mercredi 11 juin 2025

Est-ce bien démocratique ?

 

                                         Est-ce bien démocratique ?

                   Par Christian Fremaux avocat honoraire

On vit une époque curieuse quel que soit le sujet ou le domaine. Ça ne va jamais. Après l’annonce de la décision prise ou envisagée, on proteste, on polémique, on s’indigne, on crie à l ’atteinte aux libertés, à la démocratie, à la faiblesse pas à la hauteur des enjeux ou à une dureté contre-productive. On voit ou imagine des intentions perverses sur tout, on veut immédiatement saisir la justice comme si les juges étaient des magicien(ne)s et trouvaient des solutions là où les responsables se sont défilés.

 Chacun détient la vérité. L’autre est soit un barbare soit un inconscient. A force de tirer sur la corde ne va -t-on pas aboutir à un vrai régime autoritaire ou illibéral que tout le monde dénoncera après en avoir fait le lit ! Les juges ont essayé de redresser les votes en Roumanie, en Géorgie, peut être en Hongrie et demain en Pologne ? Attention à la dérive judiciaire. En France on fait confiance à notre magistrature qui ne peut être soupçonnée. Et on écarte les algorithmes délinquants.  

Je suis pour l’état de droit dont on se gargarise pour tout et son contraire tel que la Constitution de 1958 l’a établi. Avec des élections libres dont on doit respecter l’expression qu’elle plaise ou non, sans manœuvre ; la hiérarchie des normes qui signifie que l’avis de quelques individus ou groupe d’activistes ne peut être à égalité avec la loi ou les décisions de justice. On a le droit de manifester son opposition mais on n’ouvre pas les hostilités qui cassent le bien des autres quand on n’est pas d’accord.

Est- ce bien démocratique que la violence se substitue au dialogue et à ce qui a été voté ?

Avec deux pouvoirs : l’exécutif qui est nommé par le président de la République élu au suffrage universel. Et le législatif avec les députés de l’Assemblée nationale que le peuple a choisis quitte à ce qu’aucune réforme ne puisse être votée faute de majorité ; et le Sénat Grand Conseil des communes de France dont les sénateurs sont élus par les représentants des collectivités territoriales. C’est bien démocratique.

Il faut y ajouter l’autorité judiciaire dont les procureurs qui ont un lien avec le ministre de la Justice et les juges du siège totalement indépendants. Ce qui devient malheureusement une question : en quoi sont-ils légitimes alors qu’ils se prononcent au nom du peuple français donc de l’intérêt général et à qui rendent -ils des comptes ? On ne leur demande pas de changer la société selon leurs critères ou d’être l’avant- garde du progressisme. Ou d’être conservateurs et de suivre l’opinion publique. Ou de rendre des services à je ne sais pas qui. Mission délicate il faut l’admettre.

La Bruyère a écrit : « le devoir des juges est de rendre la justice. Leur métier est de la différer. Quelques-uns savent leur devoir et font leur métier ».

Les Français ont choisi trois blocs avec l’arc républicain et ont le résultat de leurs votes.  Le Président a voulu les punir par la dissolution.

 Est-ce bien démocratique ? Comme le référendum annoncé devenu l’Arlésienne.  

Les parlementaires qui ont entendu le cri des gueux viennent de supprimer les Z.F.E. M. Lombard ministre des Finances qui a du mal à trouver 40 milliards d’économies sans s’attaquer au mammouth de l’Etat a dit que c’était une erreur écologique et qu’il faudrait les rétablir, Paris et la santé le valant bien. 

Est-ce bien démocratique que le ministre issu de la caisse des dépôts, avec chauffeur, s’oppose à la volonté du peuple ?

M. Darmanin quand il était ministre de l’Intérieur ne croyait pas à juste titre au sentiment d’insécurité. Comme Garde des sceaux il a proposé des mesures plutôt drastiques comme des courtes peines vraiment exécutées, la suppression du sursis, des peines planchers ou minimales et de revoir l’ordonnance de 1945 réformée encore récemment sur les mineurs et d’emprisonner. C’est un tollé.

 Les magistrats qui ont le droit de s’exprimer au-delà de leur devoir de réserve sont montés à la barre. Ils sont aussi citoyens et défendent leurs fonctions. Le 1er président de la Cour de cassation a dénoncé du populisme anti-judiciaire. Mais c’est quoi le contraire de populisme ? De l’élitisme par un petit milieu se sentant éclairé qui prétendrait avoir les solutions s’il avait des moyens ?  Le procureur général de la Cour de cassation a contesté l’accusation de laxisme judiciaire au prétexte que les juges appliquent la loi fabriquée par les parlementaires ou l’Europe.  C’est vrai, mais rien n’interdit aux magistrats de faire des revirements de jurisprudence puisque la loi s’interprète et d’aller au quasi maximum des textes existants, dans certains cas.  

Est- ce bien démocratique de ne choisir que ce qui déplait aux victimes et au peuple ?

Le terme prison est le repoussoir pour les bonnes âmes qui rejettent les difficultés sur la société qui serait structurellement raciste, discriminatoire et socialement inégalitaire.  C’est globalement faux même si rien n’est parfait et qu’il peut y avoir des bavures et des injustices. La société idéale n’existe pas. Eurêka, en ne bâtissant pas des prisons on ferait des économies !   

Il ne s’agit pas de rejeter la prévention au profit du tout répressif. Les deux se complètent. Les politiques pénales de Mesdames Taubira et Belloubet basées bien avant elles sur une idéologie Rousseauiste erronée en la croyance d’un homme né bon ou d’une femme née bonne ne sont plus adaptées à l’époque et ont échoué. L’ordre puis la punition génèreraient de la délinquance ? Le président méprise les problèmes régaliens dont la sûreté première des libertés. Est -ce bien démocratique ?

Pourquoi ne pas essayer d’autres méthodes en conservant nos grands principes et nos valeurs républicaines. Désormais la vie ne tient qu’à un fil, l’exaspération, le ressentiment ou la haine d’un autre. L’autorité est un gros mot. Obéir est déshonorant. La règle nuirait.

Est-ce bien démocratique de ne pas s’adapter au monde devenu plus menaçant et à l’individu qui ne tolère plus de limites à ses frustrations et à sa violence ?