dimanche 17 septembre 2017

Fremaux Christian Commentaires de l'actualité: C'EST LA RENTRÉE.

C’est la rentrée.
Par Christian Fremaux avocat honoraire et élu local.
 Si on peut dire, la parole est au verbe. Chacun commente, disserte, suppute avec d’autant plus de certitudes qu’il  n’a pas de responsabilités et n’a à rendre de  compte à personne. On peut donc se tromper en toute impunité et c’est un sport national que de critiquer même si c’est un droit en démocratie que d’exprimer son opinion et de savoir mieux que le ministre ou un spécialiste ce qu’il faut faire. Il y a autant de président et de premier ministre que de citoyens . Pourquoi donc ne ferai-je pas pareil, je ne suis pas plus idiot qu’un autre… quoique ! Après les divines élections législatives de juin qui ont donné une majorité absolue de députés  au président de la république - on a dégagé à tout va - on a pu assister à une joyeuse pagaille due à l’inexpérience des uns et à l’incompétence des autres .Parfois les deux se confondent. On avait dit qu’être député ce n’est pas un métier , surtout  le mardi et le mercredi face à la télévision et  aux médias  salle des quatre colonnes à l’assemblée nationale .Ce serait une occupation à temps partiel  un travail d’appoint ? et les députés seraient donc des intermittents de la politique ? On en déduit que n’importe qui peut  être  député (j’ai  raté le coche) et que la loi se fabrique  en trois coups de cuillère à pot, après des discussions rapides, et un vote en masse de confiance de la majorité. Ce n’est  cependant  pas si simple que cela et il a fallu recommander à nos nouveaux députés de suivre des cours accélérés de formation , et  d’aller sur le terrain pour connaitre les électeurs qui les ont élus, car ils n’avaient pas eu le temps de faire connaissance l’étiquette étant plus importante que les qualités du candidat ! La morale a joué et quelques personnalités nommées au gouvernement ont dû démissionner en hâte-ce qui veut dire que la vieille politique a encore frappé. Mais tout est rentré dans l’ordre a priori : le président a un chien nommé Nemo comme le capitaine du sous marin nautilus  inventé par jules Vernes qui a vécu à Amiens comme M. Macron (on espère que le navire ne coulera pas et pourra remonter à la surface) ; le président s’est fait bronzer brièvement à Marseille où le bling bling est absent mais pas le bang-bang des trafiquants ; les députés ont reçu les leçons du premier ministre et les instructions du chef de l’Etat ; les affaires en cours se poursuivent et  les instructions judiciaires contre certains vont reprendre . La justice va  convoquer des députés nouveaux  qui ont mordu untel  dans un taxi,  ou joué du casque contre un ancien du même parti,  ou vendu à une agence de voyage un droit de visite à l’assemblée. Tout ceci est vrai.  Mais ce sont des pécadilles  et avec le temps  ces députés  feront beaucoup mieux car l’homme a des défauts, si  ,si, et il lui arrive de confondre droit et morale voire sa poche et celle du contribuable ; et enfin a eu lieu  la première manifestation contre les ordonnances modifiant le code du travail . Tout est donc sur rails et le nouveau monde peut commencer à se construire. Un métier cela s’apprend et ils ne pourront pas faire plus mal que leurs collègues précédents , ceux de l’ancien régime qui sont retournés à leurs études ou dans la fonction publique pour ceux qui en venaient ce qui reste un parachute doré et un avantage honteux, à la retraite pour beaucoup, après avoir échoué globalement , s’être disputés de façon honteuse et avoir rabaissé le niveau des débats et des décisions à prendre. Droite  éclatée en chapelles, sans compter ceux qui ont un flirt avec le pouvoir actuel pour être constructifs plutôt que destructeurs, et gauche ayant déposé le bilan, avec un front national qui cherche encore pourquoi la ligne suivie était mauvaise, tous unis et au coude à coude dans une opposition qui n’a pas d’idées nouvelles et qui cherche où est la sortie pour gagner plus tard, les anciennes  valeurs étant désormais démonétisées car on n’a pas su les expliquer, montrer ce qu’elles apportent de positif, en quoi elles soudent le peuple et ne le divisent pas. Dans  une société numérique où tout se sait, où la transparence devient dangereuse à force de vouloir être vertueuse et où l’intelligence artificielle remplace  l’individu, inventer de nouvelles règles, des nouveaux principes privilégiant la personne  et la protégeant contre toute forme d’intrusion est une urgence nécessaire. Va-t-on engager l’avenir sur des valeurs molles-comme les montres de Salvador Dali qui donnaient bizarrement l’heure- qui sont remplacées par de la technique  et de la technologie de pointe et des normes, des algorithmes dont on nous bassine et qui dessineraient le futur sans que l’homme ne donne son avis de mortel  avec sa conscience, sa sensibilité, ses qualités humaines imprévisibles qu’un robot le plus sophistiqué soit- il ne peut égaler  ,et que l’on ne  puisse dévier la voie tracée par des calculs froids et des machines ? On ne veut pas de cet avatar .Le poète louis Aragon avait écrit que la femme est l’avenir de l’homme. Pas la robotique .
