Et maintenant que
vais-je faire ?
Par Christian Fremaux avocat
honoraire
Il n’est pas
utile de ressasser tous les arguments et polémiques que l’on entend et revoir
en boucle les images des émeutes. On va entendre les propositions les plus
extrêmes de chaque camp. Et maintes fois exprimées, sans suite. On a compris et
on est habitué hélas aux dégradations des biens communs. On n’ose plus dire non
à personne de peur de le choquer. Le « pas de vague » a
entrainé des tsunamis. On ne sait plus dans la France contemporaine régler un
conflit sans violence au nom de l’injustice, de l’inégalité, de la
discrimination ou autres motifs. Malgré les leçons de morale qu’on nous
assène tous les jours et qui vont toutes dans le même sens dit progressiste qui
conduirait à une société parfaite, on n’avance pas en matière de démocratie et de
tolérance. Après les attentats du Bataclan on entendait l’antienne « ils
n’auront pas notre haine » pour essayer de ne pas assumer. Mais on ne
règle rien si on ne dénomme pas exactement les faits. « J’appelle un
chat un chat et Rollet un fripon » disait Nicolas Boileau dans les satires
vers 1660.La loi des bandes ne peut remplacer celle de la Nation. Ces
jeunes voyous sont en réalité des autocrates qui s’ignorent : seules
leurs vérités seraient acceptables !
Je tire mon
chapeau au maire de L’Haÿ- les- roses que l’on a voulu assassiner avec sa
famille. Il est en colère mais n’a pas la haine. Je ne sais pas si j’aurai la
force morale d’en dire autant si on avait voulu ma mort et celle de ma famille.
Je ne crois pas que je tendrai la deuxième joue et que je serrerai la main de
mes ennemis. Être humain comme l’amour exigent la réciprocité. Pardonner n’a
parfois aucun sens. Alphonse Karr disait « je suis contre la peine de
mort mais que MM. les assassins commencent ». Me Badinter a supprimé à
juste titre la vengeance de la société car elle ne peut utiliser les armes de
ceux qui la combattent ou brisent le pacte social et font des victimes au nom
de je ne sais quoi de subjectif. L’excuse ne peut justifier la violence. Sans
punition tout reste ouvert aux fauteurs de troubles, qu’il s’agisse d’une
révolte ce qui ne change rien ou d’un défi personnel. Surtout si des intellectuels
cherchent des raisons culturelles, identitaires et historiques ou économiques
et sociales ou rejettent toute faute sur l’Etat prétendument structurellement
raciste et les institutions, pour tenter d’admettre ce qui ne peut l’être. Ou
minimiser les conséquences. Quel que
soit l’évènement déclencheur qui est du ressort de la justice.
Toutes les
révoltes et les révolutions doivent avoir une fin sinon c’est contre- productif
et l’histoire nous apprend que l’on revient en pire à ce qu’on ne voulait pas. On
ne change pas les mentalités de force et on ne crée pas une république
exemplaire par un coup de baguette magique, par des slogans, et en trouvant des
boucs émissaires comme les riches car on est toujours le pauvre d’un autre ou
les forces de l’ordre qui reçoivent des instructions et appliquent la loi.
L’utopie est utile mais pas toujours compatible avec les nécessités. Sa
responsabilité individuelle qui s’appuie sur une conscience avec le respect des
autres même si on ne les aime pas, avec la méritocratie républicaine notamment
par l’éducation et le travail permettent de sortir de sa condition initiale. La
religion et la victimisation n’aboutissent à rien. Et il faut ouvrir les
yeux sur ce qui se passe ailleurs avec la répression à balles réelles ou des
régimes autoritaires dans le sens concret du terme. L ’Algérie, l’Iran ou
la Turquie sinon l’Afghanistan devraient se regarder dans la glace. Notre Etat
providence plutôt nounou avec ses libertés et protections est envié dans le
monde ainsi que nos valeurs humanistes. Sinon pourquoi tant de migrants
veulent s’y installer ou sont déjà venus et se sont insérés en se sentant
français quelles que soient leurs origines ?
Les émeutiers
n’ont pillé que les magasins de marchandises y compris de luxe car il faut être
lucide même en perdant ses nerfs, mais pas les librairies. Je m’en réjouis car
pour méditer ils vont pouvoir lire le « Guépard » de Giuseppe Tomasi di Lampedusa
où le prince Salina soupire : « il faut que tout change pour que tout
reste pareil ». L’Italie se constituait après la révolution de Garibaldi
et Mazzini. Les conseilleurs idéologiques de nos jeunes délinquants qui ne sont
pas les payeurs leur expliqueront peut- être ce qu’il faudrait comprendre.
Gilbert Bécaud
chantait : « et maintenant que vais-je faire de tout ce temps
que sera ma vie ; de tous ces gens qui m’indiffèrent maintenant que tu es
partie… ». Mais l’espérance n’est pas partie et les raisons de construire
ensemble demeurent. Car il faut croire en notre pays. La France s’est
sortie de crises et de catastrophes qui auraient pu la faire disparaitre. Elle
a résisté. Ce ne sont pas quelques milliers d’individus mal à l’aise dans
leurs peaux, frustrés et aigris, victimes prétendues, endoctrinés et haïssant
leurs semblables qui vont nous faire renoncer. Pour reprendre une image
qui ne plait pas aux intéressés il faut remettre l’église au centre du
village et rappeler qu’avec les droits le citoyen a des devoirs au -delà de sa
communauté ou de ses croyances ou de son domicile. Citoyen, comme frère, c’est
un joli nom camarade et ça veut dire beaucoup. Personne n’est assigné à
résidence sauf dans sa tête.
Qu’allons
-nous faire ? On ne peut laisser l’Etat donc nous le peuple qui doit agir se
dépêtrer et imaginer des solutions rapides mais pérennes. Puis sanctionner les incapables
au pouvoir s’ils ne trouvent pas immédiatement LA solution. Comme si une
certaine opposition dont on n’entend pas vraiment les cris de protestation et
d’appel au calme avait des mesures miracles. Dissoudre à chaud l’assemblée
nationale me parait risqué car on sait ce que l’on a et que l’on peut estimer
insuffisant mais on ne décrète pas ce qui va venir au pouvoir avec tel programme.
Le remède peut tuer le malade. N’ajoutons pas une crise institutionnelle aux
problèmes posés. Tous les corps
intermédiaires et les élus doivent participer à une sorte d’union nationale et
définir un consensus. Ce qui n’empêche pas la volonté de changement. Mais ce
dernier sera durable que lorsque les comportements individuels auront évolué
pour prendre en compte l’intérêt général et recréer une vraie Nation avec des
devoirs. Outre le rétablissement de l’autorité qui n’est pas du caporalisme,
familles et écoles compris. Car sans règles, sans lois ni ordre public les libertés
disparaissent ou oppriment si elles sont sans limites. On est loin de la
mort de Nahel ce pseudo ange déchu.
Et moi que
vais-je faire ? Je suivrai mon
chemin sans repentance, celui du devoir du citoyen lambda et m’investirait
partout où on a besoin d’aides. C’est dérisoire mais si chacun d’entre nous
s’engageait peut- être que par les exemples certains comprendraient ce qu’est
vivre ensemble. La sécurité et la cohésion sociale sont l’affaire de tous et l’Etat
n’est pas omniscient. Il est souvent pesant, tatillon mais faible dans ses
fonctions régaliennes. Il ne fait pas confiance aux gens de terrains les maires
- dont j’ai été des années comme premier adjoint- en particulier. Et maintenant
à chacun de prendre ses responsabilités.