Les
conseils de prud’homme et le virus.
Par Christian Fremaux avocat honoraire.
La loi rien
que la loi et le droit avant l’émotion et l’intérêt particulier tels sont les
leitmotivs et les devoirs des juges qui n’ignorent pas l’humain cela va de soi
dans le cadre des intérêts supérieurs de la collectivité nationale, ni les
grands principes de la république et les libertés individuelles comme
publiques. Ils doivent souvent résoudre
la quadrature du cercle qui évolue selon les circonstances imprévues et le
progrès défini par personne et souvent revendiqué par des minorités agissantes.
Les tribunaux rendent des jugements et arrêts et pas des services et ne doivent
pas être entrainés dans les polémiques. Le covid-19 ne changera pas les fondamentaux
de la justice et en particulier la pratique du conseil de prud’homme
(composé de 4 juges bénévoles : 2 employeurs et 2 salariés) qui a la
grande responsabilité de participer à l’ordre public social ce qui à notre
époque est suivi de très près par des observateurs attentifs et exigeants avec
des injonctions contradictoires selon la place où l’on se situe et les
fonctions que l’on exerce entre employeurs et salariés, tous étant des
citoyens. Juridiction qui utilise l’équité parfois pour corriger la force qui peut
être injuste de la loi et pour juger de l’exécution des contrats de
travail ou de leurs ruptures de la façon la plus mesurée et objective
possible.
Le président
de la république a annoncé une « vraie-fausse » obligation vaccinale pour
la rentrée en espérant n’avoir pas à sévir. La loi est en cours d’être votée au parlement
pour le passe sanitaire, et les débats sur les libertés sont âpres à juste raison
s’agissant de droits essentiels pour tous. On parle de sanctions qui peuvent
avoir un effet sur le contrat de travail d’où la saisine future et éventuelle des
conseils de prud’homme dans les mois qui viennent. Ce sera le contentieux
virus !
Les juristes
discutent de la portée de la recommandation forte par l’exécutif ou de la loi
qui contraint. Avec un vaccin obligatoire pourra-t-on estimer par exemple qu’il
y a une violation d’une liberté fondamentale qui entraine la nullité du
licenciement déjà prévue à l’article L.1235-2-1 du code du travail et qui
permet de déroger à l’application du barème légal de l’article L.1235-3 du code
du travail qui fixe un plancher et un plafond de dommages-intérêts en fonction
de l’ancienneté et la taille de l’entreprise ?
La ministre
du travail a indiqué que si le salarié ne se vaccinait pas, il pourrait
faire l’objet d’un licenciement pour motif personnel c’est- à- dire une cause
réelle et sérieuse qui permet de recevoir les indemnités légales et conventionnelles
puis de s’inscrire à pôle emploi après avoir reçu un avertissement, mais en
persistant dans le refus. Elle a évoqué
aussi une mise à pied préalable (qui n’est habituellement pas payée) et qui
renvoie à la faute grave privative de préavis et d’indemnité de licenciement
(ancienneté) mais qui oblige l’employeur à régler aussi les congés payés. Je
pense que le gouvernement n’a pas arrêté ses choix- tous mauvais a priori
d’ailleurs- sur ces points de droit, comme il va écarter un licenciement
pour faute lourde que réclament certains employeurs pour n’avoir rien à payer
sauf quand même les congés payés. Le virus est déjà mortel. Il ne
peut pas y avoir de surcroît des conséquences excessives dans les relations
sociales sachant que les patrons se battent pour survivre et faire fonctionner
leurs entreprises indispensables à l’économie en général et que les salariés
subissent la crise comme tout le monde jeunes comme vieux. Ce n’est la faute de personne si la covid-19
entraine des dégâts dans les domaines économique, social et de santé.
Il ne faut pas que l’on en rajoute sur le travail, les libertés et la
justice. Vont peut- être s’y adjoindre
des licenciements économiques individuels motivés par les méfaits du virus. C’est -dire si le droit du travail –
comme d’autres domaines telle la sécurité - risque d’être bouleversé car
il faut de plus en plus concilier la défense de l’intérêt général et
l’autorité de l’Etat en maintenant les libertés fondamentales de notre état de
droit dans notre démocratie. Il y a des conflits de légitimités. Le pacte
républicain va devoir être revu et conforté en s’adaptant à ce qu’on n’avait
pas prévu.
Les conseils
des prud’hommes apprécieront les litiges puisqu’ils sont en première ligne
judiciaire. Les juges de carrière des cours d’appel ou ensuite de la cour de
cassation dans des années fixeront la jurisprudence et peut être on l’espère
que quand ils se prononceront ,le virus aura-t-il disparu et la raison et la
science auront triomphé ? En attendant vu l’urgence ce sont les conseillers
employeurs et salariés qui porteront l’immense et redoutable honneur d’allier
le droit et l’éthique, de concilier- ce qui est leur mission première- notamment
les libertés individuelles et l’intérêt collectif et ainsi de rendre une
justice de proximité et concrète qui pacifie. Faisons leur confiance et attendons les textes
légaux validés ou amendés par le conseil constitutionnel composé de sages.