samedi 16 novembre 2024

exécution provisoire

 

                                     Exécution provisoire

                        Par Christian Fremaux avocat honoraire

Au secours il parait que des juges font de la politique dans le palais de justice : qui s’en étonne ? Le poteau d’exécution élimine : c’est grave.

Madame Le Pen est accusée avec d’autres membres de son entourage d’avoir commis des infractions infâmantes au détriment du parlement de Bruxelles, et notamment des détournements de fonds publics pour permettre aux assistants parlementaires de son mouvement de travailler pour l’Europe et aussi en interne. Rappelons qu’un député européen est élu dans la circonscription qu’est la France.

A priori tout le monde s’accorde pour dire que la législation et les textes sont flous et qu’il n’y a pas de règles claires. Mais l’accusation qui doit prouver l’irrégularité estime que Mme Le Pen n’a pas respecté le droit. Cela se discute et il appartient aux magistrats du siège qui sont indépendants de relaxer ou de condamner avec possibilité de recours, ce dont n’importe quel justiciable peut bénéficier.

Il est acquis que le budget alloué par le parlement européen n’a pas été dépassé et que pas un centime n’est allé dans une poche personnelle. Lesdits assistants travaillaient vraiment et devaient être payés comme pour tout salarié serait- il militant. Le débat de principe est de savoir quelle est la nature du travail d’assistant parlementaire pour un député européen : doit-il se consacrer exclusivement à des tâches qui ont un rapport avec l’Europe ou peut-il aussi travailler en même temps selon la jurisprudence Macronienne pour le parti en France ?

Sur le travail effectif des assistants on a des exemples. Non seulement M. Fillon a été battu en 2017 mais il a été condamné pénalement et se propose de rembourser 700.000 euros à l’Assemblée nationale. Le Modem est passé aussi sous les fourches caudines mais M. Bayrou a été relaxé au bénéfice du doute. Je n’évoque que pour mémoire M.Sarkozy et le bracelet électronique : des juges veulent la peau de l’ancien président de la République ! Seule la droite semble dans le viseur médiatique alors que chacun sait que tous les partis politiques ont fait de même faute de règles explicites. La gauche a quelques casseroles mais semble plus vertueuse pour les borgnes ou les sourds. 

Au procès de Mme Le Pen il y avait deux procureurs chargés de soutenir l’accusation et donc de démontrer qu’il y a un système de fraude organisée et la volonté de tricher. En demandant de la prison ferme même aménageable ils ont voulu - je le suppose - montrer aux justiciables que la justice n’est pas laxiste et ainsi contrer les reproches du rassemblement national à ce sujet. Comme leur parole est libre et la plume serve ils ont dit haut et fort que les élus doivent donner l’exemple. Les procureurs doivent regarder régulièrement les débats à l’Assemblée nationale et le comportement de certains députés dont celui qui a acheté de la drogue dans le métro en utilisant l’argent de ses frais de mandat.

On connait une minorité de juges qui se vantent publiquement d’être partiaux, de vouloir changer la société car les citoyens ne comprendraient rien au progressisme, et ils sont bâtisseurs de murs des cons ou équivalents. Ils sont toujours en poste et pas réprimandés. C’est la justice que les électeurs n’aiment pas. On ne veut pas de vengeurs ou de justiciers sociaux en robe qui n’exercent pas de responsabilités vérifiables bien qu’ils soient légitimes et ne répondent pas des conséquences de leurs décisions. On veut des arbitres impartiaux qui appliquent la loi votée par la majorité.

Heureusement le pire n’est jamais sûr. Les juges du siège qui vont prononcer le jugement en 2025 et qui ne dépendent que d’eux- mêmes peuvent relaxer Mme Le Pen en estimant que les infractions poursuivies ne sont pas constituées.  On a parfois des surprises : M. Dupond-Moretti qui se disait innocent a été relaxé par la Cour de Justice de la République qui a constaté qu’il y avait eu conflit d’intérêts mais que le ministre n’avait pas eu l’intention de le commettre. J’approuve cette motivation.

L’indignation pour Mme Le Pen vient du fait qu’on a le sentiment que les procureurs visaient 2027 et non les faits en cause qui ont commencé vers 2004 avec le papa de la justiciable et qui ont duré. Qui contrôlait ? Et qu’ils veulent empêcher une candidate de se présenter à l’élection présidentielle. C’est contreproductif car si c’est le cas les électeurs déjà frustrés par l’arc républicain ne se laisseront pas voler une éventuelle victoire quel que soit leur leader. Même si un élu n’est pas au- dessus des lois cela va de soi. Ne faisons pas d’une justiciable vedette, un martyr.

Les procureurs ont été excessifs et leurs demandes sont disproportionnées. Que demanderont-ils quand il y aura un assassinat horrible, un trafic mortel ou autre évènement barbare ? Sachant que la liberté est devenue la règle et la prison l’exception. Sauf pour le citoyen lambda ou la personnalité sans casier judiciaire.

 La peine complémentaire d’inéligibilité n’est pas automatique et obligatoire puisque les juges peuvent l’écarter en expliquant pourquoi. Les procureurs n’ont pas exigé de peur du ridicule un mandat d’arrêt à la barre mais ont sollicité l’exécution provisoire du jugement. Ce qui veut dire que les recours en appel ou en cassation n’ont plus de sens. L’effet suspensif est gommé. Et que Mme Le Pen aurait porté atteinte à la démocratie.

Les décisions d’O.Q.T.F.  n’ont pas l’exécution provisoire puisque on demande gentiment à l’intéressé de décider de la date de son retour.

En matière civile qui concerne des millions de justiciables l’article 515 du code de procédure civile prévoit l’exécution provisoire de droit. Ce n’est pas le cas du procès pénal. En matière prud’homale qui concerne de très nombreux justiciables et les entreprises l’article R.1454-28 du code du travail envisage une exécution provisoire limitée. La société civile serait-elle moins importante que le microcosme politique ?

Les magistrats vont trancher au nom du peuple français qui comprend les onze millions d’électeurs du rassemblement national. On ne juge pas des idées on les combat.