A propos de laïcité : la paille et la poutre.
Par
Christian FREMAUX avocat honoraire et élu local .
Le
comité des droits de l’homme de L’Onu vient
d’ émettre pour la deuxième fois en quelques mois, un avis qui critique des décisions
de justice de notre cour de cassation sur le port du voile dans l’entreprise
ou le niqab dans la rue, en demandant à ce que les plaignantes soient
indemnisées dans les 180 jours, et que …
l’on révise la loi. Certes cet avis n’a aucune obligation juridique mais il
procède de l’intervention d’un comité « Théodule » -avec
tout le respect que l’on doit à l’Onu dont le rôle dans les relations
internationales et le maintien de la paix
est fondamental- mais qui est aussi ce « machin » aurait dit le général
de Gaulle. C’est une atteinte à notre souveraineté juridique et
judiciaire, à notre principe constitutionnel
de laïcité qui n’est manifestement pas
compris par tout le monde, et à la nécessité de légiférer en France pour tenter
de régler des problèmes pratiques, dans les écoles, à la cantine, à la piscine,
dans les entreprises, et dans l’espace
public, pour éviter que cela ne dégénère. En France on ne commente pas -sauf
les professeurs de droit- une décision de justice. Le comité des experts de
l’Onu l’a fait. Examinons les faits et
le droit et rappelons d’abord le
contexte.
La laïcité
et le respect des valeurs de la république sont un combat permanent. Tout le monde n’habite pas dans des
quartiers où rien de grave sur le plan des libertés ou délictuel ou criminel ne se passe, où le vivre ensemble est un
plaisir et le dialogue avec l’autre un enrichissement. L’actualité nous montre
qu’il y a des quartiers perdus dans notre république que d’ailleurs le
gouvernement actuel veut reconquérir, enfin. Pourvu que les déclarations
d’intention se transforment en acte. M. Georges Bensoussan qui a écrit avec des
professeurs un livre sur ce sujet dès 2002 a connu quelques déboires judiciaires
pour l’avoir exposé publiquement, et un livre d’investigation qui vient d’être publié d’élèves journalistes sous l’impulsion de deux journalistes réputés MM.Davet et Lhomme
prouve qu’il y a une islamisation galopante et inquiétante ne serait- ce qu’en Seine-
saint Denis. La laïcité est donc en danger.
Certains s’offusqueront de cette
affirmation comme si constater ce qui ne
va pas y compris en matière religieuse était un péché et que je sois un
apostat. Mon propos n’est pas de
dénoncer quoique ce soit, ou d’essayer de comprendre pourquoi on en arrive à
cette situation, des spécialistes le
font très bien, mais de prendre acte que l’islam sous des formes radicales et revendicatives
pose problème même si nous vivons dans le cadre de la liberté religieuse, de l’interdiction
de toute discrimination, et des droits particuliers de chacun avec la liberté de conscience, de croire ou
non , de vivre sa foi. Pour les devoirs
collectifs dans le cadre d’une nation c’est un autre combat que nous devons
obligatoirement aussi mener et vite d’ailleurs, car le communautarisme quel qu ‘il soit ou
la tyrannie des minorités le tout au nom des droits de l’homme, ne doivent pas triompher, sinon c’est la cohésion sociale,
notre identité et notre destin qui
sont remis en cause .La démocratie peut
mourir d’être fracturée en faisant droit à toute demande. C’est mon avis et je le partage car il
n’engage que moi puisque je n’ai aucune responsabilité ou légitimité pour
donner des leçons ou faire la morale et je revendique la liberté d’expression
celle qui n’est pas réservée aux autres et qui se partage dans un dialogue
républicain .
Dans notre république
nous avons un pouvoir législatif , les députés et sénateurs qui votent la
loi représentent l’intérêt général, la loi qui est motivée et a fait l’objet d’un
débat public. Nos lois tiennent compte de certaines particularités, de notre
histoire et de nos traditions, de notre
mode de vie, du destin que nous avons
choisi ,et ne rétrécissent jamais -sauf par exception quand nous sommes menacés en
matière de sécurité publique et autre
domaines vitaux – les libertés en général. Les tribunaux de l’ordre judiciaire
protègent les libertés individuelles, et
ceux de l’ordre administratif renforcent les libertés publiques. Dans le
domaine de la liberté religieuse c’est la loi de 1905 qui a consacré la séparation des églises (le
des est important) et de l’Etat-donc du pouvoir politique- et a fondé la
laïcité à la française. La république est neutre et garantit la liberté de
rendre hommage à dieu comme on l’entend (dans le respect de l’ordre public) ,proclame la liberté de conscience et consacre
l’égalité : « la république ne reconnait , ne salarie ni ne
subventionne aucun culte ». La loi
s’est adaptée à l’évolution des mœurs, et à des revendications de plus
en plus fortes de nos compatriotes musulmans pour pratiquer leur religion. C’est leur droit, et ce n’est pas parce que
l’on ne croit pas ou que l’on pratique une autre religion que l’on va leur
dénier une liberté fondamentale. Mais on est passé progressivement à des
exigences qui se discutent dans beaucoup de domaines et qui remettent en cause
nos principes, ceux qui ont permis de bâtir une république soudée, unanime et
déterminée à avoir des objectifs communs. Le débat s’est durci entre ceux qui
veulent toujours plus sans contrôle,
sans critique possible et même en leur
donnant les moyens, et ceux qui estiment
qu’il ne faut pas aller trop loin qu’il y a des limites à ne pas franchir, que
la société doit maitriser l’exercice de cette liberté pour qu’elle ne dérape
pas ou se transforme en abus, que le droit
de croire et d’exercer une telle liberté doit être compatible avec des règles
neutres destinées à combattre tout différend
potentiel qui porte en germe de la
violence ou la remise en cause de principes et qui peut conduire à des
affrontements.