M. Macron a réveillé le vocabulaire et  la sémantique, ce qui n’est pas la première fois quand il veut dire ce qu’il n’a pas dit, et viser ceux qui se sentent fléchés alors que ce n’est pas le cas. Il a, parait il, une pensée complexe, et  son verbe est à géométrie variable, ce qui change de la langue de bois. Le jeunisme n’est pas une politique, l’ancienneté et la rente non plus. Il faut initier du neuf ,du jamais vu, de l’inédit. Il prétend que les français n’aiment pas les réformes. Il a tort. Personnellement ce qui est à moi je le garde : mais ce qui t’appartient-on peut en discuter et le réduire ou le rénover. J’aime la réforme si elle ne me retire rien et si elle concerne l’intérêt général. Je ne suis ni de droite ni de gauche ni patron ou salarié pour les réformes. J’approuve à l’aune de mon intérêt , ce qui est le vrai problème : comment faire pour  que chaque innovation soit acceptée parce qu’elle est nécessaire pour tous et les générations futures ? Dans l’histoire de notre pays –surtout la malheureuse- des générations se sont sacrifiées pour que nous connaissions la paix, la liberté, la prospérité. Avons-nous en notre magasin moderne de grande distribution cet article à disposition ou a-t-il disparu au rayon des périmés ? Nous avons un effort collectif à fournir. M. Macron n’a que faire de la nouvelle société de M. Chaban-Delmas (c’est qui cet inconnu ?) qui ressemble à son projet ou de la société de confiance (qu’il réclame) de M. Peyrefitte (ministre du général de Gaulle ce qui ne nous rajeunit pas). Il est dans une société 2.0 qui parle notamment de l’homme augmenté dans ses capacités physiques, intellectuelles, psychologiques ; du travail redéfini dans son lien de subordination (avec plus d’indépendants et les contrats de mission) et à partir de son domicile (le télé travail) ; avec  des corps intermédiaires réduits à la portion congrue. On veut du dialogue direct, des responsabilités immédiates  , des contrôles permanents avec effet révocatoire.  M. Macron veut transformer  ce qui donne une dimension plus globale et une ambition  pour que la France redevienne une grande puissance (  le «  petit jeu »avec des missiles  à tête nucléaire du dirigeant  de  la Corée du nord obligeant à se prémunir militairement ce qui impose une économie solide) et ne plus simplement changer dans tel ou tel domaine ce  qui réduit à des sujets précis mais limités dans leurs effets globaux. Il a certainement raison. La transformation me rappelle un match de rugby : l’entraineur définit une stratégie, et l’équipe après bien des efforts en envoyant les gros costauds en première ligne,  après avoir sué et pris des coups, franchit la ligne adverse, avec le ballon ovale. Des points sont marqués. Mais pour parachever l’œuvre il faut que l’artiste, le talentueux,  le buteur, transforme l’essai  et c’est le triomphe. Que M. Macron transforme la France, il le faut.
