lundi 14 juin 2021

Billet d’humeur : On perd la boule.

 

            Billet d’humeur : On perd la boule.

               Par Christian Fremaux avocat honoraire

Il y a des parallèles à faire simplement pour constater, déplorer et/ou se réjouir selon ses convictions. Il est temps de voter pour qu’on en finisse de cette répétition car la présidentielle approche et l’artillerie lourde va être dégainée.  

Le gifleur du président de la république n’a pas supporté que M. Macron vienne vers lui sourire aux lèvres pour tenter de le convaincre de sa bonne politique. Contre un sourire une gifle une violence ordinaire, par un simple quidam qui se revendique des gilets jaunes (sic) et des chevaliers au cri de Montjoie-Saint-Denis, c’est la tendance de l’époque. La haine de la macronie dépasse toute ouverture d’esprit. Elle vaut 4 mois ferme avec mandat de dépôt outre du sursis et la privation de droits civiques : c’est le coût du non- respect envers le chef de l’Etat. Oyez oyez braves gens. 

M. Séjourné député européen et proche conseiller du président de la république a déclaré si j’ai bien compris, qu’il fallait interdire Cnews et surtout M. Zemmour car ils rabaissaient le débat public. Je ne sais pas si sur d’autres médias en continu ou si sur le service public le niveau du débat est dans la stratosphère, alors même que les dirigeants et parlementaires de LREM participent allègrement aux échanges d’invectives sur les plateaux télévisés. Je n’ai pas entendu M. Séjourné ancien socialiste sauf erreur, qui doit avoir des qualités intellectuelles incomparables exprimer des idées qui transcendent, font consensus et qui sont applicables concrètement.  Mais est-ce grave docteur comme maladie démocratique de vouloir interdire les idées qui ne vous plaisent pas, les discussions qui abordent les problèmes qui fâchent mais qui préoccupent le citoyen y compris dans le monde rural qui échappe aux bienfaits de la mondialisation, qui fume des clopes et roule au diesel et qui pense que la classe politique n’est pas à la hauteur des enjeux. Comme antidote a-t-on le droit de penser que l’insécurité n’est pas un sentiment, que la justice devrait être forte, que l’énergie verte doit faire l’objet d’une transition et pas d’une précipitation, que la violence doit être contenue le plus possible, que le travail est l’essentiel, et que les problèmes des minorités de toute nature sont importants pour eux mais que la majorité a aussi le droit de vivre selon ses traditions et habitudes. Dois -je prendre un traitement pour ne pas adhérer aux élucubrations des «wokes » ( les éveillés)? M. Séjourné fait simple : pour ne pas diffuser une idée qui ne lui plait pas, il suffit de supprimer l’émetteur. La liberté d’expression ne doit concerner que le camp auto-proclamé du bien qui choisit les sujets et décrète ce qu’il faut faire. Au secours George Orwell ils sont devenus fous.  Vive l’ORTF et à bas la couleur ! (sauf à être en plus taxé de raciste). J’ai dû mal comprendre le conseiller de l’Elysée qui de son bureau jupitérien pense avoir la vérité ?    

Mme Pulvar ex-journaliste engagée et qui prétend devenir présidente de la plus grande région de France où les opinions sont diverses et les intérêts divergents a surenchéri pour demander que le journaliste Zemmour soit déclaré persona non grata sur les plateaux. Elle refusait déjà que des blancs assistent à certaines réunions sauf à rester muets. Elle récidive et elle cumule les rejets : bon début d’union ! A force de vouloir écarter cet analyste-polémiste de la vie publique, je vais finir par l’écouter régulièrement bien qu’il soit  parfois excessif d’après ce que j’ai ouï ,car je défends ceux qui sont attaqués c‘est mon métier !  Je précise que je ne vote pas en Ile-de-France mais dans une zone bien rurale.

M. Mélenchon qui prédisait un acte grave avant la présidentielle qui permettrait de stigmatiser les musulmans a été entendu. Il a eu la gueule enfarinée expression populaire qui est issue de la fable de Jean de la Fontaine « le chat et un vieux rat ». M. Mélenchon qui n’est pas un nigaud- car il pense hautement de lui, croit qu’il domine tout le monde et que son corps est sacré puisqu’il incarne la république- est au moins l’arroseur arrosé.  Il a ri jaune alors qu’il était tout blanc ce qui devrait lui plaire puisqu’il rêve d’un monde « créolisé ».  Il y a eu d’autres personnalités enfarinées ou entartrées dans le passé dont le président se disant normal.  C’est donc le bizutage classique. La Justice va cependant s’occuper de l’agresseur car on ne peut tolérer que le niveau frôle les pâquerettes- comme le dit M. Séjourné- alors que l’on accuse les politiques ou certains de rouler l’électeur dans la farine par des promesses fallacieuses.

