Prolégomènes sur la période
2019-2020 : faudra- t- il en rire
ou en pleurer ?
Par Christian Fremaux avocat
honoraire et président d’honneur de l’ana-inhesj.
Avertissement : le texte
ci-dessous est l’un des 2 articles que j’ai écrit exclusivement pour le n°50 de
l’Auditeur qui est la revue de l’ana-inhesj (association nationale des auditeurs
de l’institut national des hautes études de la sécurité et de la justice) pour
fêter ses 25 ans de parution et de diffusion à des centaines d’auditeurs et à
toutes les autorités publiques au plus haut niveau de l’Etat. Il sera officiellement
publié en mai -juin 2019 et il pourra être lu sur le site de l’association
ana-inhesj. Je m’efforce de ne commenter que ce qui concerne de près ou de loin
la sécurité et la justice qui sont les domaines de compétences de l’institut et
des auditeurs, ce qui n’est pas facile à
délimiter sans déborder car tout est lié avec le contexte économique,
social, institutionnel et l’état de droit dans notre démocratie.
Les élections
européennes quelques soient les
résultats ne bouleversent pas par tradition le paysage politique et ne règlent
pas les problèmes internes. Mais il y a parfois des surprises et on peut
profiter de l’occasion après le grand débat, pour innover. Dans les mois qui
viennent de 2019 on verra ce que le gouvernement décide et tire comme leçons. On attaquera
ensuite l’année 2020 celle des élections municipales qui peuvent provoquer elles,
un grand chambardement. Des conseillers municipaux et maires actuellement élus
ont l’intention de déposer leurs écharpes, lassés de se battre avec des moyens
qui baissent sans cesse, sans une vraie considération de leurs concitoyens qui
critiquent toute décision et sans reconnaissance du pouvoir exécutif même si M.
Macron les a beaucoup fréquentés dans le
grand débat national. Et s’il se faisait que les gilets jaunes qui réprouvent
toute forme de pouvoir et de représentation se lançaient dans le processus
électif ; et si des jeunes
s’impliquaient pour leur avenir ;
ou si ceux qui savent tout ou qui
ont des idées et veulent être bénévoles (car toute indemnité est un privilège
parait -il) retrouvaient le chemin des urnes, se présentaient aux élections
avec des programmes locaux précis pour
mettre leurs paroles en actes et prendre les responsabilités, ou aurait une
vague de nouveaux élus qui peut être apporteraient du mieux ? Ils
deviendraient des responsables participatifs en appliquant leurs méthodes telles que le r.i.c ( non
défini précisément mais pour toutes
matières) avec des pouvoirs en discussion perpétuelle comme le mouvement du
même nom. Ayant la science infuse ils ne
pourraient que réussir puisque les élites actuelles ont failli et sont suspectes par définition.
Patientons pour voir. En attendant dressons l’état des lieux de la sécurité et
de la justice dans les premiers mois de 2019 et parlons des problématiques qui
seront encore présentes en 2020.
Le jaune à tous les étages ou le match ordre public et ordre social.
On s’est
presque accoutumé aux défilés du samedi (que fais- tu samedi ? rien je
vais voir la manif. et je compte les magasins cassés…) la fièvre du samedi soir
étant une chanson de l’ancien monde de John Travolta, mais personnellement je
ne peux m’habituer-ce qui est renoncer à agir- à la violence physique, aux
destructions de biens publics comme privés qui accompagnent les actes
successifs comme dans une pièce de théâtre où selon la tradition française il
faut l’unité de lieu, de temps et
d’action, et où après 4 ou 5 actes seulement il y a le dénouement final avec message positif ou
moral. Une représentation de la même pièce avec les mêmes acteurs et spectateurs chaque samedi finit par
lasser, et la violence quelqu’en soit le motif n’est pas tolérable et
discrédite ce qui pouvait apparaitre comme des revendications à étudier .
Je n’écris pas légitimes car tout ne se vaut pas , et qui estime la
légitimité ? Je ne sais pas si l’on
peut qualifier de revendications sociales justifiées ce qui a entrainé outre les destructions de biens et la faillite de commerces
plusieurs morts même par accidents, des milliers de blessés parfois graves tant
chez les manifestants que dans les rangs des forces de l’ordre (qui sont des
victimes comme les autres ) et qui a
provoqué un climat de quasi guérilla urbaine au service d’exigences
hétéroclites voire contradictoires, et de positions politiques plus près du coup d’Etat dit
citoyen que d’améliorations démocratiques. En fracturant au passage la cohésion sociale en distinguant les riches
ou les retraités aisés qui seraient des privilégiés avec un pouvoir d’achat
supérieur à celui des actifs , ceux qui doivent payer toujours plus (les deux
catégories ci-devant) en faveur du
vertueux peuple des exploités même s’ils ne paient pas d’impôts, et qui
considèrent que le « pognon de dingue » est mal utilisé (ce qui n’est
pas entièrement faux surtout en matière
de dépenses publiques) c’est-à-dire ne leur profite pas à eux principalement en
oubliant notre système de redistribution l’un des plus favorables au monde. On
a le droit de voir midi à 14 heures et défendre ses intérêts, c’est
humain. Mais on ne peut mettre en danger
la démocratie qui est fragile et pour laquelle se battent des millions
d’individus et des peuples dans le sang, la terreur et la souffrance . Il y a
des limites à ne pas franchir et il faut savoir terminer une grève comme le
disait Maurice Thorez ou un mouvement de rue quelconque. Sinon c’est
la porte ouverte à tous les excès d’où qu’ils viennent et souvent au lieu
d’un mieux être et des libertés, on a un résultat contraire. La démocratie est
mortelle. Aucun météorologiste
politique, sondagier ou médiatique n’a vu arriver la grosse vague qui n’en
finit pas de s’étaler et risque de submerger ce qui existe de positif. On n’a
pas entendu les appels, on n’a pas su voir les signaux même faibles, les élites
technocratiques ont cru qu’elles avaient
raison. On a commis collectivement du moins pour ceux qui ont ou ont eu les responsabilités une faute d’égo, et une
faute de goût en négligeant ce qui n’était pas le monde des start- up et du
progressisme auto proclamé. Quand on donne ensuite la parole à celui qui était
invisible ou inaudible ou ignoré il la garde, formule des revendications
parfois de simple bon sens, et peut donner des leçons d’humanisme et de
solidarité. Ce qui compte ce n’est la question mais la réponse politique et la
réalisation concrète. Je n’insiste pas sur le sociétal puisque le sujet de mes commentaires est limité à la sécurité et
à la justice qui concernent les gilets
jaunes accessoirement pour accuser de provocation et de répression inadmissible
,mais essentiellement le gouvernement et les forces de l’ordre. Il y a un match connu entre l’ordre public et
l’ordre ou le désordre social.
La sécurité
n’est qu’un moyen d’assurer les libertés dont celle de manifester et de
protéger les citoyens. Elle n’est pas une fin en soi , un objectif à
atteindre. Sauf erreur de ma part il y a eu peu de questions sur la sécurité et
la justice dans le grand débat national sauf en ce qui concerne les
violences : qui est l’agresseur et qui est l’agressé ? Que doivent
faire l’Etat et les forces de l’ordre face à des formes de violences inédites
en matière de revendications sociales ? Les gilets jaunes et ceux qui les
soutiennent politiques ou non, posent comme postulat que les policiers et les
gendarmes en uniforme avec armes et désormais caméras, chevaux ou blindés sont en soi de la provocation, et le fait
qu’ils se défendent alors qu’ils seraient les agresseurs avec des armes
dangereuses et une tactique insupportable serait une circonstance aggravante.
Ce point de départ de la polémique
est un immense malentendu voire une formidable mauvaise foi. Bien sûr la
liberté de manifester ne peut se transformer en une interdiction générale au prétexte qu’il y aurait des
débordements. Mais comment concilier des libertés fondamentales dont celle de
vivre en paix, dans la tranquillité pour exercer son travail ou simplement
avoir le droit de flâner sans risquer
d’être attaqués ou blessés par des agités ?
Le débat est
ouvert en droit qui reste l’élément le plus objectif puisque c’est
l’application de la loi. Que dit- elle à ce jour?
Liberté de manifester et maintien de
l’ordre : article de Pierre Steimetz le figaro du 31 janvier 2019 page 16.
M.Steimetz a
été haut fonctionnaire auprès du ministère de l’intérieur, Préfet, DGGN,
directeur de cabinet de M .Raffarin 1er ministre, membre du conseil constitutionnel : il
connait le sujet et demande à ce qu’on s’appuie sur les fondamentaux. La liberté
de manifester découle de l’article 10 de
la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen. Elle n’est cependant pas
absolue. Elle est circonscrite par la
réglementation (déclaration) et son objet même . M.Steimetz rappelle que
« la liberté d’exprimer ses opinions
n’est pas celle de brûler des voitures, briser des vitrines , ni de
lancer des pavés ou des cocktails molotov… ». Elle l’est aussi par le
respect dû aux droits d’autrui, de propriété, de travailler…Pour la garantie
des droits il est fait appel à « la force publique » qui a le
monopole de la « violence légitime ». L’usage des armes par les
forces de l’ordre doit être adapté et proportionné et doit répondre aux
obligations légales telles les sommations. Mais il ne faut pas tout confondre :
en droit nous ne sommes pas pendant la
manifestation dans le cadre de la notion de légitime défense avec un agresseur
et un agressé ,sauf en marge ou après la manifestation pour des cas individuels
qui cherchent l’affrontement. On ne peut mettre à égalité les manifestants et
ceux qui veulent en découdre, et les policiers et gendarmes qui sont las de se battre tous les week-
ends : ce sont aussi des citoyens qui ont le droit d’être. M. Steimetz écrit : « le
maintien de l’ordre relève de l’accomplissement d’une mission , le
rétablissement de la paix publique ,et ne peut donc être assimilé à une
confrontation entre deux parties dont la violence devrait être en quelque sorte
équilibrée ». Ces rappels sont clairs mais il faut les adapter aux cas
réels. Les juges (judiciaires) apprécieront s’il y a eu des « accidents
» ou « incidents » ou des fautes qui doivent être
sanctionnées, et si les règles d’emploi ont été respectées. Le manifestant peut
aussi participer à son propre préjudice par exemple en shootant dans une
grenade ou en la ramassant pour la renvoyer à l’expéditeur. L’acte qu’on ne
numérote plus qui a consisté à défiler « contre les violences
policières » n’avait donc aucun sens. Personne ne discute que la doctrine
choisie du maintien de l’ordre qui nécessite sang-froid, discipline, courage et
modération, doit s’adapter aux manifestants et aux circonstances.
Réciproquement les manifestants qui savent qu’à chaque fin de défilé les
violences commencent, pourraient aussi s’adapter à ce qu’ils provoquent même
sans le vouloir, par le refus de la dislocation qu’ils font en trainant
les pieds, et par un service d’ordre interne ou équivalent qui leur permettrait de chasser les violents qu’ils ont dû identifier au fil des semaines,
et de les distinguer des militants
présumés bons enfants. S’ils veulent éviter la violence il suffit aux gilets
jaunes dits pacifiques de rentrer chez
eux au plus vite dès la fin du défilé. La justice s’est prononcée mais il y a
des avis partagés sur ce que je viens d’énoncer notamment en matière d’armement
utilisé.
