C’est la rentrée.
Par Christian Fremaux avocat
honoraire et élu local.
Si on peut dire, la parole est au verbe. Chacun
commente, disserte, suppute avec d’autant plus de certitudes qu’il n’a pas de responsabilités et n’a à rendre
de compte à personne. On peut donc se
tromper en toute impunité et c’est un sport national que de critiquer même si
c’est un droit en démocratie que d’exprimer son opinion et de savoir mieux que
le ministre ou un spécialiste ce qu’il faut faire. Il y a autant de président
et de premier ministre que de citoyens . Pourquoi donc ne ferai-je pas
pareil, je ne suis pas plus idiot qu’un autre… quoique ! Après les divines
élections législatives de juin qui ont donné une majorité absolue de
députés au président de la république -
on a dégagé à tout va - on a pu assister à une joyeuse pagaille due à l’inexpérience
des uns et à l’incompétence des autres .Parfois les deux se confondent. On
avait dit qu’être député ce n’est pas un métier , surtout le mardi et le mercredi face à la télévision
et aux médias salle des quatre colonnes à l’assemblée
nationale .Ce serait une occupation à temps partiel un travail d’appoint ? et les députés
seraient donc des intermittents de la politique ? On en déduit que
n’importe qui peut être député (j’ai raté le coche) et que la loi se fabrique en trois coups de cuillère à pot, après des
discussions rapides, et un vote en masse de confiance de la majorité. Ce n’est cependant pas si simple que cela et il a fallu
recommander à nos nouveaux députés de suivre des cours accélérés de formation ,
et d’aller sur le terrain pour connaitre
les électeurs qui les ont élus, car ils n’avaient pas eu le temps de faire
connaissance l’étiquette étant plus importante que les qualités du
candidat ! La morale a joué et quelques personnalités nommées au
gouvernement ont dû démissionner en hâte-ce qui veut dire que la vieille
politique a encore frappé. Mais tout est rentré dans l’ordre a priori : le
président a un chien nommé Nemo comme le capitaine du sous marin nautilus inventé par jules Vernes qui a vécu à Amiens
comme M. Macron (on espère que le navire ne coulera pas et pourra remonter à la
surface) ; le président s’est fait bronzer brièvement à Marseille où le
bling bling est absent mais pas le bang-bang des trafiquants ; les députés
ont reçu les leçons du premier ministre et les instructions du chef de
l’Etat ; les affaires en cours se poursuivent et les instructions judiciaires contre certains
vont reprendre . La justice va convoquer
des députés nouveaux qui ont mordu untel dans un taxi,
ou joué du casque contre un ancien du même parti, ou vendu à une agence de voyage un droit de
visite à l’assemblée. Tout ceci est vrai.
Mais ce sont des pécadilles et
avec le temps ces députés feront beaucoup mieux car l’homme a des
défauts, si ,si, et il lui arrive de
confondre droit et morale voire sa poche et celle du contribuable ; et enfin a
eu lieu la première manifestation contre
les ordonnances modifiant le code du travail . Tout est donc sur rails et le
nouveau monde peut commencer à se construire. Un métier cela s’apprend et ils
ne pourront pas faire plus mal que leurs collègues précédents , ceux de
l’ancien régime qui sont retournés à leurs études ou dans la fonction publique
pour ceux qui en venaient ce qui reste un parachute doré et un avantage honteux,
à la retraite pour beaucoup, après avoir échoué globalement , s’être disputés
de façon honteuse et avoir rabaissé le niveau des débats et des décisions à
prendre. Droite éclatée en chapelles,
sans compter ceux qui ont un flirt avec le pouvoir actuel pour être
constructifs plutôt que destructeurs, et gauche ayant déposé le bilan, avec un
front national qui cherche encore pourquoi la ligne suivie était mauvaise, tous
unis et au coude à coude dans une opposition qui n’a pas d’idées nouvelles et
qui cherche où est la sortie pour gagner plus tard, les anciennes valeurs étant désormais démonétisées car on
n’a pas su les expliquer, montrer ce qu’elles apportent de positif, en quoi
elles soudent le peuple et ne le divisent pas. Dans une société numérique où tout se sait, où la
transparence devient dangereuse à force de vouloir être vertueuse et où l’intelligence
artificielle remplace l’individu,
inventer de nouvelles règles, des nouveaux principes privilégiant la
personne et la protégeant contre toute
forme d’intrusion est une urgence nécessaire. Va-t-on engager l’avenir sur des
valeurs molles-comme les montres de Salvador Dali qui donnaient bizarrement
l’heure- qui sont remplacées par de la technique et de la technologie de pointe et des normes,
des algorithmes dont on nous bassine et qui dessineraient le futur sans que
l’homme ne donne son avis de mortel avec
sa conscience, sa sensibilité, ses qualités humaines imprévisibles qu’un robot
le plus sophistiqué soit- il ne peut égaler
,et que l’on ne puisse dévier la
voie tracée par des calculs froids et des machines ? On ne veut pas de cet
avatar .Le poète louis Aragon avait écrit que la femme est l’avenir de l’homme.