M. De Rugy ancien ministre qui aimait trop les fruits de mer quand il présidait l’assemblée nationale, a été aussi été enfariné à Nantes pendant sa campagne électorale. La femme qui l’a blanchi a crié parait-il : « rends les homards ». Sic transit gloria Mundi.

M. Dupond- Moretti ministre en campagne électorale pour les régionales s’est fait apostropher par un candidat du rassemblement national, et par M. Ruffin député de la France insoumise. Il a répondu vertement à l’un et à l’autre et le niveau culturel et civique des dialogues -je veux dire des engueulades- a été confondant. Je ne sais pas si la dignité d’un ministre de la justice l’autorise à participer à une foire d’empoigne. Mais je n’ai aucune leçon à donner. Me Dupont-Moretti a du caractère : les électeurs apprécieront ces débats de comptoir au café du commerce. M. Séjourné va peut- être lui en parler ?  

Le ministre des élections M. Darmanin a parlé de marque satanique à propos d’une éventuelle victoire du RN dans une région qui repousserait tout investisseur. Il est aussi ministre des cultes dans une république laïque qui se bat contre les séparatismes théocratiques. Que l’on laisse Dieu ou le diable en dehors du champ de bataille électoral.  

Alphonse Karr a écrit : « je suis contre la peine de mort, mais que MM. les assassins commencent ».  Les hommes/femmes politiques doivent donner l’exemple et il leur revient de hausser le niveau à la hauteur des grands principes, de la tolérance, et de notre démocratie. Le populisme a toujours mené à une impasse, et vouloir en rajouter dans la démagogie n’est pas positif. Les électeurs votent pour ceux qui leur montrent un chemin clair, apaisé, mais qui conduit à de l’action et de l’efficacité globalement sans oublier personne. Le bulletin de vote est plus fort qu’une invective et donne à celui qui doit l’utiliser la chance d’écarter ceux qui vocifèrent mais n’ont pas de solution concrète. Le citoyen doit parfois être plus responsable  que ceux qui veulent le représenter en proposant des changements extrêmes. Personne ne peut être dupe. La boule doit toujours rouler vers le nord pour tenter d’atteindre l’inaccessible étoile c’est -à -dire l’espoir de vivre tous mieux, en paix.  On doit y croire.  

 

mardi 8 juin 2021

Réformer la justice : oui, mais pour quels bénéficiaires et dans quels buts ?

 

     Réformer la justice : oui, mais pour quels bénéficiaires et dans quels buts ?

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire

Le président de la République lui -même a annoncé qu’il lançait les états généraux de la justice. C’est donc du sérieux même si je ne connais pas l’ampleur de la future réforme et quels seront les domaines examinés à part ceux brûlants qui occupent l’actualité. Examinons à titre préventif les aspects pénal et civil puisque la justice est un tout pour le citoyen.

Les plus dubitatifs ou cyniques diront qu’il faut éteindre l’incendie entre des autorités régaliennes et que la décision de réformer vient à la suite du Beauvau de la sécurité où certains policiers ont hurlé que le problème de la police c’était la justice. Ils ont tort et le raccourci n’est pas acceptable dans un état de droit où sécurité publique et justice sont complémentaires et doivent être dans leurs missions spécifiques, indiscutables et insoupçonnables.  Certes il y a de quoi avoir peur et chercher des solutions miraculeuses en regardant les faits divers malheureusement quotidiens et la violence endémique de la société. Ou plutôt la radicalisation d’individus mués par la haine pour des raisons aussi diverses que confuses, sans oublier le fait que certains n’aiment pas le passé de la France et veulent faire payer aux vivants ce que leurs lointains ancêtres ont toléré ou n’ont pas fait de mieux. J’y ajoute les attentats et le terrorisme d’origine interne comme externe.

Tout ceci crée de l’insécurité qui est réelle et pas un sentiment, même si et c’est heureusement vrai la France n’est pas un coupe- gorge comme l’a dit le garde des sceaux. Mais le débat sur la répression à outrance quasi automatique avec le concours Lépine des solutions drastiques n’est pas en phase terminale, les campagnes électorales favorisant la surenchère. Rappelons-nous la phrase célèbre de Blaise Pascal : « la justice sans la force est impuissante :  la force sans la justice est tyrannique ». Tout est dit. Bâtissons des solutions concrètes.

On peut cependant  opposer toutes les statistiques que l’on veut qui prouveraient que les violences étaient au moins égales jadis, que les mineurs sont restés avant tout des enfants, et autres explications ou excuses tirées de réflexions de philosophes, d’intellectuels, de sociologues et autres membres du camp du bien ouverts à tous les autres et à toutes les cultures, rien ne peut persuader le citoyen : la police que l’on méprise, attaque, accuse des pires travers qui seraient systémiques fait son travail ,mais la justice est un maillon faible.

