Y-a-t-il des lois d’essence supérieure ou naturelle en matière d’immigration et de laïcité ?
Par Christian Fremaux avocat honoraire et élu
local.
La nation a rendu un hommage unanime à Simone Veil
qui a été « enterrée »-avec
son mari- dans le Panthéon où figure au
frontispice la mention « aux grands
hommes la patrie reconnaissante » sans
que les féministes adeptes de l’écriture inclusive ou qui préfèrent les droits
humains aux droits de l’homme n’exigent que l’on démolisse l’inscription gravée
en lettres d’or pour y ajouter « aux grandes femmes la patrie
reconnaissante ! » ce qui va de soi, celles qui ont précédé Simone Veil étaient
immenses, voire géantes. Pendant ce temps
, la vie continuait du plus secondaire comme le foot mais qui intéresse une majorité, au plus important pour notre
futur commun comme le sort et l’intégration des migrants qui entraine un
vaste débat sur l’organisation de notre
société dans un cadre laïque, sur l’application de nos valeurs traditionnelles
qui se confondent avec la république, la
solidarité que nous devons mettre en place avec les nouvelles générations
,notre manière d’accueillir, notre générosité un peu rabougrie par ces temps
économiquement difficiles , et le populisme qui est dénoncé par les élites mais
qui correspond à une aspiration profonde des peuples de rester maîtres de leurs
destins, de leur identité donc de leur avenir. Le peuple ne peut avoir
constamment tort contre ceux qui se
disent éclairés : il faut donc lui montrer la route, le convaincre , le tirer
vers le haut et lui proposer un gagnant-gagnant .On entend des affirmations qui
étonnent à propos de l’immigration celle que l’on dénomme sauvage,(ce qui
rappelle le « bon sauvage » de rousseau ?) qui fait des
morts souvent des noyés et qui saperait
les fondements de notre Europe telle qu’elle a été conçue par le traité
de Rome , ou de la laïcité qu’il faut sans cesse expliquer car son contenu et sa mise en œuvre sont difficiles à interpréter, qui serait en
danger, qui serait attaquée insidieusement même par le nouveau chanoine
honoraire de Latran qu’est devenu le chef de l’Etat , pour laquelle on doit se
battre, et qui ne se divise pas. La laïcité en effet est le socle de nos
fondations : elle ne peut cependant être un mur qui sépare. Elle doit être
un pont qui relie.
Le président de la République va devoir définir la
doctrine de la France qui est « en même temps- tielle» et essayer de
satisfaire ceux qui croient et les libres penseurs, ceux qui considèrent
que l’émotion face à la vie et au devoir de tendre la main exclut toute solution fondée sur la
raison et le réalisme politique qui
entraine des compromis et ceux qui sont très concrets ; ceux qui sont certains qu’il y a des lois
naturelles d’essence supérieure ou naturelle,
non écrites qui placent l’humain dans tous ses aspects au- dessus de toute
contingence ou raisonnement, et que
notre devoir est de recevoir et d’aider sans distinguer s’il s’agit de pauvres, de
malades, de menacés ou de persécutés, d’opportunistes voire de profiteurs, enfin
de tous ceux qui sont dans le besoin plus ou moins avéré, qu’ils fassent des
comparaisons ou non - du benchmarking a dit (à juste titre selon moi) le ministre
de l’intérieur- ,la France 5ème puissance du monde pouvant se
permettre de les intégrer, ne serait -ce qu’en raison de sa vocation
universelle et d’un autre côté ceux qui font
des comptes d’apothicaire, pèsent au trébuchet ce qui rapporte ou non ,mesurent
les effets des circonstances et décisions, essaient de concilier les possibles,
et ne cèdent pas à une compassion débridée tout
en s’estimant aussi généreux.
Il va donc falloir faire la synthèse de la confrontation
de droits et de devoirs , sans hiérarchie personne n’ayant raison et personne
n’ayant tort puisque on est dans le domaine de l’humain, du subjectif et de la dignité, et dans l’appréciation des
évènements.
Fréderic
Nietzche dans « humain trop
humain » a rendu hommage à Voltaire (et pas à Rousseau !) dans sa
première édition de 1878, et a écrit que tout n’était pas dans le domaine de la
psychologie mais que « tout
est question de gradation ». Y - a-t-il donc des lois pour le moins « cosmiques »
qui s’imposent de soi, sans débat, et les discuter fait- il de nous un
égoïste, un sans cœur, donc un homme de
droite pour le moins (ce qui est parfois une injure) selon l’habitude des bien pensants qui s ’arrogent le
monopole du bien ? Personnellement je ne supporte pas les donneurs de
leçons d’humanité et je pense que l’humain vit concrètement et qu’il faut
définir sa place dans la société, ce qui ne veut pas dire l’exclure ou
l’enfermer dans des frontières ou des limites . On va bientôt discuter de cet aspect à
travers les élections européennes de 2019.
