vendredi 13 décembre 2024

La démocratie jeu ou enjeu ?

                                        La démocratie jeu ou enjeu ?

                          Par Christian Fremaux avocat honoraire

Nous avons une sorte de demi-premier ministre car issu au forceps de la moitié du corps électoral, les tirés au sort de l’arc républicain. La flèche n’a pas atteint le milieu de la cible mais M. Bayrou centriste a une jambe à droite et l’autre à gauche. Les yeux aussi. J’applaudis des deux mains. La démocratie peut -elle être une pâte à modeler ? Les citoyens ont entendu que le peuple ne comprenait rien et votait mal. Nous allons l’instruire et lui donner ce qu’il mérite avançaient des donneurs de leçons pitoyables mais affamés de pouvoir. L’extrême centre va gouverner. L’ouverture va de soi. La démocratie reste- t- elle ce qu’elle devrait être ?

 Il y a eu trois blocs choisis par les électeurs et personne n’a gagné. On va en faire disparaitre deux en coupant aux extrêmes et l’unique rescapé fissuré mais reconstitué sur un programme négocié va partager les manettes avec chacun des participants. Qui vont promettre sauf LFI de ne pas voter une censure par principe. Les autres s’abstenant.  La Constitution va être gelée et devenir une règle non applicable ! Et l’état de droit dont on nous bassine ? Est -ce un jeu de bonneteau ? Et qui sont les perdants car dans un jeu de cartes biaisées il y a toujours des vilains et des tricheurs ?  

Est-ce cela notre modèle de démocratie dont on s’enorgueillit et que l’on veut rendre universel ? Nos élites minoritaires prises isolément se disputent en rejetant la faute sur l’autre et en désignant les ennemis du peuple. Personne ne veut céder et les citoyens devraient s’esbaudir en disant merci aux sauveurs payés pour cela ?  Si les citoyens n’approuvent pas quel est le plan B ?

Seuls 50 % des électeurs ont été désignés pour faire partie de l’arc républicain sans que l’on sache qui a la légitimité d’exclure les non- sélectionnés ?  Quand j’étais maire- adjoint dans ma petite commune rurale je tendais la main à tout le monde et aux élus dont je connaissais le sens de leurs votes qui n’était pas le mien. Je leur parlais et on prenait des décisions collectives dans l’intérêt de tous : pourquoi ne serait- ce pas possible dans un gouvernement de sauvegarde de l’intérêt commun ? Les bannis de la gouvernance ne sont pas des sous -citoyens. Le centriste doit tendre les bras sans tomber dans un gouvernement Benetton politique. On a besoin de personnalités fortes.

 « Pour grands que soient les rois ils sont ce que nous sommes : ils peuvent se tromper comme les autres hommes » a écrit Pierre Corneille. L’intérêt général n’est pas la somme des intérêts particuliers, certains ne le savent pas.  

La démocratie ce n’est pas le gouvernement d’une partie du peuple pour elle ou ses amis ou d’un clan qui apporte la lumière, surtout si l’électricité coûte cher ! En prétendant détenir la vérité. Et en trouvant des boucs émissaires par fonctions ou emplois ou confessions ou opinions ou votes. On connait cela ailleurs dans les dictatures de toute nature. En Syrie les djihadistes maquillés en gentils arrivent au pouvoir. Nous on coupe les cheveux en quatre dans notre cour d’école en exigeant des récompenses et en ne voyant pas ce qui est existentiel !

La démocratie est fragile. Ce n’est pas un jeu. Ni un enjeu car elle est et doit être renforcée comme les valeurs républicaines. À l’extérieur près de nous, on dérape sacrément. Prenons quelques exemples pour exorciser ce qui pourrait advenir.

Alors que l’Union Européenne veut attirer à elle tous ceux qui se réclament de la liberté, de la paix donc de la démocratie, la présidente de la commission de Bruxelles non élue a profité des difficultés politiques internes et passagères de la France ou d’autres pays pour prétendre avoir finalisé l’accord du Mercosur. Les agriculteurs sont vent debout. M. Macron a posé un cierge en inaugurant Notre- Dame : non il n’y aura pas de signature dans ces conditions. Est-ce de la démocratie européenne ?

La Cour Constitutionnelle de Bucarest a carrément annulé le premier tour des législatives au prétexte d’ingérences étrangères par tik-tok. Le candidat roumain arrivé en tête n’est a priori- mais pour qui ? - pas conforme aux attentes plus libérales et européennes. Est-ce de la démocratie à la Roumaine ?