Le conseil
d’Etat milieu février a rejeté la demande d’interdiction de l’utilisation du
flash- ball, L.B.D. 40. Ce n’est pas pour autant qu’il a approuvé son emploi
sans conditions et précautions, et qu’il couvre toutes conséquences physiques,
blessures graves ou non . Déjà d’autres plaintes et saisines ont eu lieu. Il en
est de même pour les grenades d’encerclement.
Des voix discordantes se sont élevées.
*Mon ami
Xavier Lemoine maire de Montfermeil peu suspect d’être contre les forces de
l’ordre a dénoncé la sévérité excessive face aux gilets jaunes en rappelant qu’il avait vécu aux premières
loges les émeutes urbaines de 2005 [le figaro du 29/1/19 page 18].Il a expliqué
« qu’à l’époque les forces de l’ordre ont adopté le mode d’intervention le
plus approprié qui soit pour faire retomber la violence » avec une « attitude souple
remarquable ».Xavier Lemoine conclut : « je n’incrimine en
rien les forces de l’ordre qui obéissent comme il est naturel aux instructions
du ministre de l’intérieur. Mais je blâme ces instructions qui me paraissent traduire une volonté de
monter aux extrêmes, d’accroitre la violence pour justifier une répression…la
responsabilité du politique est de savoir désamorcer un cri de détresse ».
On devrait aussi écouter plus les élus
locaux surtout ceux qui gèrent les
crises sur le terrain et qui ont parfois des conseils avisés à formuler comme
X. Lemoine qui a dû faire face à une crise strictement locale entre Montfermeil
et Clichy sous bois pour « éviter les tirs tendus à l’horizontal, à face
d’homme et à courte distance ». Il ne s’agit pas de donner des leçons
surtout quand on n’a pas la responsabilité directe d’élaborer une tactique.
Mais l’expérience des autres peut être utile. Le maintien de l’ordre est certes
une stratégie et une technique mais si celles conduisant à la nasse provoquent des drames il faut les
adapter ou ne plus s’en servir ? Rien , pas même un maintien de
d’ordre pourtant nécessaire ne justifie
des blessés graves entre français. Mais il faut aussi que les
manifestants y mettent du leur.
*Notre ami
Alain Bauer auditeur, criminologue et éminent spécialiste de la sécurité peu
suspect non plus de critiquer par principe les forces de l’ordre, a estimé
que « concernant le maintien de l’ordre l’armement était inadapté ,
utilisé par des policiers non formés , et que la tactique élaborée au niveau
supérieur n’était pas adaptée à des manifestants atypiques plutôt pacifistes en
dehors des casseurs patentés ».
Et c’est récurrent : la justice est
saisie depuis 2011.
Il y a eu
une plainte pénale d’associations pour « technique de maintien de l’ordre
privative de liberté échappant à toute légalité (sic) ». Après des années
d’instruction le parquet a pris un réquisitoire définitif aux fins de non -lieu
en fondant sa décision sur l’arrêt Austin de la cour européenne des droits de
l’homme à Strasbourg du 15 mars 2012 concernant l’usage du
« kettling » (qui vise à tendre une nasse pour encercler et bloquer
des manifestants pendant des heures). De même des juges d’instruction lyonnais
ont rendu en février 2017 une ordonnance de non -lieu en jugeant que « le
piégeage de la place Bellecour
transformée en nasse de 12 à 14 heures n’apparaissait pas
illégitime ». Sur appel des parties civiles le parquet général a conclu à
un non-lieu en considérant « que la mise en place d’un «
kettling » après validation du préfet et après avoir informé
l’autorité judiciaire a paru nécessaire pour mener à bien (la) mission de
sécurité ». Hélas pour les forces de l’ordre, la chambre de l’instruction
a invalidé l’ordonnance de non -lieu et a renvoyé les hauts fonctionnaires
responsables de la nasse devant le tribunal correctionnel. Les juges diront le
droit.
La discussion est vive .
Le 10
janvier 2019 le défenseur des droits, M. Jacques Toubon ancien garde des sceaux
qui à l’époque garantissait
l’application stricte de la loi avait préconisé
l’interdiction des armes intermédiaires
qui sont dangereuses comme les LBD pour le maintien de l’ordre ou les grenades
.Il avait suggéré que l’on revienne à une doctrine qui comporte le renseignement, la
communication ( que les policiers parlent avec les manifestants) et
l’accompagnement. On est d’accord mais il faut un effort de la partie
adverse. Dans son rapport annuel de
mars 2019 M.Toubon persiste et signe en
dénonçant le
« renforcement de la
répression » en France. Je pense que ses écrits ont dépassé sa pensée et
qu’il a oublié de parler de la violence de certains manifestants ou assimilés.
Tout ce qui est excessif est insignifiant disait le prince de
Talleyrand-Périgord.
Le 14
février 2019 le parlement européen y est allé aussi de sa recommandation, en
publiant une résolution non contraignante juridiquement dénonçant le recours «
disproportionné » à la force contre les manifestants. Selon Bruxelles et
Strasbourg « il faut veiller à ce que le recours à la force par les
services répressifs soit toujours légal (sic), proportionné (qui apprécie?) et
nécessaire, et qu’il ait lieu en ultime recours , (en veillant) à ce qu’il
préserve la vie et l’intégrité des
personnes ». Madame Bachelet haut(e) commissaire aux droits de l’homme de
l’Onu a demandé de la modération. Vive
l’Onu qui a pourtant à gérer beaucoup de théâtres d’opérations et de guerre où
la violence est insoutenable. Le conseil de l’Europe a recommandé de ne plus
utiliser les L.b.d .Nous sommes bien d’accord pour faire soft , mais encore
faut- il que les casseurs manifestants respectent aussi ces règles !
Il
appartient désormais au législateur de prendre éventuellement les lois qui
s’imposeraient. Les forces de l’ordre sont républicaines et agissent avec les
moyens de droit et matériels que les parlementaires autorisent. Si elles
doivent utiliser des pistolets à eau qu’on le vote !
Puisque
l’étranger nous regarde et nous donne des leçons de maintien de l’ordre rions
(jaune) avec des chefs d’Etat
exemplaires qui se sont prononcés . Ainsi
M. Trump (qui a échoué à Hanoï avec M. Kim -Jong- Un dans leur tentative
de dénucléarisation de la péninsule coréenne) avait affirmé que parmi les
manifestants certains crient « nous voulons Trump ! ». M.
Erdogan appelle les autorités françaises à « s’abstenir de tout recours
excessif à la force conformément aux principes de l’humanité (sic) ».
Enfin M.Bahram Qasseni porte parole du ministère iranien des affaires étrangères déclare que « le
gouvernement français ne peut persister dans la violence contre son peuple.
Nous recommandons de faire preuve de retenue ». Sans commentaire ,parfois
tout est surréaliste [Georges Malbrunot -le figaro du 10 décembre 2018 page 4].
Les gilets
jaunes n’ont pas encore réclamé et obtenu
le choix des armes ou qu’on les consulte avant de décider telle ou telle
tactique de maintien de l’ordre. Ou que l’on désigne l’un d’entre eux pour
diriger les manœuvres et qu’on crée du maintien de l’ordre collaboratif. On a
donc échappé au pire, le pouvoir désordonné et autocratique de la
rue. Soyons satisfaits .
La liberté
de manifester n’est pas par nature supérieure à celle de la sûreté avec la
sécurité. Puisque nous sommes dans un nouveau monde inventons les moyens de se
faire entendre sans casser, sans haine et dans la fraternité. Dans le match
ordre public/ordre social ou sociétal il ne peut y avoir de vainqueur. Être
membre du peuple ne procure aucun avantage ou droit spécifique puisque nous le
sommes tous. On peut discuter à l’infini avec nos diverses sensibilités du
conflit de légitimités. C’est le sens du
grand débat national qui a eu lieu au-delà de solutions pour les difficultés
quotidiennes. Il faut réinventer notre démocratie.
Le grand débat national a -t- il porté
sur la sécurité et la justice ?
Ce ne furent
pas les préoccupations principales puisque il y a eu très peu de revendications
sur les cahiers de doléances concernant la sécurité et la justice. Le président Macron qui sera un jour
un vieux retraité , et retournera peut être
dans son Amiens natal (en
Picardie comme moi ) en attendant a
mouillé la chemise et il a parlé, parlé.
Il s’est transformé en super animateur itinérant, et a eu réponse à tout. Je
m’en réjouis car je préfère un président qui écoute, se fait critiquer comme un
élu local de base et s’explique , à un président enfermé dans sa tour d’ivoire
et protégé par le sieur Benalla (qui a continué son beau parcours en passant de
l’Elysée à la prison !). On voulait
de la démocratie participative on l’a, même si j’entends les critiques sur la
campagne électorale qu’il a menée via
le grand débat. Trop de discussion ne tue pas le dialogue, mais je suis
convaincu qu’une bonne vieille négociation classique- qui devra venir ?-
avec des responsables représentatifs apporte plus d’améliorations que la
prétendue pression libre du peuple dit d’en bas comme si être ignorant -ce qui
n’est pas forcément un défaut tout le monde ne pouvant faire des études ,et
trop savoir peut éloigner des réalités- et velléitaire étaient des qualités de
bon sens et d’expertise. La vox populi ne détient pas la vérité qui est
multiple souvent . Mais je ne suis pas prophète. Dans ce grand débat sur les deux sujets qui
intéressent les auditeurs, et sauf
erreur de ma part je n’ai pas entendu des
oppositions virulentes de
principe sur la sécurité (sauf en matière de manifestations ) et la justice
(sauf des jugements personnels qu’on ne
digère pas). On ne demande pas la disparition du ministère de l’intérieur c’est
encourageant, et que les magistrats
soient systématiquement remplacés par des citoyens tirés au sort (comme dans
les cours d’assises).On ne se dirige pas vers les tribunaux populaires c’est
rassurant. Au contraire un besoin d’autorité restaurée m’a paru émerger ?
Pas de chienlit, pas de casse, de l’organisation qui fait participer le plus
grand nombre dans l’équité et le respect des règles m’ont semblé être le mot
d’ordre. Outre la délinquance habituelle qu’il faut combattre
vigoureusement, la cybercriminalité qui
envahit tout y compris au fond de la
province a été dénoncée comme un danger immédiat même dans les zones blanches
où internet et le câble marchent quand ils ont le temps. On regrette dans les
campagnes de ne plus voir le gendarme en uniforme qui a été délocalisé au bout du département
et comme les services publics n’existent plus on se demande où est
l’Etat ? celui que par ailleurs on
dénonce comme le léviathan ( de thomas Hobbes ) qui se mêle de tout, qui est inefficace mais cependant indispensable.
Heureusement les mairies demeurent et on sait qu’on y trouve au moins un
responsable : le maire. La sécurité au quotidien est un vrai souci et le
maire l’élu local qui représente aussi l’Etat doit assumer ses fonctions
d’officier de police, ou pour les plus
grandes villes décider de moyens de surveillance ou de la création d’une police
municipale. Personne ne remet en cause là où c’est nécessaire la reprise en
mains de quartiers qui vont à vau l’eau
sous la férule des trafiquants. Les élus locaux sont remis au centre du village
et les services de proximité publics comme privés sont plébiscités car ils
apportent en même temps des contacts humains ce qui tranquillise. On souhaite
que les milliards déversés sur les villes et la banlieue soient détournés un
peu vers la ruralité qui a aussi besoin de mobilité et de désenclavement outre
de travail comme partout. Mais les habitants ne cassent rien ! et déplorent que l’on caillasse les
policiers. Ils ont subi l’habitude tragique qu’on en fasse de même pour les
pompiers et les médecins eux dont ils
manquent sur leur territoire mais ne s’émeuvent plus quand les gilets jaunes
font porter leur haine et leur violence qui grandit… entre eux . Cela devient
de la violence ordinaire ce qui est très inquiétant. Les gilets jaunes croient-
ils avoir droit à l’impunité, de la violence à la provocation à la haine
jusqu’à l’injure antisémite ou raciste
car leur cause serait noble ?