En matière de laïcité le débat est similaire. Pourquoi
réparer le lien « abimé »(par qui ? )selon le président
avec l’église catholique , puisque la liberté de conscience est d’ordre privé
et individuelle , et que fait -on avec les revendications communautaires
liées à l’islam ? Le chef de l’Etat a répondu avec raison qu’il n’a
pas été chargé de créer une quasi idéologie
d’Etat spirituelle qui serait nourrie des valeurs républicaines
d’essence supérieure à toutes autres lois ou principes. Dans le domaine de la
transcendance, l’Etat n’a pas à intervenir. Il a déjà le domaine régalien à faire respecter avec les lois votées par le
parlement sous l’arbitrage des juges et c’est beaucoup ,et faire fonctionner de
manière harmonieuse les différents pouvoirs, qui ont besoin de contre-pouvoirs
représentatifs et légitimes( pas
n’importe quelle minorité qui braille à la discrimination ou au racisme) qui
permettent le débat permanent et participatif ce qui est aussi une certaine
gageure en France , dans un pays où il y a autant de fromages disait le général
de gaulle, et où il y a un sélectionneur en chaque français quelque soit le
sport.
En ce qui concerne les migrants il va falloir que nous
fassions notre part d’effort, mais qu’aussi ceux qui veulent s’installer dans
notre pays en acceptent les règles, les us et coutumes, et n’exigent pas plus
que les autres citoyens en faisant état d’une victimisation permanente. Nous
devons aider sur place les pays d’où viennent ceux qui demandent du secours ,
pour qu’ils se développent et créent des
gouvernances pérennes, pour qu’ils
bâtissent de vrais Etats car il ne faut pas encourager des confiscations de territoires ou la
juxtaposition d’ethnies avec des buts
personnels le tout ne formant pas une
nation , et qui ne s’approprient pas
l’exercice du pouvoir qui
enrichit par des clans aussi hétéroclites que prévaricateurs, en nous souvenant
que nous avons mis longtemps pour créer une nation dont les buts communs et son
destin général ne se confondent pas avec
les intérêts privés. Je reprends le
vocabulaire du président Macron qui a dit -sur un autre sujet très sensible
pour les plus pauvres d’entre nous - qu’il ne fallait pas dépenser «
un pognon de dingue » pour rien. Il a raison en général, et que cela soit
notamment pour les aides sociales - le grand timonier Mao Tsé Toung disait qu’il
est préférable d’apprendre à pécher plutôt
que de distribuer du poisson gratuitement – ou la politique de la
ville (bien que les élus soient pour le fait de s’occuper vraiment des
banlieues, des zones rurales qui se désertifient, et de quartiers passés sous
la coupe des voyous…) mais on ne réglera
pas les problèmes rien qu’avec du pognon. Il faut y ajouter des valeurs
immatérielles ( la vérité et non le buzz, le partage dans l’égalité, la
solidarité, l’effort et la fraternité, le respect des autres et non l’envie négative, l’autorité librement
consentie…) ,les règles de la République
partout c’est-à-dire le côté devoirs et le sens collectif comme au foot où une
simple individualité même brillante ne suffit pas pour gagner ; et la volonté
de concourir à la cohésion nationale sans que personne ne soit exclu chacun
ayant les mêmes chances même si l’on sait que c’est plus difficile pour certains.
Concernant les migrants le slogan « c’est une chance
pour la France » ne veut rien dire car il repose sur un postulat et
il ne contient ni droits ni devoirs. Il
faut dire ce que l’on attend de ceux que l’on accueille, et comment cela va se
faire , auprès de qui. Quand on habite loin des problèmes, que l’on se les
imagine seulement, et que notre vie quotidienne n’est pas impactée, on peut
être exigeant avec les autres.