C’est ce que
l’on appelle la laïcité à la française qui caractérise notre personnalité nationale à l’extérieur, s’appuie sur des
valeurs universelles, est copiée plus ou moins bien par beaucoup de démocraties
et qui fait notre grandeur.
Il y a eu
deux procès en France sur la base de ces principes. D’abord l’affaire de
la crèche privée dite baby loup qui avait licenciée une de ses salariées qui
souhaitait porter le voile à l’intérieur de l’établissement. Mme Afif la
salariée concernée était soutenue dans
sa cause et la polémique fit rage sur fond de laïcité. Finalement la cour de
cassation en assemblée plénière -ce qui démontre que la procédure ne fut pas un
long fleuve tranquille- en 2014 a confirmé le licenciement pour faute grave , la
salariée ayant refusé d’enlever son voile. Cet arrêt a mis en lumière le
principe de laïcité dans des entreprises privées .Ce ne fut pas à l’époque du goût de tout le monde en France,
inutile de le préciser ou de donner des noms. La cour de cassation en entendit
des vertes et des pas mûres.
La salariée
Madame Fatima Afif saisit ensuite le comité des droits de l’homme de l’ONU. Il ne faut pas confondre ce comité composé de 18 juristes indépendants qui est chargé de suivre l’application du
pacte international relatif aux droits civils et politiques de l’Onu signé en 1966, avec le conseil des droits de
l’homme composé des représentants de 47
Etats où l’on trouve notamment
l’Afghanistan, le Mexique, la république
du Congo, le Venézuela, l’Albanie… qui ne sont pas des paragons de
vertu et des modèles en matière d’application des droits de l’homme !
Nous parlons
donc de ce comité de juristes qui le 10 août 2018 avait considéré que notre cour
de cassation dans l’affaire Baby loup
s’était fourvoyée, que l’obligation imposée à Mme Afif de retirer son foulard à
son travail dans la crèche constituait
« une restriction portant atteinte à la liberté de religion et avait considéré que le
licenciement « ne reposait pas sur un critère raisonnable ».Le
comité a considéré que la France « n’a pas apporté de justification
suffisante qui permette de conclure que le port d’un foulard par une éducatrice
de la crèche porte atteinte aux libertés
et droits fondamentaux des enfants et des parents la fréquentant ».C’est
une appréciation qui ne correspond pas à
notre culture et en plus à notre droit.
Alors que
nous sommes champion du monde de football, c‘était un but à zéro pour l’ONU ou son
comité de juristes contre la France qui
n’a rien changé, pour l’instant à ma
connaissance car il n’y avait pas d’arbitre dans le match qui n’était qu’amical
et pas officiel en droit, sans sanction . Ce qui me réjouis car les faubourgs
de New -York sont loin même si le droit
international signé par les Etats a
vocation à s’appliquer partout y compris dans les pays dont sont issus les
éminents juristes. Que la France ne prend pas de réglementation à la légère
surtout en matière de libertés. Et qu’enfin nos juridictions ne font pas de
politique, ne suivent pas l’opinion publique
et respectent les lois y compris internationales et
interprètent les textes s’il y a un vide juridique. Il
n’appartient qu’au législateur de modifier la loi s’il y a lieu. Je ne doute
pas que les illustres juristes de New-York connaissent Montesquieu et la
séparation des pouvoirs ce qui est un principe que nos donneurs de leçons de
droit et d’éthique doivent exiger partout.