Dans ma
campagne de Picardie je n’ai pas entendu
beaucoup d’exigences en matière de justice sauf dans les villes proches où les avocats et magistrats protestent
contre la réforme de la justice concoctée par la garde des sceaux, et qui a été
votée à l’arraché. Cette réforme va
éloigner un peu plus le citoyen du palais de justice car on va fusionner T.I. et T.G.I ce qui fera
disparaitre des sites ou les rendra vides de toute substance. C’est aussi un
problème de sécurité. S’ajoutent les pouvoirs nouveaux donnés au parquet qui
mènera l’enquête préliminaire sans que les avocats n’aient accès au dossier.
Cela ne rassure pas tout justiciable qui
s’ignore. Mais on a vu que Madame Belloubet Garde des Sceaux avait organisé des débats en prison puisque les détenus ne sont pas des citoyens
de seconde zone, sur des sujets qui les
inquiètent comme l’ISF , la
feuille de paie, le mépris de la France d’en haut comme pour les gilets
jaunes, et on le suppose plus spécifiquement la réinsertion , la
peine, la réparation pour les victimes ?. Mes concitoyens m’ont avoué être
un peu interloqués car eux n’ont été ni sondés ni interrogés ! Ce qu’ils veulent surtout c’est que le calme
revienne et que l’on discute sereinement. Le climat délétère qui plane les inquiète car ils n’en voient pas la fin
et surtout se demandent ce qui va en sortir. Ce n’est pas un sentiment
d’insécurité. Ils ont la certitude qu’ils sont directement menacés dans ce qu’ils sont, ce qu’ils font
et leur avenir. L’occupation des ronds-points le samedi les a déstabilisés
entre leur désir de changer ce qu’ils subissent et la volonté de vivre en
paix. Cela m’a rappelé le sketch de
Raymond Devos sur les sens interdits qui l’empêchent de tourner à droite et qui
conduisent à une impasse ou à une fuite
en avant jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’essence ou de gas-oil. C’est normal puisque les protagonistes
utilisent un GPS déglingué et un logiciel qui n’est pas sur le marché. Quand on
ne sait pas vraiment ce que l’on veut et comment y aller pour l’obtenir, on
n’arrive à rien de sérieux et durable. Ce qui est le contraire de la sécurité
et n’améliore pas la justice dont il faut désormais parler.
La justice.
La réforme
proposée par Mme Belloubet n’est pas un long fleuve tranquille. Le projet de
loi de modernisation a été adopté dans
le tumulte malgré la présence de peu de députés par l’assemblée nationale le 23
janvier 2019. Le texte prévoit plus de règlement amiable des conflits (recours
obligatoire à la médiation ou à la conciliation pour certains litiges avant de
saisir le juge) ; de règlement dématérialisé des litiges de la vie
quotidienne .S’y ajoutent une simplification de la procédure pénale
(plainte en ligne), l’expérimentation du tribunal criminel départemental avec 5 juges professionnels sans jurés
populaires ; la réduction des possibilités de solliciter une nullité ou la
limitation de l’appel au quantum de la peine sans évoquer les faits ( ce que
dénonce l’illustre avocat Me Henri Leclerc) .On a revu l’échelle des
peines :interdiction de peine d’emprisonnement de moins d’1 mois ;
entre 1 et 6 mois une détention à
domicile en semi liberté ou un placement dans une association ; et de
6 mois à 1 an un bracelet électronique ou une peine d’emprisonnement. La loi a
créé un parquet national antiterroriste auprès du TGI de paris. On a ajouté une peine complémentaire d’interdiction
du territoire français pour les étrangers coupables de délits ou de crimes
punis d’au moins 5 ans d’emprisonnement. Enfin les parlementaires ont autorisé
le gouvernement à réformer la justice des mineurs par ordonnances. Le budget de
la justice est passé à 9 milliards et il y a des sous pour rénover des
bâtiments et se préoccuper des prisons.
On est sur le bon chemin matériel soyons objectif . Sur le
fonctionnement et les rapports humains il faudra voir.
On a aussi contrôlé la qualité des cours d’appel
et réfléchi à la saisine de la cour de cassation.
A partir des
fonds Jurica et Jurinet qui recensent les décisions motivées des cours d’appel
en matière civile -à travers la cour de cassation – ( la Cnil a recommandé de
ne pas publier les décisions pénales) on
a vérifié les pourvois en cassation en 2016.On note que parmi les cours les
moins contestées il y a Metz et Colmar.
Dans le top 10 on trouve Douai, Paris, Bastia, Aix- en- Provence, Orléans…
L’immobilier (propriété, partage, indivision) est le contentieux principal qui
arrive en cassation. Il y a 3,76% d’arrêts motivés dont le pourvoi a conduit à
une cassation ou un rejet. Illustrant la combativité des justiciables, parmi le
top 10 des taux d’arrêts frappés de pourvoi on trouve Bastia, Versailles,
Chambéry, Fort-de-France.[Paule Gonzalès le figaro du 15/1/2019]. Depuis le 20
décembre 2018 une commission de 8 sages dirigés par M. Henri Nallet réfléchit à
un éventuel filtrage des pourvois ce qui transformerait la cour de cassation en
cour suprême jugeant les points de droit les plus pointus . Il y a eu en 2016,
5047 pourvois non soutenus.
La
justice s’occupe aussi des casseurs.
Il y a eu
des milliers de blessés tant chez les gilets jaunes que parmi les forces de
l’ordre. Des gilets jaunes ont été condamnés et j’ai entendu que l’on réclamait
pour eux une amnistie. Cela serait une très mauvaise idée car elle
accréditerait une absence de responsabilité personnelle, et aboutirait à la
conclusion que la violence peut être excusée voire comprise et pardonnée.
L’amnistie résulte d’une loi. Il ne faut pas que le politique se substitue aux
juges qui individualisent les condamnations et tiennent compte des
circonstances et des motivations. Pensons aux victimes collatérales qui ont vu
leurs magasins saccagés, au mobilier urbain détruit, aux policiers et gendarmes
blessés mais aussi faisant l’objet d’enquêtes internes ou judiciaires pour
avoir obéi aux ordres. Amnistier ceux qui ont été condamnés revient à donner
une prime à ceux qui cassent et en faire des quasi héros aux yeux de ceux qui
ont fait comme eux, sans se faire prendre. Ce serait enfin désavouer les juges
qui ne méritent pas un traitement aussi… violent !.
La loi dite anticasseurs.
Les gilets
jaunes ont confirmé le vieux réflexe qui veut qu’à chaque difficulté grave on
vote une loi souvent dans l’urgence. Notre arsenal juridique est pourtant
large, mais on veut faire de la dentelle pour ne pas viser tout le monde. En
l’espèce le ministre a dit que la nouvelle loi concernerait quelques dizaines
ou centaines d’individus. Cela n’a pas rassuré les parlementaires et les
grandes consciences. Jacques Julliard [le figaro du 7 janvier 2019 page 18] a
analysé le phénomène : « les prédicateurs du dimanche, les
belles âmes en général portent une lourde responsabilité dans le désarroi
actuel des français » car il y a une crise de la représentation qu’elle
soit politique, médiatique, journalistique ou
intellectuelle . « … prétendre limiter la démocratie au principe
représentatif c’est vouloir sa mort ».
Selon M. Julliard la question est : comment faire pour que le
déclin du système représentatif ne se fasse au détriment de la démocratie,
voire à celui d’une Europe indépendante ? ».
L’ancien
conseiller d’Etat devenu avocat François Sureau écrit que la crise des gilets
jaunes « est plus qu’une émeute et moins qu’une
révolution ».Elle manifeste selon lui « un fort désir de sociabilité
et une révolte contre l’Etat éducateur. C’est un problème de transmission où
l’on pense que les enfants vivront moins bien que les parents. Il dénonce
l’atteinte aux libertés individuelles en raison des menaces comme le terrorisme
et explique la passion française de l’égalité. Il écrit : « l’opposition
de la liberté et de l’égalité m’est toujours apparue comme superficielle. Je
crois que ce que les français ne possèdent pas au moins de façon innée c’est la
culture des droits, et que l’arbitrage entre égalité et liberté, sécurité et
liberté, passe par les institutions qu’il faut sans cesse renforcer au lieu de
chercher à les détruire quand quelque chose ne va pas ».« il y a moins de
désir de démocratie directe que de démocratie « immédiate » laquelle par nature peut vite tourner à l’inconséquence ».
Il propose de déconnecter l’élection présidentielle ( il suggère un mandat de 6
ans) de celle des députés ( il propose un mandat de 4 ans) car le quinquennat
(mandat de 5 ans) lie les destins et ne permet aucune liberté d’action. Il faut réfléchir à cette innovation d’autant
plus que l’on veut limiter le nombre des parlementaires sauf je l’espère en
zone rurale qui a besoin qu’on laboure le terrain et du nombre de leurs mandats, comme si
c’était la clef du bonheur.
C’est dans
ce contexte qu’est intervenue la loi dite anticasseurs votée en première
lecture le 5 février. Le gouvernement n’arrivant pas à mettre fin aux
débordements s’est résolu à durcir la législation en s’emparant d’un projet de
loi du sénateur LR Bruno Retailleau. Pendant les débats j’ai donné mon avis
évidemment non autorisé puisqu’on ne me
demandait rien sur mon blog : fremauxchristian.blogspot.com . J’ai un peu
modifié mes commentaires comme suit.
Liberticide et préfet.
Il peut
paraître osé voire insolent ou injurieux d’accoler l’adjectif liberticide qui
veut dire qui porte atteinte à la liberté, et préfet qui signifie haut
fonctionnaire représentant de l’Etat en charge des intérêts nationaux et de
l’ordre public donc de la loi. C’est pourtant le dilemme qui a lieu au parlement
où les députés ont débattu de l’adoption ou non d’une loi dite anticasseurs qui
voulait confier des responsabilités nouvelles aux préfets pour lutter contre
toutes les menaces, la violence, et les débordements en matière de
manifestation. Les députés de la majorité Lrem ont été partagés et ils ont
retrouvé leurs réflexes d’ancien socialiste ou écologiste ou ceux de simple citoyen venant de la
société civile où l’on n’est pas confronté à l’exercice du pouvoir et ou
l’éthique de conviction l’emporte sur l’éthique de responsabilité comme le
distinguait Max Weber.
Ayons un peu
de mémoire et de cohérence. Il y a eu en 1970 une loi anticasseurs que le
président Mitterrand en 1981 a supprimé pour faire plaisir aux belles âmes
puisque on était passé des ténèbres à la lumière et qu’on écrivait le nom de
liberté un peu partout, y compris dans l’entreprise. Comme si protéger
l’individu et punir le délinquant ne sont pas une bonne action sauf s’il y a
des abus de pouvoir. La procrastination et le laxisme sont souvent rattrapés
par les faits qui sont têtus. La démocratie n’exclut pas la fermeté bien pesée.