Il a ensuite parlé «  des fainéants, des cyniques et des extrêmes »  pour les critiquer, et leur dire qu’il ne reculera pas pour mener à bien ce qu’il estime être utile au pays. Ce fut un tollé de ceux qui entrent dans l’une des catégories.  Il a un peu rétropédalé pour dire qu’il ne visait pas ceux qui s’étaient sentis concernés, qu’il s’adressait à tous ceux qui avant lui n’avaient rien fait ou avaient bloqué les initiatives…Il est exact qu’une petite partie de la population vit du système, profite d’avantages vus comme des privilèges et  veut que rien ne change. Ou qu’au contraire ce soit la chienlit  pour tout casser ce qui serait la quintessence de la réforme extrême pour que l’on fasse table rase et que l’on construise un système qui avantagera d’autres et sera aussi inégalitaire à la fin. Ce qui n’est pas équilibré ne peut fonctionner dans une démocratie où chacun est l’égal de l’autre mais où le mérite doit être récompensé. D’aucuns  sont donc toujours contre tout et son contraire. Chacun sait que le président a raison et peut citer un cas proche d’abus, qu’il connait de près sauf pour soi cela est évident et humain. Le coupable c’est toujours l’autre.
M.Macron a aussi des paroles qui auront des conséquences directes. Il a osé nommer l’ennemi de l’intérieur et de l’extérieur à abattre comme l’islamisme radical. C’est clair. Il ne s’agit pas de stigmatiser des citoyens musulmans qui vivent leur islam en paix dans le respect de notre légalité et de la laïcité. Les mesures législatives qui ont été votées et celles qui viennent ont pour vocation de nous protéger contre le terrorisme, et sont compatibles avec les libertés individuelles et publiques. Personne n’est dupe : on n’éradique pas le terrorisme seul dans son coin, en mettant des fils de fer barbelés aux frontières et en surveillant tous les citoyens, dans un quasi état d’urgence permanent même intégré dans le droit commun. Il ne s’agit pas de créer big brother et un Etat policier. Mais ne rien faire est coupable et personne n’aurait d’indulgence pour un Etat qui s’en remet à la «  providence », si j’ose m’exprimer ainsi, ou qui abandonnerait des quartiers pour ne pas faire de provocation, ou qui demanderait à sa justice d’être empathique - d’admettre toute sorte de raisons, sociale, culturelle ou autres (réelles et que l’on peut comprendre sans qu’elles soient des faits justificatifs), car les victimes elles  de toutes les violences n’ont eu aucune chance de se défendre ou de discuter avec leurs assassins ou agresseurs -   pour ne pas appliquer la loi, sévèrement s’il le faut. Tout est dans la position du curseur. Il y a suffisamment de consciences éclairées en France, de juristes, de philosophes, de sages tout simplement pour placer le signe au bon endroit.
Pour terminer je reste sans voix, car l’ouragan IRMA a frappé les Antilles et les Caraïbes. Il n’y a qu’un mot possible : solidarité, sans polémique mais avec enquête parlementaire pour vérifier le rôle de l’Etat chez nos compatriotes d’outre mer, et pour permettre une reconstruction en dur, avec des autorités permanentes, c'est-à-dire la présence de l’Etat, en en profitant pour mettre tout à plat y compris de ce qui était autrefois des avantages pour certains et qui doivent passer à la toise métropolitaine , en conservant ce qui est nécessaire et justifié. Il n’y a pas eu de rentrée pour ceux là et c’est injuste. Modérons donc nos mécontentements car rien n’est jamais parfait nous qui avons un toit, de quoi vivre même si c’est insuffisant ,et que ne s’y ajoutent pas le malheur et la désolation. Le président s’est préoccupé à juste raison dans le cadre de la lutte contre le terrorisme de l’Afrique - qu’il faut aider dans tous les domaines même si nos budgets sont serrés - en recevant notamment les présidents du Niger et du Tchad. L’ancien ministre M.J.L. Borloo voulait que l’Afrique soit électrifiée partout. Il a raison. Il faut y ajouter de l’eau pour tous  et de vrais abris. IRMA  nous y oblige. Que la rentrée soit un espoir pour le plus grand nombre. 