En Géorgie la présidente Franco- Géorgienne refuse selon elle avec raison, d’accepter le verdict des urnes tourné vers l’Est car le projet de rapprochement avec l’Europe est reporté ou retardé. Mais il y a eu un vote. Est-ce de la démocratie à la Géorgienne ? 

Sauf erreur ces pays lorgnent vers les principes et valeurs de l’Union Européenne. Nous devons donc donner l’exemple sans pour autant faire la courte échelle aux extrêmes qui sont contre la république ou qui ont des idées entrainant divisions et conflits. Plus on sera efficace concrètement plus la colère s’apaisera et moins il y aura d’excès.

 Si on écarte à vie de tout pouvoir des millions d’électeurs dits extrêmes peut être un jour majoritaires seuls à force d’être méprisés, est- ce de la démocratie à la Française qui prône l’égalité et la liberté d’expression ? Attention à une abstention massive ou une rébellion face à des irresponsables sectaires. Et fiers de leurs tactiques ! 

 Puisque nos méthodes conduisent au chaos modifions les. Il est possible que l’adversaire soit de bonne foi et ait une bonne idée : pourquoi ne pas la voter ? La démocratie c’est aussi admettre que l’autre peut avoir raison. Et si l’on essayait des compromis. Reculer n’est pas abdiquer : c’est parfois nécessaire pour mieux sauter.

 Tous les responsables représentatifs doivent être conviés à la table. On écoute puis on décide. Notamment d’instaurer la proportionnelle idée fixe de M. Bayrou. La démocratie est l’union et le respect des votes qu’ils plaisent ou non. La fracture date de 2005 quand les électeurs par référendum ont répondu non à la question sur la Constitution européenne et qu’en 2007 les parlementaires par le traité de Lisbonne ont décidé que c’était oui. Plus tard en juillet 2024 on a subi le front républicain avec ce qui s’est passé entre les deux tours. Ces manœuvres laissent des traces. Adieu la confiance.  

La démocratie n’est pas un jeu de dupes qui se termine en sentences d’exclusion. Il faut convaincre avec une large union. Les jeux de malins signent la fin. Trop d’intelligences politiciennes tuent la démocratie. Quand il n’y aura plus d’électeurs que ferons -nous ?     

vendredi 6 décembre 2024

La République aux yeux bandés

 

                               La République aux yeux bandés

                   Par Christian Fremaux avocat honoraire

Alea jacta est. M. Barnier chuta et M. Macron qui était visé, trébucha. Comme le dit Mme Hidalgo qui renonce à juste titre à un troisième mandat de maire de Paris, la ville flotte mais ne coule pas. Qu’en sera-t- il de la France ? M. Macron tiendra-t- il encore trente mois ? Cédera- t -il à la pression avec le premier ministre qu’il choisit ?

L’opinion publique qui ne doit pas entrer dans le prétoire était présente mercredi 4 décembre 2024 pour assister à l’hallali. M. Mélenchon bien que non député était dans les tribunes. C’est dire qu’il attendait un spectacle grandiose. L’hémicycle fut transformé en une cour d’assises. Le premier ministre solitaire était présent comme la corde soutient le pendu au banc des accusés.  Des procureurs vindicatifs et revanchards unis d’un soir furent acharnés à sa perte pour des raisons diamétralement divergentes, mais dans un but commun. Il y eut quelques avocats de la défense modérés et plutôt résignés. M. Barnier ne nia rien, reconnu que son budget était insuffisant mais qu’il pouvait être amélioré, appela à la raison et aux conséquences funestes de son renvoi. Et le verdict du jury composé des accusateurs tomba : la censure fut votée avec effet immédiat car dans ce cas constitutionnel il n’y a ni appel ni cassation, ni possibilité de porter un bracelet électronique civique ou avoir une deuxième chance comme n’importe quel petit voyou. La justice parlementaire n’est pas laxiste. Un ange est passé au -dessus de la tête de Mme Le Pen aussi responsable du chaos car on ne l’a pas « calculée » que les grands donneurs de leçons de LFI !  Elle a dû penser aussi au couperet judiciaire qui s’annonce, avec exécution provisoire. Ses électeurs l’approuveront- ils d’avoir dissous les futurs changements qu’ils attendaient ?