Mais c’est un autre sujet. Qui peut être contre la liberté : personne. Qui
refuse de jouir sans entrave selon le slogan de Mai 68 : personne. Mais qui déplore
les attentats et la délinquance en général , la violence qui monte et
s’amplifie ; les revendications les plus extrêmes si ce n’est farfelues qui
entrainent de la casse ; le retour des djihadistes qui sont nos ennemis et
qu’il va falloir juger puis détenir des années ; ou l’exigence
peu tolérante des minorités , des communautarismes, des corporations et
de l’individu qui veulent pouvoir
exercer leurs droits en oubliant les
devoirs collectifs : tout le monde. Autrement dit il faut concilier ordre public
et libertés qui sont compatibles, trouver le bon équilibre et savoir qui va
être l’arbitre. Ce gouvernement comme les précédents d’ailleurs a choisi les
préfets qui incarnent l’administration donc l’Etat pour être les fers de lance
de ce combat. Il a tort car je crois que seul le juge judiciaire est
naturellement qualifié pour exercer ce quasi pouvoir, bien que sous la Vème
république la justice n’est qu’une autorité et non un pouvoir comme l’exécutif
ou le législatif. Ce qui me parait personnellement liberticide c’est la
tyrannie des minorités, les donneurs de leçons
qui nous font de la moraline comme l’écrivait F. Nietzsche , et ceux qui
au nom de la liberté interdisent tout :
de prendre des mesures de protection , de donner des petites fessées à
nos enfants forcément victimes, de rouler (vite), de manger et boire (avec
excès), de fumer (sauf du cannabis) ; de ne pas aimer la diversité y compris culturelle, ou les éoliennes, ou la
transition écologique ou le transhumanisme ; de ne pas approuver parent 1 et parent 2 ; de penser mais
pas comme eux…Enfin de n’être pas un progressiste comme si toute demande
nouvelle entraînait forcément un progrès donc du bien.
Le président
de la république tente de se réconcilier avec les élus locaux ce qui est de la
décentralisation, mais en même temps selon la formule consacrée, il pense à plus
de déconcentration c’est à dire à donner plus de pouvoirs aux préfets. C’est le
grand écart mais pourquoi pas si les compétences de chacun sont bien délimitées
avec les moyens qui sont nécessaires. Rapprocher les services publics du
citoyen est une bonne idée pour l’élu rural que je suis. Mais il va falloir
surtout en recréer puisque nos campagnes sont désertifiées. En revanche je suis
circonspect sur certaines dispositions du projet devenu loi anticasseurs qui consiste à donner plus de pouvoir aux
préfets en matière de prévention des désordres et comme arbitre des libertés
publiques (liberté de circuler, liberté
et non droit de manifester dans le calme…)
et individuelles (droit de penser à manifester) ; et devoir
ne payer la casse que si sa responsabilité personnelle est engagée et
pas par le simple fait d’être présent sur les lieux. Il me parait en effet
contraire à nos principes mais je ne suis qu’un simple citoyen avocat hélas
honoraire de surcroît, de faire payer ceux qui n’ont rien brisé ! Et même si j’approuve les
intentions du gouvernement et sa volonté de mettre à la disposition des juges
un arsenal juridique suffisant qui complète l’existant. Ce n’est pas à la haute
administration dépendant de l’Etat ce qui est la règle républicaine, de se
substituer aux juges judiciaires qui sont indépendants (sauf les procureurs qui
reçoivent des instructions pour appliquer la politique pénale, mais qui n’en
reçoivent plus pour les dossiers
individuels) et qui tranchent les
litiges mettant en cause les libertés individuelles (interpellations en
flagrant délit ; perquisitions ; mises en examen ; comparutions immédiates ;
incarcérations… ) en ordonnant et
contrôlant avec le respect des droits de la défense donc la présence des
avocats.
La
discussion a été vive, le terme liberticide a été crié et Mme Wonner députée
LREM a résumé son cas de conscience et celui de certains de ses collègues comme
suit : « la puissance publique ne saurait utiliser comme justification la
protection de tous pour affaiblir les droits individuels ». Mais il ne s’agit
pas de restreindre les libertés individuelles qui n’ont pas valeurs supérieures
aux libertés collectives. Il s’agit de choisir l’intérêt général - dont la
sécurité - qui a aussi des droits et qui ne peut être à la merci de
quelques-uns : le ministre de l’intérieur a déclaré que ce texte
concernait un petit nombre d’ individus
(c’est vrai mais quand une loi est
votée elle peut ensuite s’étendre, d’où
des précautions à prendre), voyous qui
utilisent notre corpus juridique à leur avantage et pour s’exonérer des devoirs. C’est comme les
djihadistes qui réclament l’application des droits de la défense, d’un procès
équitable et de la protection de la France alors qu’eux ont tué sans procédure
, sans pitié ni état d’âme. Mais dans
une démocratie on n’utilise pas les méthodes immorales et sans conscience de
nos adversaires, c’est notre grandeur.
Le projet de
loi qui a été discuté et voté permet dans certaines conditions d’autoriser des palpations de sécurité et
des fouilles de bagages ; la création non pas
d’un fichier des interdits de manifester comme les interdits de stade
pour les hooligans mais la création de
fiches ajoutées au fichier des personnes
recherchées; la création d’un délit de dissimulation volontaire de visage (puni
d’un d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Sera-t-il étendu à celles
qui portent la burqa ou le niqab ?) . L’instauration d’une responsabilité
« collective » pour les casseurs - selon le bon principe casseur-payeur-
qui a été en débat m’avait
parait inopportune en droit car il faut d’abord établir la
responsabilité de chacun, principe pour moi intangible. Il a été finalement
voté que seules les personnes condamnées pourraient être contraintes de payer
la réparation des dégâts. Très bien.
Enfin les parlementaires ont donné des pouvoirs
supplémentaires et spécifiques en matière de manifestation aux préfets dans le
cas suivant : le préfet « peut par arrêté motivé interdire de prendre
part à une manifestation…toute personne à l’égard de laquelle il existe des
raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une
particulière gravité pour l’ordre
public… ».Ce texte a rappelé des heures sombres au député C.de Courson. Jusqu’à
présent seul le juge judiciaire pouvait ordonner une telle interdiction dans le
cadre d’une condamnation. C’est une garantie pour tous, et même si la procédure
d’appel est longue (mais les référés sont possibles). Ce ne sera pas plus
rapide devant une juridiction administrative d’appel ! Les autorités administratives vont donc
devoir motiver leurs arrêtés pour interdire à titre préventif pendant un délai d’un mois au plus à un
individu de participer à une manifestation.
Avec pour critères ce qui a pu se passer lors de manifestations préalables ayant donné lieu à de la violence,
des atteintes graves physiques comme matérielles, ou sur le fait de « penser »
qu’il y aura débordement, ou sur un comportement ou des agissements, et sur une
menace d’une particulière gravité, notions floues, subjectives, non définies et
qui vont varier d’un territoire et d’un préfet à un autre. Bon courage en droit
et en opportunité aux préfets qui vont appliquer ce texte – sous réserve de
l’appréciation finale du conseil constitutionnel sur la conformité de cette loi
-et devoir se justifier en cas de recours devant la justice administrative.
J’approuve donc cette loi dans le principe mais je pense
que confier son application aux préfets donc à l’administration qui risque par
définition d’être juge et partie puisque c’est elle qui autorise les
manifestations qui sont déclarées, est une erreur. Manifestement on se méfie du
juge judiciaire, ce qui n’est d’ailleurs pas nouveau.
Pourquoi ne
pas confier en amont à titre préventif
puis en aval s’il y a des recours ces prochains contentieux aux juges judiciaires, certes peu nombreux en
France (une petite dizaine pour 100.000 habitants) et dépourvus de moyens mais
plus nombreux que les préfets, juges judiciaires qui sont magistrats
du siège spécialistes
notamment - comme le Conseil d’Etat
soyons honnêtes - des libertés fondamentales, du respect du débat public contradictoire et des droits de la défense,
que l’on charge par ailleurs peu ou prou
de trancher tous les problèmes de société qu’ils soient éthiques ou de
responsabilités . L’état de droit c’est aussi de s’y retrouver en matière de
justice dispersée actuellement entre celle qui est judiciaire et connue des
citoyens, et celle qui est administrative, donc plus confidentielle et
suspectée à tort d’être une courroie de transmission de l’administration donc
du pouvoir.
Ce n’est pas
être liberticide de vouloir faire régner l’ordre public qui nous protège et de
punir ceux qui commettent ou vont commettre des dégâts avec certitude ce qui
implique d’avoir un commencement d’exécution , des actes préparatoires et des
preuves. Essayons aussi de nous mettre un instant du côté des victimes des
attentats bien sûr, ou de la grande délinquance, et en matière sociale en
pensant aux commerçants qui ont vu leurs biens être détruits et pillés, ou aux
élus qui doivent racheter du mobilier public, ou à tous ceux qui vont déposer
le bilan et qui ont licencié, et qui ont
vu leurs sacrifices ne servir à rien. Sans compter les pertes financières et
économiques dont on commence à connaitre les montants après les actes qu’il
n’est pas utile de numéroter et le bilan pour les forces de l’ordre sur le plan
physique comme moral.
Il ne faut
pas confondre émotion et compassion pour tous les blessés et raison ce qui est
du domaine de la loi. Ce qui est
liberticide c’est empêcher d’être prudent, de nous désarmer légalement face à
des comportements inédits et de ne pas décider de peur de froisser
quelques-uns. Ce qui est liberticide c’est de croire que la sûreté et la
sécurité première des libertés selon la déclaration des droits de l’homme conduisent à de l’arbitraire et sont
contraires à la démocratie surtout si elle est participative. Je ne partage pas
cette analyse et pourtant je suis aussi démocrate vigilant et tolérant qu’un
autre citoyen qui ne détient pas seul la vérité. C’est Alphonse Daudet qui
avait écrit en 1866 le sous-préfet aux champs. La très grande qualité de nos
préfets n’est pas en cause et leurs fonctions ne sont pas par ces temps
troublés une sinécure. Laissons-leur le temps de représenter l’Etat, de
soutenir les collectivités territoriales, et d’appliquer les politiques
nationales. Ne faisons pas du préfet un Salomon ou un Saint Louis qui rendait
la justice sous un chêne, ou une sorte de « sous juge » à temps partiel, il a d’autres chats à
fouetter.
Bien sûr les
parlementaires qui ont voté le texte définitif ont décidé. Pour ma part je ne
leur dénie pas leur légitimité. Mais rien n’est irréversible et il est grand de
reconnaitre s’être fourvoyé en choisissant les préfets plutôt que les juges. Le
français ne veut pas plus d’administration mais de la liberté, de l’égalité
pour les droits et les devoirs, et de la justice . La loi a été votée
définitivement par les députés le 19 février et par les sénateurs le 12 mars 2019.