Le populisme qui est fort décrié mais qui est issu d’élections
libres, n’est pas de se fermer et de
vivre en soi : comme le protectionnisme sur le plan économique ces
solutions ne sont pas viables à terme surtout dans le village mondial, avec les
réseaux sociaux et la force de l’homme qui se tire toujours des pires
situations ( rappelons d’où venait Simone Veil, et ceux devenus ses frères et sœurs de déportation) et qui n’a
qu’un bien inaliénable : sa vie qu’il est prêt à mettre en jeu autant de
fois qu’il le faudra pour survivre tout simplement dans des conditions
acceptables. On n’arrêtera pas les bateaux, surtout avec les passeurs qui font
du business, et ceux des ONG qui croient faire le bien , en encourageant de
bonne foi mais à leur insu les trafics de tout genre. C’est un débat sans fin
qui opposent ceux qui sont contre et ceux qui culpabilisent les braves gens et
les Etats inhumains disent- ils. Il faut donc sortir de cette impasse et ne pas
opposer les lois naturelles fondées sur l’émotion et celles plus
cartésiennes qui émanent des hommes avec
leurs insuffisances mais qui permettent la vie en société . Si j’avais la
solution clé en main , je serai un héros. Mais je suis un zéro puisque je me
contente d’enfoncer des portes ouvertes et que j’essaie d’avoir bonne
conscience dans le respect de la loi et du paiement de mes impôts que je trouve
bien sûr trop élevés mais qui servent à
accueillir les migrants qui ensuite risquent de ne pas comprendre et respecter
notre laïcité, comme également beaucoup
de citoyens dits de « souche « ce qui ne veut pas dire grand-chose et
en tous les cas ce qui n’apporte aucun
avantage. Personne ne détient la vérité
et se laisser endoctriner et diriger par ceux qui prétendent savoir, les élites
qui mènent le peuple surtout quand ledit peuple est contre, les prétendus führer du cœur, les duce de la compassion, les guides de
l’ouverture aux autres de toute nature ,ne peut nous mener à rien de solide ou
de constructif. Soyons prudents avec ceux qui ne raisonnent plus ou dans un
seul sens. Nous devons prendre notre
destin en main et avoir un grand débat national, dépolitisé, dépassionné, pour
savoir ce que nous voulons, avec qui nous voulons vivre dans une Europe des
nations qui nous protège, qui nous
conforte dans nos choix de vie, de droit , de sécurité, qui est ouverte dans
les conditions que nous avons choisies,
qui ne désigne aucun bouc -émissaire, avec des lois écrites après débats par des hommes, pour des hommes, fussent -ils
européens ou non. Car en Europe et surtout en France nous avons la certitude de
détenir un peu de lumière, d’avoir expérimenté tous les régimes politiques qui
ont plus ou moins bien marché
d’ailleurs, des plus barbares aux plus
démocratiques, d’avoir des valeurs que l’on pense universelles et de savoir
comme l’a dit Jean Bodin [les six livres de la république] que « la
seule querelle qui vaille est celle de l’homme », formule reprise par le
général de gaulle qui a ajouté « c’est l’homme qu’il s’agit de sauver, de
faire vivre et de développer » en 1957 époque des décolonisations, des
migrations en retour , et de l’émancipation
des peuples. Nous avons su accueillir
nos compatriotes qui revenaient chez eux
en métropole , mais le traumatisme demeure. Ne créons pas de
nouveau une faille qui va s’élargir alors que nous avons besoin d’unité.
La loi naturelle (si elle existe) qui selon une minorité
qui agit en mer ou aux frontières terrestres doit s’imposer au-delà des contingences de droit et de fait,
ne peut s’appliquer car comme l’a écrit
Hobbes elle est improprement un droit
puisqu’elle ne permet rien. Elle ne fait que décrire un état de fait, et c’est
un ensemble de contraintes qui sont commandées par la raison pour assurer à
l’homme sa bonne conservation. Le débat entre ce que l’on doit faire sans tenir compte du contexte et de l’avis
des citoyens, et ce que l’on peut faire dans le contexte européen et la volonté
des citoyens n’a pas de sens car
l’humain est un tout avec sa part d’ombre et de lumière et n’est pas que le
résultat aléatoire du hasard et de la nécessité .IL est aussi porteur d’un sens
social et à ce titre s’inscrit dans un
destin collectif . La conscience morale appartient à chacun avec
son passé, ses expériences, ses singularités et ses espoirs. La loi naturelle ou d’essence supérieure, ne peut que se fondre
dans l’organisation de la société. Sortons de l’affectif pour tendre vers un
humanisme pragmatique qui allie le respect et la dignité de l’homme, avec la
raison qui permet d’agir.
Le débat sur les migrants et la laïcité est le même . Il
s’agit de savoir avec quels outils de
droit ,philosophiques , culturels et spirituels
nous faisons cohabiter en harmonie les tendances contraires, et que nous
en tirions une force telle que la cohésion sociale se renforce, chacun trouvant
dans les libertés qui lui sont offertes
le moyen de vivre dignement selon sa conscience. Aucun principe ne peut être
supérieur aux autres de même nature ou portée. Le philosophe Pierre Manent [la
loi naturelle et les droits de l’homme.
PUF] estime que lorsque « les droits de l’homme deviennent exclusifs et
cherchent à devenir l’unique socle de la société, la porte s’ouvre à
l’arbitraire et à la déraison ». Mais selon lui ,la loi naturelle doit s’ouvrir à l’expérience humaine et n’est
pas une notion dogmatique. Chacun interprétera ces conclusions à sa manière.
Mais laissons une alternative pour résoudre ces problèmes sans s’enfermer dans
des invectives ou la certitude d’avoir raison.
Leonard de Vinci a dessiné l’homme idéal dans ses
proportions, l’homme de Vitruve. Il est le symbole de l’humanisme, de la
renaissance et du rationalisme ,l’homme au centre de tout. Mais l’homme
idéal moralement dans la vie n’existe pas : il est partout et à chaque fois différent.
Nous devons donc créer les conditions les meilleures pour que chacun puisse
s’épanouir dans la paix, et la justice. C’est la mission très difficile qui
nous est actuellement impartie. Ecce homo ,aurait dit Ponce Pilate ?