C’est injuste, et Mme Arens 1ère présidente de la cour de cassation  qui représente les magistrats du siège toutes spécialités confondues ainsi que M.Molins procureur général de ladite cour qui incarne le parquet celui qui soutient l’accusation c’est-à-dire le respect de la loi  , sont venus défendre à juste titre leur institution outragée car accablée pour être  réputée  laxiste et globalement insuffisante, en protégeant ses membres même s’ils ont commis des fautes professionnelles ou qu’ils prennent des décisions qui ne correspondent pas avec l’opinion publique. Ce qui est rassurant selon moi, car il n’y a rien de pire que la foule en colère. Mais les juges appliquent la loi que les politiques fabriquent, et comblent les vides juridiques quand une question est officiellement posée dans un contentieux. Il ne faut pas en faire des boucs émissaires. M.Macron leur a répondu en lançant les états généraux : je pense que ces hauts magistrats attendaient une autre proposition plus corporatiste de leur protecteur institutionnel, garant de leur indépendance et de l’autorité judiciaire. Et qu’il leur renouvelle publiquement sa confiance et leurs mérites. Il a dû le faire, mais discrètement ?

La réforme de la justice doit aussi s’étendre à ce qui ne ressortit pas du droit pénal qui intéresse certes le quidam mais n’est pas son habitude. Les contentieux autres sont la majorité et ils génèrent  un sentiment d’injustice ou de désespoir pour certains. Les états généraux rappellent ceux de 1789 : qu’est le tiers état : rien ? Que veut-il : tout. C’est le cas aujourd’hui. Le citoyen-justiciable veut à son service une justice globale performante digne du XXIème siècle dans tous ses tiroirs. Et pas seulement pour que les juges soient réconfortés et reconnus au niveau qu’ils se sont fixés dans la hiérarchie sociale et parce qu’ils estiment devoir être considérés sinon admirés. Mais surtout pour que le sort personnel du consommateur de justice soit amélioré. Il veut aussi être reconnu et être partie prenante participative puisque la justice est rendue en son nom. La tour d’ivoire doit être abattue !

 Il peut y avoir quiproquo et le président a pensé peut- être n’agir que sur la justice pénale celle qui est en lien avec les gendarmes et policiers ? Ce serait dommage de limiter la réflexion car la justice n’est pas circonscrite au plus spectaculaire. Comme Janus l’individu a un recto qui peut être sombre et donc doit respecter des devoirs, mais aussi un verso qui veut la lumière donc faire reconnaitre ses droits. L’annonce au moins de discussions a été bien accueillie par les justiciables, ceux qui sont victimes ou prévenus certes, mais surtout par tous ceux qui ont à régler un problème de la vie privée ; qui sont devant le conseil de prud’homme ou le tribunal de commerce ; qui ont un conflit avec leurs voisins ou leurs mairies ou une administration quelconque voire le fisc, ou avec son assurance, sa copropriété ou un squatteur, car la justice ce n’est pas que le procès pénal  même si de petits dérapages y conduisent pour les infractions au code de la route ou un peu trop d’alcool ou de shit! c’est la vie de tous les jours. Et pour qui un juge est un juge sans distinction subtile entre les différentes fonctions. Personne ne peut se vanter qu’il n’aura jamais affaire à un magistrat. Donc prudence, mais désir d’une justice rapide qui sait trier le bon grain de l’ivraie occasionnelle ou apaiser un conflit par  son jugement.  

 Tout individu qui a eu affaire à la justice a connu les obstacles à l’accès de celle -ci ; le choix indispensable des avocats ; le tribunal de plus en plus lointain puisque les juges de paix de proximité n’existent plus et que désormais les tribunaux d’instance sont regroupés auprès du tribunal judicaire siégeant au chef -lieu du département et que les cours d’appel sont dans les régions. Ils ont subi les délais d’attente interminables avant que leurs dossiers soient évoqués, ont été perdus dans la procédure compliquée ; n’ont pas eu droit à la parole puisqu’ils avaient un conseil qui s’exprime pour eux…Ils ont peut-être gagné, mais l’adversaire a un droit d’appel. Et ils doivent attendre pour que le jugement soit exécuté avec l’aide d’un huissier qui fait payer des frais !... Et je passe les péripéties. Je n’évoque que pour mémoire l’existence du tribunal administratif que l’on trouve dans les régions, qui traite les contentieux administratifs (avec l’Etat ; les collectivités locales ; les services publics…) de plus en plus fréquents par une procédure exclusivement écrite, et dont les juges sont de hauts fonctionnaires. N’est -ce pas une incongruité du passé ?