Le président de la république a fait savoir en conseil des ministres
qu’il saisissait le conseil constitutionnel
sur quelques articles du texte. Ce n’est pas banal compte tenu que la
loi a été votée par la majorité Lrem bien qu’avec quelques réticences mais le président est le garant suprême des
libertés publiques. Il y aura peut- être une censure de cette loi ce qui serait un camouflet pour le majorité
de… M.Macron ou une confirmation qui le
ferait apparaitre comme le protecteur de la nation et de l’individu, ou des
points pratiques à revoir tout en
validant les principes avec le conseil
constitutionnel attentif surtout en la présence des derniers sages nommés récemment dont
M.Juppé qui a vécu les samedis des gilets jaunes à bordeaux. Le conseil est le
juge vigilant de la séparation des
pouvoirs et des libertés et dira si
l’équilibre entre nécessités de l’ordre
public et libertés est respecté. Mais
tout ceci dans le calme car la colère doit s’éteindre et la violence doit
cesser. On ne peut vivre éternellement avec la rue qui s’enflamme ou le mors
aux dents en permanence.
Eléments succincts de réflexion sur la violence en général.
La violence
est consubstantielle à l’homme et a toujours existé. Victor Hugo a écrit
« l’oeil était dans la tombe et regardait Cain » celui qui avait tué
son frère Abel. C’est un problème de conscience , de responsabilité personnelle
et d’autorité. La violence politique
volontaire des extrêmes cohabite dans une dramatique dimension avec celle que l’on trouve dans la délinquance en général ou le
terrorisme, dans la vie parfois de
façon involontaire mais aussi grave dans
les familles, entre voisins, dans l’entreprise parfois sans oublier celle de
l’Etat ou celle spécifique de conflits armés. Toutes les violences sont à rejeter mais elles ne se valent pas
non plus. La violence c’est
l’utilisation de la force ou d’un pouvoir pour contraindre, dominer ou détruire
et se traduit par de la souffrance et des dommages. On oppose la violence
légitime des pouvoirs publics qui répond à la défense de l’intérêt général, aux
violences révolutionnaires ou de ceux qui se sentent opprimés, et à la violence structurelle ou symbolique (
le racisme par exemple). Les opinions sont tranchées et la polémique fait rage
alors qu’on devrait rechercher un consensus et que chacun modère ses expressions.
Le
philosophe Michel Onfray rappelle la violence du système économique et social
qui crée des injustices. Il affirme que
« si les violences dites légitimes cessaient on pourrait enfin envisager
la réduction des violences dites illégitimes ». Bien que simple victime
putative, je ne partage pas la pensée de l’honorable intellectuel car c’est excuser toutes les violences qui
pour moi ne peuvent jamais être légitimes surtout en démocratie et dans notre
pays avec le niveau d’éducation que l’on a et notre système social l’un
des plus solidaires du monde. Même si notre république est imparfaite et qu’il
y a des inégalités (quel est le pays parfait ?) braquer les uns contre les
autres au prétexte que l’Etat ou les patrons sont violents, que la feuille de paie ou la retraite sont
insuffisantes, et qu’il faut que ceux qui paient augmentent sans fin leurs contributions -très vieille antienne politique qui n’a
jamais rien résolu- n’est pas acceptable. Le dialogue doit être l’objectif pas
l’affrontement où chacun campe sur ses positions. Au nom de la liberté qui peut croire qu’il ne faut pas
encadrer les manifestations ? Et si on demandait aux gendarmes et
policiers de ne plus rien protéger, de
reculer en scooter en disant merci pour
ce moment que se passerait- il ?
Les manifestants n’ayant plus d’adversaires se battraient- ils entre eux,
fraterniseraient- ils malgré leurs divergences et la violence disparaitrait
elle ?
L’observatoire national de la délinquance et
des réponses pénales dirigé par notre ami Christophe Soullez a étudié les
violences et notamment les feux de voiture (110 par jour !) département
par département. Le taux moyen est de 12,8 interventions pour 10. 000
véhicules. Mon cher territoire de l’Oise
pourtant en milieu rural se caractérise
par 16,5 voitures brûlées sur 10.000. Comme je tiens à ma vieille voiture qui
roule au diesel désormais je me déplacerai en vélo ou en trottinette de
Beauvais ville de Jeanne Hachette à Chantilly ou Compiègne villes royales . Les
incendies sont commis toute l’année et pas seulement le 14 juillet ou le 31
décembre. S’y ajoutent les périodes de désordres urbains. De février 2018 à janvier 2019 les incendies
de biens publics et privés sont passés de 36.997 à 39.474 faits. Dans les trois
derniers mois de novembre 2018 à février 2019 il y a eu une véritable
explosion : les incendies volontaires sont passés de 8.982 à 13.042 soit
une hausse de 45,20 % [article de JML le figaro du 14/2/2019]. Les sinistres
déclarés sont passés de 96 faits à 379 soit une hausse de 295 %. Comment M.
Onfray explique-t- il que l’on brûle des voitures d’ouvriers, de retraités , de
toute catégorie sociale y compris celles des gilets jaunes lui qui vient en train de sa campagne près de
Caen si je l’ai bien entendu ?
Parmi les
violences on peut ajouter celles dont les forces de l’ordre sont victimes dont
les graves blessures diverses physiques comme psychologiques. 63.590 outrages
et violences de toute nature ont été recensés en 1 an soit une augmentation de
11,2 % car on part d’un triste record déjà haut. Pour l’association d’élus
territoriaux France urbaine après 13 semaines de vandalisme l’addition se
montait déjà entre 20 et 25 millions d’euros et la crise aurait fait perdre 0,2
point de croissance selon une déclaration du 28 février du ministre Bruno Le
Maire. L’addition finale va être lourde
et qui va payer ? Bravo aux artistes dont la troupe ne joue pas la même
pièce et dont les acteurs se « tirent la bourre ».
Y a-t-il
des explications convaincantes pour la colère ambiante ?
*Jean-pierre
Legoff a écrit « la France d’hier. Récit d’un monde
adolescent : des années 1950 à Mai 68. Stock » .Il estime que
concernant les gilets jaunes « c’est la revanche de ceux
que l’on a traités de beaufs et de ringards ». De mon point de vue
il n’a pas tort. La police de la pensée et la tyrannie des minorités sont
aussi l’une des raisons de la colère. Il
ajoute que ce sont aussi « quatre
décennies de libéralisme culturel et d’adaptation économique à marche forcée et
de discours moralisateurs dans le domaine de l’écologie , de la culture et des mœurs
sous un angle moderniste et branché ». « La politique s’est
alignée sur le management et la communication faute de colonne vertébrale
culturelle et historique structurante » ce qui a déstabilisé les anciens
et les catégories sociales les plus démunies.
Il conclut : « les élites modernistes de l’après- guerre
entendaient maintenir le lien entre passé et présent, entre tradition et
modernité, entre ordre public et progrès…le lien a été rompu… Contre le
modernisme et la fuite en avant il s’agirait de retisser le lien pour faire
face aux nouveaux défis du présent. C’est la condition pour que le
« changement » garde figure humaine ».
*sur la
délinquance en général Pascal Brückner [ un racisme imaginaire : la
querelle de l’islamophobie. Grasset] constate que « la sauvagerie affleure
toujours sous le mince vernis de la culture contenue dans la loi , l’éducation
ou les mœurs .Et le plus petit
relâchement peut entrainer un regain d’insécurité qui nous laisse
désarmés» .« Une des causes principales (de la délinquance) tient à
l’essor d’un nouvel individualisme… on est dans le règne du caprice... toute
attente est une frustration, toute frustration est un mal… la figure paternelle
de l’autorité s’est effondrée. Or plus l’autorité faiblit plus ce qui en
demeure-à savoir le policier- suscite la haine d’une partie de la population.
En somme plus l’Etat est faible plus il est traité de fasciste ».
*M.Jean-Louis
Bourlanges agrégé de lettres et énarque
actuellement député Modem, estime qu’il
y a une décomposition politique avec le succès des populistes dans d’autres
pays occidentaux, et invite à dépasser l’opposition entre conservateurs et
progressistes .Il constate que le mouvement des gilets jaunes n’est pas une volonté de « créer une
nouvelle société sur des valeurs, ses aspirations, sa génération montante qui
pousse les gens en place dehors .C’est une société fragmentée , désorientée et
désenchantée qui se résigne à mettre en scène sa détresse. D’un tel mouvement
ne peuvent sortir que l’échec , l’amertume et des violences éparses… »
« pour se réclamer du progrès aujourd’hui il faut être fidèle à
l’héritage. Il faut donc être conservateur et réformateur en même temps. Il est
utopique d’imaginer que sur les décombres d’une Union Européenne disloquée , la
vieille nation de Clémenceau et Péguy jaillirait soudain, unie , rayonnante ,
souveraine et respectée ». Il constate aussi que la haine a quelque chose
d’insolite et de mystérieux quand elle se
déploie au cœur d’une des sociétés les plus opulentes ,les plus
protectrices ,et les plus égalitaires de tous les temps et de tous les lieux.il ajoute que « la démocratie
directe est un leurre. Il faut
reconnaitre le caractère
irremplaçable joué dans les
affaires publiques par les élites… tout
en comprenant que l’élitisme n’est pas celui de la naissance, de la fortune ou
de l’héritage, mais celui du sérieux, de
l’application, de l’expérience, de la constance. [ le figaro 22 février page 16] .Je partage
cette analyse.
*Madame
Nicole Gnesotto, titulaire de la chaire Europe du Cnam et présidente du conseil
d’administration de l’Ihedn a publié
avec Pascal
Lamy « Où va le monde ? » Jacob. 2017. Elle
constate :« Brexit , terrorisme, migrations, montée des populismes ,multiplication
des menaces, arrivée d’un président américain qui renverse la table…rarement
l’Europe aura connu autant de défis à la fois. La question est de savoir
ce qui est le plus grave. Elle répond : « certainement le défi
intérieur qui est à la fois un défi
social et un défi de la
démocratie. Le besoin d’autorité devient plus grand que le besoin de
liberté. La mondialisation est une très bonne nouvelle pour les pays pauvres mais
dans les pays riches elle a deux visages et fait exploser les inégalités. On le
voit en France où elle fragilise les classes moyennes ». [8/12/2018].
En manque d’autorité ?
L’extension
infinie de la lutte pour des droits nouveaux dans n’importe quel domaine est considérée par une minorité comme le
summum du progrès. Est-il permis d’en douter ? Donner un droit à un
individu qui le réclame au- delà de toute vérification des conséquences confère un pouvoir exorbitant à celui qui l’obtient et peut conduire à des
fracturations de la société , car ceux qui ne demandent rien et se
contentent de respecter les devoirs qui
résultent de la vie en société et qui
parfois acceptent implicitement des
restrictions à leurs droits ou à leurs convictions, ne sont pas forcément
d’accord et peuvent même être farouchement contre. D’où des ressentiments qui
un jour éclatent. La cohésion nationale ne sort pas renforcée de ces politiques
à courte vue même s’il est normal de mettre fin à des inégalités avérées, criantes
ou à des discriminations. Mais le confort personnel n’est pas un critère déterminant. Le
législateur doit être prudent pour ne pas heurter la conscience du plus grand
nombre. Il faut surtout savoir ce que l’individu peut donner au lieu de
recevoir sans cesse. On oublie le sens de l’engagement ,on esquive les devoirs,
on se moque du sentiment dominant. On pense que l’on est légitime parce que
l’on a une idée ou un besoin personnel.