lundi 11 septembre 2017

VIE PRIVÉE ET SURF AU TRAVAIL : DROITS ET LIBERTÉS


Vie privée et surf au travail : droits et libertés.
Par Christian Fremaux avocat honoraire et élu local.
L’Europe sert à quelque chose au moins en fixant des règles de droit qui concernent tous les Etats de l’Union européenne. Une partie de la presse s’est enthousiasmée pour un arrêt  de la grande chambre de la cour européenne des droits de l’homme qui siège à Strasbourg et dépend du conseil de l’Europe et non de l’U.E.,  en date du 5 septembre 2017 - M. BARBULESCU c / la ROUMANIE requête n°61496/08- qui s’est prononcée sur les conditions du travail dans l’entreprise et le droit  ou non de l’employeur de surveiller l’utilisation d’internet pendant le temps de travail d’ un salarié  surfant dans  son propre intérêt , et la compatibilité du contrôle du patron avec la vie privée de son salarié. Il faut cependant nuancer l’enthousiasme car l’arrêt est équilibré dans ses motivations  et n’autorise pas n’importe quoi au salarié au nom des libertés et de sa vie privée, et n’interdit pas à l’employeur d’édicter des règles restrictives et de sanctionner tout abus, ne serait ce qu’en matière de sécurité  ou d’organisation de l’entreprise ou pour parer à des virus, des chevaux de Troie, un risque dangereux… et parce que si toute peine mérite salaire, un emploi  est fait pour … travailler !
Le cas d’espèce est classique et concerne beaucoup de travailleurs y compris en France,  et permet au passage de revisiter la procédure pour saisir la cour européenne,  et les délais pour aboutir à une décision.
Un ingénieur roumain M.Barbulescu a été licencié par son entreprise  pour avoir utiliser  la messagerie professionnelle  à des fins privées, malgré l’interdiction du règlement intérieur qui prévoyait : « il est strictement interdit…d’utiliser les ordinateurs, les photocopieurs, les téléscripteurs ou les télécopieurs à des fins personnelles ». Ce document était connu de M.Barbulescu qui l’avait signé.  Le règlement intérieur ne comportait  cependant aucune mention expresse  relative à la possibilité pour l’employeur de surveiller les communications de ses employés .L’employeur avait demandé à son salarié de créer un compte yahoo messenger pour répondre aux demandes des clients, sans savoir que le salarié avait déjà créé un compte yahoo personnel, sans le signaler à son  patron.
La procédure interne commença. Par un jugement du 7 décembre 2007  le tribunal départemental de Roumanie (ce qui doit être notre conseil de prud’homme)  approuva la liberté du licenciement et son bien fondé en validant  la surveillance du compte yahoo messenger qui aurait révélé que le salarié   s’en servait à des fins personnelles pour échanger avec son frère et sa fiancée. En s’appuyant sur un arrêt Copland c/  Royaume uni (n°62717/00) M.Barbulescu estimait que les communications par téléphone ou courrier électronique qu’un employé passe depuis son poste de travail  sont couvertes par les notions de correspondance et vie privée et ne peuvent pas être surveillées ou opposées à l’utilisateur .Le tribunal de première instance lui donna tort avec la motivation principale suivante : « le droit pour l’employeur de surveiller les employés  sur le lieu de travail en ce qui concerne l’utilisation des ordinateurs de l’entreprise, relève du droit le plus large de vérifier la manière dont les salariés s’acquittent de leurs tâches professionnelles , qui est régi  par les dispositions de l’article 40 d/ du code du travail » sachant que les salariés avaient été avertis que leurs libertés  étaient  surveillées. Ainsi « l’employeur , en vertu de son droit de contrôler les activités de ses employés a pour prérogative de contrôler l’usage personnel qui est fait d’internet ». La cour d’appel de Bucarest confirma cette décision par arrêt du 17 juin 2008 en ces termes : « l’employeur qui a fait un investissement est en droit de surveiller l’utilisation d’internet sur les lieux de travail et l’employé qui transgresse les règles de l’employeur relatives à internet à des fins personnelles commet une faute disciplinaire » qui justifie donc le licenciement.