La liste de tout ce que l’on reproche à la justice est longue et puisqu’il va y avoir des états généraux il faut consulter les cahiers de doléances écrits depuis longtemps. On sait qu’elle manque de moyens matériels comme humains, et que son budget bien que récemment revu à la hausse est insuffisant. On a donc la justice que l’on mérite, en dépensant pour elle avec parcimonie. On vit  un état de droit au rabais. Certes il y a des comportements individuels inacceptables comme les magistrats qui ont construit le mur des cons ou ceux qui ont déclenché une enquête supersonique à la veille des élections présidentielles de 2017 et qui ont éliminé de fait un candidat. Mais c’est une infime minorité qui confond réserve et idéologie. Il y a aussi ceux qui commettent des erreurs parfois avec des conséquences très graves. Dans tout métier c’est le cas, et chacun doit assumer ses responsabilités devant ses pairs et devant la justice : les victimes ont droit de savoir, d’exiger des sanctions, d’être indemnisées. Au lieu de se focaliser sur l’indépendance nécessaire des juges, donnons-leur les moyens d’être impartiaux, de juger vite, de s’entourer d’assistants qualifiés et d’être aidés. Tout en examinant éventuellement leur responsabilité personnelle.  Comme en matière de sécurité le risque zéro n’existe pas. Quand le drame tombe sur vous on ne veut plus rien comprendre ni accepter.  Mais la société a le devoir de faciliter le travail  de ceux qui prennent des décisions difficiles. Ils doivent pouvoir se confier à des collègues, à des experts, que le choix soit collectif, et qu’ils ne soient pas contraints de faire confiance à leur seule conscience et bonne foi. Un juge est une femme ou un homme, un être humain qui peut se tromper quel que soit le domaine concerné ou le cas particulier qu’il doit affronter. 

La réforme de la justice doit être naturellement matérielle mais pas uniquement. La morale ne participe pas mais il y a l’équité, et les grandes règles universelles sont les fondements de la justice avec la loi positive. Nul n’ignore que donner toujours plus de moyens n’améliore pas automatiquement les décisions, s’il n’y a aucun cap, aucune stratégie, ni choix de société ou de civilisation que le peuple a choisis. Le président de la république a annoncé qu’il souhaitait que désormais le garde des sceaux explique aux parlementaires, donc au peuple, chaque année la politique pénale du gouvernement : qui sont ceux qui défient l’ordre public, nos adversaires voire ennemis ; comment les combattons nous avec quelles armes légales ; quel est le sens de la punition et de la réinsertion … ? Bonne idée mais il faudra écouter les citoyens en permanence et entendre ce que disent les élus locaux. 

En matière civile comment améliorer le fonctionnement concret de la justice ? Comment faire du droit donc de la loi un élément structurant de la vie en société pour l’utilisation de nos libertés sans choquer ou nuire à autrui ? Comment faciliter la médiation, la concertation qui donnent des résultats rapides en cas de conflit, sans gagnant ou vaincu chacun ne perdant pas la face ce qui est essentiel quand on estime que l’on a raison et que l’autre a forcément tort : c’est mettre de l’harmonie dans les rapports sociaux…

La question principale est : dans notre état de droit la justice doit- elle passer d’autorité judiciaire à pouvoir judiciaire selon la théorie adaptée à la modernité de Montesquieu, et si oui avec quels moyens légaux ou autres et quels contrôles, pour faire quoi au bénéfice du qui ?

Je souhaite donc que la discussion sur la réforme concerne la justice en tous ses états, et pas seulement celui qui attire l’attention du public et des médias. La justice doit être contextualisée selon le mot à la mode dans un espace plus vaste qui est celui de la vie en société .Il faut rétablir de l’autorité c’est- à -dire le respect des normes générales à tous les étages et dans tous domaines y compris dans la famille ou l’école .On doit s’intéresser au rapport entre tous les individus dans leurs diversités qui acceptent l’usage de la tolérance .Enfin il faut rappeler que pour vivre tranquille il faut donner aussi de la priorité à ce qui est collectif, la défense de la nation et de la patrie avec des citoyens qui n’exigent pas que des droits en écartant les devoirs. Il faut nous mettre d’accord sur les grands principes républicains sinon toute réforme échouera.  Si l’on veut que police/gendarmerie et justice réussissent sans s’opposer il faut leur donner des objectifs communs qui dépassent leurs missions. Et convaincre les citoyens que c’est dans leur intérêt que la justice intervient. 

Tout le monde doit participer. La justice n’appartient ni aux magistrats, ni aux avocats, ni aux politiques ni à un pouvoir ou un contre -pouvoir quelconque : les citoyens l’ont en commun. Ils doivent être partie à la réflexion sans tirage au sort. On a besoin de responsables légitimes. La justice qui est aussi une vertu est une chose trop sérieuse pour ne pas la laisser à des aléas ou à de l’instrumentalisation. Il en va de la démocratie.