La question est de savoir comment on peut définir un destin commun, comment
fonder des valeurs nouvelles qui s’agrègent aux plus anciennes et qui font sens
et surtout consensus et quelle autorité est légitime pour les incarner puisque
on est à l’ère du dégagisme et de la méfiance généralisée ? Il y aurait de
nouvelles légitimités sociétales : mais qui les propose ? qui en a
décidé ? qui en pose les limites ? Quelle est l’autorité qui les
valide ? Il faut donc trouver une
autorité qui n’est plus seulement celle de la loi puisque celle-ci est
contestée ainsi que les parlementaires
qui la fabriquent. Ce n’est plus l’autorité verticale on l’a appris puisque
toute décision doit être désormais
horizontale. On ne peut non plus se contenter de prévoir des
solutions matérielles. Il faut ajouter une dimension spirituelle au sens de
valeurs en se gardant bien d’empiéter sur le religieux pour que le principe
fondamental de laïcité qui nous protège de tous les errements et
pratiques, soit préservé voire renforcé
.Il appartient au religieux de s’adapter au fonctionnement de la société et de
l’Etat et non le contraire. On a donc
besoin de créer une nouvelle autorité légitime qui permettra de servir de
repères et qui maintiendra la cohésion. Le citoyen devra faire un effort sur
lui même et offrir le meilleur de sa personnalité. On a besoin d’exemples
et il arrive que l’on
écoute « religieusement » ceux qui ont pour vocation
d’incarner un magistère, « l’autorité » naturelle, bienveillante, compréhensible donc librement
acceptée. C’est le cas dans les armées. Lors du diner débat organisé le 11
février 2019 par l’ana-inhesj Monseigneur Antoine de Romanet , aumônier en chef
du culte catholique a expliqué combien
il était difficile de faire un don, sans arrière- pensées, sans intérêt,
à notre époque où l’on veut surtout recevoir. Notre ami auditeur et grand
rabbin de France Haïm Korsia ancien
aumônier en chef du culte israélite aux armées a confirmé les propos de Mgr de
Romanet en demandant à ce qu’on ne s’habitue pas au mal , à la haine, à l’affrontement
dans un monde de violences où l’individu cherche parfois à justifier
l’inacceptable. L’actualité sur l’ antisémitisme grandissant et à visage
découvert a pris une dimension très inquiétante et c’est la république qui est
attaquée. Mgr Romanet et Haïm Korsia savent ce qu’est l’autorité puisqu’ils sont
ou ont été responsables d’hommes et de femmes, avec l’esprit de corps,
l’engagement, et la mort qui rôde. Le
mot sacrifice est pour eux concret. Tous deux nous ont donné une leçon de vie
et de fermeté humaniste. Haïm a conclu par un vers d’Apollinaire :
« jamais les crépuscules ne vaincront les aurores » .
Il faut
comprendre que l’autorité n’est pas faite pour brimer ou pour empêcher. C’est
la loi qui affranchit et la liberté qui opprime ( citation attribuée au prêtre
dominicain Henri Lacordaire et utilisée par les anti- libéraux !). Par
l’acceptation spontanée de l’ordre démocratique à savoir des règles dans
l’intérêt de tous, chacun peut exercer ses libertés, et vivre comme
il l’entend sous la protection de l’Etat qui ne s’immisce pas dans la
sphère privée mais qui garantit les droits et qui contrôle les devoirs sans qui
c’est le chaos. La confusion criminelle
c’est aussi le terrorisme avec le retour des djihadistes et la
libération de ceux qui ont accompli leurs peines, conformément à la loi. Sinon
il faut changer la loi.
Le terrorisme suite sans fin
, et la prison.
Le sénateur
Bruno Retailleau affirme « que le terrorisme n’est pas une
fatalité ». Qu’il soit entendu. Selon lui nous ne devons pas nous
accoutumer au pire .Il propose de lutter contre le salafisme avec notre arsenal
juridique concernant les sectes.
« La loi de 1905 doit s’imposer à tous…la réponse aura lieu par
l’assimilation… il faut choisir : personne ne peut être français à
moitié », dit -il. La circulaire du ministre de l’ intérieur du 13
novembre 2018 après l’attaque de Strasbourg permet d’informer les maires sur
les fichés S qui résident dans leurs
communes. C’est un progrès et cela « permet un dialogue renforcé entre
l’Etat et les maires dans le domaine de la prévention, de la radicalisation
violente ».La circulaire se double d’une « charte de
confidentialité ».Les maires seront ainsi informés du profil à
« risque » d’un de leurs employés municipaux et de « risques
associés en subventionnement d’un commerce, des risques associés de la mise à
disposition de locaux par la collectivité ».
Les victimes
des attentats sont désormais honorées par une décoration : la médaille
nationale de reconnaissance. Elle a pour vocation de rendre hommage aux victimes et à saluer leur
résilience. Elle est un symbole de solidarité et contribue à la cohésion
nationale. Pour l’obtenir il faut en faire la demande et avoir été reconnu
comme victime du terrorisme soit par le parquet de paris soit par le fonds de
garantie du terrorisme, soit être sur la liste partagée du ministère de la
justice comme victime, et ce pour des faits
rétroactivement à partir du 1er
janvier 2006. Un centre national pour la résilience des victimes d’attentats se
construit, projet à l’initiative de Mme Françoise Rudetzki .
Le
terrorisme sous toutes ses formes dont l’islamisme radical sont des défis que
nous devons affronter. Toute autre revendication avec de la violence dans la
vie quotidienne pour mieux vivre est certes importante mais dérisoire face à ce
danger mortel. Il va falloir aussi
affronter le retour des djihadistes et la libération de certains. Les revenants
de Syrie en particulier nous posent un problème de droit et d’éthique. Toutes
les solutions sont mauvaises. Les laisser dans la nature en Syrie peut entrainer des conséquences graves :
les ramener en France peut conduire à des polémiques, déstabiliser une partie
de nos prisons et créer un danger permanent. Le gouvernement étudie les
situations au cas par cas et la case justice et incarcération ne sera pas
oubliée. Mais la chancellerie rappelle qu’il y a une justice en Irak. Les américains qui quittent le théâtre d’opérations
font pression sur nous. Ils veulent même nous livrer les combattants clés (ou
menottes) en main sur notre
territoire ! C’est de la livraison forcée alors que nous n’avons rien
commandé. L’Europe est divisée mais
n’apprécie pas les injonctions trumpiennes. La France temporise et si des
français terroristes sont jugés en Irak, on ne s’en plaindra pas. L’Allemagne
est très frileuse. La suède dit non tandis que la Grande- Bretagne soutient
qu’il faut juger les coupables sur les
lieux du crime. Les Pays- bas ne veulent pas revoir leurs ressortissants… Jusqu’où doit aller la bienveillance ou le
pardon , malgré nos obligations de droit, envers ceux qui ont voulu notre
mort et qui se réclament de nos valeurs humanistes qu’ils voulaient
détruire et nous mettre en danger maintenant ou plus tard et que nos
grands principes bénéficient à ceux qui les détestent. C’est Lénine qui disait
que les capitalistes vont (nous) vendre la corde qui va servir à les
pendre ! S’il faut incarcérer les revenants il va falloir adapter nos prisons, après un
procès équitable et des avocats pour les défendre, revoir les missions et
la protection des surveillants ,et
le contact avec d’autres détenus
car les revenants vont nous faire croire qu’ils regrettent
,veulent se réinsérer et voir leur petite famille, et apprendre à gérer les 35 heures ou … le r.s.a. pour leur
sortie. Doit s’y ajouter une réflexion sur la détention des criminels
-islamistes ou non - les plus dangereux, sur leurs droits et devoirs en prison,
qui peut venir les visiter et dans quelles conditions pour éviter un nouveau cas comme à Condé-
sur- Sarthe où 2 surveillants ont été blessés et où le raid a dû intervenir. Ce
n’est pas faire preuve d’inhumanité que
de penser que quelques détenus
particulièrement dangereux et condamnés pour des crimes devraient être
soumis à un régime de détention
différencié par rapport aux autres détenus. Dans les conversations que j’ai
eues le reproche constant revient :
les prisonniers ont trop de droits , et tous les trafics existent dans les établissements. Mais on a la prison que l’on mérite qui est le reflet de la société dans laquelle on vit, qui
incarne nos grands principes ce dont on
doit se réjouir mais qui doit aussi être au plus près des nécessités nouvelles et de l’état d’esprit de la société : mais évitons des querelles idéologiques car
il y aura malheureusement toujours des
incidents voire plus en prison. Un grand débat parlementaire devrait avoir lieu
sur tous ces sujets et sur la loi pénitentiaire
principalement pour améliorer les conditions de travail et les moyens de défense des surveillants qui assument la
responsabilité de ce que l’on ne veut pas voir, mais qui est une menace de plus
permanente. Les citoyens ont besoin
d’être rassurés.
Puisque on aime parler de généralités en ce
moment envisageons l’état de notre
démocratie et ses moyens d’expression.
Sur l’état de notre démocratie.
On doit
s’imaginer vu de l’extérieur que notre démocratie est en feu, bloquée, ne fonctionne pas, annihile la
liberté d’expression et qu’il n’y a plus de libertés fondamentales puisque les
élites politiques, technocratiques, médiatiques muselleraient le peuple qui
serait sous un boisseau terrible.
J’exagère à peine ce qu’on entend sur les ondes et dans la rue. Mais
notre démocratie est -elle autant à bout de souffle comme on le prétend ?
Si on compare avec l’étranger c’est non . Malgré des élections quasiment tous
les ans, présidentielle et législatives,
européennes, communales, départementales et régionales , des élections
professionnelles dans tous les secteurs, le citoyen étoufferait de ne pouvoir
s’exprimer(sic) : il doit en effet attendre quelques mois alors qu’il veut parler immédiatement car il a la
solution à ce qui ne va pas et personne avant lui n’y avait pensé. Quel génie !
Parmi les
dernières revendications en lice le référendum d’initiative citoyenne le r.i.c. généraliste tient la corde sans savoir
d’ailleurs de quelle corde on parle : celle qui sert à ligoter tout ce qui se fait , celle qui est
à nœud, ou celle qui pend tous ceux qui
ne sont pas démagos et ne sont pas « peuple » ? Personnellement j’aimais mieux le roc(k) de
Johnny et je demande le r.a.c. (retour au calme). Les citoyens y compris ceux
qui ne votent jamais ni dans les élections politiques ou professionnelles ou
associatives pour élire le président du club des vieux ou des
loisirs, veulent dire leur mot sur tout et
rien, enfin ce qui les concerne eux personnellement. Dans les
communes nous connaissons nos ouailles
celles qui souvent ne se déplacent pas jusqu’à la mairie c’est loin, critiquent
mais ne font rien, exigent beaucoup de la part des autres, et refusent de
prendre la moindre petite responsabilité. Ils ignorent souvent le mot
civisme. Mais je reste ouvert à l’esprit
inventif en matière institutionnelle bien que contre le r. i .c à tendance révocatoire
qui ne me chaut pas du tout. Je suis cohérent et je ne veux pas me tirer
une balle dans le pied : je suis un vieil élu et je me suis toujours prêté
au sort du suffrage universel. J’ai été battu plus que de raison mais je n’ai
rien cassé en représailles. J’ai respecté les décisions prises par d’autres que
je n’approuvais pas. J’ai attendu de revenir comme élu pour faire passer mes
idées . Certes tous les citoyens ne sont
pas comme moi et la réclamation de vouloir s’exprimer sans aucune responsabilité ou légitimité plus
souvent pourrait être recevable mais elle doit être très encadrée car elle ne
peut concerner tous les sujets, et tout
le temps. Une minorité ne fait jamais le printemps ni d’ailleurs le
reste de l’année même si la majorité n’est pas forcément géniale. Le débat est vif mais ne justifie aucune
violence cela va sans dire. Les gilets jaunes
et ceux qui les soutiennent après
tant de semaines de protestation
devront montrer qu’ils sont des démocrates en acceptant ce qui sera
décidé, quelques soient leurs regrets ou leurs désirs. En attendant il n’est
pas utile de vouloir réinventer l’eau tiède ou le fil à couper le beurre,
allégé ou bio pour faire moderne.