Ensuite on s'attaqua à l'espace public et bis repetita. Ledit comité des juristes de l’ONU , le comité des droits de l’homme présidé par un israélien vient de récidiver mardi 23 octobre 2018. Saisi par deux musulmanes qui portaient dans la rue à Nantes le voile intégral, le niqab, et qui avaient été verbalisées, il a condamné la France en estimant que « l’interdiction du niqab viole la liberté de religion et les droits humains », pas moins !Remarquons la détermination des plaignantes passées du tribunal de police en France et d’une condamnation à une simple amende, à New-York et à un avis international. Chacun méditera sur cette volonté de vouloir établir une jurisprudence. Le droit n’est pas toujours neutre et peut servir à mener un combat.
Ensuite on s'attaqua à l'espace public et bis repetita. Ledit comité des juristes de l’ONU , le comité des droits de l’homme présidé par un israélien vient de récidiver mardi 23 octobre 2018. Saisi par deux musulmanes qui portaient dans la rue à Nantes le voile intégral, le niqab, et qui avaient été verbalisées, il a condamné la France en estimant que « l’interdiction du niqab viole la liberté de religion et les droits humains », pas moins !Remarquons la détermination des plaignantes passées du tribunal de police en France et d’une condamnation à une simple amende, à New-York et à un avis international. Chacun méditera sur cette volonté de vouloir établir une jurisprudence. Le droit n’est pas toujours neutre et peut servir à mener un combat.
La loi
n°2010-1192 du 11 octobre 2010 interdit la dissimulation du visage dans l’espace
public (rues, commerces, transports, mairies...) .On ne peut porter une tenue
destinée à dissimuler le visage sous peine d’une amende pouvant aller
jusqu’à 150 euros. Cette loi a été validée en 2014 par la Cour européenne des
droits de l’homme de Strasbourg. Elle complète la loi de 2004 sur le port de
signes ou de tenues dans les collèges et lycées, par lesquels les élèves
manifestent ostensiblement une appartenance religieuse, ce qui est interdit.
Il faut donc
croire que la connaissance et l’interprétation des droits de l’homme ne sont plus
universalistes et qu’elles fluctuent
selon la latitude ou la longitude et celui qui doit l’apprécier à l’aune de des propres croyances religieuses
ou non, et de ses pratiques
philosophiques, juridiques et démocratiques.
Ce n’est pas un progrès de ne pas avoir
des interprétations homogènes, de devoir confronter des jurisprudences
contraires, et cela peut conduire à des
difficultés sérieuses. Puisque le comité des droits de l’homme a vocation à ne donner que des avis sur des interprétations
de textes, qu’il s’en tienne là. Qu’il n’émette pas des injonctions de faire,
des quasi menaces qui de toutes façons seront sans effet contraignant, par
exemple de devoir indemniser de
prétendues victimes qui ne font preuve d’aucun préjudice ( c’est la
jurisprudence en droit social en France) ou qui soutiennent gratuitement qu’elles
ne peuvent exercer des libertés fondamentales ce qui serait une faute lourde de
l’Etat et justifierait des dommages-intérêts. On est dans l’absurde et un excès
de prétendu pouvoir par ces « juges autoproclamés »
Cela
n’empêche pas de discuter du fond par exemple des droits du salarié dans
l’entreprise privée. La loi n°2016-1088 de Mme El Khomry dite loi travail a
introduit le principe de neutralité au sein du règlement intérieur de chaque
entreprise. La loi stipule : « le règlement intérieur peut
contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant
la manifestation des convictions des
salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés ou droits fondamentaux ou par les
nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise si elles sont proportionnées
au but recherché ».C’est clair c’est notre droit et je ne pense pas que le
comité des juristes de l’ONU trouvera une critique à formuler sauf à s’immiscer dans notre démocratie ?
.Il faut aussi tenir compte de ceux qui
dirigent l’entreprise et la fréquentent. C’est pareil dans l’entreprise publique qui n’appartient à
personne mais qui est la propriété de tous et qui doit rester neutre .
Cette
législation globale résulte du droit de la société de prendre des
précautions et de savoir toujours à qui on a affaire, ses droits et devoirs
surtout dans le contexte d’insécurité,
de menaces diverses, d’attentats et de délinquance. Elle est faite aussi
pour que chacun ne soit pas choqué par le comportement de l’autre. En
conséquence il peut y avoir un conflit de droits, ou
un affrontement entre les libertés individuelles et le devoir de protection
générale. Les droits de l’homme ne doivent pas être instrumentalisés. Il faut
déjà les appliquer dans un consensus difficile à obtenir, les faire comprendre
pour les conforter pour qu’ils redeviennent conquérants et exemplaires. Et l'Onu n'a pas la même interprétation que la Cour européenne des droits de l'homme: qui a raison?
Avant de
voir la paille de la laïcité qui indispose chez l’autre il faut balayer devant
sa porte. Cela évite de prendre des poutres de l’intolérance qui favorise l’individu exclusivement sans tenir
compte de ceux avec qui on vit, en pleine figure.