Pas la robotique .
M. Macron a
réveillé le vocabulaire et la
sémantique, ce qui n’est pas la première fois quand il veut dire ce qu’il n’a
pas dit, et viser ceux qui se sentent fléchés alors que ce n’est pas le cas. Il
a, parait il, une pensée complexe, et son verbe est à géométrie variable, ce qui
change de la langue de bois. Le jeunisme n’est pas une politique, l’ancienneté
et la rente non plus. Il faut initier du neuf ,du jamais vu, de l’inédit. Il
prétend que les français n’aiment pas les réformes. Il a tort. Personnellement
ce qui est à moi je le garde : mais ce qui t’appartient-on peut en
discuter et le réduire ou le rénover. J’aime la réforme si elle ne me retire
rien et si elle concerne l’intérêt général. Je ne suis ni de droite ni de
gauche ni patron ou salarié pour les réformes. J’approuve à l’aune de mon
intérêt , ce qui est le vrai problème : comment faire pour que chaque innovation soit acceptée parce
qu’elle est nécessaire pour tous et les générations futures ? Dans l’histoire
de notre pays –surtout la malheureuse- des générations se sont sacrifiées pour
que nous connaissions la paix, la liberté, la prospérité. Avons-nous en notre
magasin moderne de grande distribution cet article à disposition ou a-t-il
disparu au rayon des périmés ? Nous avons un effort collectif à fournir. M.
Macron n’a que faire de la nouvelle société de M. Chaban-Delmas (c’est qui cet
inconnu ?) qui ressemble à son projet ou de la société de confiance (qu’il
réclame) de M. Peyrefitte (ministre du général de Gaulle ce qui ne nous
rajeunit pas). Il est dans une société 2.0 qui parle notamment de l’homme
augmenté dans ses capacités physiques, intellectuelles, psychologiques ;
du travail redéfini dans son lien de subordination (avec plus d’indépendants et
les contrats de mission) et à partir de son domicile (le télé travail) ; avec
des corps intermédiaires réduits à la
portion congrue. On veut du dialogue direct, des responsabilités immédiates , des contrôles permanents avec effet
révocatoire. M. Macron veut transformer ce qui donne une dimension plus globale et une
ambition pour que la France redevienne
une grande puissance ( le «
petit jeu »avec des missiles à tête
nucléaire du dirigeant de la Corée du nord obligeant à se prémunir
militairement ce qui impose une économie solide) et ne plus simplement changer
dans tel ou tel domaine ce qui réduit à
des sujets précis mais limités dans leurs effets globaux. Il a certainement
raison. La transformation me rappelle un match de rugby : l’entraineur définit
une stratégie, et l’équipe après bien des efforts en envoyant les gros costauds
en première ligne, après avoir sué et
pris des coups, franchit la ligne adverse, avec le ballon ovale. Des points
sont marqués. Mais pour parachever l’œuvre il faut que l’artiste, le
talentueux, le buteur, transforme
l’essai et c’est le triomphe. Que M. Macron
transforme la France, il le faut.
