Déficit
démocratique ou démocratie à
rénover ?
Par Christian
FREMAUX, avocat honoraire et élu local.
Les mots ont un sens .Après l’annonce de la faillite de
la justice par le ministre, qui rejoint celle plus large de l’Etat-tous les
observateurs et institutions de contrôle tirent la sonnette d’alarme, mais
selon le Président la France va mieux !- on parle désormais de déficit,
mais démocratique c’est-à-dire que les français n’auraient pas suffisamment la
parole ou ne sont pas écoutés ou que le pouvoir
n’obéît pas immédiatement à chaque demande de groupuscule minoritaire, sans aucune
légitimité, avec des membres cooptés qui partagent le même avis :rien ne
va .Fi des élections qui ont porté au pouvoir des élus politiques nationaux ou locaux : fi des élections
professionnelles avec des représentants
de syndicats ; fi tous les corps intermédiaires ou institutions qui
réfléchissent aux problèmes inédits de société ; fi contre tous ceux qui
détiennent une légitimité même petite. On remet tout en cause. On veut du
direct comme à ATHENES jadis sur l’agora, avec le peuple ou plutôt quelques
individus qui s’expriment, pétitionnent contre tout, exigent par exemple un
salaire pour tous à vie, dénoncent pêle-mêle les méchants selon eux , les
riches, le capitalisme, la police, un philosophe, la politique nucléaire, la
loi travail, la sélection à l’université, la mondialisation… et la liste n’est
pas exhaustive. Et on les prend au sérieux : les médias ne cessent de les
interroger, et diverses élites dont certains
politiques qui ont du participer à MAI 68 avant de devenir députés, sénateurs,
ou ministres (on ne cite aucun nom mais on peut les reconnaitre), ou des
nostalgiques du CHE ou de FIDEL, enfin de héros « modernes »qui ont
échoué et plongé leur pays dans la misère,
d’anciens adeptes d’idéologies qui ont conduit à des massacres de masse
et l’anéantissement de l’être humain, pensent que tout ceci est rafraichissant et
qu’il faut que la parole se libère sans
trop savoir ce qu’on va en faire des belles paroles, des slogans creux et des injonctions irresponsables. Au
passage lesdits politiques se tirent une balle dans le pied car si on en est à
un tel rejet, ce sont eux qui sont visés au premier rang car ils sont au
pouvoir depuis des décennies. Notre démocratie se caractérise par un état de droit certes perfectible mais l’un
des meilleurs au monde avec une liberté d’expression que beaucoup de pays mêmes démocrates nous envient, des
alternances sans drame, des élections libres pratiquement tous les ans pour les
divers échelons de notre administration
locale ; un parlement où l’on discute ferme et où toutes les tendances et
groupes de pression s’invectivent plutôt
que dialoguer ; où le pouvoir exécutif
essaie de faire voter des réformes et est surtout paralysé par sa propre
majorité !Et où le président de la république à peine élu par une majorité
est décrié (parfois à juste titre),contesté
dans ses choix et décisions, avec des sondages sur sa popularité au jour
le jour. On connait donc l’avis du peuple ou de ceux qui prétendent parler à sa
place sans en avoir reçu mandat. On entend évidemment pas la majorité
silencieuse, celle qui travaille ou est
utile dans une activité quelconque, sans profiter d’aides diverses, qui va
voter, respecte le choix des autres, se
conforme à la loi même quand elle est injuste pour elle, ne commet pas
d’infractions ou de violences, enfin est
composée de citoyens ordinaires,
apaisés même s’ils n’en pensent pas moins.
Il n’y a donc pas de déficit démocratique même si on peut
et l’on doit améliorer le fonctionnement des institutions de la V ème
république créée en 1958 pour le général de Gaulle. On ne veut plus d’un chef
qui dirige tout, selon son instinct et sa grandeur ou la haute idée qu’il a de
ses qualités, (malgré les référendums et les fameuses conférences de presse du
général) avec une majorité qui ne discute rien et dont les députés se contentent d’être des godillots pour pouvoir se faire réélire ; avec un
premier ministre suiveur ou sans personnalité voire simple collaborateur… Ce
temps est révolu car le temps s’est accéléré, les problèmes sont devenus
complexes et inédits (il faut inventer des solutions nouvelles les anciennes
recettes comme pour tenter d’éradiquer
le chômage ne marchent plus) ; la mondialisation à ses effets
positifs et aussi des conséquences négatives ; les menaces au-delà du
terrorisme qui ne vient plus que de l’extérieur sont multiples et anxiogènes,
et il est difficile de communiquer à
leur propos sans provoquer une inquiétude encore plus forte. On discute de tout
, dans tous les domaines, et le passant lambda , celui qui n’a aucune
compétence particulière, aucun avis motivé mais est de bonne foi et semble
honnête , répond aux journalistes à propos de n’importe quel sujet fût-il
fondamental :faut-il faire la guerre au sol en Syrie ? Faut-il
remplacer le nucléaire par autre chose ? Comment résoudre le chômage ?
faut-il taxer les riches et augmenter les impôts( pour les 50% de français qui
en paient) ?Doit-on passer aux 32 heures
et augmenter les charges des patrons qui ont reçu un
« cadeau » du gouvernement pourtant de gauche ? L’islam est –il compatible avec la laïcité ?
