Est-ce bien démocratique ?
Par Christian Fremaux avocat
honoraire
On vit une époque
curieuse quel que soit le sujet ou le domaine. Ça ne va jamais. Après l’annonce
de la décision prise ou envisagée, on proteste, on polémique, on s’indigne, on crie
à l ’atteinte aux libertés, à la démocratie, à la faiblesse pas à la
hauteur des enjeux ou à une dureté contre-productive. On voit ou imagine des intentions
perverses sur tout, on veut immédiatement saisir la justice comme si les
juges étaient des magicien(ne)s et trouvaient des solutions là où les
responsables se sont défilés.
Chacun détient la vérité. L’autre est soit un
barbare soit un inconscient. A force de tirer sur la corde ne va -t-on pas
aboutir à un vrai régime autoritaire ou illibéral que tout le monde dénoncera
après en avoir fait le lit ! Les juges ont essayé de redresser les votes
en Roumanie, en Géorgie, peut être en Hongrie et demain en Pologne ?
Attention à la dérive judiciaire. En France on fait confiance à notre
magistrature qui ne peut être soupçonnée. Et on écarte les algorithmes délinquants.
Je suis pour
l’état de droit dont on se gargarise pour tout et son contraire tel que la
Constitution de 1958 l’a établi. Avec des élections libres dont on doit respecter
l’expression qu’elle plaise ou non, sans manœuvre ; la hiérarchie des
normes qui signifie que l’avis de quelques individus ou groupe d’activistes ne
peut être à égalité avec la loi ou les décisions de justice. On a le droit de
manifester son opposition mais on n’ouvre pas les hostilités qui cassent le
bien des autres quand on n’est pas d’accord.
Est- ce bien
démocratique que la violence se substitue au dialogue et à ce qui a été
voté ?
Avec deux
pouvoirs : l’exécutif qui est nommé par le président de la République
élu au suffrage universel. Et le législatif avec les députés de l’Assemblée
nationale que le peuple a choisis quitte à ce qu’aucune réforme ne puisse être
votée faute de majorité ; et le Sénat Grand Conseil des communes de
France dont les sénateurs sont élus par les représentants des collectivités
territoriales. C’est bien démocratique.
Il faut
y ajouter l’autorité judiciaire dont les procureurs qui ont un lien avec
le ministre de la Justice et les juges du siège totalement indépendants.
Ce qui devient malheureusement une question : en quoi sont-ils légitimes
alors qu’ils se prononcent au nom du peuple français donc de l’intérêt général
et à qui rendent -ils des comptes ? On ne leur demande pas de changer la
société selon leurs critères ou d’être l’avant- garde du progressisme. Ou
d’être conservateurs et de suivre l’opinion publique. Ou de rendre des services
à je ne sais pas qui. Mission délicate il faut l’admettre.
La Bruyère a
écrit : « le devoir des juges est de rendre la justice. Leur métier
est de la différer. Quelques-uns savent leur devoir et font leur métier ».
Les Français
ont choisi trois blocs avec l’arc républicain et ont le résultat de leurs
votes. Le Président a voulu les punir
par la dissolution.
Est-ce bien démocratique ? Comme le référendum
annoncé devenu l’Arlésienne.
Les
parlementaires qui ont entendu le cri des gueux viennent de supprimer les
Z.F.E. M. Lombard ministre des Finances qui a du mal à trouver 40 milliards d’économies
sans s’attaquer au mammouth de l’Etat a dit que c’était une erreur écologique et
qu’il faudrait les rétablir, Paris et la santé le valant bien.
Est-ce bien
démocratique que le ministre issu de la caisse des dépôts, avec chauffeur,
s’oppose à la volonté du peuple ?
M. Darmanin
quand il était ministre de l’Intérieur ne croyait pas à juste titre au
sentiment d’insécurité. Comme Garde des sceaux il a proposé des mesures plutôt
drastiques comme des courtes peines vraiment exécutées, la suppression du
sursis, des peines planchers ou minimales et de revoir l’ordonnance de 1945
réformée encore récemment sur les mineurs et d’emprisonner. C’est un tollé.
Les magistrats qui ont le droit de s’exprimer
au-delà de leur devoir de réserve sont montés à la barre. Ils sont
aussi citoyens et défendent leurs fonctions. Le 1er président de la
Cour de cassation a dénoncé du populisme anti-judiciaire. Mais c’est quoi le
contraire de populisme ? De l’élitisme par un petit milieu se sentant éclairé qui
prétendrait avoir les solutions s’il avait des moyens ? Le procureur général de la Cour de cassation
a contesté l’accusation de laxisme judiciaire au prétexte que les juges
appliquent la loi fabriquée par les parlementaires ou l’Europe. C’est vrai, mais rien n’interdit aux
magistrats de faire des revirements de jurisprudence puisque la loi
s’interprète et d’aller au quasi maximum des textes existants, dans certains cas.
Est- ce bien
démocratique de ne choisir que ce qui déplait aux victimes et au peuple ?
Le terme
prison est le repoussoir pour les bonnes âmes qui rejettent les difficultés sur
la société qui serait structurellement raciste, discriminatoire et socialement
inégalitaire. C’est globalement faux
même si rien n’est parfait et qu’il peut y avoir des bavures et des
injustices. La société idéale n’existe pas. Eurêka, en ne bâtissant pas des
prisons on ferait des économies !
Il ne s’agit
pas de rejeter la prévention au profit du tout répressif. Les deux se
complètent. Les politiques pénales de Mesdames Taubira et Belloubet basées bien
avant elles sur une idéologie Rousseauiste erronée en la croyance d’un homme né
bon ou d’une femme née bonne ne sont plus adaptées à l’époque et ont échoué. L’ordre
puis la punition génèreraient de la délinquance ? Le président
méprise les problèmes régaliens dont la sûreté première des libertés. Est -ce
bien démocratique ?
Pourquoi ne
pas essayer d’autres méthodes en conservant nos grands principes et nos valeurs
républicaines. Désormais la vie ne tient qu’à un fil, l’exaspération, le
ressentiment ou la haine d’un autre. L’autorité est un gros mot. Obéir est
déshonorant. La règle nuirait.
Est-ce bien
démocratique de ne pas s’adapter au monde devenu plus menaçant et à
l’individu qui ne tolère plus de limites à ses frustrations et à sa violence ?