Il a ensuite
parlé « des fainéants, des cyniques et des extrêmes »
pour les critiquer, et leur dire qu’il ne reculera pas pour mener à bien ce
qu’il estime être utile au pays. Ce fut un tollé de ceux qui entrent dans l’une
des catégories. Il a un peu rétropédalé
pour dire qu’il ne visait pas ceux qui s’étaient sentis concernés, qu’il
s’adressait à tous ceux qui avant lui n’avaient rien fait ou avaient bloqué les
initiatives…Il est exact qu’une petite partie de la population vit du système,
profite d’avantages vus comme des privilèges et veut que rien ne change. Ou qu’au contraire ce
soit la chienlit pour tout casser ce qui
serait la quintessence de la réforme extrême pour que l’on fasse table rase et
que l’on construise un système qui avantagera d’autres et sera aussi
inégalitaire à la fin. Ce qui n’est pas équilibré ne peut fonctionner dans une
démocratie où chacun est l’égal de l’autre mais où le mérite doit être
récompensé. D’aucuns sont donc toujours
contre tout et son contraire. Chacun sait que le président a raison et peut
citer un cas proche d’abus, qu’il connait de près sauf pour soi cela est
évident et humain. Le coupable c’est toujours l’autre.
M.Macron a
aussi des paroles qui auront des conséquences directes. Il a osé nommer
l’ennemi de l’intérieur et de l’extérieur à abattre comme l’islamisme radical.
C’est clair. Il ne s’agit pas de stigmatiser des citoyens musulmans qui vivent
leur islam en paix dans le respect de notre légalité et de la laïcité. Les
mesures législatives qui ont été votées et celles qui viennent ont pour
vocation de nous protéger contre le terrorisme, et sont compatibles avec les
libertés individuelles et publiques. Personne n’est dupe : on n’éradique
pas le terrorisme seul dans son coin, en mettant des fils de fer barbelés aux
frontières et en surveillant tous les citoyens, dans un quasi état d’urgence
permanent même intégré dans le droit commun. Il ne s’agit pas de créer big brother
et un Etat policier. Mais ne rien faire est coupable et personne n’aurait
d’indulgence pour un Etat qui s’en remet à la « providence »,
si j’ose m’exprimer ainsi, ou qui abandonnerait des quartiers pour ne pas faire
de provocation, ou qui demanderait à sa justice d’être empathique - d’admettre
toute sorte de raisons, sociale, culturelle ou autres (réelles et que l’on peut
comprendre sans qu’elles soient des faits justificatifs), car les victimes
elles de toutes les violences n’ont eu
aucune chance de se défendre ou de discuter avec leurs assassins ou agresseurs
- pour ne pas appliquer la loi,
sévèrement s’il le faut. Tout est dans la position du curseur. Il y a
suffisamment de consciences éclairées en France, de juristes, de philosophes,
de sages tout simplement pour placer le signe au bon endroit.
Pour
terminer je reste sans voix, car l’ouragan IRMA a frappé les Antilles et les Caraïbes.
Il n’y a qu’un mot possible : solidarité, sans polémique mais avec enquête
parlementaire pour vérifier le rôle de l’Etat chez nos compatriotes d’outre
mer, et pour permettre une reconstruction en dur, avec des autorités
permanentes, c'est-à-dire la présence de l’Etat, en en profitant pour mettre
tout à plat y compris de ce qui était autrefois des avantages pour certains et
qui doivent passer à la toise métropolitaine , en conservant ce qui est
nécessaire et justifié. Il n’y a pas eu de rentrée pour ceux là et c’est
injuste. Modérons donc nos mécontentements car rien n’est jamais parfait nous
qui avons un toit, de quoi vivre même si c’est insuffisant ,et que ne s’y
ajoutent pas le malheur et la désolation. Le président s’est préoccupé à juste
raison dans le cadre de la lutte contre le terrorisme de l’Afrique - qu’il faut
aider dans tous les domaines même si nos budgets sont serrés - en recevant
notamment les présidents du Niger et du Tchad. L’ancien ministre M.J.L. Borloo
voulait que l’Afrique soit électrifiée partout. Il a raison. Il faut y ajouter de
l’eau pour tous et de vrais abris. IRMA nous y oblige. Que la rentrée soit un espoir
pour le plus grand nombre.