On débloque
Par Christian Fremaux avocat honoraire
Ce qu’il y a
de positif avec toutes les péripéties institutionnelles depuis des années c’est
que les citoyens sont devenus des spécialistes du droit constitutionnel, ce qui
ne met pas du beurre dans les épinards mais permet de ne pas mourir idiot. Mais
de faim pour les plus démunis.
Nos
étudiants qui se plaignent n’ont plus besoin d’aller trainer leur spleen sur
les bancs de la faculté des sciences juridiques. Il leur suffit d’écouter les
débats publics, d’ailleurs affligeants. Nos élites se surpassent dans
l’indigence intellectuelle et la démagogie.
On sait tout
et son contraire selon le parti pris des intervenants rarement objectifs et
pédagogues sur la dissolution, le fonctionnement du parlement avec ses abus
pour ne pas débattre, l’article vedette à savoir le 49.3, et les pouvoirs du
chef de l’Etat que M. Mélenchon en jubilant voudrait destituer, pas moins. Ou
que M. Macron démissionne en reconnaissant ses fautes. Et si on attendait le
résultat des municipales proches ?
S’y ajoute
désormais l’article 49 mais alinéa premier puisque le premier ministre
actuel va poser le 8 septembre la question de confiance. Mais uniquement
sur le principe : sommes-nous d’accord ou non sur le diagnostic à
savoir le grave surendettement de la France ? Ce qui ne peut durer sans
agir fortement mais justement. Pour les
mesures à prendre, on verra ensuite. A entendre les réactions je
crains que M. Bayrou ait pris un billet de sortie et que les réformes qu’il
propose d’améliorer, amender, substituer par d’autres ce qui est démocratique,
passent à la trappe. Alors que certaines sont intéressantes. Le débat focalisé
sur les jours fériés est surréaliste. Des jeunes veulent travailler et être
payés double. D’autres salariés veulent être rémunérés et ne rien perdre. C’est
juste. On veut jeter l’eau du bain avec le maitre-nageur. Mais on n’est pas à l’abri d’une bonne
surprise, après discussions en coulisse et compromis divers. Député, c’est
avoir un job. Payé pendant les jours fériés et les vacances.
Pour le
budget tout le monde partage plus ou moins la nécessité d’innover, vite. Mais si les économies sont nécessaires elles
doivent toucher les autres, pas soi. C’est humain. Sans oublier les
symboles : faire payer les riches ; éradiquer le paupérisme en
combattant le libéralisme ; accueillir sans conditions ceux qui sont
persécutés ou dans le besoin ; ne pas avoir de relations avec les Etats
agresseurs ou ne correspondant pas à la doxa morale ...Chacun a ses
croyances. Est- ce possible de bâtir un budget idéal qui satisfait tout le monde ?
Certains ne veulent pas et préfèrent le
chaos. Tout « bordéliser » devient une politique publique pour prétendre
aboutir à une démocratie exemplaire, égalitaire, aimante, sans insécurité, dans
un vivre ensemble absolu. Avec la justice fiscale et sociale, concept
creux. Sans commentaire. Chacun appréciera.
Il est inutile de se demander si tout
ceci est bien raisonnable et si les Français approuvent, eux qu’on n’interroge
pas notamment par référendum, disposition participative prévue par la
constitution. Les conventions citoyennes sont comme le canada- dry. Et nos parlementaires de tous bords n’ont pas
la science infuse. Ils sont responsables des lois qu’ils ont votées et de leurs
choix, même si l’Etat a assuré la protection des citoyens. Ce qui est
simplement son rôle. Comme celui de tenir les cordons de la bourse et ne pas
dire oui à tout, en ayant peur des réactions de groupes de pression sinon de
communautés. La nation n’est pas l’addition des intérêts particuliers.
Les
jeux politiciens fatiguent. Attention au coup de balai général et imprévu, le
fameux « dégage ». On sait ce qu’on a, mais pas ce qui pourrait
advenir. Ce qui ne veut pas dire que des réformes drastiques ne sont pas
urgentes. L’immobilisme étouffe et crée des injustices et des frustations mais
renverser la table n’apporte rien de concret. N’est pas Schumpeter et sa
destruction créatrice, qui veut.
Le 10
septembre certains ont décidé de bloquer le pays. Des syndicats qui aiment bien
la grève générale - principe constitutionnel bien connu - suivront mais on
ne sait pas quel agrégat existe, qui est responsable, les objectifs, les
moyens, les coupables...Il n’y aura peut-être plus de premier ministre et on repartira
pour un tour d’incertitudes, de discours fleuves, de menaces, de conflits, donc
d’arrêt. La gauche fracturée soutient à tort qu’elle a gagné les dernières
élections : elle veut le poste de premier ministre, mais pour
quelle personnalité en particulier ? Avec quel programme de
redressement ? La rhétorique ne remplace pas le bon sens et le partage
réfléchi en conservant non pas les droits acquis qui sont mortels, mais
les efforts accomplis pendant des années.
M.
Macron a dit qu’il ne prononcerait pas une nouvelle dissolution au vu de
l’absence de clarification de celle de l’année précédente. Mais il peut changer
d’avis et une nouvelle élection législative rendre le même résultat, voire
pire.
La France est
en train de se noyer et des âmes désintéressées lui appuient sur la tête.Je me
demande si collectivement on ne débloque pas en perdant le sens des réalités. Aucune commune, aucune entreprise ne peuvent
se permettre de gouverner ainsi. Chaque famille a un budget pensé, rationalisé,
contrôlé, demandant des efforts. Parfois des sacrifices et des décisions
douloureuses.
On ne bâtit
pas un budget national avec des boucs émissaires, des plus privilégiés que
d’autres, ou des responsables dénoncés pour leurs incompétences sinon leurs
injustices. Il faut proposer de l’alternatif concret aux mesures
critiquées, un remède qui n’est pas plus grave que le mal. Et en n’imposant pas
les mêmes règles pour tous. C’est du masochisme de tout rejeter sans solutions
faisables, ni souplesse de statut.
Il faut
travailler plus, notamment les jeunes et les seniors. C’est du domaine des
partenaires sociaux qui ne doivent pas faire de l’idéologie. On doit protéger
les plus fragiles notamment en matière de santé. Ce qui est de la solidarité.
Et ne pas punir ceux qui ont cotisé leurs vies entières et n’ont rien volé aux
actifs. On doit dépenser moins. L’Etat doit commencer par lui-même et
dégraisser le mammouth en fixant le cap et les objectifs à atteindre. Et
veiller sans faiblesse aux fonctions régaliennes. C’est de la politique.
Le contraire
de bloquer c’est desserrer, ouvrir. Les esprits en particulier. Ordo ab
chao.