(quand le questionné sait définir la laïcité ce qui n’est pas évident) . La
crise de la démocratie ne peut-elle se résoudre par la simple parité et
l’interdiction du cumul des mandats ? Et les fonctionnaires :
doivent-ils garder leur statut à vie ? (si on interroge un chômeur du
privé, on connait la réponse) !:Et encore dans le plus léger,
quoique !: M.MACRON est-il de droite ou de gauche : ferait-il un bon
président de la république ; Karim BENZEMA doit-il revenir en équipe de
France ?.L ‘I.S.F. est-il un impôt qui fait fuir les élites (si on
pose la question à un SDF on devine sa réaction !)… Cela devient ridicule.
On n’est plus dans le déficit démocratique mais dans le trop-plein car on ne
gouverne pas avec des sondages et pour
faire plaisir à l’opinion qui est versatile par nature, changeante au gré de
ses propres intérêts ce qui est naturel , et qui est soumise au présent de
l’émotion avec une vision courte .En revanche il va de soi
que tous ceux qui contestent un projet
quelconque, peuvent avoir raison et qu’un élu n’a pas la science infuse, sortirait-il d’HEC
et de l’ENA réunis, voire de maternelle supérieure puisque pour être élu il
n’est pas nécessaire d’avoir fait des études et d ’avoir de grands
diplômes (contrairement à un métier manuel où le brevet professionnel est
obligatoire) : mais cette remarque est une boutade, quoique ! et je
m’applique la remarque à moi-même puisque je suis un très ancien élu local. Il
faut toujours commencer par balayer devant sa porte. Le problème est
qu’actuellement rien n’est prévu pour revenir dans la sérénité sur une décision
qui apparait mauvaise, sauf manifestations, violences, destructions et
désespoirs. Il y a là un déficit de lieu de rencontres et de discussions
raisonnables .Le citoyen se sent méprisé alors que celui qui a pris
souvent collectivement la décision est
sûr de son bon droit, et de l’argent
qu’il va dépenser grâce aux contribuables.
Cela veut dire que l’on ne peut pas continuer comme cela.
On n’est pas couchés comme dirait L.RUQUIER avec le mouvement NUIT DEBOUT qui
campe sur la place de la république qui n’est pas la place MAIDAN ou celle de
TIAN AN MEN (aucune révolution ne prendra son essor en France en 2016 ou 17 à
partir de la place de la république
PARIS 11- ème arrondissement, espérons le, et soyons modestes) et veut
enlever les dalles fraichement posées à la suite de travaux pour des centaines
de milliers voire millions d’euros, pour y faire pousser des carottes et des
radis. Sans commentaire, sauf que quand les casseurs s’en mêlent tout est
ravagé alentour (commerces divers, banques ,mobilier urbain ), avec des forces
de l’ordre blessées ce qui est honteux, et on ne poursuit pas pénalement alors
que les marcheurs défendant la famille il y a quelques mois se sont vus envoyer
par la mairie de PARIS la facture des réparations de la pelouse… foulée aux
pieds. Deux poids et deux mesures qui semblent n’offusquer personne : on
est là dans le déficit de justice, mais au nom d’une politique orientée qui ne
veut pas déplaire à son électorat. Pour moi, les débats de NUIT DEBOUT sont
confondants de naïveté et de bonne conscience-sauf quand ils s’en prennent à un
académicien dont on peut ne pas partager son opinion sans lui cracher
dessus !- et ne peuvent conduire à rien de concret. Ils sont cependant
révélateurs : les français veulent participer à la prise de décision en amont car l’application les concerne
dans leur avenir, et si la loi ou la décision prise devient un échec, c’est eux
qui subiront et paieront les pots cassés. La loi générale et faite
pour « l’éternité » sous l’appréciation et l’interprétation des
tribunaux, n’est plus forcément la bonne solution même si on a besoin
de sécurité juridique donc de stabilité de la réglementation. Il faut donc
inventer un nouveau style de régime
représentatif-même si les députés ou les sénateurs, et encore plus les élus
locaux sont à l’écoute de leurs électeurs et font remonter les attentes et parfois des idées de bon sens- pour que la
loi soit la plus consensuelle possible, que le dialogue avec les spécialistes
et les usagers ou consommateurs (les français de base) ait eut lieu avant l’écriture des textes et leur
vote ; qu’il soit prévu une période d’essai et une date de
« revoyure » pour corriger ce qui ne donne rien ou accentuer ce qui
est efficace ; que l’on simplifie les textes…et s’ils sont mauvais qu’on
les abroge. Que l’on se dispense des effets d’annonce et que l’on explique et
explique encore les tenants et aboutissants de telle ou telle mesure.
