecter ses droits et devoirs, rendre des comptes, s’intégrer sur le plan régional et international ce qui est toujours un progrès pour l’humanité, donc un grand bond en avant pour la démocratie.
Ce pays c’est le Somaliland. 
Je suis de retour à paris. Je reviens de nulle part.