M.Barbulescu  a donc épuisé  tous les recours internes. C’est en effet la règle fondamentale  de base pour saisir la cour et à défaut la requête est déclarée irrecevable. De même il faut avoir saisi en France le conseil d’Etat ou la cour de cassation en dernière instance, puis dans les 6 mois de la dernière décision  saisir par écrit obligatoirement  Strasbourg qui n’est pas une instance supérieure ou internationale qui rejuge le procès. Les parties changent : en face du demandeur  , l’ adversaire devient la France et la juridiction européenne se prononce uniquement sur les dispositions de la Convention des droits de l’homme, ne peut que rejeter la demande, ou en cas d’acceptation condamner l’Etat  à revoir sa législation et à de faibles dommages intérêts pour préjudice moral  en général . Sur le plan pénal s’il y a condamnation de l’Etat le procès pénal  donne lieu à des dommages intérêts qui peuvent être conséquents  et/ ou peut être ré-ouvert dans des cas particuliers. Le jugement de condamnation se fonde par exemple sur le non  respect des libertés fondamentales ( pensée, conscience, religion , circuler, abus de pouvoirs d’autorités, traitements inhumains…)  énumérées dans la convention ,  pour le droit à un procès équitable le plus souvent.
M.Barbulescu a saisi la CEDH sur le fondement de l’article 8 de la convention qui proclame le droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale, et de sa correspondance, mais organise un régime de restrictions si celles-ci sont prévues par la loi et nécessaires dans une société démocratique. Qu’en est-il dans l’entreprise ?
 La 4ème chambre de première instance a considéré qu’il n’y avait pas violation de l’article 8. .M.Barbulescu a alors demandé le renvoi devant la Grande chambre en vertu de l’article 43 de la convention et 73 du règlement.  Dans son arrêt du 5 septembre 2017, celui qui a ravi certains et un peu assombri les autres, la grande chambre a rappelé le droit interne roumain, le droit international (normes des nations unies pour la réglementation des fichiers personnels-résolution 45/95 A.G. des N.U.)  , puis les normes du conseil de l’Europe (1981-STE n°108) ; et la charte des droits fondamentaux de l’U.E. ( 2007 C.364/01). La grande chambre a jugé : « il n’apparait pas que le requérant ait été informé de l’étendue et de la nature de la surveillance opérée par son employeur ni de la possibilité que celui-ci ait accès à la teneur même de ses communications »  . Il y avait  donc un problème de preuve matérielle  à la charge de l’employeur et le doute profite au salarié (comme en droit français la plupart du temps d’ailleurs en droit du travail). La cour précise : «  il n’est pas certain que les règles restrictives de l’employeur aient laissé au requérant une «  attente raisonnable »  en matière de vie privée. Les instructions d’un employeur ne peuvent réduire à néant l’exercice de la vie privée sociale sur le lieu du travail. ».. Elle en conclut que les communications de M.Barbulescu sur son lieu de travail étaient couvertes par les notions de vie privée et correspondance, et qu’ainsi la Roumanie avait violé l’article 8 « en ne protégeant pas-par sa législation interne- le droit de son ressortissant au respect de sa vie privée et de sa correspondance  en ne  ménageant pas un juste équilibre entre les intérêts en jeu » .M.Barbulescu a obtenu 1365 euros de dommages intérêts mais… reste licencié a priori.  La cour semble ainsi  considérer qu’une liberté fondamentale prime sur les intérêts concrets de l’entreprise sauf mise en danger de celle-ci ce qui n’a pas été évoqué ; que l’individu a droit à «  un moment opportun » à une pause, brève, raisonnable dit la cour donc sans abus ce qui serait une faute ,pour gérer ses problèmes personnels ou pour s’évader  momentanément du contexte professionnel . Mais que l’employeur en s’y prenant  loyalement et avec précisions  , dans la transparence et l’information  prouvée des salariés ,peut limiter ces libertés fondamentales sans cependant les réduire à zéro au nom de la productivité ou des salaires qu’il paie .Le salarié a le droit de respirer. Mais il doit aussi prévenir et afficher sa messagerie personnelle pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïtés   et que l’employeur ne soit pas « piégé » quand il contrôle.  