En France
avec la réforme de 2008 du président Sarkozy, nous avons le référendum
d’initiative partagée qui a complété par les alinéas 3 et 6 l’article 11
de la constitution qui vise les sujets possibles pour un référendum. Il faut une initiative de 1/5 ème
des parlementaires soutenue par 1/10 ème d’électeurs inscrits sur les listes
électorales. La réforme est entrée en vigueur le 1er février 2015,
et n’a …jamais été utilisée. On pourrait commencer par en faire l’expérience
avant de lâcher la bride aux citoyens exclusivement. On peut aussi assouplir
les conditions de recevabilité.
En Europe le
r.i.c. existe déjà dans une quinzaine de pays selon diverses formalités .
Certains permettent de proposer des lois , ou en abroger. D’autres optent pour
une éventuelle modification de la
constitution (lire Louis Boichot le figaro du 6 mars 2019). Les anciens pays de
l’Est sont les leaders en la matière ce qui était une réponse à la déception
post communiste. Les résultats sont médiocres avec une participation citoyenne
moyenne sinon faible, avec des échecs
patents (en Lettonie). En France il faut donc se hâter lentement et ne pas
céder à la démagogie en refusant fermement
ce qui est lié à de la révocation de près ou de loin.
*Madame
Anne-Marie Le Pourhiet professeur de droit à Rennes I et vice-présidente de
l’association de droit constitutionnel écrit : « si l’on ne veut pas que les français soient
régulièrement ennuyés par des consultations sur les sujets
obsessionnels de militants atrabilaires ,il convient de se tourner vers
l’exemple transalpin qui retient un système plus sélectif et sérieux »
et c’est plutôt la procédure de
démocratie directe prévue en Italie qu’il convient d’imiter plutôt que
l’exemple Suisse qui est toujours précédé par une intervention parlementaire. La constitution
française a déjà prévu cette possibilité : faut- il étendre la
possibilité ?
*M.Olivier
Duhamel constitutionnaliste éminent et président de la fondation nationale des
sciences politiques est farouchement contre le r.i.c. car il estime que « cela ouvrirait la porte à
une série de demandes populistes qui in fine
mettraient à mal notre démocratie ». Je l’approuve car je ne veux
pas que l’on institue un pouvoir permanent
de dire le contraire de ce qui a
été débattu, décidé puis voté et
de « déstabiliser tout pouvoir élu avec une quasi confiscation des
moyens d’action » comme le dénonce
le professeur de droit ancien député européen.
Je désapprouve la volonté de révoquer les élus (j’en suis un petit)
-surtout le président de la république issu du
suffrage universel- comme si un gilet jaune en CDD ou CDI qui est
licencié brutalement trouvait cela
normal d’être « dégagé » avant l’échéance prévisible. Je vais
attendre d’être battu ou de décider ne plus être candidat pour faire mea
culpa. Changer de constitution en
fabriquant une nouvelle république sous la pression des « constituants»
tirés au sort ou militants me parait le comble de la tartufferie, une véritable
aberration qui devrait si elle a lieu être suivie par un référendum. Je ne
crois pas qu’une nouvelle constitution réglerait ce qui manque au pouvoir
d’achat même si on diminuait la paie des parlementaires, du président et des
ministres et de tous les élus locaux, des footballeurs stars ou des chanteurs
idoles. Je ne sais pas si la crise partie de la taxe carbone et de
l’augmentation du pouvoir d’achat va se
résoudre en enfantant dans la douleur
une 6è république qui ferait la part belle au parlement élu à la
proportionnelle intégrale ce qui est l’annonce d’un blocage avéré ; qui
réduirait les pouvoirs du président de la république alors qu’on revendique un
chef, un cap et de l’autorité, avec une vague de dégagisme et comme si les inexpérimentés pouvaient
trouver les solutions .On est dans le « plus vieux que moi tu
meurs » et à partir de 35 ans ou 40
à peine plus pour faire plaisir à
M.Macron et à son entourage -voir les
têtes de liste aux européennes- on doit prendre une retraite anticipée alors
que la réforme en cours voudrait allonger l’âge du départ ?
Puisque je parle
institutions je donne mon avis pas moins pertinent que celui de n’importe qui. D’abord il faut faire vivre
les territoires au-delà d’une logique comptable ou financière, ,maintenir les
classes ouvertes dans les villages
parfois avec un nombre d’enfants en baisse,
y réimplanter des services public ou quasi publics (médecins par exemple
ou favoriser la création de bistrots), faciliter la mobilité des habitants…On
pourrait ressusciter le conseiller territorial (fusion des conseillers
départementaux et régionaux) que le
président Sarkozy avait créé et réforme que le président hollande a supprimée
dès son arrivée au pouvoir. Faisons d’abord de la décentralisation réelle en donnant des vrais pouvoirs aux maires et
en leur faisant confiance . Et que l’Etat après avoir redéfini ses périmètres
d’intervention déconcentre aussi ses
services avec efficacité, et surtout
concertation. Ensuite passons
aux «problèmes » plus institutionnels pour redonner de l’oxygène à ce
qui en manque et à la condition que les citoyens jouent le jeu: il est possible de découpler le mandat
présidentiel ( 5 ans passés à 6, et
celui des députés aussi de 5 ans ramenés à 4 élus à un scrutin
proportionnel dont il faut déterminer le niveau pour éviter la
perturbation de petits groupes ),
avec le Sénat à part car il a
besoin de durée avec les maires (mandat de 6 ans) par lesquels les sénateurs
sont élus au suffrage universel indirect
(faut-il introduire dans le collège électoral des citoyens lambda ce que je
n’aimerai pas ?). Et comme deuxième
chambre le sénat a montré son utilité
modératrice ou au contraire plus
ferme dans le débat public (loi anticasseurs ou dossier Benalla). On
peut envisager aussi sur des sujets de
société la participation du conseil économique
social et environnemental dont la composition ne serait plus celle du
cimetière des éléphants ou des battus à recaser? On veut aussi réduire
drastiquement le nombre des députés et sénateurs. C’est à mon avis une fausse
bonne idée car on a plus besoin de présences sur le terrain que de législateurs
à paris et on ne fera pas de grandes économies en supprimant quelques
traitements publics ou en payant nos parlementaires au smic pour qu’ils
apprennent la pauvreté comme quelques démagogues le suggèrent. Et pourquoi
imposer trois mandats au maximum et se priver de parlementaires qui sont
bons ? Laissons faire les électeurs. Concernant le non -cumul des mandats,
je trouve incongru qu’un parlementaire soit hors sol sauf s’il est souvent sur le terrain et dans les mairies ce qui est
le cas de mon député ou de mon sénateur élu local par ailleurs. On voit ce que
donnent les intermittents de la politique, les chevau-légers qui ne piaffent
qu’à paris. Je propose qu’on limite le
cumul des mandats en fixant un seuil à
définir , aux villes plutôt importantes, communautés de communes,
agglomérations où il faut avoir un travail à temps plein. Mais un député ou
sénateur maire d’un village de quelques centaines ou milliers d’habitants cela plait aux
citoyens car ils peuvent lui parler. Enfin et ce n’est sûrement pas ce que les
gilets jaunes attendent du grand débat mais
pourquoi ne pas instaurer le vote
obligatoire qui m’apparaitrait comme un
acte civique avec la prise en compte du vote blanc . Inutile de prêter le
serment du jeu de paume pour ce faire et
de n’en sortir que par la force des baïonnettes : un bulletin de vote que
l’on utilise systématiquement fera l’affaire. Ce sera l’arroseur arrosé.
*M. Jacques
de Saint- Victor professeur d’histoire du droit à paris XIII et au Cnam,
considère que « l’engouement pour la démocratie directe que permettraient
les réseaux sociaux est une illusion » . Je ne développe pas les
difficultés avec lesdits réseaux qui
sont le champ libre pour tout dire de façon anonyme si c’est insultant et qui
rapportent des prétendus faits faux ou
interprétés pour la plupart en
développant l’instinct noir de
l’individu et ses croyances pour le
complotisme ou la manipulation ou autres
billevesées et le mot est faible. C ‘est une atteinte à la sécurité de
l’information et la remise en cause dans la vérité de la liberté d’expression.
De mon point de vue il va falloir légiférer pour permettre l’exclusion de ce
qui est le plus dévastateur, ou décider de poursuites s’il le faut. La liberté
débridée n’est jamais sans limite ou responsabilité. M.de saint Victor ajoute que « ce sont
les fondements mêmes de nos systèmes de représentation qui se trouvent remis en
cause. Le peuple ne peut pas se passer de représentation » .
Si c’était
la seule conclusion de bon sens qui débouchait du grand débat on aurait avancé
d’un grand pas.
Libéralisme et démocratie ou la perte de
la confiance.
Je
prends un risque en évoquant un terme
odieux quasi raciste puisque tout le devient
et symbole de l’injustice, à savoir
le libéralisme même pas l’hyper- libéralisme ou le capitalisme enfin ce qui est un chiffon rouge et provocateur même si les autres politiques
en « isme » ou la sociale- démocratie ont raté leurs cibles.
C’est le cercle des poètes politiques disparus avec leurs héros et idéologies
. J’assume comme dit le président , ce qui peut paraitre être un manque
d’empathie car pour ma part je
n’apporte pas de réponse, je n’ai aucun mandat national , je n’ai pas
été élu pour trouver la lumière, et je n’ai pas de responsabilité dont je doive rendre compte
sauf à participer là où je suis avec mes moyens à l’effort collectif (côté
impôts ,csg et taxes diverses ça
va !). J’ai le rôle facile de l’observateur qui rencontre des gens, prend
des décisions municipales ou juridiques, discute et confronte des points de vue
de membres de la base (qui ne savaient pas qu’ils l’étaient) dans ma campagne ou qui pensent être « un peu
l’élite » quand j’en vois d’autres
dans mon cabinet d’avocat à paris. Mais parlons de la base qui tient le
haut du pavé . La mondialisation dite
heureuse est remise en cause par ceux qui n’en n’ont jamais bénéficié mais ont
craché au bassinet sous les huées de ceux qui
en profitent ou pensent de façon doctrinaire que c’est la seule solution .Il y toujours
d’autres choix. Ils devraient arpenter
en hiver nos chemins de boue, nos routes de campagne mal entretenues par le
département malgré les efforts du maire
et des habitants, essayer de trouver du travail sur place ou un médecin s’ils se sont foulés une cheville
dans les folles herbes de nos chemins vicinaux écologiques et tenter de téléphoner à paris ou new- York
avec leurs portables qui n’accèdent pas
à des réseaux ou d’envoyer des messages avec un numérique un peu bègue. « Chez moi madame » comme l’aurait chanté Jacques Brel dans les remparts de
Varsovie en les revisitant on ne parle
pas de fake news ou de réseaux sociaux
sauf pour tenter de les lire. On travaille la terre, on remplit la
chaudière, on s’occupe des enfants et on fait ses comptes, mais sans se
plaindre. Le libéralisme qui partait
d’un bon sentiment- élargir les libertés face à l’Etat et créer de la richesse
et qui a permis avec la mondialisation à
des millions d’humains de sortir de la misère ou de la pauvreté plus ou moins je ne suis ni naïf ni sourd -
déjà non parfait a mal tourné avec la globalisation et il
a atteint ses limites ( depuis la crise financière de 2007-2008) en générant en
plus des inégalités ce qui n’était pas prévu. Mais quelle politique économique
et sociale lui substituer surtout dans des pays
encore prospères comme le nôtre ? Tous ceux qui proposent de faire
table rase ou de la renverser et
repartir d’un feuille blanche sont plutôt secs. La critique est facile même si
on ne peut se contenter du statu quo. Il y a
en outre une crise de confiance qu’Alain Peyrefitte dans son « mal
français » avait décrite en 1976 et qui plombe toute tentative de
réformes. Désormais c’est la méfiance
généralisée : on se méfie de tout et on critique par avance. A. Peyrefitte
avait aussi écrit « le péril jaune » mais il visait les chinois
(devenus de réels adversaires) et je ne veux faire aucune allusion déplacée à
ce qui se passe le samedi. On a plutôt laisser faire comptant sur une croissance
qui ne cesserait pas d’augmenter, ou sur
des progrès technologiques donnant mécaniquement des gains de productivité,
facilités qui évitaient de prendre des mesures drastiques concernant
les dépenses publiques et réfléchir à une autre gestion et donc à une nouvelle
redistribution par un Etat revu dans son périmètre. On a préféré vivre à
crédit.
