Exécution provisoire
Par Christian Fremaux avocat honoraire
Au secours
il parait que des juges font de la politique dans le palais de justice :
qui s’en étonne ? Le poteau d’exécution élimine : c’est grave.
Madame Le
Pen est accusée avec d’autres membres de son entourage d’avoir commis des
infractions infâmantes au détriment du parlement de Bruxelles, et notamment des
détournements de fonds publics pour permettre aux assistants parlementaires de
son mouvement de travailler pour l’Europe et aussi en interne. Rappelons qu’un
député européen est élu dans la circonscription qu’est la France.
A priori
tout le monde s’accorde pour dire que la législation et les textes sont flous
et qu’il n’y a pas de règles claires. Mais l’accusation qui doit prouver l’irrégularité
estime que Mme Le Pen n’a pas respecté le droit. Cela se discute et il
appartient aux magistrats du siège qui sont indépendants de relaxer ou de
condamner avec possibilité de recours, ce dont n’importe quel justiciable peut
bénéficier.
Il est
acquis que le budget alloué par le parlement européen n’a pas été dépassé et
que pas un centime n’est allé dans une poche personnelle. Lesdits assistants
travaillaient vraiment et devaient être payés comme pour tout salarié serait-
il militant. Le débat de principe est de savoir quelle est la nature du travail
d’assistant parlementaire pour un député européen : doit-il se consacrer
exclusivement à des tâches qui ont un rapport avec l’Europe ou peut-il aussi
travailler en même temps selon la jurisprudence Macronienne pour le parti en
France ?
Sur le
travail effectif des assistants on a des exemples. Non seulement M. Fillon a
été battu en 2017 mais il a été condamné pénalement et se propose de rembourser
700.000 euros à l’Assemblée nationale. Le Modem est passé aussi sous les
fourches caudines mais M. Bayrou a été relaxé au bénéfice du doute. Je n’évoque
que pour mémoire M.Sarkozy et le bracelet électronique : des juges veulent la
peau de l’ancien président de la République ! Seule la droite semble dans le
viseur médiatique alors que chacun sait que tous les partis politiques ont fait
de même faute de règles explicites. La gauche a quelques casseroles mais semble
plus vertueuse pour les borgnes ou les sourds.
Au procès de
Mme Le Pen il y avait deux procureurs chargés de soutenir l’accusation et donc
de démontrer qu’il y a un système de fraude organisée et la volonté de tricher.
En demandant de la prison ferme même aménageable ils ont voulu - je le suppose -
montrer aux justiciables que la justice n’est pas laxiste et ainsi contrer les
reproches du rassemblement national à ce sujet. Comme leur parole est libre et
la plume serve ils ont dit haut et fort que les élus doivent donner l’exemple.
Les procureurs doivent regarder régulièrement les débats à l’Assemblée
nationale et le comportement de certains députés dont celui qui a acheté de la
drogue dans le métro en utilisant l’argent de ses frais de mandat.
On connait
une minorité de juges qui se vantent publiquement d’être partiaux, de vouloir
changer la société car les citoyens ne comprendraient rien au progressisme, et
ils sont bâtisseurs de murs des cons ou équivalents. Ils sont toujours en poste
et pas réprimandés. C’est la justice que les électeurs n’aiment pas. On ne veut
pas de vengeurs ou de justiciers sociaux en robe qui n’exercent pas de
responsabilités vérifiables bien qu’ils soient légitimes et ne répondent pas
des conséquences de leurs décisions. On veut des arbitres impartiaux qui
appliquent la loi votée par la majorité.
Heureusement
le pire n’est jamais sûr. Les juges du siège qui vont prononcer le jugement en
2025 et qui ne dépendent que d’eux- mêmes peuvent relaxer Mme Le Pen en
estimant que les infractions poursuivies ne sont pas constituées. On a parfois des surprises : M.
Dupond-Moretti qui se disait innocent a été relaxé par la Cour de Justice de la
République qui a constaté qu’il y avait eu conflit d’intérêts mais que le
ministre n’avait pas eu l’intention de le commettre. J’approuve cette
motivation.
L’indignation
pour Mme Le Pen vient du fait qu’on a le sentiment que les procureurs visaient
2027 et non les faits en cause qui ont commencé vers 2004 avec le papa de
la justiciable et qui ont duré. Qui contrôlait ? Et qu’ils veulent
empêcher une candidate de se présenter à l’élection présidentielle. C’est
contreproductif car si c’est le cas les électeurs déjà frustrés par l’arc
républicain ne se laisseront pas voler une éventuelle victoire quel que soit
leur leader. Même si un élu n’est pas au- dessus des lois cela va de soi. Ne
faisons pas d’une justiciable vedette, un martyr.
Les
procureurs ont été excessifs et leurs demandes sont disproportionnées. Que
demanderont-ils quand il y aura un assassinat horrible, un trafic mortel ou autre
évènement barbare ? Sachant que la liberté est devenue la règle et la
prison l’exception. Sauf pour le citoyen lambda ou la personnalité sans casier judiciaire.
La peine complémentaire d’inéligibilité n’est
pas automatique et obligatoire puisque les juges peuvent l’écarter en
expliquant pourquoi. Les procureurs n’ont pas exigé de peur du ridicule un
mandat d’arrêt à la barre mais ont sollicité l’exécution provisoire du
jugement. Ce qui veut dire que les recours en appel ou en cassation n’ont plus
de sens. L’effet suspensif est gommé. Et que Mme Le Pen aurait porté atteinte à
la démocratie.
Les décisions
d’O.Q.T.F. n’ont pas l’exécution provisoire
puisque on demande gentiment à l’intéressé de décider de la date de son retour.
En matière
civile qui concerne des millions de justiciables l’article 515 du code de procédure
civile prévoit l’exécution provisoire de droit. Ce n’est pas le cas du procès pénal.
En matière prud’homale qui concerne de très nombreux justiciables et les entreprises
l’article R.1454-28 du code du travail envisage une exécution provisoire
limitée. La société civile serait-elle moins importante que
le microcosme politique ?
Les
magistrats vont trancher au nom du peuple français qui comprend les onze
millions d’électeurs du rassemblement national. On ne juge pas des idées on les
combat.