La conjuration des extrêmes et l’alliance de ceux et celles qui se détestent, remporta le scalp et réussit un « exploit ». N’est-ce pas plutôt un échec global dont le président de la République a sa part, avec le refus de tout compromis des politiques. Ce qui veut dire qu’avec la même configuration publique faute d’une autre dissolution personne ne peut jurer qu’il y aura une période stable pour faire des réformes. Bravo les artistes. Même avec un nouveau président de la République -hypothèse démentie laconiquement mais qui sait ? - si les électeurs persistent et signent et renvoient les mêmes en trois blocs au parlement, comment fait-on ?  Puisque le peuple vote contre le gouvernement Bertold Brecht  a indiqué qu’il faut  dissoudre le peuple. 

Le scrutin à la proportionnelle met la politique aux mains des partis et des apparatchiks détachés de toute obligation territoriale. Le scrutin majoritaire actuel à deux tours, perverti par le front républicain, a produit un désastre. La solution est dans le comportement et le sens des responsabilités des parlementaires. C’est un vœu. S’ils préfèrent les jeux d’appareils et considèrent que l’adversaire est un ennemi, fasciste et raciste, sans cœur et contre le progrès en général, on ne peut s’en sortir vraiment car personne n’a la vérité et l’idéologie mène dans le mur. Il appartient aux citoyens d’exiger plus de leurs mandataires.  Et de leur coller un zéro de conduite et d’intelligence même s’ils ne sont pas anti-républicains. Ils pensent n’avoir pas tort ! On meurt de tant de certitudes.  

Je souris toujours quand j’entends un élu dire : « les français veulent … ». Il veut parler de ses partisans ou des membres de son parti car à part des sondages qui interrogent les quidams, qui peut se vanter de savoir précisément ce que veut la majorité silencieuse ? Quand on assiste aux débats publics à l’Assemblée nationale on est consterné par le niveau des idées et des arguments, outre la tenue.

La solution n’est pas non plus de changer la constitution qui montre sa solidité même si elle est perfectible pour permettre plus de participation des citoyens et de respiration entre deux élections. Le référendum existe. Bâtir une nouvelle constitution prend du temps. Les besoins changent, les menaces s’accentuent, le contexte mondial est mouvant, ce qu’on n’avait pas vu venir ni anticipé exige d’agir.  Les électeurs évoluent et comprennent les nouveaux enjeux.  Ils changent d’avis aussi, ont d’autres priorités et ce qui était valable jadis est dépassé. Je crois en un régime qui s’identifie au président de la République élu au suffrage universel. Mais les parlementaires doivent bénéficier d’un rôle accru et de moyens. Un peu comme dans le système des USA, car seul un collectif peut avoir raison. On n’a pas besoin d’un sauveur, d’un Pic de la Mirandole.  La démocratie se contente de consensus après discussions et de l’intérêt général d’abord.

D’après ceux qui ont la chance de savoir, les Français réclameraient en priorité la réduction drastique des dépenses et moins d’impôts : M. Trump devrait nous prêter M. Elon Musk qui a des idées. Ils veulent aussi des mesures fortes de sécurité et de lutte contre la criminalité et la délinquance y compris chez les mineurs. Que l’on réforme les soins de santé et que le travail paie. Avec un niveau de vie correct pour tous, retraités compris qui n’ont rien volé à personne et qui ont payé leurs dus pour les générations qui les ont précédées. Rien n’était plus facile avant. Tout est urgent comme le souhait de garder les valeurs républicaines et traditionnelles qui ont fait la France. Quand on est à Rome on vit comme les romains. Un tel programme devrait faire une quasi -unanimité. Pas la surenchère ou la démagogie. 

Puisque l’hémicycle s’est transformé en tribunal rappelons que la justice est représentée par une jeune fille accorte au doux nom de Thémis qui tient un glaive dans la main-elle incarne l’ordre- et une balance dans l’autre-elle défend l’équité. Mais surtout elle a les yeux bandés ce qui l’empêche de voir les accusés et lui permet de se prononcer en toute objectivité. Les faits rien que les faits. Pas les intentions réelles ou supposées. L’impartialité domine. Pas de subjectivité ou d’arrières pensées ou la volonté d’imposer sa vision de la vie.  

Les idées ne s’effacent pas par un jugement ou une manœuvre politicienne. La France en a vu d’autres et la République est suffisamment solide pour continuer son chemin en écartant ceux et celles qui ont voulu l’abattre. Elle a les yeux ouverts et jugera les responsables du désordre. Dont on n’a pas l’utilité. Les egos rentreront dans le rang. La démocratie n’a besoin que de gens responsables et mesurés.