Mais les
jouets sont obsolètes et la croissance joue l’arlésienne. S’y sont ajoutées les
difficultés économiques globales,
l’industrie qui laisse des friches un peu partout ,le chômage qui ne baisse pas, la fin du mois qui
devient dure, et les emplois sacrifiés
par l’intelligence artificielle avec les géants du numérique qui bouleversent
tout ,sans oublier les problèmes liés à la sécurité qui inquiètent. Je ne crois pas beaucoup à la destruction créatrice qui est la théorie
de Schumpeter. Et les citoyens doutent des
promesses de personnalités ou de l’Etat
ou des élus ou des patrons ou même des syndicats, et des « demain
vous allez voir », et ne tendent pas les bras à ceux dont la
religion menace, qui viennent d’ailleurs pas tous pour s’intégrer , et qui seraient une
prétendue chance pour la France (ce qui n’est jamais démontré ) dans le cadre d’une transition écologique qui
ferait des miracles. Ces citoyens qui
doivent se débrouiller seuls ainsi que leurs enfants ont la rage même silencieuse ou sont usés pour les plus
raisonnables, ce qui ne se règle pas dans une démocratie par des
violences, mais ce qui est facile à
dénoncer alors que notre société actuelle semble être dans une impasse, avec l’ascenseur social bloqué
et n’apporte pas de vraies solutions qui permettraient de voir l’avenir plus
radieux. On raisonne à court terme. On
ne peut se contenter d’attendre que la situation se résolve par miracle, ou de
résister , de dire non au plus idiot et
continuer comme avant. On va devoir
inventer un monde sui generis que nous devons tous construire et des ressources
car le budget de l’Etat est mal en point. Donc tailler dans des dépenses et
faire des économies. Lesquelles ? Le grand débat aura permis de répondre à
la question , je l’espère !
L’espoir ne peut pas être mort et
il faut donner le signal d’une solidarité nouvelle, rebâtir la cité sur les
fondations qui sont solides, les consolider pour que l’on n’envahisse pas les
maisons, faire participer les citoyens
grâce à une gouvernance plus ouverte et produire encore mieux pour répartir équitablement .La
perfection n’existe pas et il y aura toujours des mécontents .Mais qu’au moins
la majorité y retrouve les siens. Il va
falloir se prendre en mains puisqu’on a compris que l’Etat n’avait plus de
moyens ni de perspectives. Au peuple de donner le sens démocratique
pragmatique, sans idéologie. Nous avons besoin d’un nouveau modèle social, pas
d’un replâtrage vision front populaire ou conseil national de la résistance.
Plutôt que de se lamenter sur la crise de la représentation , il serait
préférable de trouver des solutions efficaces sonnantes et trébuchantes. Il faut revoir les circuits de décision,
raccourcir les délais légaux de réalisation , donc être plus performants et
résilients. Personne n’imagine qu’il y aura un miracle , qu’il y aura moins de
riches qui ne méritent pas de l’être et moins de pauvres qui n’auraient jamais
dû en souffrir , que les injustices disparaitront par enchantement. Il faut
faire grandir le gâteau et que tout le monde ait la chance de participer au
festin. Le tout dans le calme.
Je viens de
lire le prix Goncourt 2018 de Nicolas Mathieu (Actes sud) « Leurs
enfants après eux » dont
l’intrigue se situe dans une vallée perdue de notre région de l’Est où les
hauts fourneaux ne brûlent plus et où le travail est absent. Quel est
l’avenir : celui de leurs parents ? la vie que les adultes mènent ?
Les jeunes s’ennuient. Ils cherchent leur voie dans un monde qui meurt ;
ce n’est pas la mondialisation qui va les aider sur place ! Les familles se disloquent car il n’y a pas
d’espoir. C’est pathétique et parfois un brin glauque malgré l’honnêteté,
l’honneur et la volonté de s’en sortir,
mais réel. Je ne crois pas que
des seules mesures matérielles et institutionnelles vont régler les problèmes.
Il en faudra bien sûr mais il va falloir être plus ambitieux . Nous sommes
globalement responsables nous avons raté l’essentiel, il faut rectifier et vite
pour les vivants et ceux qui vont suivre.
Il y a une quête de sens, de reconnaissance, d’appartenance [lire
« La demeure des hommes » de Paul-François Schira. Tallandier]. Nous
avons besoin d’une réflexion culturelle pour savoir qui nous sommes devenus et
si cela nous plait , et d’un
réarmement politique et moral
pour faire face à des problèmes nouveaux
notamment à l’islamisme radical qui donne aux croyants des perspectives dans le ciel et des sueurs froides aux autres, et au « populisme » qui fait
croire à ses adeptes que le repli sur soi
et le simplisme économique
conduisent au nirvana comme on le voit avec le Brexit ! Le jeune (36 ans) professeur à Harvard
Yascha Mounk [ le peuple contre la
démocratie. Ed. L’observatoire 2018] affirme que « les démocraties
libérales occidentales ne sont pas immuables. La montée en puissance des partis
dits populistes n’est pas conjoncturelle mais constitue le symptôme d’une crise
profonde de notre système politique en voie de déconsolidation ». Selon
Mounk la crise de la démocratie libérale s’explique par « la dérive
juridique et technocratique de la politique qui reflète de moins en moins
l’opinion de la majorité , l’impact des réseaux
sociaux, l’immigration de masse et la stagnation économique. Le libéralisme et
la démocratie sont entrés en conflit ». Le diagnostic est clair , il nous
reste à inventer les solutions. Il faut
agir d’urgence nous ne pouvons plus échouer.
Sans pouvoir conclure.
La sécurité
c’est de permettre aux hommes et aux femmes, aux jeunes ou aux anciens, de
concrétiser leurs rêves, de vivre avec dignité comme les autres. Et de savoir
que les plus chanceux à travers l’Etat ne les abandonnent pas. J’entends
l’objection : que faut- il faire concrètement car les analyses, les
rapports d’experts qui ne voient rien venir et surfent sur l’existant ou les
formules faciles « il faut que », cela suffit . Les
responsables élus et non l’administration devront trouver les
solutions techniques sans bouc émissaire ou catégories sociales montrées du
doigt. Mais il est de notre devoir de
participer puisque si la sécurité est l’affaire de tous, elle devient comme
dans les autres domaines la priorité du
citoyen qui doit s’y investir. Comme l’aurait écrit Raymond Aron il faut être
désormais un « spectateur engagé », un citoyen impliqué en matière de
sécurité globale notamment. Pour réussir
les réformes indispensables il faut un minimum de sérénité et pas un chahut
continuel et une méfiance généralisée.
Nous avons besoin de vivre dans une société qui n’est pas énervée, qui
n’est pas en Burn -out permanent comme l’avait écrit il y a plusieurs mois dans
le journal le Monde M. J.P. Delevoye qui a la charge de réformer les retraites,
mission périlleuse. La justice c’est de recevoir selon son dû. Il y a encore
des manques et des efforts à fournir.
Peut être que ce gouvernement va réussir à résoudre la quadrature du
cercle. Il faut être optimiste et confiant dans notre intelligence collective..
L’auditeur
homme et femme est comme Sisyphe et
remonte continuellement le rocher d’où il voit les penchants les moins
réjouissants de l’homme. La sécurité consiste à protéger l’individu contre le
mal produit par les autres mais aussi par soi y compris à son propre détriment. La justice
a pour fonction de trancher entre des légitimités parfois avec des raisons
équivalentes souvent entre des droits personnels et des devoirs collectifs.
L’auditeur essaie de naviguer entre les écueils pour arriver à un port qui met
à l’abri des vagues, pour s’amarrer en eaux calmes et reprendre son souffle, en favorisant les
échanges de bonne volonté. L’Auditeur la revue nous donne une caisse de
résonance publique- on participe aux débats et on essaie d’être des lanceurs d’idées
- et permet à toutes les opinions sauf celles qui sont polémiques ou
insultantes voire plus de s’exprimer, jeune ou très ancien auditeur comme moi.
Romain Gary prix Goncourt pour
« les racines du ciel » croyait « qu’au delà de cette limite
(son ) ticket n’était plus valable ». Il aurait eu tort si je puis
exprimer une critique, car en 2019 il n’y a plus de limite dans aucun domaine
puisque les bornes sont franchies
allégrement et régulièrement. D’où tous
les excès, les exigences les plus débridées et la fracture due à
l’individualisme. Romain Gary avait cependant
raison en affirmant :« il faut toujours connaitre les limites
du possible pas pour s’arrêter mais pour
tenter l’impossible dans les meilleures conditions ». Essayons de poser des limites cela va être un
combat utile et de savoir quel sera le poids de l’homme, l’intérêt de
l’individu , et sa place dans la société qui évolue par algorithmes et parfois nous dépasse. Il faut être optimiste et confiant en notre
intelligence collective. De nouvelles prétentions dites légitimités surgissent
et ce sera désormais un jet continu. La question est : quel pouvoir
(représentatif ?) aura la légitimité de les légitimer et de les faire
vivre ? Puis de contrôler et de rectifier s’il le faut. Selon Christophe Guilluy [ La France périphérique] et David Goodhart [
the road to somewhere] il faut
réconcilier le monde d’en bas et le monde d’en haut. Il n’y a pas un monde
périmé il y a un monde fatigué. Il faut susciter une nouvelle société qui
s’appuie sur son passé, ses principes, ses traditions, et inclure d’autres
méthodes modernes et valeurs en l’augmentant - comme en transhumanisme - par ce
qui est positif et fait consensus pour forger un destin commun. Tout le monde a
sa place dans la république : il suffit d’en respecter les règles. Le grand poète Goethe préférait une grande
injustice à un grand désordre. Je préfère la justice dans l’ordre donc des
institutions solides et résilientes issues d’un vrai dialogue avec des
responsables politiques ou non de bonne
foi, qui choisissent la raison et la
vérité des faits à l’émotion et qui font valider leurs choix par les français.