Faut-il aussi rédiger une nouvelle Constitution que
certains réclament sans en donner le contenu en détail sauf à réclamer un
pouvoir plus réduit pour le président de la république (que tous les français
choisissent) ; avec un nombre de députés et de sénateurs diminué et qui ne
feront que la loi (est-il bon de les couper d’un territoire et de leurs
électeurs ?; avec la suppression du conseil économique et social (vieille
idée de vouloir se priver des avis des forces vives du pays même s’il y a
parfois des désignations de « copinage » bien que les conseillers
soient compétents pour la plupart) ; quel doit être le rôle des juges qui
disent le droit et protègent les libertés individuelles et doivent avoir une
place centrale pour arbitrer et
participer à l’équilibre des pouvoirs (comme MONTESQUIEU le
préconisait) ?...La Constitution actuelle a permis de franchir toutes les
crises majeures depuis 1958 notamment la grave crise financière qui perdure
depuis 2008 , et faire face au terrorisme qui va durer, malheureusement.
Il faut donc y toucher d’une main tremblante car elle a fait ses preuves et on
ne sait pas ce qui peut advenir en se lançant dans l’inconnu. Cela ne veut pas
dire qu’il ne faut rien faire. Nous sommes entrés dans la précampagne présidentielle qui va s’accélérer et se
crisper dans tous les camps. Nous allons osciller de la démagogie à la surenchère
je le crains, et certains vont essayer
de flatter leur clientèle électorale habituelle, plutôt que de penser à
l’intérêt général et à la France. Les candidats sérieux, ceux qui sont
responsables, auront un vrai programme, courageux, novateur, chiffré et applicable au plus vite , et devront annoncer ce qu’ils vont faire,
comment et avec quoi et qui. En renouvelant les genres, avec l’enthousiasme
d’une nouvelle génération celle du numérique et l’expérience des anciens .C’est
parce qu’ un candidat n’a pas prévenu de ce qu’il allait faire –ou ne le savait
pas d’avance et a été pris par les circonstances- et a suivi une politique qui
était parfois le contraire de ce qu’il avait dit, mais en le faisant mal car il
ne pouvait aller au bout, hué par son propre camp, que l’on parle actuellement
de déficit démocratique. En réalité
c’est une politique de gribouille, improvisée, arbitrée pour ne déplaire
à personne de son camp, qui ne peut que conduire à la déception de tous. Ce n’est
jamais assez pour personne, mais toujours de trop pour les autres, et tout le
monde est mécontent.
La démocratie de
PERICLES, le pire des régimes à l’exception de tous les autres selon Sir
W.CHURCHILL, est à réinventer dans un monde nouveau et une société où les
valeurs et les espoirs ont profondément changé ,pour que le citoyen se sente
concerné en permanence : il ne lui suffit plus de voter (voir le niveau
très élevé d’abstention pour toutes les élections y compris communales
pourtant de proximité) et d’attendre des
résultats jusqu’à la prochaine élection. Il veut pouvoir influer à tout moment
s’il considère que l’élu n’a rien fait, ou mal fait, ou est finalement
incapable tout le monde atteignant son niveau d’incompétence à un moment donné,
selon la courbe de PETER. Il faut donc lui donner les moyens juridiques et
réels (pétition ? référendum local ? réclamation officielle quelconque ?)… pour lui permettre de
manifester son désaccord et demander un changement de direction. Naturellement il ne s’agit pas d’accepter
n’importe quoi, des demandes saugrenues et qu’une petite minorité –autoproclamée
sachante-remette tout en cause à tout moment. Pour réussir il faut de la
stabilité donc de la durée. Mais il faut inventer des respirations, des remises
à plat, des rediscussions. C’est avant tout vers une modification des comportements, que la
loi doit encadrer donc préciser, des
responsables élus et des citoyens, à laquelle il faut tendre. La démocratie
mérite que l’on réfléchisse à son avenir. Elle le vaut bien, et cela nous
économisera des querelles inutiles et des propositions débiles qui nous font
perdre du temp