Pour les délais de procédure  constatons que M.Barbulescu a commencé son contentieux  en 2007 et qu’il  s’est terminé à Strasbourg en 2017. Il est utile de persévérer !
 Il n’y a cependant  pas de quoi crier victoire sur les toits  et penser  que le salarié a tous les droits notamment celui  de  surfer à tout va pour son compte personnel pendant les heures de travail, car la lecture attentive de l’arrêt permet de vérifier que les patrons n’ont pas été oubliés, ce qui n’est que justice.
D’abord parce que des juges concernant ce cas d’espèce ont eu une opinion dissidente qui est inscrite dans l’arrêt et ont  estimé qu’il n’y avait pas violation de l’article 8. La victoire n’est pas écrasante. Les opinions dissidentes exprimées officiellement sont  une caractéristique de la justice européenne. En France ce n’est pas le cas. On ne sait pas quels sont les juges d’accord et ceux qui ne le sont pas quand un arrêt est prononcé. Les juges européens  dissidents (7 sur 16 en l’espèce ce qui témoigne de la  discussion serrée  ) ont considéré qu’il n’y avait pas défaut du droit du requérant à sa vie privée et à sa correspondance .Mais la majorité l’a emporté et l’arrêt fera jurisprudence, sauf revirement ultérieur.
Ensuite parce que la cour  exige des rapports d’égalité et de respect mutuel,  tout en acceptant  des gardes-fous dans l’intérêt de l’entreprise et en posant des limites en rappelant que l’employeur a aussi des droits s’il respecte les textes , écrit ses règles peut être après concertation avec ses salariés, et qu’il ne doit pas y  avoir de surveillance sauvage ou d’intrusion illimitée dans les activités des salariés. Une charte informatique doit être créée si nécessaire pour éviter tout malentendu et donc contentieux.

Qu’en est-il en France ? La commission nationale informatique et  libertés (C.N.I.L.) considère que l’utilisation privée d’internet sur les lieux du travail doit se faire de façon raisonnable, et donc que tout abus peut être sanctionné, sous réserve de l’appréciation du juge, heureusement. Les références essentielles sont les suivantes : l’article 9 du code civil ; les articles L.1221-1 (exécution du contrat de travail et droits et libertés dans l’entreprise) et L.1222-3 et 4 ( information des salariés sur les moyens de contrôle comme un système de vidéosurveillance) du code du travail ; outre les articles 226-1 et suivants du code pénal  (protection de la vie privée) et 226-16 et suivants du code pénal (atteinte aux droits des personnes résultant des traitements informatiques, avec un recours possible au procureur de la république et à la CNIL). En cas d’abus manifeste la jurisprudence valide le licenciement. L’employeur peut interdire totalement l’accès à internet s’il justifie d’un but légitime de protection. Les connexions sont présumées avoir un but professionnel [Cass.soc. 9 juillet 2008 n°6.15800]. Le surf doit se faire plutôt pendant les pauses officielles et ne pas avoir un contenu  contraire à l’ordre public et  aux bonnes mœurs [rapports CNIL mars 2001 et avril 2002].  Après un arrêt du 26 janvier 2016 n°14.1536, la cour de cassation a rappelé ces règles de bonne conduite  réciproques et les conditions des vérifications dans un arrêt du 7 avril 2016 n° de pourvoi  14 .27949 non publié au bulletin :
« qu’en se déterminant ainsi sans rechercher comme elle y était  invitée si le message électronique n’était pas issu d’une boîte à lettre électronique personnelle distincte de la messagerie professionnelle  dont le salarié disposait pour les besoins de son activité et s’il n’était pas dès lors couvert par le secret de la correspondance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».