Le roi est mort vive le roi !
Par Christian Fremaux avocat
honoraire.
Cette
interjection traditionnelle était prononcée quand le roi en exercice mourait.
Le successeur prenait aussitôt la place du monarque défunt et était proclamé
roi sur le champ quasiment dans la chambre funèbre pour qu’il n’y ait pas
de vacance du pouvoir et que les complots ou les ambitions ne fleurissent pas. Après
Louis XV ce fut Louis XVI qui par la guillotine perdit la tête tandis que la royauté
avait été remplacée par la République, ce qui évitait de crier sa joie à un nouveau
César le peuple n’aimant pas du tout le pouvoir absolu qui se voulait d’essence
divine de surcroît. De nos jours Jupiter a dit qu’il redescendrait sur
terre et qu’il allait tout changer pour plus de bienveillance en matière
de gouvernance. Dieu soit loué ! si je peux hasarder cette locution dans
notre république laïque : je veux y croire. Avec la disparition de
l’ancien régime on ne crie plus dans les palais nationaux et l’alternance quand
elle a lieu se fait plus modeste. On se serre ou non la main, on descend ou on
remonte le tapis rouge de l’Elysée et au revoir.
Notre
constitution organise le fonctionnement de nos institutions avec les pouvoirs
exécutif comme législatif et l’autorité judiciaire. Les contre-pouvoirs dont
les médias et les réseaux sociaux sont forts. On a équilibré les pouvoirs pour conduire à
l’état de droit qui n’est pas à confondre avec un Etat qui aurait des droits spécifiques.
On prône le transparence et toute turpitude suspectée ou erreur de gestion sont
dénoncées. Voir le cas Mac Kinsey. Le chef suprême est surveillé. L’excellent
professeur de droit constitutionnel Maurice Duverger avait qualifié le
président de la république de monarque républicain pour dénoncer des
prérogatives qui lui paraissaient incongrues dans notre démocratie
représentative où il y a un parlement qui représente le peuple et divers organes
de délibération. Mais la pratique présidentielle fait que l’on va plus ou moins
vers la concentration des pouvoirs, selon le locataire en titre des lieux.
Une des réformes urgentes va être de trouver
un bon compromis entre la nécessité d’avoir un vrai capitaine à bord qui gère
les tempêtes et tient le cap et la volonté de l’équipage d’être entendu, de
donner son avis sur les vents et les ports à atteindre, sans que tout le monde
pilote et que les marins d’eau douce par leurs exigences nous mènent au
naufrage. La révision constitutionnelle
de 1962 sur l’élection du président au suffrage universel menée par le général
de Gaulle sur le fondement de l’article 11 et non celui de l’article 89 - ce
qui se discute actuellement compte tenu des projets de référendum tous azimuts
annoncés par les candidats et l’élu, les juristes sont sur le pont- est désormais
acquise. On veut participer pour toute décision. Ce genre de consultation (s)
du peuple dans le monde est rare. On voit plutôt des coups d’Etat, des
tripatouillages de textes, de la violence et des élections bidons.
Notre constitution
doit donc être respectée dans le respect de nos engagements internationaux et
européens, sans compter nos valeurs républicaines et universelles qui
caractérisent la France. On voit avec la guerre en Ukraine que déchirer les
accords ou interpréter dans son sens unique les règles du droit international
conduit au désastre humanitaire et à la crise qui peut entrainer trop loin. Le
pire ennemi de l’homme c’est lui -même.
Mais il
n’est pas interdit ad vitam aeternam de vouloir modifier la constitution car la
vie évolue, les esprits aussi et ce qu’on n’imaginait pas jadis se révèle
aujourd’hui impératif. Il est très bien de vouloir donner plus de
respiration au peuple, favoriser le dialogue et la concertation, et d’instaurer
un système électoral à la proportionnelle en imaginant cependant de donner au
président les moyens de gouverner. Sinon c’est le retour vers le futur avec une
cohabitation qui est une fausse bonne solution et le blocage des institutions par
des groupes minoritaires et le règne de la rue. Il est possible que le référendum
d’initiative citoyenne limité à des aspects non régaliens soit un outil utile.
Mais le citoyen de bonne foi n’a pas toujours raison. Il faut donc encadrer les
revendications catégorielles.
M. Mélenchon
qui se croyait couronné a proposé une 6 -ème république et qu’une
constituante de citoyens définisse la règle du jeu. Donc invente des
institutions ad hoc. C’est une gageure sinon une utopie. C’est mettre la
charrue avant les bœufs car il faut définir préalablement les valeurs sur lesquelles
on s’appuiera et ce que nous voulons être tous ensemble, le nombre de joueurs
sur le terrain… enfin nos divers objectifs. Avec le rôle de la France comme
puissance. Et ensuite on cherchera à créer des institutions fortes et agiles qui
permettent plus de participation, plus de discussions positives pour finir par
un consensus si possible. A défaut le peuple tranchera. Les législatives qui ne
sont pas le 3ème tour décideront des choix prioritaires ou créeront …
le chaos avec une dispersion des voix ?
Mais
il ne faut que le citoyen boude, refuse tout sous des prétextes divers et
arpente le bitume pour que la force impose des revendications. Il doit être
actif et voter quand on lui demande pour donner son avis, et qu’il ne
considère pas uniquement ses droits en oubliant ses devoirs collectifs. La
démocratie n’est pas le bavardage permanent et l’instabilité.
Le président
Macron avait tenté par la voie du congrès à Versailles de réformer les institutions,
notamment sur la limitation des mandats, sur la proportionnelle et autres mesures
démocratiques symboliques. Il a échoué. Les parlementaires doivent cesser
de faire de la politique politicienne et les électeurs ne peuvent être
indéfiniment en colère et pour le dégagisme en essayant les uns après les
autres, voire exiger des expérimentations. On ne trouvera jamais la formule
parfaite celle qui plait à tous les citoyens.
Les urnes
ont parlé et la démocratie triomphe malgré l’abstentionnisme regrettable. On a
failli crier : le roi (le président) est mort (il a été battu) : vive
la reine Marine 1ère. Comme quoi tout peut arriver et ceux qui ont voté pour
cette dernière ont droit au respect et à la considération. Ils doivent faire partie
aussi du paysage politique et on doit les entendre comme tout citoyen qui a voté
pour le candidat de son choix serait-il aux extrêmes. Il faut désormais se rassembler
et apaiser pour donner des espoirs aux jeunes d’abord mais aussi aux anciens
qui ont construit ce qui existe et ont le droit de vivre. La tolérance s’impose.
Il ne peut y avoir les gagnants contre les perdants. Le peuple est un. Nos
institutions doivent refléter cette réalité. Notre roi -président est vivant et
rempile. Il doit être à la hauteur de ses ambitions et de ceux qui attendent
du mieux. Dans 5 ans il retournera à la base. Tout ce qui est en haut est
en bas et inversement.